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Critiques de Alain Corbin (141)
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Les filles de rêve

Du côté de Diane.



Dans l’histoire de l’imaginaire occidental (et probablement au-delà de l’occident), la figure de l’idéal féminin se situe dans une tension entre deux pôles : celui de Vénus et celui de Diane. Vénus représente l’érotisme, la séduction, la femme amoureuse exhibant sa nudité, provocante et alanguie, elle suscite le désir sexuel. Diane, infatigable chasseresse et proche de la nature, représente la pudeur, une absolue chasteté, la beauté inaccessible à l’homme, la jeune fille altière et grave, le type même de « la fille de rêve ». Si le côté de Vénus continue de donner lieu à une abondante littérature et a inspiré de nombreux artistes et historiens, le côté de Diane a aussi suscité bien des œuvres d’art mais semble tombé en désuétude depuis une centaine d’années. Alain Corbin, toujours original dans le choix de ses sujets, s’est employé à retracer ce courant historique en composant le portrait de 19 « filles de rêve » qui forment la « cohorte » de ces disciples de Diane. En s’appuyant en premier lieu sur la littérature, puis sur la peinture, la sculpture, il nous offre une perspective sur l’imaginaire masculin dans ses rapports avec la beauté féminine inaccessible mais tellement envoûtante, tellement charmante qu’elle frappe son admirateur comme un coup de foudre en plein cœur. Le caractère inexprimable, le choc de cette émotion demeure le mystère caché au centre de la démarche d’Alain Corbin.

En nous conviant à cette « promenade », l’auteur semble satisfaire deux passions : l’histoire et la littérature. De plus, il cherche » à nous les faire partager. Avec lui, nous balayons tout un pan de l’histoire occidentale. Cet historien du sensible nous fait revivre avec légèreté et profondeur, grâce à de petites monographies de personnages aussi variés que Diane, Iseut, Dulcinée, Virginie, Graziella, Yvonne de Galais et bien d’autres, une même émotion vue par des yeux de différentes époques. Il réalise ainsi avec brio un vaste panorama à la fois novateur et révélateur de différentes mentalités des sociétés historiques qu’il est appelé à évoquer. Avec Les Filles de rêve, nous avons affaire à un petit livre rapidement lu, rapidement assimilé et pourtant qui nous apporte des informations pour compléter ou rafraîchir nos connaissances, un petit livre qui enrichit notre point de vue habituel et notre propre imaginaire sur les sociétés historiques occidentales. Comme quoi, un petit livre sans prétentions académiques peut avoir de réelles qualités didactiques !! Surtout quand il est écrit par un auteur passionné et brillant. Un seul léger reproche : l’auteur en reconnaissant la disparition des filles de rêve au 20ème siècle ne recherche pas de façon très convaincante la raison de cette absence.. La conclusion trop brève aurait pu en être substantiellement étoffée et revalorisée et aurait permis une analyse du dernier siècle dans la perspective du livre.. Cependant, tel qu’il se présente, cet opus s’affirme comme une grande réussite et un grand plaisir de lecture. Par la curiosité qu’il suscite et encourage, j’attends avec délectation le prochain livre d’Alain Corbin.

PS : A écouter absolument sur le même thème, la sublime chanson « les passantes » de Georges Brassens d'après un poème d'Antoine Pol.




Lien : http://www.franceculture.fr/..
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L'harmonie des plaisirs

État des lieux de l’érotisme au XVIIIe siècle : connaissances médicales sur la sexualité (qui signifie alors « mode de reproduction d’une espèce »), diagnostics et remèdes ; inspiration depuis la littérature des pratiques et des fantasmes sexuels.



La partie « médicale » ne m’a pas paru passionnante car les considérations médicales sont évidemment complètement dépassées, empruntes de morale et de religiosités. L’analyse est cependant aussi précise qu’érudite.



Plus amusante est la partie « littéraire » en ce que les techniques d’écriture des romas érotiques voire pornographiques, y sont analysées (thèmes, lieux, mise en contexte des scènes, etc).



Néanmoins, le biais par cette seconde approche n’est pas moins grand pour aborder la « sociologie » de la sexualité que celle de la partie médicale puisque les fantasmes et la moralité la structurent tout autant (mais subvertis bien entendus).



Ce n’était de toute façon pas la démonstration qui nous était proposée. Il s’agissait plutôt d’établir que nous étions passés, en traversant le XVIIIe siècle, de la promotion « culturelle » de coïts harmonieux dont la simultanéité des jouissances est l’heureuse récompense des satisfactions réciproques, et la procréation l’inspiration privilégiée, à une sexologie savante, aussi précise du point de vue scientifique que de son lexique, qui décrit certes parfaitement la fonction individuelle, mais dont le développement s’est produit par l’anéantissement des charmes que présentait la conception établie au siècle des Lumières : nous aurions échangé les harmonieuses jouissances contre de repoussants orgasmes.



La littérature pornographique et la dérive de jugements assimilant les diverses pratiques sexuelles identifiées à des déviances en auraient été les signes annonciateurs. Plus loin, ce serait la prise d’influence du monde protestant dans le monde des idées devant les travaux issus de la pensée catholique qui expliquerait ce passage.



Il se dégage ici, quelle que soient les explications de cet effondrement, une forme de nostalgie…
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Le miasme et la jonquille

Ecrire un texte comparable à un thèse de doctorat dans un style narratif qui ressemble à un roman, c'est assez remarquable. Ouvrage très intéressant, très complet, très bien écrit, très .... Bref, un petit chef d'oeuvre. Visiblement, c'est une référence dans la matière qu'il traite et cela est totalement compréhensible.
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Terra incognita

En plus de son intérêt documentaire évident, l’une des principales qualités de l’ouvrage d’Alain Corbin est de nous faire réfléchir à notre rapport à l’ignorance. Nos ancêtres des XVIIIe et XIXe siècles étaient très ignorants en matière de sciences de la Terre. Nous le sommes moins…sur ce sujet, mais l'actualité suscite des réactions tout à fait semblables : fin de la civilisation, culpabilité, diffusion d’explications fantaisistes, confusion entre arguments scientifiques et idéologiques. Le champ de notre ignorance est encore bien vaste.
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La véritable histoire des femmes

Le titre m'a attirée tout de suite. J'avoue que je m'attendais à avoir une histoire des femmes de l'Antiquité à nos jours, une version accessible et synthétique, agrémentée de portraits de femmes.

Je ne m'attendais pas à ce que ce livre soit en fait un recueil d'articles de la revue L'Histoire. J'ai apprécié la grande diversité des sujets, le fait qu'on ne s'arrête pas à l'Europe mais que cette étude s'étende au monde entier.



Je suis un peu perplexe quant au choix des articles. Certains datent des années 90 et même si je ne suis pas une experte sur les sujets, je pense qu'il y a dû avoir plusieurs avancées ou des débats sur la question depuis. Mais cela nous permet aussi de voir l'évolution de certaines théories.



Je suis sceptique concernant certains sujets abordés.



C'est un ouvrage qui offre une belle réflexion sur plusieurs sujets historiques liés à la femme, à sa place dans nos sociétés. le livre est facile d'accès.
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La Fraîcheur de l'herbe





Quelle meilleure occasion qu'un week-end champêtre pour se plonger dans ce délicieux essai qu'Alain Corbin a consacré à l'herbe. Avec son talent habituel, il nous rappelle que les citadins plus habitués à fouler le bitume que les prés verdoyants, n'en conservent pas moins dans un coin de leur mémoire, tout un éventail de représentations intimes liées à l'enfance, à la recherche du plaisir, à la redécouverte d'une authenticité oubliée...

Bien que les campagnes se soient dépeuplées au profit des villes depuis bien longtemps, n'oublions pas nos racines rurales qui s'ancrent dans un imaginaire agricole où l'herbe, qu'elle soit mauvaise ou domestiquée, conserve la première place.

Alain Corbin illustre ses multiples visages en convoquant écrivains et poètes, de Théocrite à Victor Hugo en passant par Ronsard (et bien d'autres) qui au fil des siècles, l'ont chantée et ce voyage dans le temps est aussi rafraichissant que le titre de l'essai.

A l'herbe liée aux plaisirs des jeux de l'enfance ou de l'amour, à la marche à travers les prés, à la méditation, à la liberté retrouvée, il oppose l'herbe domestiquée des pelouses et des jardins, destinée aux seuls regards, qui témoigne à travers le désir de brider la nature, d'une lutte incessante contre le désordre mais aussi contre notre finitude car le vert perpétuel est bien synonyme de jeunesse éternelle.

Mais l'herbe peut aussi se faire menaçante quand, piège mortel, elle recouvre tous les artefacts issus de la main de l'homme, rappelant ainsi sa primauté originelle.

La seule remarque négative qui m'a traversé l'esprit à la lecture de cet essai intelligent et érudit, est le peu de mention qui y est fait des herbes médicinales qui auraient pu trouver toute leur place , tant les hommes de tous temps se sont toujours tournés vers la mère nature pour soigner les bobos petits et grands.

On sort de cette lecture avec une furieuse envie de marcher pieds nus dans des herbes assez hautes pour s'y dissimuler si cette promenade, qui se fait bien sûr main dans la main avec un compagnon aimé, débouche sur quelque roulade coquine du plus haut intérêt ...



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Une histoire du silence : De la Renaissance..

Historien-chercheur, spécialiste de l’histoire des sensibilités, Alain Corbin aime se lancer des défis. Ecrire l’histoire d’inconnus, celle des corps ou de la météo.

Dans son dernier essai, il s’attache à analyser la valeur du silence de la Renaissance à nos jours. Faute de traces suffisantes dans les archives, il s’appuie sur la littérature et la peinture pour dire le silence dans l’intimité, explorer son rôle dans la spiritualité ou encore sa dualité dans l’amour. Selon les circonstances et les époques, sa nature varie du négatif au positif. Recherché ou craint, l’homme doit composer avec.

Comme souvent chez Corbin, la limpidité de la plume s’accorde à la brillance du propos. Je dois cependant dire que ce documentaire m’a paru plus conceptuel et désincarné que ses précédents. De fait, ma lecture a été plus distanciée et moins enthousiaste qu’habituellement.

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1515 et les grandes dates de l'histoire de ..

Une plongée dans l'Histoire de France avec un grand H...



Ce livre nous propose un retour dans l'Histoire en 3 temps :

- les textes donnés aux enfants à l'école jusqu'entre les deux guerres où sont relatés les faits à connaître débutent toujours le chapitre.

- une analyse en détail par un historien qui n'hésite pas à revenir sur cette date et en corriger les inexactitudes ou à l’étoffer par plus d'informations.

- une mise en abîme de la façon dont on peut manipuler les dates afin de gommer un fait ou de le rendre plus glorieux afin de mettre en avant la patrie.



Bref, un vrai plaisir à lire avec un sentiment de retourner à l'école



Le seul bémol - mais c'est voulu par l'auteur puisque le canevas du livre respecte le programme d'histoire enseignée aux enfants jusqu'entre les deux guerres, - c'est les "trous" par moment extrêmement long entre deux faits historiques qui peuvent embrouiller l'esprit.



Un aspect qui aurait été sympa de mon point de vue aurait été de mettre en opposition avec ce que la France relatait d'un fait historique dans ces manuels scolaires... la version de l'autre pays (ou autres pays) afin de voir comment une bataille, une défaite, une victoire était relatée de l'autre côté. (
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Une histoire du silence : De la Renaissance..

Document plus proche d'un recueil de citations autour du silence, regroupées par thèmes.

Plutôt intéressant, mais pas passionnant. Dommage que l'historien n'entre pas plus profondément dans l'analyse. Ce livre donnera envie de lire d'autres livres ou auteurs cités, et il a probablement été écrit pour ça.
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Les conférences de Morterolles, hiver 1895-18..

Ce que j’apprécie chez Alain Corbin c’est ce style, une microhistoire, on part de la personnalité de l’orateur puis le cercle s’élargit par l’étude du recensement de la population et de la place de chacun, et notamment des femmes, au sein de la communauté rurale. Le récit est traité sous l’angle de la psychologie sociale.

Ce ne sont pas des cours du soir servis par des instituteurs payés…mais 10 conférences, en soirée, en surplus du travail de Mr Beaumord qui recevra une médaille de bronze, la somme de 100 francs, et quelques livres. Il gagnera en prestige et en autorité sur sa classe et au sein des familles environnantes. Mr Beaumord va redresser l’école sur 10 années consécutives.

Sa note passera de 14 à 16/20. Elles auront lieu dans sa salle de classe « le seul local de cette taille qu’il était possible de chauffer, les soirs d’hiver. »

Il est traité de prétentieux par le curé qui se voit partiellement évincé de la communauté et relégué au second rang.

Au cours de cet hiver 1895-96 on découvre la place de l’instituteur laïc et républicain, et également secrétaire de mairie, au sein de la communauté rurale de Haute-Vienne. Il présente aux villageois ce qui parait indispensable à la vie pratique : les bienfaits du travail, comment entretenir et cultiver les terres, les bienfaits de l’union, de l’association, de l’entraide et coopération, de la gelée ses causes et ses effets, des renseignements administratifs, des conseils techniques.

Il y parle de la politique d’expansion de la République française, grandeur d’une mission civilisatrice, avec la conquête de Madagascar, « la terre promise de l’expansion française » , de « l’héroïsme des jeunes soldats de la République qui ont mené ce combat au service de la Patrie »

Les conférences-populaires envisagées par Jules Ferry (avril 1882) doivent être attrayantes. Elles doivent être soutenues par le maire, le médecin, le notaire, les artisans du village et tous les notables qui la composent, tous capables, en venant écouter la conférence, de fédérer une population disparate qui pourrait bénéficier d’une parole novatrice. L’instituteur y dispense la « somme des connaissances qu’il n’est plus permis d’ignorer ». Les maires déplorent que les livres qui circulent ne soient pas « à la portée des populations rurales » en dehors de l’almanach et de la vie des saints. L’enseignement d’alors était rigoriste et autoritaire, à même de faire des hommes selon Dieu et la société. Ces réunions représentent un désir de s’ouvrir au progrès en s’appuyant sur un savoir scientifique et non plus fondé sur l’univers du conte, sur l’inertie de la routine.

Le « droit usuel », la morale, le patriotisme et l’instruction civique s’invitent au programme.

Véritable croisade nationale, l’éducation populaire a connu son heure de gloire à la fin du 19è, début du 20è siècle et a permit la création d’associations d’anciens élèves des écoles primaires, des sociétés mutualistes, afin de façonner la société française et d’instaurer un système d’éducation public, laïc, gratuit, et obligatoire.

Sous l’aiguillon de l’influente Ligue de l’enseignement et de l’inspecteur général de l’instruction publique, émerge l’engagement éducatif des « maîtres », dans la formation des jeunes générations, combatifs, dévoués à leur mission, ils défendent l'école de la République, laïque et patriotique, structure de la doctrine sociale de la IIIè République. Déterminés à transmettre le savoir et les valeurs civiques, essentiellement pour renforcer l’identité nationale et assurer la cohésion sociale.

Entre 1870 et 1914, la France connaît une évolution politique qui enracine peu à peu la république. Ce faisant, une démocratie libérale s'installe et les populations obtiennent de plus en plus de droits.

La III ème République est aussi un moment d'affirmation de l'empire colonial français. Elle contribua aussi a la mise en place de la liberté de la presse (1881), du droit de réunion (1881), de la liberté syndicale (1884), de la loi sur le divorce (1884) permettant ainsi à une société plus libre de se constituer.

La loi de 1901 introduira la liberté d’association laïque non professionnelle et le développement des sociétés de prévoyance et de solidarité pour couvrir les frais de retraite, de maladie ou d’accident de l’enfant devenu majeur.

Alain Corbin fait un parallèle avec les maçons travailleurs saisonniers qui faisaient des allers-retours à la capitale et se targuaient de connaitre un beau monde et pour qui savoir lire et écrire leur facilitait l’intégration à la vie de la grande ville.

On y voit de belles cartes postales sépia de Morterolles du début de 20è siècle, la mairie et les écoles, la rue principale, la place de la poste, du champ de foire, de nouvelles constructions en Limousin par la confrérie des maçons où les « aînés » se chargent de guider les « nouveaux ».

Mr Beaumord conclut ses conférences par cette exigence : « Pour nous tous, cela doit constituer une leçon, qu’il vous faudra méditer sur le chemin du retour »









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L'Avènement des loisirs : 1850 - 1960

Si vous voulez vous renseigner sur l'histoire des loisirs et de l'usage du temps entre les milieux des XIXe et XXe siècles, vous êtes au bon endroit.



Certains chapitres sont plus compliqués à lire que d'autres. En effet, c'est un ouvrage collaboratif et les chapitres ont donc des auteurs différents qui ont chacun une plume différente. Mais, ce type d'ouvrage permet de lire les chapitres indépendement en fonction de ses besoins sans se sentir perdu.



En bref, un ouvrage d'une grande qualité scientifique, essentiel dans ce champ d'étude.
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La douceur de l'ombre : L'arbre, source d'émo..

Amateurs d’essais, amoureux de littérature et d’Histoire, La douceur de l’ombre d’Alain Corbin est un livre pour vous !



Qu’il soit maudit, inquiétant, sacré, merveilleux, ombrageux, propice à la rêverie ou l’érotisme, Alain Corbin, historien, spécialiste de l’histoire des sensibilités, raconte l’arbre à travers les émotions qu’il provoque. Du pommier du jardin d’Éden aux arbres mentionnés par Virgile, Ronsard, Chateaubriand ou Proust, vous saurez tout sur l’arbre de l’antiquité à nos jours.



Le livre comporte quatorze chapitres abordant chacun un thème différent (Écrire sur l’arbre, sacralité de l’arbre, l’âme des arbres etc.) et comporte de (très) nombreuses références littéraires.
Lien : https://lesballand.wordpress..
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Histoire buissonnière de la pluie

Un petit livre sur la pluie et l'évolution de son traitement dans la littérature.



Rien de révolutionnaire mais cela se lit bien. A la fin on trouve des extraits de classiques évoquant la pluie et c'est plaisant de (re)découvrir ces textes et la capacité de certains à décrire sur plusieurs pages la pluie.



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Le village des

Une véritable enquête historique sur un fait divers : comment la population d'un village, en France, en 1870, avec des gens éduqués, en vient-elle à massacrer un homme, puis à le dévorer ? un récit effrayant sur des gens "ordinaires" au départ, qui se transforment en monstre. Alain Corbin en a fait un récit historique qui se lit comme un roman, mais en s'appuyant sur les faits, en le restituant dans son contexte.

A noter que Jean Teulé a produit lui aussi sa vision - romancée - de ce fait divers.
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Le ciel et la mer

Ce court ouvrage historique reproduit le texte de conférences données par Alain Corbin sur ses recherches dans le cadre de l'histoire des sensibilités, et plus particulièrement de l'histoire du temps - ou de la sensibilité au temps qu'il fait. C'est érudit, assez accessible - moins la première qui est vraiment très centrée sur la météorologie.

Cependant, j'ai largement préféré, sur la même thématique mais bien plus complet, le Territoire du vide, qui est bien plus centré sur la mer / le bord de mer, la perception du paysage littoral. Ici, les thématiques ne sont qu'effleurées, l'historien n'a pas la place pour développer ses idées - ce n'est qu'un avant goût presque.
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La mer

J'attendais de lire mon premier Corbin, il n'a rédigé dans cet ouvrage que l'introduction. Je vais donc devoir encore patienter.

La mer, terreur et fascination dans les représentations des hommes, de la Bible à Jules Verne en passant par Jules Michelet, nous naviguons dans les flots de l'imaginaire collectif.

La mer, royaume des monstres et tombeau des marins, horizon des possibles et limite du pouvoir des hommes sur les éléments.

La mer, ancienne puissance indomptable aujourd'hui agonisante sous le poids de la multitude vorace et destructrice de l'humanité.

La mer, dans laquelle on se plonge, parfois perdu, parfois hypnotisé mais toujours dépaysé par ce voyage sans commune mesure.
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Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot

Entant qu'apprenti historien, je ne peux que m'émerveiller devant les investigations titanesques menées par Alain Corbin. Un ouvrage magistral, qui souligne par la richesse de son contenu, le rigueur imputable à toute recherche historique.
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Le Territoire du vide : L'Occident et le dési..

Dans son avant-propos, l’auteur expose les grands principes qui régissent sa démarche d’historien. Le document n’est plus l’unique source pour appréhender le passé. Afin d’éviter « l’anachronisme psychologique », il convient de « délimiter les contours du pensable, repérer les mécanismes de l’émotion nouvelle, la genèse des désirs, la manière… dont s’éprouvent les souffrances et les plaisirs… ». Alain Corbin va essayer de se substituer aux regards des hommes du passé, se charger de leurs émotions afin de restituer le désir du bord de mer entre la fin du XVIIIe siècle et le milieu du XIXe siècle.

La 1re partie, « L’ignorance et les balbutiements du désir », explore d’une part les raisons de la répulsion du rivage à travers l’approche biblique et l’idée du Déluge : « …les sables des rivages, les blocs erratiques que l’on trouve sur certaines plages ainsi que les gouffres naturels ne pourraient s’expliquer sans référence au déluge » et envisage d’autre part la naissance du désir du rivage avec la découverte des paysages hollandais à l’image de « l’admirable chemin de Scheveningen », du littoral domestiqué, de la mer nourricière. « Sous l’emprise de l’esthétique du sublime », Diderot écrit en 1773 que « le spectacle de l’océan à fleur de terre » « vous fera rêver et frémir ». Malgré ce frémissement, pour beaucoup, à la fin du XVIIIe siècle, la plage reste une « ligne indécise, soumise à toutes les incursions où viennent se déposer les excréments de l’abîme ».

La 2e partie du livre, « Le dessin d’un plaisir nouveau », se concentre sur la montée du désir de rivage entre 1750 et 1840 avec les recommandations thérapeutiques des médecins britanniques. Ainsi Russell pense que l’eau de mer peut enrayer la putréfaction à l’intérieur du corps, dissoudre les « tumeurs indurées », « nettoyer et défendre le système glandulaire tout entier des impures viscosités ». Pour les savants du XVIIIe siècle, le rivage devient le lieu privilégié où se lisent « les archives du monde ». Il acquiert ainsi « une sublimité nouvelle ». La science se dissocie progressivement de la religion. La Terre se situe maintenant à l’échelle géologique, « indifférente aux être qui l’habitent ». Comme le résume si bien l’historien Alain Corbin : « […] le bruit blanc, ininterrompu des vagues, sans cesse reproduites, pourra dire désormais l’éternité du monde… ». Peu à peu, l’érosion immémoriale se substitue au cataclysme biblique pour expliquer la formation des côtes. Le regard se décille, saisissant l’épaisseur du substrat rocheux, opérant une lecture tridimensionnelle du rivage qui passe d’une ligne immuable à une zone située entre les abîmes sous-marins et les terres émergées. Les savants voyageurs déambulent sur les surfaces indécises de l’estran que le reflux et le flot découvrent et recouvrent, délivrant des « grouillements » obscènes mais riches en enseignements. [J’ai pu noter, avec un pincement à l’estomac, que deux savants ont recueilli aux îles Chausey, en 1828, plus de cinq cents espèces différentes. Quel inventaire et quel bilan pourrait-on dresser aujourd’hui ?] L’émergence de la géologie a contribué au sentiment romantique avec la perception exacerbée de la précarité des choses. Face à l’immensité de la mer, à la tempête indéchiffrable, l’homme éprouve sa finitude et « l’horreur exquise » ressentie ancre au tréfonds de son âme l’esthétique du sublime. Puis, la recherche du pittoresque se codifie et devient l’apanage d’une élite seule capable de goûter réellement au paysage. Au XVIIIe siècle, les plages méditerranéennes exercent une vive répugnance à l’exemple des brumes qui « exhalent alors une « mofète pourrissante », génératrice potentielle de fièvres putrides » puis la tendance s’inverse ; sur les rivages siciliens, l’esthète se délecte du vertige éprouvé au-dessus de la transparence des eaux. Les romantiques vont y ajouter la découverte du moi en l’associant à la vacuité des éléments et y dévoiler l’abîme que chacun porte en soi. Le rivage s’érotise avec le contact du sable sur le pied nu, la caresse « insistante » du vent sur le corps, le fouet des vagues et « l’engloutissement rêvé comme une lente pénétration ».

La 3e partie, « La complication du spectacle social », s’oriente d’abord vers le port et les différents regards portés dessus selon les centres d’intérêt de l’époque : vue panoramique, visite de la rade, appréciation des défenses militaires, de la bigarrure sociale, des mouvements de marchandises mais aussi rejet de la mainmise humaine sur la nature comme l’exprime Victor Hugo : « Je déteste toutes ces maçonneries dont on caparaçonne la mer. […] Plus le port est petit, plus la mer est grande ». La mer sert de dépotoir et la pollution gâche les ressources halieutiques. L’exploitation du goémon pour en extraire les pains de soude nécessaires à l’industrie naissante engendre d’infects cloaques où pourrissent les algues. Il faut parfois « faire enlever par la force plusieurs de ces tas de fumier que d’aucuns cachaient jusque sous leurs lits ». L’enquête ethnologique corsetée par les idées néo-hippocratiques dessine maladroitement le portrait des populations littorales, des pêcheurs et des matelots soumis aux éléments et modelés par eux, ainsi en est-il de leur tempérament, tour à tour violent et calme. La femme du pêcheur est ainsi décrite : « Hâlée, précocement ridée, rendue puante par le maniement des fruits de la mer, la femme exhibe ses jambes non pour exciter à la concupiscence mais bien parce qu’elle demeure proche de l’état sauvage. […] Devant cette nudité naïve et laborieuse, antithèse du savant déshabillage de la courtisane, le voyageur ne saurait avouer – sinon éprouver – l’ébranlement de sa sensualité. » Le regard porté sur les hommes des bords de mer oriente aussi celui du voyageur sur le paysage. Le peuple des rivages finit par être « domestiqué » puis asservi à la classe de loisir. Il perd sa sauvagerie et se métamorphose en sauveteur : « […] le geste héroïque [du sauveteur des grèves] témoigne de l’existence d’un bon peuple qu’il est possible d’opposer à ces classes laborieuses, dangereuses et vicieuses que l’enquête sociale découvre alors dans le soubassement d’une ville. » Les naufrages dans les ports ou près des rivages sont très fréquents à l’époque de la marine à voile. D’abord vécus comme des tragédies par les proches des victimes, ils finissent par devenir des spectacles dont se délecte la gentry [petite noblesse] et l’aristocratie en villégiature dans les marinas ou sur les digues-promenades construites à cet effet. Puis les peintres de marines s’intéressent aux combats navals. Enfin, l’estran, dans sa topographie incertaine et insaisissable, exacerbe le fantasme d’engloutissement : « La succion, l’aspiration par la tangue, les lises, les sables mouvants comme l’irrésistible et cruelle montée des flots autorisent de ressasser le fantasme de l’engloutissement inéluctable… ». La plage est conçue à travers des pratiques communes où les touristes se reconnaissent. Si les stations balnéaires finissent par se développer, l’aristocratie en reste la principale initiatrice.

Quatre-vingt pages de notes poursuivent la lecture d’un essai bien structuré et très documenté qui se goûte chapitre après chapitre avec grand plaisir si on porte de l’intérêt au sujet. L’auteur a exhumé des sources oubliées et ses références bibliographiques n’en ont que plus de saveur. Alain Corbin a su ressusciter tout un pan du passé culturel de l’Europe occidentale des XVIIIe siècle et XIXe siècle puis à donner consistance à une pensée et une pratique socioculturelle en mouvement avec un indéniable talent.
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Le village des

Cet ouvrage classique est bien plus que l'analyse d'un fait divers. À partir du tragique événement de Hautefaye, l'auteur aborde l'évolution de notre rapport à la violence. C'est un livre que je recommande pour les amateurs d'histoire culturelle ou ceux qui souhaiteraient découvrir ce champs (et oui, on ne fait pas que l'histoire de l'État, des guerres et des princesses...).



Si vous l'avez apprécié, vous pouvez aussi vous tourner vers "Laetitia" d'Ivan Jablonka. La narration est similaire, le sujet moins dépaysant (l'affaire Laetitia Perez), mais la plume de l'auteur est beaucoup plus touchante.
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Histoire du repos

Le sens du repos, ce qu'il signifie pour les populations occidentales est très différent selon les époques. Celui que l'on connaît aujourd'hui, l'idée de récupérer des forces et qui s'oppose à la fatigue est récent.

Pendant 2000 ans, le repos avait des racines religieuses, associé au repos éternel, au Salut, à l'ars moriendi, l'art de bien mourir.

Pascal oppose repos à agitation, au divertissement, c'est pourquoi les hommes en ont peur car confrontés à eux-mêmes.

Rousseau l'associe à la rêverie dans la Nature "loin de la foule importune".

Chez les religieux, le repos dominical s'associe à nourriture spirituelle, ils craignent la paresse, l'oisiveté ou son aspect festif.

Cependant, le dimanche se sécularise et avec l'arrivée du travail industriel, le repos réparateur, récupérateur de forces s'oppose à la fatigue, au surmenage.

A partir des années 1960, les loisirs remplacent le plein repos.

Un essai court mais très riche qu'on ne peut explorer en quelques lignes (nombre de détails qui n'en sont pas sont évoqués comme l'apparition au XVIIIème siècle du mobilier permettant de se reposer)
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