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EAN : 9782290262832
192 pages
J'ai lu (13/10/2021)
3.84/5   461 notes
Résumé :
Le 22 février 1942, exilé à Pétropolis, Stefan Zweig met fin à ses jours avec sa femme, Lotte. Le geste désespéré du grand humaniste n'a cessé, depuis, de fasciner et d'émouvoir. Mêlant le réel et la fiction, ce roman restitue les six derniers mois d'une vie, de la nostalgie des fastes de Vienne à l'appel des ténèbres. Après la fuite d'Autriche, après l'Angleterre et les États-Unis, le couple croit fouler au Brésil une terre d'avenir. Mais l'épouvante de la guerre e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (106) Voir plus Ajouter une critique
3,84

sur 461 notes
« Lotte ne veut pas mourir » pourrait être titrer ce roman restituant les derniers mois de Stefan Zweig et de son épouse Charlotte Altmann.

Zweig est un pessimiste né et son penchant suicidaire apparait dès 1925 dans « le Combat avec le démon (sur Kleist, Hölderlin et Nietzsche) ». La montée du nazisme, ses exils vers le Royaume Uni, les USA et le Brésil exacerbent cette tendance et la chute de Singapour et les lettres de menaces reçues l'amènent au geste fatal du 22 février 1942.

Lotte est la joie de vivre. Beaucoup plus jeune que son époux sexagénaire elle s'épanouit au Brésil et rêve d'un avenir débarrassé du nazisme grâce à la victoire des démocraties rendue probable par l'entrée en guerre de l'Amérique.

Laurent Seksik décrit la mécanique du couple qui s'inscrit dans un rapport parent-enfant et non pas dans un rapport adulte-adulte. Lotte est entrée dans la vie de Stefan en étant sa secrétaire et elle n'a jamais réellement remplacée Friderike, première épouse, demeurée en relation épistolaire avec l'écrivain qui ne laisse pas la seconde lire ses oeuvres et la cantonne à des occupations ancillaires.

L'isolement du couple, le contexte militaire et concentrationnaire de 1942, dépriment Zweig et le poussent vers l'inexorable ; son emprise sur Lotte la conduit à s'unir à lui dans le suicide.

Ce roman, fort bien écrit, est à la fois une biographie de Stefan Zweig et l'analyse glaciale de l'emprise d'un homme sur une femme ainsi condamnée à mort. Un ouvrage à méditer !

PS : les intellectuels européens exilés en Amériques :
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Stefan Zweig est un de mes auteurs préférés. Je n'en finis pas de le découvrir, autant dans son oeuvre romanesque que dans ses biographies éclairées.
Bien sûr, Les derniers jours de Stefan Zweig, c'est elle aussi une biographie romancée, écrite du reste avec talent, érudition et sensibilité par Laurent Seksik, auteur que je découvre au passage. Une biographie romancée ne dit pas forcément toute la vérité, elle est par définition subjective, mais elle imagine tous les possibles qui viennent se glisser dans les interstices d'une existence, celle dont nous pensons connaître déjà dans les grands traits...
Ici tous les possibles sont dits dans le vertige des mots.
Que dire dans l'émotion encore palpable des dernières pages...?
Que dire sinon un chagrin immense qui m'a étreint au fil des pages de ce récit magnifique.
Stefan Zweig est déjà en exil, à Londres, lorsqu'il rencontre une certaine Lotte Altmann, qui a vingt-cinq de moins que lui. Elle est emplie d'admiration pour l'auteur. Mais celui-ci est marié. Lotte devient sa maîtresse. Et la fuite continue de se faire dans l'exil, New-York, puis le Brésil... Poser les valises dans la ville de Petrópolis à quelques encablures de Rio de Janeiro.
Nous sommes en 1942, l'exil fuyant la barbarie nazie dure déjà depuis neuf ans et Stefan Zweig s'est entre temps séparé de sa femme Frederike, restée à New-York, pour épouser la jeune et belle Lotte.
C'est Lotte maintenant qui dactylographie sur la vieille Remington chaque page rédigée de manière manuscrite par l'écrivain...
Le cadre est idyllique, la paix est ici présente, il suffirait d'attendre quelques mois encore pour espérer voir s'achever cette guerre devenue mondiale. La progression des Alliés semblent donner quelques notes d'espoir.
J'ai aimé une des premières scènes qui ouvre le livre. le nouveau couple découvre cette maison de Petrópolis qui les accueille provisoirement. C'est une scène banale qu'on a tous peut-être vécu après un déménagement, mais ici elle a une saveur toute particulière, une malle qu'on vide de ses livres, l'odeur des livres qui rappelle là-bas, sa demeure de Salzbourg, sorte de madeleine de Proust en exil et qui donne le vertige à l'auteur, comme une ivresse...
Et puis, il suffirait d'attendre que parvienne de Londres cette autre fameuse malle, qui contient une somme de documentations inédites qui lui permettra d'écrire enfin ce qui pourrait être son chef d'oeuvre, la biographie De Balzac ! Mais l'océan est aussi le théâtre de cette guerre... Et la malle n'est toujours pas parvenue à sa destination...
Avant cet exil, avant de fuir sa chère ville de Salzbourg, Stefan Zweig pensait que les livres allaient former comme un rempart contre la barbarie. Nous y pensons tous ici dans notre communauté de lecteurs. C'est parfois quelque chose qui nous anime avec ardeur.
Mais ses livres ont été brûlés là-bas, à Vienne ou Salzbourg.
Le chemin de l'exil emplit Stefan Zweig d'un terrible désespoir. Et la pauvre Lotte encore amoureuse, éprise de Stefan Zweig, se sent glisser, happée dans ce chemin désespérée, alors qu'elle voudrait exister par son amour, enflammer l'homme qu'elle aime, le retenir à la vie, lui redonner de l'espoir... Elle pense qu'il n'a pas le droit de se laisser abattre.
Dans cette errance, il se sent devenir comme une ombre sans racines.
Il se sent devenu comme un paria, un fuyard, un lâche, le dernier des hommes. Ses forces l'abandonnent. D'ailleurs, de grands écrivains comme Thomas Mann lui reprocheront son acte.
Il se sent devenu une sorte de vagabond hanté par l'absolu.
Sa rencontre avec Georges Bernanos lui aussi en exil est forte lorsque celui-ci lui dit " C'est dans cette clameur qu'il faut se faire entendre. Nous sommes des romanciers, nous avançons dans les ténèbres, guidés par notre seul instinct. C'est dans ces ténèbres qu'il faut éclairer les consciences. Aucun peuple ne peut se sauver lui-même. Cher ami, le monde a besoin d'entendre votre voix."
Mais ces mots ne suffiront pas...
Lors de ce fameux dimanche de 22 février 1942, sans doute plus rien ne les retient, lui et elle, au bord de l'abîme.
Ce que j'ai trouvé particulièrement émouvant, pathétique même, ce n'est pas le suicide de Stefan Zweig, qui relève d'un acte personnel, mais c'est le geste de Lotte, son sacrifice à ses côtés, qui souhaitera le rejoindre dans ce dernier voyage, sans doute afin de pouvoir exister à ses yeux, lui offrant ainsi un ultime geste d'amour, elle qui ne se sentait peut-être pas suffisamment regardé par l'homme qu'elle aimait durant cet exil partagé depuis tant d'années...
Ce livre est d'une inconsolable tristesse, écrit avec pudeur, émotion et justesse. Une clef supplémentaire pour continuer de cheminer dans l'oeuvre incontournable de ce très grand écrivain.
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Seksik raconte Zweig. Rien qu'avec leurs deux noms, 50 points mini au scrabble. Autant dire que c'est du lourd.
Mais loin d'une partie de jeu, Seksik se fait simplement le modeste messager des derniers jours de l'énormissime et talentueux Zweig.

Point d'emphase lyrique ou d'éloge débordant. Mais une écriture à l'image de l'homme : dans la retenue, jamais expansive, emplie autant de sensibilité que de compassion.
Et Zweig apparait dans toute sa détresse des derniers mois. Ou détresse d'une vie plutôt. Quelques flashbacks, et on (re)découvre un homme blessé, sensible, vulnérable. En perpétuelle fuite. Vienne, Londres, New-York, Petropolis. Exilé et libre nulle part. Epuisé, il aspire à une tranquillité dans la tourmente de ce XXème siècle qui le dépasse. Tourmenté de longue date, la traque du juif par les haineux aura raison de son éternelle désespérance.
Et pressé notamment par un Bernanos vif et enclin au combat par l'écriture, Zweig, l'ami de Rilke, Hesse ou encore Roth, étouffe sous son habit d'auteur internationalement reconnu, attendu pour porter la parole de la lutte anti-nazie.
Le doute toujours à l esprit : en refusant l'engagement politique, est-il faible? Ou pire, lâche?

Seksik ne juge pas l'homme mais rend un hommage vibrant et sobre à celui qui fut toute sa vie dévasté par ce monde de haine, d'intolérance. Pour finir emmuré dans un terrible abattement physique et moral. Lotte, sa seconde femme, à l'amour plus solide que sa fragile santé, ne pourra le sauver de l'inéluctable issue malgré un soutien indéfectible. Résignée, passionnée, le suivre dans son tombeau de désarroi sera son ultime geste d'amour.
 
Somptueux récit ou émane une discrète mais néanmoins fervente tendresse pour ce fabuleux apologiste du pacifisme, cet humaniste meurtri. Incontournable pour les amateurs du grand Zweig.
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Que dire si ce n'est que ce roman est magnifique, écrit par un auteur dont j'ai apprécié La légende des fils avec pour sujet Stefan Zweig dont j'ai aimé tout ce que j'ai lu.
Stefan Zweig a fui son Autriche natale ; avec Lotte, sa seconde épouse, après Londres, ils accostent à New York où Stefan Zweig assailli par les demandes de visas, d'argent, ... de juifs connaissant sa renommée, décide de mette le cap sur le Brésil, pays qu'il connaît bien pour y avoir déjà séjourné et écrit un livre le Brésil : Terre d'avenir. Il se souvient des propos que lui avait tenus Rolland dans sa dernière lettre : «Je ne vous vois pas installé au Brésil. Il est trop tard dans votre vie pour y prendre racines profondes. Et sans racines, on devient une ombre.», cela résume bien son état d'esprit. Six mois après son arrivée au Brésil, le dimanche 22 février 1942 après avoir congédié la gouvernante, donné congé au jardinier, écrit des lettres à ses amis, il se suicide avec Lotte éprise jusqu'au sacrifice ultime.
Laurent Seksik précise : Ce roman repose sur des faits réels et des événements historiques recoupés dans des archives de l'époque, témoignages et documents ; il cite la bibliographie sélective des documents concernés par l'écriture de cette fiction.
À lire !

Challenge Petits plaisirs 2017 – 112 pages
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Mon troisième rendez-vous avec Laurent Seksik se passe encore une fois autour d'un grand homme qui a marqué son époque. Avec une sincérité impressionnante, des mots justes, et beaucoup de retenue l'auteur imagine les derniers jours de Stefan Zweig.

Cet archéologue de l'âme humaine, biographe des riches heures de l'humanité avait senti venir l'horreur et la barbarie et l'échec d'une civilisation. Il plaidait le pacifisme et l'unification, il a été poussé à l'exil et à la perte d'êtres chers.

Zweig, en fin de vie, engagé dans d'éprouvants face-à-face avec un monde qui a perdu la raison, se débat avec les fils noirs d'une sombre araignée existentielle. le poids de la honte et de la culpabilité rongent son âme le plongeant dans une inconsolable tristesse et dans un grand effondrement mental.
Trop d'illusions perdues, trop de voix de malheur résonnent à ces oreilles malgré l'exil.

Il a choisi la dernière demeure, là où le rideau tombe. Il a choisi celle qui l'accompagnerait dans ce dernier voyage pour l'éternité. Il a choisi de laisser le vent imprévisible de l'Histoire souffler et rabattre ses cartes. Il a choisi une victoire dérisoire sur la barbarie.

Même si on connaît la fin de l'histoire, la gravité se fait sentir au détour des phrases. Laurent Seksik livre un roman d'où se dégagent une grande humilité et une humanité que j'ai rarement rencontré ailleurs. Un livre rare et précieux, qui nourrit l'esprit et touche droit au coeur.

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critiques presse (8)
ActuaBD
16 mai 2012
Les Derniers Jours de Stefan Zweig remplit sa double mission : convaincre les lecteurs du livre original de se laisser porter par la version illustrée, et donner envie aux autres de se plonger dans l’œuvre magistrale d’une des grandes plumes du XXe siècle.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
LeFigaro
02 mai 2012
La BD est une adaptation fidèle du roman de Seksik paru en janvier 2010, elle souligne les détails, et le décor paraît plus vrai que nature.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
BDGest
25 avril 2012
Grâce à cette alchimie pénétrante, à cet équilibre subtil entre le dessin et le texte, le lecteur est happé par cette histoire qui mélange savamment romance, testament et biographie, tout en rappelant, par petites touches discrètes mais pertinentes, le contexte de l’époque évoquée.
Lire la critique sur le site : BDGest
Sceneario
12 avril 2012
Cet album est un magnifique hommage à Stefan Zweig.
Lire la critique sur le site : Sceneario
BoDoi
05 mars 2012
Ensemble, les deux auteurs trouvent le juste équilibre entre un beau texte, mais point trop abondant, et une narration graphique qui a du sens. Et donnent, au final, une élégante bande dessinée romanesque.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Actualitte
27 février 2012
Magnifique dessin de Guillaume Sorel, que l'on admire plus souvent dans des récits fantastiques et ténébreux, quelque part entre Lovecraft et Jean Ray : son trait détaillé, expressif et torturé à la fois y fait merveille !
Lire la critique sur le site : Actualitte
Auracan
21 février 2012
Cette bande dessinée donne envie de lire le roman de Laurent Seksik, et au-delà de découvrir l’œuvre de Stefan Zweig. N’est-ce pas là l’ambition des auteurs ?
Lire la critique sur le site : Auracan
LeFigaro
20 février 2012
Les mots qui souvent dans les bande dessinées n'ont qu'une importance réduite, ici, acquièrent une véritable puissance. Deux mots: chapeau bas.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (128) Voir plus Ajouter une citation
Maudit soit-il et maudit soit le nom de Zweig, le nom que je porte, maudit soit le jour où je suis entrée dans ce bureau de Londres, le bureau du Grand Ecrivain Autrichien, cet homme, prophète de malheur, incapable d'un mouvement de joie. Je devrais quitter ce lieu, oui, mon salut dans la fuite, mais où aller, il m'a conduite dans cette prison dont les barreaux sont des lianes, il m'a menée au bout du monde, je n'ai nulle part où fuir, personne ne m'attend, je dois rester ici, à côté de cet être de marbre, dans ce tombeau de tristesse, oui, voilà pourquoi il a choisi ce lieu, une nécropole, la ville impériale où il n'y a plus d'empire, j'aurais dû demeurer à New York, rester avec Eva, là-bas, elle et moi, nous aurions dansé, en ce jour, sur la 5e Avenue, où tous les Juifs doivent aujourd'hui danser car ce jour est un grand jour, la guerre est finie, l'Eternel nous a entrouvert les portes, l'Éternel va nous faire sortir d'Allemagne comme II nous a fait sortir d'Égypte, Hitler n'est pas plus fort que Pharaon, notre épreuve est terminée, l’Eternel a pardonné nos offenses, il tend à nouveau sa main vers son peuple. Mais lui, évidemment, est incapable de se réjouir, lui ne croit en rien, ni en Dieu ni en Roosevelt. Zweig a la mort pour unique campagne.
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Il avait été l'auteur le plus lu dans le monde entier. Même s'il était convaincu d'avoir moins de talent que Thomas Mann ou que Schnitzler, que Rilke et bien sûr que Joseph Roth - et il ne croyait pas un mot des propos de Freud qui affirmait préférer son oeuvre à celle de Dostoïevski.
Il était conscient de ses faiblesses, s'agaçait du schéma répétitif de ses nouvelles - cette technique du récit enchâssé dont il ne parvenait pas à se départir - et de l'issue irrémédiablement tragique de ses textes, héros et héroïnes achevant leur destinée dans la folie ou la mort.
Il avait vendu soixante millions de livres.
Il avait été traduit en trente langues, du russe au chinois en passant par le sanskrit.
Ses biographies occupaient un coin de chaque bibliothèque de France, de Russie, des Etats-Unis et d'Argentine.
Il avait été le librettiste de Richard Strauss.
Il avait encouragé Hermann Hesse à ses débuts.
Sans lui, Joseph Roth, enfoncé dans son désespoir, n'aurait jamais achevé sa Marche de Radetzky.
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Singapour est tombé. Singapour, dernier rempart de la civilisation, s’est rendu aux Japonais. Jamais on n'aurait pu imaginer. La forteresse anglaise et ses cent mille soldats ! « Les Anglais ont perdu la guerre », sous-titre le journal. Le dernier bastion est tombé. Maintenant, les barbares ont le monde à leurs pieds. L'horizon s'ouvre à eux. Maintenant, les vaillants soldats de la Couronne avancent, tête basse, en haillons, dans la jungle malaise. Singapour est tombé. La route du pétrole s’ouvre aux Japonais. La guerre est terminée. Les Allemands foncent vers Suez. Demain, les puissances de l'Axe feront leur jonction. Dans un an, les barbares seront à Rio. La fête est terminée.
(…)
Si Singapour est tombé, nulle armée, nul général ne pourra vaincre les forces déferlantes. L'heure est venue de ne plus espérer en l’avenir. Il convient de se résoudre à la défaite. Ce qui était redouté est arrivé, et le pire adviendra. Plus jamais l'idée d'un bonheur apaisé.

Ils sont cernés de tous côtés. Il n'y a plus de monde futur, le monde ancien a disparu. La longue procession des années de terreur a assez duré. L'imposture de leur existence a fait long feu. Il convient de retourner parmi les leurs, de marcher dans les pas de leur peuple, le chemin est tout tracé.
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Lorsqu'elle parut, ils ne s'interrompirent pas. Sa présence ne semblait nullement perturber l'évocation d'un passé dont elle était exclue. Elle servit du thé, ils remercièrent, mais, dans la chaleur de leur merci, ils semblaient s’adresser à une autre. Ils étaient au Kapuzinerberg, et c'était Friderike qui leur versait à boire. Elle observa son mari. Son regard n'était plus le même. Son attitude avait changé. Il se tenait droit, parlait d'une voix plus ferme. Il redevenait l'homme marié qu'elle avait connu sept ans auparavant. Siegfried Burger était entré dans la maison, Friderike née Burger avait mis un pied dans le salon. Siegfried s’était assis sur le petit fauteuil en cuir usé, Friderike se tenait derrière lui. Lotte se sentit de trop. Son cœur se déchira à l'instant où elle entendit son mari s'enquérir de l'ex-épouse. Et quand il demanda à Siegfried si sa sœur lui manquait, il ajouta, d'une voix étouffée : «... à lui aussi. »
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Elle avait lu et relu les gros titres pour s'assurer qu'elle n'était pas en proie à une hallucination. Le kiosquier lui avait certifié que non, elle ne rêvait pas : Roosevelt avait déclaré la guerre au Japon et à l'Allemagne. Tremble, Hitler, tes jours sont comptés !

Dans un mois, les forteresses volantes dont elle avait vu les images aux actualités cinématographiques allaient déferler sur l'Europe. Des armadas de navires déverseraient des millions de GI sur les plages de l'Atlantique. Les soldats de la Liberté ne feraient qu'une bouchée des bourreaux allemands. Les forces du Bien écraseraient les Demons. Ils étaient sauvés ! Aujourd'hui, à Katowice, à Francfort, à Vienne, les Juifs devaient faire la fête, chanter des louanges à l'Éternel ! Leur calvaire était terminé. L’Amérique tendait la main aux damnés. Vite, il fallait annoncer la nouvelle à Stefan ! Il n'avait pas dû l'apprendre. Dorénavant, il refusait de lire les journaux et d'écouter la radio. Il ne supportait plus que l'annonce des catastrophes et les drames ralentissent ses travaux.
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