— Shibumi est-il un grand roman ?
— Une vache lécherait-elle la femme de Loth ? Oui, pas les couilles traitresses et perfides de Judas !
Bon, on va se calmer un peu, monsieur Le Cagot, Beñat de son prénom, même si dans le fonds, vous avez tout à fait raison !
Si vous voulez profiter pleinement de ce roman, faite abstraction de tout et immergez vous totalement dedans.
Car nous sommes face à 525 pages écrites avec une plume mordante, faites d’un habile mélange entre le roman d’espionnage et une critique acerbe de l’Amérique, tout en se baladant de Washington au Pays basque en passant par la Chine et le Japon d’avant et d’après guerre.
Ma partie préférée reste celle du Japon d’avant guerre, durant la guerre et après. Là, j’ai bu du petit lait, du petit Jésus en culotte de velours, un café noir, sombre, intense qui m’a brûlé la langue pour mon plus grand plaisir.
Quant à la partie basque, elle est magique, un peu folle et le seul moment où j’ai un peu sauté des lignes, c’est avec l’exploration de la grotte.
Ce roman est une critique sociale des États-Unis, de sa société, de sa CIA, de son gouvernement, bref, tout le monde est rhabillé pour les 10 prochains hivers !
La plume de l’auteur est dure, intransigeante, sans concessions aucune, mais terriblement vraie, hélas. Les Français, Japonais, et les Basques aussi en prendront pour leur grade, mais moins que les yankees et l’américanisme.
La CIA s’en prendra plein les dents aussi et l’auteur nous démontrera par A+B ce qui se passe comme conséquences lorsqu’on laisse ses émotions gouverner ses actes. La stupidité des uns déclencheront le feu du ciel…
Nicholaï Hel est un personnage que l’on devrait détester, c’est un assassin, un tueur à gage d’un niveau excellent, mais c’est impossible, on l’apprécie malgré tout. Son personnage est taillé au cordeau, bien décrit, avec ses zones d’ombres, ses pensées, ses certitudes, sa vision des américains et des japonais depuis l’invasion des mêmes américains.
Nikko excelle dans des tas de choses, d’ailleurs : que ce soit dans les techniques érotiques japonaises qu’il pratique avec sa maitresse Hana, la spéléologie qu’il pratique dans les grottes du pays Basque ou les langues qu’il parle (il parle couramment le russe, l’anglais, le français, le chinois et le japonais).
De plus, je lui ai trouvé des petites ressemblances avec Holmes, notamment lorsqu’il joint ses doigts devant ses lèvres.
Les autres personnages qui gravitent dans le roman sont eux aussi bien esquissés, bien détaillés et certains sont même haut en couleur, notamment Beñat Le Cagot, l’ami basque de Nicholaï qui a une manière de jurer bien particulière, comme celle de répondre par des métaphores au lieu de dire « oui » tout simplement.
Voilà donc un roman qui n’a sans doute pas usurpé son titre de « le chef-d’œuvre de Trevanian ».
Il possède de l’intelligence, du suspense, de l’humour noir, une plume acide et mordante, des personnages bien travaillés (dont certains sont hilarants), une critique acerbe sur la société américaine, un dose d’espionnage, de meurtres, de jeu de Go, le tout en vous faisant voyager dans différents pays, à différentes époques, le tout pour une somme modique !
Ce roman a beau avoir été écrit vers la fin des années septante (soixante-dix), il n’en reste pas moins d’actualité !
Un roman puissant dont je suis contente de ne pas être passée à côté !
(4,5/5)
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