Ce volume est la suite des Centurions, les protagonistes sont toujours officiers au 10e Régiment des Parachutistes Coloniaux. Après la tragédie indochinoise, voici celle de l'Algérie. Cependant, l'Indochine les a soudés dans leur amitié et n'a fait que renforcer leur détermination de mener la guerre pour la victoire. Malheureusement, cet engagement isole ces hommes et leur régiment, l'acmé se produisant lors d'une marche populaire le 13 Mais 1958. Il s'agit d'une fronde de ces officiers, demandant au Général de Gaulle (via le plus haut gradé en Algérie : Salan) de soutenir le projet de l'Algérie française.
Ces officiers s'apparentent aux Prétoriens, gardiens romains de l'Empereur, qui souhaitent ici le retour du Général, et la conservation de la grandeur de la France dans des valeurs historiques qui n'ont, hélas, plus cours.
Le mérite de ce livre est de montrer quel était l'état d'esprit des acteurs de l'époque, ainsi que celui des pieds-noirs, autochtones....à travers des dialogues profonds et qui sonnent juste.
A force de coller à l'histoire, même si les personnages sont fictifs, le livre se perd parfois dans des détails et les nombreuses péripéties perdent parfois le lecteur.
Je ne soute pas que tous ces détails seraient plus appréciés par un contemporain de cette époque.
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-Un instant, dit Urbain Donnadieu.
Il leva le doigt en l'air.
-Écoutez.
Par la fenêtre ouverte sur la nuit, ils entendirent les trois notes du crapaud. Irène et Philippe ne comprirent pas que, pour le vieil homme, ce champ flûté, limité à trois notes, signifiait que toute action, même si elle prolongeait un grand rêve, se limitait à la durée de la vie de celui qui l'accomplissait, que l'histoire, comme le sable, avait bu les rêves et le sang de millions d'hommes sans en être fécondée, et qu'en fin de compte ce petit cri harmonieux avait autant d'importance que les convulsions des peuples, l'écroulement des empires et la fin des civilisations.
Mais ce sont là des réflexions qui ne viennent qu'avec le raidissement des muscles, l'épaississement du sang et la fin des désirs, quand l'homme, se préparant inconsciemment à la mort, s'efforce d'enlever à sa disparition toute son horreur tragique.
-Et vous, capitaine, qu'en pensez-vous?
-Je ne fais qu'un intérim à l'état-major. Dans un mois, je retrouverai ma compagnie méhariste, qui nomadise dans le Hoggar. J'avoue ne rien comprendre à tous ces événements. Dans un mois, mon commandant, sur mon méhari, guidé par les étoiles, je descendrai avec mes Chaomba jusqu'à la boucle du Niger.
-Votre voyage dure longtemps?
-Quatre, cinq mois, peut-être plus.
-Que faites-vous de vos nuits?
-Je rêve et je prie. Un homme qui ne sait pas rêver et qui ne croit pas en Dieu ne peut vivre au Sahara. Je veux parler, bien sûr, du Sahara que je connais et que j'aime. Ce n'est pas le même que celui des pétroliers.
-Est-ce que vous ne confondez pas le rêve et l'espoir? demanda Donnadieu.
-C'est bien possible. Mais pour moi un rêve est plus vaste, plus mystérieux qu'un espoir. On rêve d'immenses victoires et de fraternité, on espère gagner à la loterie nationale.
Jadis les prétoriens de Rome faisaient et défaisaient les empereurs rien qu'en entrechoquant leurs épées, ce qui flanquait au peuple la sainte trouille. Les parachutistes seront peut-être les prétoriens de notre temps.
Puysanges se leva de son fauteuil et, par-dessus le bureau, il prit Arcinade par l'épaule.
-Vous êtes d'une autre époque, cher ami. L'agent secret est maintenant remplacé par le metteur en scène. Il faudra penser à votre reconversion.
Jean Lartéguy, écrivain, soldat, patriote | Cercle Richelieu