Le meilleur pour cerner la complexité du personnage est encore de le suivre pas à pas dans sa vie et son oeuvre, d'en extraire les choses qui semblent justes et vérifiées. Encore faut-il avoir une bonne plume pour cela et être à l'heure russe.
Les 850 pages ne sont pas de trop pour cela. Quand
tolstoï pour répondre à une commande de Paul Birukov son biographe se mit à écrire sur sa vie, il arrêta au bout de cent pages qu'on retrouve dans Souvenirs, car cela lui semblait si impudique. Et en même temps quand on interroge
Tolstoï sur sa vie, il répond vous n'avez qu'à lire mes livres, j'y mets ma vérité ..
On y trouvera un mot fameux : Il y a 36
tolstoï cousus dans la même peau ..
Je ne sais plus comment est arrivé à moi ce gros pavé de près de 900 pages édité par Fayard en 1965, mais il semblait une bible pour qui voulait en savoir plus sur la légende du génie russe, il s'imposait naturellement à soi, et immanquablement quand on admire
Tolstoï cette biographie vous convoque.
Il y a dans mon environnement des gens qui ont été bercés dans leur jeunesse par les romans de
Troyat, moi non, mais il faut bien voir que ce
Troyat là est remarquable et scintille dans l'univers littéraire à plusieurs titres. Je l'ai déjà dit ici, comment aborder
Tolstoï, ou par des chroniques protéïformes, des essais biographiques, un peu comme l'ameublement de votre salon ou avec une vue d'ensemble ou une association de coups de coeur ; ou par la biographie au sens propre du mot. C'est simple, sauf que quand on a affaire à
Tolstoï, il y a intérêt à bien connaître avant autant la vie que l'oeuvre et d'éviter peut-être la moindre supputation car c'est le meilleur moyen de se tromper avec un loustic pareil qui échappe à tout apprivoisement. Vouloir domestiquer le comte est un pari impossible. On a vu tellement d'erreurs manifestes !
Troyat a embarqué avec armes et bagages sur la voie la plus sage. Un travail minutieux, colossal, tel le journal de la vie de
Tolstoï.. Et il n'y a rien de trop : comment cela est possible ?
Je sais gré à l'auteur d'avoir consacré 100 pages à Sophie, celle qui a accompagné "l'ogre" 50 ans durant. Accompagné est un euphémisme, sans elle rien ne fut possible.
La Vie de
Tolstoï de Rolland, autre référence ne comporte pas une ligne de Sophie
Je sais gré à l'auteur d'avoir pu relever ce défi grâce à l'admiration qu'il avait pour l'écrivain russe. Ca aide !
Je sais gré à l'auteur de ne pas avoir cédé au
tolstoïsme, à Tchertkov . Paul Birukov le biographe qui a fait un travail tout autant admirable, à mon sens, n'a pas pris assez de distance avec l'idéologie. L'intention de
Troyat est plus pure.
Quand on a une recherche à faire sur le géant russe, on voit que
Troyat a veillé au grain comme un exégète.
Et puis surtout cette étude n'est jamais lassante, car le biographe était aussi un écrivain de talent, l'art de la narration est remarquable.