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EAN : 9782020679138
320 pages
Seuil (12/01/2005)
4.29/5   285 notes
Résumé :
Fiction & Cie

UNE SAISON DE MACHETTES



En 1994, au Rwanda, 800 000 Tutsis ont été massacrés, en douze semaines, par leurs concitoyens hutus. Soit près de 10.000 personnes par jour, principalement à la machette. Jean Hatzfeld, journaliste à "Libération", avait déjà rendu compte de ce génocide sans précédent en donnant la parole aux rescapés des massacres de la région de Nyamata dans un témoignage bouleversant, "Dans le nu ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
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Il y a des livres comme celui de Jean Hatzfeld qui vous bouleverse bien au-delà de l‘imaginable, cette plongée au coeur du génocide Rwandais, vous secoue les tripes, vous met le coeur à l‘envers. Comment des hommes, des maris, des pères, des frères sont devenus ces monstres de cruautés du jour au lendemain ?Les Hutus vont pendant plusieurs semaines assassinés méthodiquement plus de 800000 tutsies, avec cet insoutenable rythme calqué sur un journée de travail ordinaire. Hatzfeld donne la parole à dix des leurs, le récit prend toute sa force dans ces aveux, l'horreur au quotidien, l'abominable, cette traque implacable, inhumaine, ou chacun fait « le boulot » sans réfléchir.
Hatzfeld entrecoupe les témoignages de ces assassins pour faire un parallèle avec la Shoah. montrant que les mécanismes pour arriver à une telle tragédie sont malheureusement les mêmes. Il suffit de peu pour réveiller les haines viscérales, amenant à des massacres à jamais marqué du sceau de la honte et de l'abject.
A l'image de l'un des bourreau tentant une explication rationnelle, tout impossible qu'elle est :"Tuer, c'est très décourageant si tu dois prendre toi-même la décision de le faire, même un animal. Mais si tu dois obéir à des consignes des autorités, si tu as été convenablement sensibilisé, si tu te sens poussé et tiré; si tu vois que la tuerie sera totale et sans conséquence néfastes dans l'avenir, tu te sens apaisé et rasséréné. Tu y vas sans plus de gène...."
Tout est dit.

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Après avoir recueilli les témoignages des rescapés Tutsis dans son livre "Le nu de la vie" en 2000, le journaliste Jean Hatzfeld se tourne cette fois-ci, trois ans plus tard, vers les bourreaux du génocide rwandais, les tueurs Hutus.

Les protagonistes de ce livre, c'est tout d' abord une bande de copains hutus , tous fils de cultivateurs, vivant sur les trois collines de Kibungo, N'tarama et Kanzenze, là où le journaliste avaient interrogé les rescapés. Ils s'appellent Adalbert, Pancrace, Alphonse, Jean-Baptiste, Elie... Après leurs activités journalières, ils avaient pour habitude de partager ensemble au cabaret une Primus, la bière locale, et d'aller chahuter quelques Tutsis. Tous ont grandi en entendant les discours haineux antitutsis de leurs aînés, et paradoxalement, ils en côtoient chaque jour en bonne entente. Cultivateur, enseignant, ancien militaire ou même apprenti vicaire, tous ont saisi la machette et tué à maintes reprises lorsque le génocide a été lancé le 11 avril 1994. Tous ont accepté de parler de cette époque qu' ils qualifient de "surnaturelle" à Jean Hatzfeld.

La démarche du journaliste dans "Une saison de machettes" est sans aucune mesure possible comparable avec ses premiers entretiens où il avait développé des rapports amicaux, voire d' amitié, avec certains rescapés. Face aux tueurs désormais emprisonnés dans le pénitencier de Rilima, c'est la méfiance qui domine chaque échange, mêlée après une aversion bien naturelle, à une sorte de perplexité face à leur discours.

Les entretiens nous font découvrir ce que fut le quotidien de ces Hutus durant le temps du génocide : leurs expéditions quotidiennes partant chaque matin du rassemblement sur le stade de football, se poursuivant en chantant dans les marais où, en s'enfonçant jusqu'aux genoux, ils soulevaient les branchages d'une main et coupaient de l'autre leurs victimes, parfois des voisins, comme ils avaient toujours taillé les bananiers.
Leur récit, outre les faits de tueries et de viols, révèle les pillages, l' appât du gain et l'appropriation de richesses qui étaient bien plus importants à leurs yeux que le sort de leurs victimes. Jean Hatzfeld, dans un ton toujours posé et clairvoyant, ajoute à ces témoignages ses propres réflexions et explications sur un pays qu'il connaît bien. Ainsi, après un rappel historique sur le Rwanda et sur la particularité de ce génocide dit de proximité - commis entre voisins - il n'hésite pas à faire des parallèles avec le génocide juif, quant à sa mise en oeuvre et à la politique de propagande qui l'a précédé.

Ce livre, extrêmement riche en révélations factuelles, philosophiques et psychologiques sur l'univers génocidaire, est une référence incontournable sur ce sujet. Avec l'auteur, nous approchons au plus près de l'esprit de ces hommes devenus des tueurs, mais des questions demeurent. Comment finalement qualifier ces tueurs ? A l'époque des entretiens, ils sont en prison. Aucun ne manifeste de troubles psychiques, aucun n'est resté traumatisé, aucune ne souffre de blessures. Tous sont en possession de leurs moyens intellectuels et physiques. Alors ? Comment expliquent-ils leurs actes ? La réponse reste insatisfaisante et terrifiante. Loin des bêtes sanguinaires que l'on entrevoit dans les récits des rescapés dans "Le nu de la vie", on découvre ici des hommes ordinaires, mués par l'envie et la convoitise, qui entament leur journée de tuerie comme une journée aux champs. Des hommes qui commentaient le nombre de tués en même temps que des bagatelles de "grains". Des hommes surtout déçus que le grand "projet" ait échoué avant de s'être suffisamment enrichis. Des hommes qui pensent qu'ils n'ont vraiment pas eu de chance, souffrant de maladie et de malnutrition dans les camps congolais...

Prudents dans leurs paroles, évitant toujours d' employer le mot génocide et se cachant derrière le "on" collectif de la bande, ces Hutus aspirent au pardon des Tutsis pour retrouver, une fois libre, une vie tranquille ... mais sans remords véritables vis à vis des tués et de leurs proches.

Jean Hatzfeld les qualifie d'un égocentrisme hallucinant et d'une totale insensibilité vis à vis de leurs victimes. Ce que l'on découvre dans "Une saison de machettes ", ce ne sont pas des monstres, juste des hommes.

Un récit édifiant, glaçant et exceptionnel.
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On se lève le matin, on embrasse sa femme et ses enfants, et on part faire son travail, muni de ses outils de travail, et remplir ses taches quotidiennes. Puis on rentre le soir, on embrasse sa femme et ses enfants, on dîne, on se couche, la vie continue. Et les jours se suivent, tous pareils les uns aux autres. Rien de spécial à signaler, quoi... Une vie banale, somme toute.
Sauf que le travail quotidien et les tâches à accomplir, c'est d'aller massacrer des Tutsis. Et l'outil c'est la machette.
Voilà ce que racontent, sur un ton froid et détaché, comme on raconte une journée de travail la plus ordinaire qui soit, les personnages du livre de Jean Hatzfeld. Au-delà, il n'y a rien. Pas d'humanité, pas de sentiments, pas d'âme. Et en toute logique, pas de regrets.
Il y a quelque chose du livre de Robert Merle "la mort est mon métier" dans cette terrifiante série de témoignages. Ou comment on peut devenir un tueur sans s'en rendre compte, juste parce que c'est normal de faire ce qu'on nous dit de faire.
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Je termine ce livre avec un certain soulagement... Tout le long, j'ai eu le sentiment d'avoir, collée à ma peau, une substance poisseuse dont j'avais envie de me débarrasser. Quelque chose de dérangeant, de salissant...
Cette lecture n'est pas que dure, elle est déstabilisante et heurtante.

Une saison de machettes comprend le témoignage d'une poignée d'hommes (et de quelques femmes aussi) sur le génocide rwandais. Mais la parole est ici donnée aux tueurs... C'est une démarche audacieuse de la part de Jean Hatzfeld, mais aussi fort intéressante pour tenter de comprendre, peut être, ce qui a pu motiver des hommes à en massacrer d'autres à coups de machettes et de gourdins hérissés de clous. Comment ils ont pu "tailler" des "avoisinants", des amis. Comment ils ont pu les "couper" sans même parfois les achever. Comment ils ont pu tuer des femmes, des enfants, des nourrissons. Et bien sûr violer. Comment ils ont pu y éprouver de la "gourmandise". Comment avec ces outils rudimentaires, ils ont pu afficher un tel zèle qu'ils en dépassaient le rendement des tueries au plus fort du génocide juif ?

Beaucoup de questions intéressantes sont posées dans ce livre et l'auteur fait un parallèle avec le génocide juif car de nombreuses similitudes s'en détachent. Il y a là quelque chose à comprendre dans la mécanique à l'oeuvre dans un génocide. Quelques éléments nous sont d'ailleurs donnés. Mais humainement, il reste un mystère, une incompréhension totale pour ma part sur ce qui peut inciter un homme à aller si loin dans l'horreur. Les raisons semblent tellement futiles qu'elles ne peuvent satisfaire. Quant aux remords exprimés par les tueurs et qui pourraient ne serait-ce qu'un peu atténuer le sentiment de dégoût qui nous prend, qui nous saisit à bras le corps, ils sonnent tellement creux, tellement égocentriques, qu'ils ne viennent au contraire que nous enfoncer dans un profond malaise.

Il m'est donc difficile de noter ce livre tant il a été déplaisant à lire, à endurer, même si je salue grandement l'auteur pour sa démarche courageuse et intéressante et que les chapitres en mode "méta", offrant réflexion, question et parfois incompréhension viennent utilement appuyer ces terribles témoignages.

Une saison de machettes fait suite à Dans le nu de la vie qui donne la parole aux rescapés du génocide rwandais. Mais je ne suis pas certaine d'avoir le courage de le lire...
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Ce livre est le deuxième volet de la trilogie consacrée au génocide rwandais. Des trois, c'est celui qui me déstabilise le plus. de quoi s'agit-il ? de donner la parole aux tueurs de tous grades : penseurs, encadreurs, exécutants. Une démarche fondamentale pour comprendre ce drame universel du 20e siècle.

Mais, en refermant cet opus, et , après avoir relu des déclarations de protagonistes ; histoire de m'assurer que l'auteur ne s'était pas trompé de vocabulaire, je dois dire que je n'ai que peu compris. L'essentiel m'échappe encore. Comment peut-on prendre goût à massacrer ses voisins ?

Oui, un goût. Une gourmandise. J'ai bien saisi que la peur, la haine, la jalousie, ou la vengeance pouvaient pousser à tuer. Mais répéter, sans arrêt les mêmes gestes, avec cette exaltation malsaine questionne sur les limites de l'humanité.

Cependant, Jean Hatzfeld nous révèle des étincelles glanées çà et là. Ce sont ces "Justes" Hutus, qui interdisaient aux leurs de dénoncer des Tutsis ; ce sont ces "Dignes" Hutus qui acceptaient les basses besognes des tueries (entretiens des machettes, cuisine) pour qu'on épargne leurs Tutsis. On se remet à y croire donc…

Ce génocide trouvera sa fin grâce à l'intervention de rebelles rwandais basés à l'extérieur. Cyniquement, cela aura évité que ces tueurs se retournent contre eux-mêmes quand il n'y aurait plus eu de Tutsis à exterminer.

La fin des massacres annonce le temps de la justice. On parle de regrets, de remords, de pardons. Pour ça, il faudrait d'abord "que les personnes éprouvées entendent des vérités valables". Ensuite… C'est le but des procès qui s'activent. C'est à un tout autre niveau, le but de cet ouvrage aux qualités innombrables.
Instructif, édifiant, fondamental.
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Citations et extraits (61) Voir plus Ajouter une citation
Faut-il pardonner ? À quoi sert le pardon ? À encourager la révélation de la vérité ? À permettre un deuil plus apaisé aux rescapés ? À favoriser la réconciliation nécessaire aux générations futures ?
Qui peut pardonner ? Peut-on pardonner au nom d'autrui, d'un parent, d'un ami, en particulier si cette personne a disparu ? Peut-on pardonner à celui qui ne demande pas à être pardonné, ou qui ne fait aucune démarche sincère en ce sens ou qui le refuse ? Existe-t-il plusieurs façons de pardonner ? Différents degrés du pardon ? Différentes étapes ? Peut-on demander à un autre, à Dieu ou à quelqu'un de plus humain que soi, de pardonner à sa place, si l'on s'en estime incapable ? Quel est l'engagement de celui qui demande pardon ? De celui qui accorde le pardon ? Voilà autant de questions aussi anciennes que l'humanité. (p.219)
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Les chansons qui appelaient tous les Hutus à se coaliser pour supprimer les Tutsis : on riait de leur drôlerie. Pareil pour 'Les Dix Commandements du Hutu', qui juraient notre fin prochaine. On s'y était tellement habitués qu'on ne prêtait plus l'oreille aux terribles menaces. (p.63, Innocent (Tutsi))
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Dans le pays de la philosophie qu'était l'Allemagne, le génocide avait pour objectif de purifier l'être et la pensée. Dans le pays rural qui était le Rwanda, le génocide avait pour but de purifier la terre, la désinfecter de ses 'cultivateurs cancrelats'. (p.78)
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C'est le caractère absolu de leur projet qui leur permettait de l'accomplir hier, avec une certaine tranquillité ; c'est son caractère absolu qui leur permet aujourd'hui d'éviter d'en prendre conscience, et de s'en trouver d'une certaine façon troublés. (p.268)
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J'ai vu des papas qui enseignaient à leurs garçons comment couper. Ils leur faisaient imiter les gestes de machette. (...) Le plus souvent les garçons s'essayaient sur des enfants, rapport à leurs tailles correspondantes. (p.44-45, Clémentine)
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Videos de Jean Hatzfeld (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Hatzfeld
Jean Hatzfeld vous présente son ouvrage "Tu la retrouveras" aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire 2023
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2880501/jean-hatzfeld-tu-la-retrouveras Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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