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Critiques de Anatole France (265)
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La rôtisserie de la reine Pédauque

Dans le Paris de la première moitié du XVIIIe siècle, Jacques Tournebroche est le rejeton du valeureux rôtisseur à l'enseigne de La reine Pédauque (qui, selon la légende, aurait eu les pieds palmés). Le garçon démontrant de vives aptitudes, il est rapidement relevé de la fonction que son surnom indique, et l'on s'assure de sa formation en offrant le couvert et de bons morceaux d'abord à un moine de moeurs et de compétence douteuses, puis à un abbé de moeurs un peu moins douteuses mais de compétence et de connaissances nettement supérieures. L'abbé Coignard fait à lui seul une bonne partie du sel de ce roman. Cet érudit extrêmement bon vivant et verbomoteur est dôté d'une morale et d'une piété toutes personnelles. Ses discours exubérants dont est tapissé le roman, à la fois doctes et empreints d'un philosophique bon sens, sont réjouissants. L'on boit ses paroles autant que son admiratif élève. Tous deux sont à leur tour embauchés par D'Astarac, un riche hurluberlu féru d'occultisme et d'alchimie qui les régale de propos hallucinés. Sa bibliothèque, qu'ils ont pour tâche de classer, est par contre d'une réelle valeur et fait saliver le cher abbé. Entre l'éveil à la sensualité du jeune Tournebroche, la personnalité et les traits de son bon maître, et les divagations et lubies ésotériques de D'Astarac, on ne s'ennuie vraiment pas. J'ai trouvé ce roman très divertissant. Digne de mention est également la longue scène du souper avec le gentilhomme inflammable et sa maîtresse aux mille amants.
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Les dieux ont soif

Un roman que je dirais grand qui nous fait vivre les moments de la terreur pendant la révolution où on se rend compte que si les dieux ont soif, l'homme quant à lui, ne sait pas s’arrêter une fois qu'il aie versé du sang, son âme en réclamera toujours et toujours... jusqu'à ce qu'il baigne lui-même dans le sang...
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La comédie de celui qui épousa une femme muette

Léonard Botal, juge de son état, voit sa vie et son confort bourgeois bouleversés par une petite contrariété : sa femme, très belle, très charmante, est muette. Il avait cru en l'épousant qu'il s’accommoderait aisément de ce handicap, mais voilà, les conversations de couple lui manquent - il ne pense évidemment pas à apprendre la langue des signes, non plus que sa femme (rappelons en effet que le Congrès de Milan de 1880 lança l'interdiction de la communication en langue des signes, pour des raisons parfaitement imbéciles, ce qui eut des répercussions sur un bon siècle, dont les sourds souffrent encore actuellement). Mais là n'est évidement pas le propos d'Anatole France, vu que ce n'était en rien un thème sérieux en 1908. Botal se voit donc proposer les services d'un médecin, d'un chirurgien et d'un apothicaire, par l'entremise d'Adam Fumée, avocat, qui pourtant met en garde Botal : il y a du bon à avoir une femme muette. La parole sera rendue à Catherine Botal, mais avec des conséquences désastreuses : elle ne s'arrêtera plus jamais de parler.





La femme qui parle trop, qui jacasse, qui casse les oreilles de son mari, c'est un vieux sujet (bien misogyne, mais on a l'habitude). Le Sganarelle du Médecin malgré lui, par exemple, s'étonnait que Géronte ne se satisfasse pas d'une fille muette, lui qui aurait tout donné pour que sa femme Martine perdre l'usage de la parole. C'est donc l'actualisation d'un vieux thème de comédie que nous propose là Anatole France, menée tambour battant, et se terminant par une sorte de sarabande infernale.





Néanmoins, il en profite pour égratigner la justice en passant : le juge Botal n'est rien moins content que lorsqu'il peut punir le plus de personnes possible en rendant des jugements aveugles, les pots-de-vin sont une nécessité si l'on veut qu'un jugement soit rendu en faveur de l'accusé, et tout le monde s'accorde à dire que la surdité n'entrave en rien le travail d'un juge, car, franchement, à quoi sert d'entendre les témoins ou les accusés ?





Une pièce amusante, légère, mais qui date par ses clichés sur les femmes bavardes.
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Les dieux ont soif

Anatole France, un peu oublié aujourd'hui, est un prosateur classique et agréable, dont toute la vie fut marquée par les souvenirs familiaux de la Révolution française. Son roman, prophétique dans une certaine mesure, décrit les dégâts humains et spirituels que le fanatisme de l'Idée, de la raison politique, de la Révolution, peut exercer sur le personnage principal, qui annonce par bien des côtés les bolsheviks du XX°s. L'auteur montre, dans ce roman à idées, qu'il n'y a aucune différence entre le fanatisme religieux et le fanatisme politique qui croit se débarrasser des religions. La politique totalitaire n'est qu'une religion (du Progrès) de plus, plus jeune, plus ardente, plus intolérante et plus meurtrière que l'ancienne qu'elle élimine. Ce livre, clairement opposé à toute forme de Terreur institutionnelle, a valu à son auteur la haine des Surréalistes et l'oubli des bien-pensants.
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Le jongleur de Notre-Dame...

Je n'attendais pas sous la plume d'Anatole France, un conte aussi catholique. Mais j'apprends.

De l'extérieur, il s'agit petit et très joli livre, acheté par mon grand-père, pourvu de nombreuses lettrines et (plaisantes) illustrations dans le goût des miniatures médiévales par Maurice Lalau.

Sur le fond, c'est l'histoire simple d'un homme simple, jongleur et fervent de de la Vierge Marie, qui illustre la béatitude : "Heureux les (cœurs) simples car ils verront Dieu". L'histoire semble être connue, LydiaB a fait ici une critique d'un livre sur le même sujet de Paul Bretel, autrefois attribué à Gautier de Coinci.

Pour la forme, est-ce un pastiche ou l'expression sincère d'un écrivain repentant au seuil de la mort après sa condamnation papale? Ou tout simplement une commande alimentaire? C'est bien écrit, dans le style des contes du temps jadis, mais ça ne m'a pas enthousiasmé.
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L'ile des pingouins - Les sept femmes de la..

ALLONS ENFANTS DE PINGOUINIIII-IE !



«Or, ce qu'il avait pris pour des hommes de petite taille, mais d'une allure grave, c'était des pingouins que réunissait le printemps, et qui se tenaient rangés par couples, sur les degrés naturels de la roche, debout dans la majesté de leurs gros ventres blancs»



Voilà en quelques mots bien frappés comment le dénommé Maël, un saint homme un peu trop vieux, un peu mal-voyant et facilement abusé par le diable qui l'avait fait s'embarquer sur une auge de pierre - dans la pure fidélité hagiographique et traditionnelle de l'arrivée des "saints" évangélistes gallois ou irlandais sur les côtes de la sauvage petite Bretagne de ces temps sombres et éloignés - juste avant une tempête. Ainsi furent accidentellement baptisés, durant trois jours et trois nuits, ces adorables oiseaux qui n'en avaient pas demandé mais, par un moine déjà en odeur de sainteté bien qu'assez naïf (sans doute à cause de cela), et à l'appétit de christianisation indépassable ! S'ensuit, dans cette manière de Légende Dorée, la naissance supposée de la Pingouinie et de ses premiers habitants, à l'instar des gaulois de la légende nationale, lesquels obtiennent une âme après une âpre et vive discussion dans les très hautes sphères éthérés du Seigneur, certains des saints et autres bienheureux des Cieux se trouvant révolté par l'idée que de simples pingouins soient portés aux nues à l'égal des autres hommes, tandis que d'autres esprits saints estiment, au contraire, qu'il ne peut désormais en être autrement maintenant qu'ils ont tous été baptisés. Heureusement, Catherine d'Alexandrie - faut-il rappeler que son existence véridique est tellement douteuse que l'Eglise elle-même la fit enlever des saints et saintes reconnus par elle... en 1970 - est fidèle au poste pour départager tout le monde, donner un avis enfin rigoureux et convaincre Dieu de faire ce qui doit être fait, à la fin de plusieurs pages aussi folles que bien plus savantes qu'il n'y parait : Anatole France sait porter la moindre supercherie jusqu'à des niveaux rarement atteints dans toute l'histoire de la littérature. Au passage, il tacle l'Eglise avec tous ses supposés Pères et Docteurs de la foi, les Souverains Pontifes et autres théologiens de Concile et de Conclave comme rarement on a pu le lire auparavant, l'ensemble sur un ton mêlant faux sérieux et vrai humour, sans la moindre faute de goût, sans éclat inutile, sans même avoir l'air d'y songer. Cela semble sans doute d'importance modeste voire parfaitement superflue et indigeste aujourd'hui, mais en des temps où l'immense majorité des français était catholique et pratiquante, possédait, pour nombre d'entre eux, des bases solides en matière de religion et d'histoire religieuse, mais que nous ne pouvons plus guère imaginer aujourd'hui autrement qu'en examinant les ouvrages sur le sujet. Et surtout, ceci est rédigé en pleine tempête entre cléricaux et anticléricaux, après la fameuse affaire Dreyfus (dont c'est un des thèmes et raisons majeurs), après une série de loi jugées très anticléricales en ces années-là, la fameuse loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat qui fit tant couler d'encre, etc. Anatole France s'en donne à cœur joie !



Les Pingouins (aka les français...) auront donc une âme. De même, ils prennent forme et visage humain... Mais gardent un petit quelque chose de leur ancienne condition (souvenons-nous en tout instant que ce sont les français de son temps dont il parle) : «ils étaient enclins à regarder de côté ; ils se balançaient sur leurs cuisses trop courtes ; leur corps restait couvert d'un fin duvet». En gros, ils sont incapables de regarder les autres en face, ils sont courtauds et poilus... Nous voici rhabillés pour l'hiver ! A propos d'habillement, ce sera l'étape suivante, laquelle n'est pas d'une importance cruciale dans la trame du texte mais où Anatole France donne toute la mesure de son génie d'écrivain philosophe et libre penseur. La première pingouine habillée se retrouve ainsi enlevée par un moine possédé par le démon au grand dam des autres pingouins qui en auraient bien fait de même : ces nouveaux humains découvrent ainsi la convoitise, la luxure, l'orgueil, la jalousie, le péché de chair...



Mais cette nouvelle âme qui leur est tombée dessus n'a pas que ce genre de conséquence secondaire. Elle va leur faire prendre conscience qu'il faut se battre pour survivre, y compris en défonçant le crâne du voisin sans autre motif que celui de revendiquer sa terre, devenir puissant et riche, de faire travailler les autres pour son propre compte, le tout avec la bénédiction de l'église bien entendu. Voici ce qu'un jeune moine dégourdit répond au pieux et simple Maël qui s'offusque de voir ses nouveaux convertis se battre et s'assassiner sans répit : «Prenez garde, mon père, que ce que vous appelez le meurtre et le vol est en effet la guerre et la conquête, fondements sacrés des empires et sources de toutes les vertus et de toutes les grandeurs humaines. Considérez surtout qu'en blâmant le grand Pingouin, vous attaquez la propriété dans son origine et son principe.» Après l'église, voilà comment France, en véritable penseur de l'anarchisme, s'en prend directement mais avec grande finesse, à tous les grands principes permettant la conservation, la continuation de la propriété, justifie les guerres, les lois (le moinillon les évoque un peu avant), les forces préposées au maintien de celles-ci, et surtout d'un ordre des choses irréfragable. Pour résumer en trois ou quatre mots la pensée de l'auteur, clairement, la propriété, c'est le vol légalisé.



L'île des Pingouins est ainsi l'histoire de toutes les impostures de l'Histoire. Première imposture : Celle de Dieu qui doit corriger le tir, a posteriori, des actes inconsidérés de son vieux clerc sur la terre. Les autres suivront : l'acte de naissance de la Pingouinie en est une, et quelle ! Un savoureux mélange de frivolité, de mensonge, de fourberie, d'inventivité frauduleuse, de tartuferie bien appliquée, de mystification. Notre jeune vierge nouvellement habillée - encore elle - répondant au doux nom d'Orberose va s’accoquiner à une espèce de sauvageon malin, sans foi ni loi, nommé Kraken, ayant un goût certain pour le luxe et le pouvoir. Ensemble, ils vont inventer une vaste supercherie à base de faux dragon dévastateur auquel, pour en obtenir la fuite, Orberose assure qu'il faudra offrir une vierge (Orberose elle-même, on n'est jamais aussi bien servi que par soi...et même si elle ne l'est plus depuis bien longtemps, vierge, ne serait-ce que par les bons offices de Kraken). Ainsi ces deux gougnafiers, par une série de faux-semblants digne des plus fameux vaudevilles de la belle-époque, vont devenir rien moins que les fondateurs de la première dynastie du pays. Ces deux fondateurs de l’histoire de la Pingouinie ravalent ainsi la naissance de la féodalité à une vulgaire histoire de prédation et de séduction. Le faux dragon surnommé Alca (pingouin, en espagnol) donnera son nom à la future capitale. Quant à Orberose, elle sera plus tard sanctifiée et son hagiographie, écrite bien après comme il se doit, ne fera bien évidemment jamais état de ses innombrables méfaits ni péchés mortels ou véniels.



De cette période rappelant étonnement l'époque mérovingienne - sur laquelle il fut aisé de tramer dans les siècles qui suivirent, les sources fiables, autographes, l’archéologie, etc ne disant malheureusement pas grand chose de solide et de sérieux. Les "dark ages" comme le disent encore les britanniques. Comme s'il y avait eu un "trou gris" de quelques siècles entre la fin de l'empire romain et l’avènement des premières grandes royautés, Carolus Magnus en tête - les premiers historiens modernes en firent les bases de l'histoire de notre pays, de notre "civilisation" et de notre "race" comme on n'hésitait pas à l'écrire encore à l'époque de France. Et l'auteur s'empresse de la faire tenir non seulement sur pas grand'chose mais il n'hésite pas à aller un cran plus loin : il la fait reposer sur du pur mensonge, sur des bonimenteries, des fables pour amuser les gosses : certains critiques de l'époque ne s'y trompèrent d'ailleurs pas - et même parmi ceux qui, d'habitude, tenaient Anatole France et ses œuvres en très haute estime -, lui reprochant, non sans véhémence pour certains, d'oser toucher à cette espèce de sacralité de l'Histoire de notre pays. Or, France s'en explique très longuement, avec un sens de la raillerie et de l'ironie qui emporte tout, dans la vraie fausse préface de son livre, qui explique sa vision de ce qu'est l'histoire dans un pays donné, du métier d'historien. L'un d'entre eux lui conseille d'ailleurs ceci, afin de bien prendre le pouls de ce qu'il va rédiger, s'il veut obtenir la reconnaissance de ses pairs et le succès public : « Les historiens se copient les uns les autres. Ils s'épargnent ainsi de la fatigue et évitent de paraître outrecuidants. Imitez-les et ne soyez pas original. Un historien original est l'objet de la défiance, du mépris et du dégoût universel. Croyez-vous, Monsieur, ajouta-t-il, que je serais considéré, honoré comme je suis, si j'avais mis dans mes livres d'histoire des nouveautés ? Et qu'est-ce que les nouveautés ? Des impertinences.». Ce n'est sans doute plus aussi vrai aujourd'hui, mais est-on bien certain que cela ne le soit plus du tout ? Le thème récemment relancé du fameux "Roman National" n'est rien moins que ce dont France se méfiait déjà avec une telle acuité.



L'histoire allant son cours, l'historien pingouiniste passe en revue certaines fortes personnalités, essentiellement de sang royal, du moyen-âge. On y croise une reine indomptable, une certaine Crucha ; On rencontre un clerc rédacteur de la première histoire (en fait, une vaste hagiographie de Saints et de Rois) de son pays, la "Gesta Pinguinorum", aussi pleine d'erreurs et de mensonges que ce que ses minces savoirs purent lui faire découvrir, mais qui demeura une référence absolue pour plusieurs siècles. La Renaissance est traitée d'un ton presque badin et loufoque par le biais de l'histoire d'un certain Marbode, un clerc souhaitant rencontrer aux enfers son poète vénéré, le grand Ovide. Toute ressemblance avec Dante Alighieri n'est absolument pas fortuite puisque l'auteur de l'Eneide lui-même (qui avoue ne pas croire un instant aux fables qu'il y conta) se souvient de cette rencontre fameuse qui donna le texte que l'on sait, bien qu'en quelques mots, Ovide en désacralise totalement l'auteur, le genre et le contenu : «Une âme audacieuse l'agitait sans cesse et son esprit nourrissait de vastes pensées, mais il témoignait, hélas ! par sa rudesse et son ignorance, du triomphe de la barbarie.» Voilà pour celui qui est souvent considéré comme le premier grand génie de toute la littérature européenne : un barbare... Au passage, Anatole France moque cette propension qu'a longtemps eut l'église de récupérer à son compte exclusif des célébrités antiques nonobstant l'impossibilité pour ces génies d'avoir jamais pu être chrétiens, étant d'un autre temps, d'une autre civilisation...



Anatole France passe assez vite sur l'évocation des guerres de religion puis sur la fin de l'ancien régime - explique que l'église, par esprit de rapprochement intéressé d'avec les sciences en pleine r-évolution, élaguait assez généreusement parmi les légendes et autres belles fables sans fondement ni source sérieuse afin de se rapprocher de l'esprit des temps. L'intention était louable mais à la fois tardive et dangereuse (pour elle) : c'est de ce genre de réflexion que naquit l'esprit des lumières, remettant tout en doute, à commencer par l'existence même d'un Dieu...

Les Lumières sont aussi très brièvement survolées, de même que la révolution - Anatole France pensait-il déjà à son futur grand texte "Les dieux ont soif" ? - Le résumé de la biographie de l'avatar pingouinesque de notre fameux Napoléon-Bonaparte est un véritable jeu de massacre d'une férocité sans équivalent ni équivoque : l'homme apporta la gloire... et rien que des malheurs !

L'évocation des turpitudes politiques du XIXème siècle tout juste mort n'est qu'un bref survol jusqu'à la présentation très détaillée du boulangisme et de son général, affaire que nous avons copieusement oubliée aujourd'hui, mais qui occupa grandement les premières années de la IIIème République et l'ébranla un moment, tandis qu'il s'en est fallu d'un rien qu'elle ne causât sa fin anticipée.



Dreyfusard convaincu - souvenons-nous de son "Histoire contemporaine" en quatre moments délicieux. L'Affaire y occupe un rang central - Anatole France fut de ces quelques dreyfusard opiniâtrement déçu : à l'instar du jeune et bouillonnant Charles Péguy, le créateur de M. Bergeret espérait lui aussi que de cette bataille éprouvante mais vivifiante pour les idées de démocratie, de justice, d'honnêteté sortirait enfin un parti laissant derrière lui les vicissitudes, les mauvaises habitudes, les impostures - oui, encore - des vieux partis en place. Hélas, une fois le gros de l'affaire terminée, la plupart de ceux qui avaient combattus pour la vérité avaient aussi vite retrouvé le vieil opportunisme politique, les factions vides de contenu, les anciennes amitiés ou inimitiés de façade. L'auteur le plus lu et le plus célèbre de la France d'alors en conçu un immense regret et même, très certainement, un certain dépit. L'impression plus que désagréable d'un grand rendez-vous manqué de l'histoire en route d'avec les plus dignes et nobles des idéaux humains. Ici, l'affaire Dreyfus prend pour nom "l'Affaire Pyrot" et si le roman devient alors un véritable roman à clefs (dont seuls les plus fins connaisseurs de cette tragédie pourront goûter tout le sel), il n'en demeure pas moins une charge impressionnante encore parfaitement compréhensible contre les forces de réaction, l'église, l'armée, les mous en politiques, les imbéciles, la petite et moyenne bourgeoisie, les va t'en guerre, les ligues monarchistes, les voyous en col blancs (à l'époque on parlait de ronds de cuir), les encapuchonnés et les étoilés, etc.



Ce texte, qui s'apparente plus à une fable philosophique, par certains autres aspect à un pamphlet, s'achève par un véritable ovni littéraire - qui aurait, parait-il, influencé Aldous Huxley dans sa genèse de "Le meilleur des Mondes". Cette ultime partie, il l'intitule brièvement : «Histoire des temps futurs. L’histoire sans fin». Procédant plus du texte dystopique que d'un simple moment d'anticipation, le fin analyste de son temps mais aussi des hommes qu'était France, sa connaissance relativement juste et moderne des progrès scientifiques de son temps, permirent tout ensemble d'obtenir quelques pages d'une étonnante perspicacité quant à un avenir possible de cette fameuse Pingouinie. Cette fin se déroule donc grosso modo dans les années 2000 et décrit un monde pas si éloigné que cela du nôtre. Avec un siècle d'avance et une incroyable acuité, il décrit assez précisément certains maux que nous vivons aujourd'hui. Libéralisme débridé, monde urbain déshumanisant, terrorisme, sciences sans conscience, pauvreté sociale et grands écarts économiques, dans un moment d'écriture une fois encore saisissant d'intelligence et de clairvoyance qui ne laisse pas de questionner notre quotidien et qui révèle, parallèlement une facette pour le moins éloignée du France de La rôtisserie de la reine Pédauque, celle d'un homme profondément pessimiste quant à l'aptitude de l'homme à se changer profondément et à modifier, en mieux, et sa relation à autrui et le monde qu'il crée. Voilà d'ailleurs ce qu'il raconte de cette Pinguinie futurement présente : «Cependant la Pingouinie se glorifiait de sa richesse. Ceux qui produisaient les choses nécessaires à la vie en manquaient ; chez ceux qui ne les produisaient pas, elles surabondaient. " Ce sont là, comme le disait un membre de l'Institut, d'inéluctables fatalités économiques." Le grand peuple pingouin n'avait plus ni traditions, ni culture intellectuelle, ni arts. Les progrès de la civilisation s'y manifestaient par l'industrie meurtrière, la spéculation infâme, le luxe hideux. Sa capitale revêtait comme toutes les grandes villes d'alors, un caractère cosmopolite et financier : il y régnait une laideur immense et régulière. Le pays jouissait d'une tranquillité parfaite. C'était l'apogée.» N'est-ce pas assez saisissant ? «Inéluctables fatalités économiques»... On croirait entendre Mme Margaret Tatcher marteler son : "There is No alternative", devenu le sacro-saint credo de toute une certaine élite économico-politique...



Ce n'est pas pour rien que ce texte - malheureusement régulièrement épuisé - est l'un des plus grands de cet auteur génial, par trop oublié, et qui dut subir, dès son décès, autant d'accusations pénibles et fausses qu'il pu s'en prendre à la plupart des corps constitués, confréries, intérêts intellectuels, financiers, politiques de son temps et même par-delà ses années de vie sur terre. Car la plume d'Anatole France est brillante, elle est purement jouissive, jubilatoire à qui sait prendre le temps - elle n'est jamais simple sans être toutefois inévitablement ardue -. Surtout, elle est subversive comme peu ont pu l'être. Car si France fut à ce point conspué post-mortem c'est parce que jusqu'à aujourd'hui encore, avec son irrévérence élégante, son anarchisme sincère, profond mais jamais violent, son sens aiguë de la satyre, de la farce, du détournement, avec ce style et cette manière tellement inhabituelle de composer ses romans, qui n'en sont jamais tout à fait (surtout un comme celui-ci), qui ressemblent à des allégories, mais qui sont aussi des bouffonneries, des peintures réalistes et fantasques tout en même temps, avec tout ceci et bien d'autres choses encore, il s'en est pris à tous les tabous possibles. Qu'on en juge : la croyance profonde en la propriété et ce que nous appellerions aujourd'hui "ses valeurs", ses critiques aussi sévères qu'elles sont véridiques et légitimes des défauts de notre système républicain, sa libre pensée - qui s'appliquait alors à contraindre la pensée réactionnaire catholique mais nul doute que son regard serait tout aussi dubitatif et férocement critique quant au retour en puissance du fait religieux de ces dernières années -, sa remise en cause totale du fait historique, et plus encore, de la moindre possibilité d'écrire une Histoire sans, ou bien l'inventer, ou bien l'utiliser à des fins serviles et déshonnêtes. Tout y passe, absolument tout ! Et à ceux ne regardant que par un tout petit bout d'une lorgnette myope, qui l'ont désavoué pour n'avoir pas tant condamné les horreurs innommables que furent esclavage et colonisation, certes, Anatole France n'éprouve nul besoin d'en faire des tonnes - comme il est systématiquement demandé aujourd'hui, sous peine de n'être point considéré comme crédible - et il conchie ces monstruosités de l'homme contre l'homme en quelques lignes d'une acrimonie, d'une rudesse sans équivoque possible, sous le couvert du sarcasme, dans son chapitre qu'il consacre à l'émergence de la raison, c'est à dire au siècle des lumières : «les Pingouins vantent la pureté de leur race et ils ont raison, car ils sont devenus une race pure. Ce mélange de toutes les humanités, rouge, noire, jaune, blanche, têtes rondes, têtes longues, a formé, au cours des siècles, une famille humaine suffisamment homogène et reconnaissable à certains caractère dus à la communauté de la vie et des mœurs. » et il complète : «Cette idée qu'ils appartiennent à la plus belle race du monde, et qu'ils en sont la plus belle famille, leur inspire un noble orgueil, un courage indomptable et la haine du genre humain. » En deux petits paragraphes, Anatole France nous donne ici une juste idée de la réalité que recouvre ce que certains appellent race et les effets de cette certitude d'être les meilleurs. De cette abjecte et imbécile certitude, il tire la conclusion horrifique et sans appel que « La vie d'un peuple n'est qu'une suite de misères, de
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Histoire contemporaine, tome 1 : L'orme du ..

Allez avouez ! qui de vous ,quand il le connait, a déjà lu Anatole France ? Allez et je cite Olivier Barrot :"Anatole France? Il est de ces figures de proue de la littérature française que la gloire de naguère et l'oubli d'aujourd'hui semblent transformer en fossile."Car Anatole France venait d'être élu à l'Académie française quand il fait paraître en 1897 d'abord dans la presse, chose classique au 19ème siècle, puis en volumes L'orme du mail et le Mannequin d'osier les deux premiers tomes de sa tétralogie appelée Histoire contemporaine.

Ne vous attendez pas à la prose légère et raffinée de Maupassant , ni à un roman à la Zola , c'est du Anatole France . Imaginez la fin de la présidence de Sadi Carnot, l'affaire Dreyfus bat son plein, la IIIème République a pris des mesures qui ne plaisent guère à l'église . Nous sommes dans une petite préfecture, la vie des notables et des ecclésiastiques rythme le récit. Un préfet M Worms-Clavelin , un maître de conférences à la Faculté de lettres M.Bergeret- double de l'auteur?-un abbé supérieur du grand séminaire l'abbé Lantaigne, l'enseignant d'éloquence sacrée l'abbé Guitrel, sa bête noire,une candidature au poste d'évêque de Tourcoing ....tout ce petit monde croqué comme il convient. Mais ô surprise tout ce petit monde s'exprime , défend de pied ferme son point de vue et certains propos tenus n'ont, me semble t'il, pas pris une ride.Une belle découverte d'un auteur récompensé par un Prix Nobel en 1921 au parcours pour le moins original.....
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L'île des pingouins

Peut-être le roman le plus incisif d'Anatole France : cette fois, l'auteur ne se contente pas de saillies impromptues disséminées au fil d'un récit polyvalent, mais s'attaque directement à la société dans ses fondements en en retraçant une histoire burlesque et pittoresque.



Anecdotes, réparties savoureuses et analyses brûlantes s'enchaînent pour brosser un tableau efficace et féroce de la société, abordant avec le même sourire incrédule les fondements hypothétique de la civilisation avec l'affaire Dreyfus mieux documentée mais non plus raisonnée, et c'est bien là tout le génie de Monsieur France : débusquer l'absurde derrière l'ordre, souligner la passion qui baigne la raison et ravaler l'orgueil de toute opinion bien-pensante.



Un régal de lecture.
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Les dieux ont soif

Ce roman est une plongée dans la Révolution au moment où Robespierre atteint le summum de sa gloire et de son pouvoir.



C'est au travers de d'Evariste Gamelin, jeune peintre , nommé juré du tribunal populaire, que l'on suit les soubresauts de cette période ensanglantée . Nommé juré, il sombre dans une intolérance et un manque d'humanité. Il faut du sang, il faut des morts, il faut des responsables, les têtes tombent tant et plus mais rien ne vient arrêter la terreur des "convertis ". Evariste se sent de plus en plus justifié dans son délire justicier, il ne pense plus , il "croit" dans la révolution , dans Robespierre . Nourri de complots, de faux complots pour comploter aux vrais complots pour détruire l'oeuvre en cours tout est bon pour avoir raison.



L'écriture est une grande réussite tout comme la construction du récit qui monte en puissance telle la folie meurtrière de Gamelin , vocabulaire fin et ciselé, description de moments et lieux comme des tableaux, nous immerge totalement dans cette époque.



Le fond n'a pas pris une ride -hélas !- quand une théorie, politique, religieuse, philosophique, sociale se prend à laver plus blanc que blanc alors il y a toujours quelqu'un qui n'a pas fait assez !



Un roman à découvrir .
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Histoire contemporaine, tome 4 : Monsieur B..

Relu les 4 volumes de L'Histoire contemporaine. C'est amusant de se retrouver, à front renversé, face à un auteur dont on ne partage aucune opinion, mais qui a le don de vous faire rire de vos propres stigmates en tant qu'adversaire politique (*), par sa subtilité, son ambiguïté, sa hauteur de vues et surtout sa connaissance pénétrante et non sans cynisme de la psychologie humaine et des mobiles cachés de la comédie sociale. le style est extraordinaire. Anatole France est un très grand maître de la langue française, exacte, épurée... autopsique. Même si je préfère le style nerveux d'un Paul Valéry ou colérique d'un Montherlant à celui, flegmatique et grinçant, d'Anatole France. Mais je suis admiratif. Très admiratif.



(*) Oui, car on n'a pas besoin d'être le contemporain stricto sensu de quelqu'un pour savoir qu'on est du parti contraire et qu'on se serait certainement fritté à toutes les époques et sous toutes les latitudes.
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Les sept femmes de La Barbe-Bleue et autres..

Anatole France nous reprend ici des légendes les plus populaires tout en asseyant d'en trouver une démarche plus logique, avec une érudition à l'appui, il nous fait vivre des événements comme si on se retrouvait devant un documentaire, à la recherche d'une certaine vérité. Entre Les sept femmes de Barbe-bleue, un gentleman riche qui va connaître six unions malheureuses, il faut dire qu'il a connu tous les caprices des femmes, de celle qui s'ennuie dans les richesses, à celle qui préfère restée chaste alors qu'elle a agréé au mariage, c'est à la septième union que la vie de Barbe-bleue va être mise en danger... et Histoire de la duchesse de Cicogne et de M. Boulingrin qui dormirent cent ans en compagnie de la Belle-au-bois-dormant. .. passant par Le miracle du grand Saint Antoine, qui ressuscite trois enfants alors qu'ils étaient coupés en morceaux et gardés dans un saloir, le véritable combat, dans cette histoire, n'est pas ce grand miracle de la résurrection plutôt comment façonner ces pauvres enfants en de vrais hommes sans qu'ils perdent les repères de leur humanité.... finalement, c'est la longue histoire de La chemise qui m'a beaucoup fasciné dans ce recueil. Un roi se trouve sérieusement malade, une fois qu'il ait fait appel au grand médecin Rodrigue, celui-ci lui demande de chercher la chemise d'un homme heureux. Une fois que le roi l'aurait portée, il serait guéri. Où trouver un homme heureux? Tout le royaume est mis en déroute, entre le rire aux éclats et la gloire héroïque, entre la passion créatrice et l'éloquence d'un érudit, entre la tranquillité de l'âme ou religieuse et les richesses de ce monde....le fossé est trop grand, entre toutes ces considérations populaires et le bonheur...



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Histoire contemporaine, tome 4 : Monsieur B..

Monsieur Bergeret à Paris, c'est aussi les derniers moments qu'on passe avec notre personnage grand penseur de la vie contemporaine. Dans ce tome, ses pensées vacillent entre cette soif de vouloir sauver le monde et le regret de ne pouvoir retourner le cours irréversible de l'histoire. Monsieur Bergeret est enfin accepté à la Sorbonne, il est à Paris et il n'arrête pas de philosopher, cette fois-ci, en toute aise, car sa femme n'est là pas. S'il ne philosophe pas avec son chien Riquet, ça sera avec sa fille dont l'intelligence est en train de se développer peu à peu...
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Les dieux ont soif

Il me semble que la postérité commence à sourire à Anatole France, auteur fétiche de la bourgeoisie de son époque, longtemps décrié pour excès de classicisme. Pour ceux qui ne l'on pas lu, Les Dieux ont soif est un texte qui constitue une bonne entrée en matière (il est d'ailleurs permis de penser qu'il s'agit là d'un des meilleurs romans sur la Révolution). Et que les mêmes poursuivent avec la tétralogie d'Histoire Contemporaine. Ils passeront quelques moments de lecture avec un auteur fort fréquentable, quoi qu'on en dise !
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Histoire contemporaine, tome 4 : Monsieur B..

M.Bergeret est à Paris conférencier à la Sorbonne. Égal à lui-même il réfléchit, il étudie , il commente l'actualité et reste fidèle à ses convictions profondes et à son désir d'un État idéal dans lequel serait éradiquée la pauvreté et abolie la notion de propriété.. Mais voilà n'est pas encore né celui qui le connaîtra . Qu'importe d'ailleurs au citoyen de base ce que peut penser un Bergeret ou un Joseph Lacrisse royaliste qui vient de se faire élire conseiller municipal comme nationaliste . Les yeux fixés sur l'exposition universelle qui s'est ouverte à Paris le quidam vit au jour le jour. Jean Coq et Jean Mouton se portent bien , l'Affaire toujours présente dans les esprits sera t'elle détrônée à la une de la presse par l'affaire Panama ? Les flonflons de la fête incitent à la danse et non à la révolte .....peine perdue pour les agitateurs en tous genres .

Cette Histoire contemporaine s'achève sans tambour ni trompette. L'auteur pensait il un jour y revenir ? J'avoue que ce dernier tome m' a laissée sur ma faim malgré quelques passages d'une modernité extraordinaire qui pourrait me faire dire qu'Anatole France était un visionnaire . Mais qu'importent ces quelques dernières pages moins marquantes cette Histoire contemporaine, grand succès à sa parution, est à découvrir ne serait-ce que par l'analyse proposée de la société française sous la troisième République et de ses retentissements sur notre société actuelle car bien sûr l'Histoire n'est qu'un perpétuel recommencement dixit Thucydide -460av JC........
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Crainquebille

"Crainquebille" fait partie de ces rares œuvres qui sont universelles.

C'est une pièce en trois tableaux, un petit drame qui devient amère philosophie.

Selon Anatole France, un livre est "une œuvre de sorcellerie d'où s'échappent toutes sortes d'images qui troublent les esprits et changent les cœurs".

"Crainquebille" est la démonstration de cet adage.

"On ouvre ces pages en souriant, on les referme l'esprit sérieux, le coeur ému".

A soixante ans passés, le père Crainquebille se brûle encore les mains aux brancards de sa voiture. Marchand ambulant, il vend des légumes qu'il va, dès cinq heures, se procurer sur le carreau des Halles.

Pour l'heure, il attend les quatorze sous que Mme Bayard, marchande de chaussures, est partie chercher dans sa boutique.

Lorsque surgissant de nulle part, l'agent 64 lâche, dans la rue, un péremptoire et définitif : "Circulez !"

Pour un petit "Mort aux vaches !", qu'il n'a fait que répéter et qui a provoqué les rires, la vie de Crainquebille va être "foulée aux pieds"...

Brassens aurait pu en faire une chanson. Brassens aurait dû !

Mais il était trop occupé avec ses deux marchandes d'oignons.

Anatole France a fait du père Crainquebille le symbole de l'humble, du petit, qui perdu dans la foule, supporte toutes les injustices, les inégalités, les misères .

Cette oeuvre est forte, émouvante et humaine. Elle est touchante et pittoresque.

Mais il me faut, aussi, parler, pour lui rendre justice, des dessins contenus dans ce 14ème numéro de "L'Illustration Théâtrale" paru le 19 août 1905.

Ils sont tout simplement splendides et donnent une dimension supplémentaire au texte de la pièce.

Ils sont signés Steinlein.

Cette édition de la pièce d'Anatole France est assurément la plus précieuse.

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Les dieux ont soif

Alerte coup de cœur pour ce roman qui se déroule en 1793/1794 durant ce que nous appelons aujourd'hui la Terreur.



Ce que j'ai particulièrement aimé dans @les dieux ont soif c'est qu'@Anatole France ne s'intéresse pas ou peu aux grands personnages de cette période, à savoir Marat, Robespierre ou Saint-Just, qui n'apparaissent que sporadiquement dans le roman. Il donnent la parole aux sans grades et particulièrement à deux d'entre eux.



Evariste Gamelin, jeune peintre jacobin, qui entre au tribunal révolutionnaire et sombre dans la folie meurtrière, prononçant des condamnations à mort d'abord individuelles puis collectives. Il faut nettoyer la France des conspirationnistes réels ou imaginaires qui veulent renverser la République. Comment cet homme humain et généreux devient un être sans pitié ni compassion à l'image de l'Incorruptible c'est ce que décrit le roman.



Monsieur Brotteaux, marquis des Ilettes et fermier général reconverti dans la fabrication de pantins pour assurer son existence, se moque bien de la politique, il n'hésite pas à recueillir un curé ou une prostituée accusés à tort de conspirationnisme, c'est un humaniste qui malgré sa neutralité subira lui aussi l'injustice implacable.



A travers d'autres personnages la vie du Paris de cette époque est décrite, la pauvreté et la famine, la peur puis la résignation devant l'inéluctable, les exécutions publiques par dizaines. Quel triste tableau !



J'ai été très agréablement surpris par la plume d'@Anatole France qui bien qu'étant Nobel de littérature semble être passé aux oubliettes des grands auteurs du début du Xxème siècle, et c'est bien dommage au vu de la qualité de ce très grand et passionnant roman historique.





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Challenge Atout-Prix

Challenge Nobel

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Le lys rouge

Un classique au sens noble du terme...Une écriture ciselée, poétique, nous envoute rapidement...L'exploration du sentiment amoureux est ici portée à son paroxisme tant on détecte de la tension, de la passion, et l'impraticable chemin qui rend l'amour impossible tant il est fort, dramatiquement beau dans sa sauvagerie, son excès, son interdiction aussi...Car l'amour de Thérèse est interdit, mais pourtant il est là, avec ses élans de désirs, de peines, et d'espérances...On en viendrait presque à penser que l'amour ne peut être que cette douleur qui navigue entre l'attente et la possession, qu'il n'y a de repos qu'éphémère et qu'il reste merveilleux dans sa brûlure. Un grand moment de lecture pour les passionnés des phrases justes, des images douces et voluptueuses, d'une recherche constante de ce croustillant qui vous fait mordre dans le texte comme dans du bon pain.
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L'île des pingouins

Livre anecdotique et peu utile qui se propose de parodier l’histoire de l’humanité sur le mode du décalage animalier. Prenez l’histoire de notre espèce, remplacez les gueules d’humains par des faces de pingouins, et vous obtenez un bouquin sans intérêt. Passé le moment où les plus cons s’exclameront « trop bien, il a une tête de pingouin ! », toute l’excitation retombe.





Nous savions que l’histoire de l’humanité n’avait aucun intérêt. Croire qu’il est nécessaire de passer par une métamorphose animalière pour nous en persuader constitue une grave faute de goût.

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Les dieux ont soif

Roman d'intérêt doublement historique par le sujet (les débuts de la terreur en 1793 ) et le point de vue de l'auteur, ancré dans son époque, au début du 20ème siècle.

La langue est belle, le style assez fluide, non dénué d'humour, les personnages sont sympathiques et leur personnalité souvent attachante est bien caractérisée.

Anatole France prend soin de nous faire partager, dans un Paris de l'époque, les mœurs libérés, mais aussi les disettes, les peurs, les transformations....  que vivaient les parisiens

Meme si la manière est parfois un peu trop démonstrative et répétitive, ce qui atténue l'intrigue, il faut reconnaître à l'auteur cette habileté à saisir l'humanité, la psychologie des personnages ; c'est en particulier le cas du héros, dont le côté rigide et incapable de prendre du recul, l'entraîne dans le tourbillon de la terreur, comme un simple pion, alors qu'il se pense animé de la pure foi révolutionnaire.

Surtout ne pas lire la préface, dans cette édition l'auteur pense nécessaire de résumer l'intrigue...

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Le Crime de Sylvestre Bonnard

Juste un petit rappel pour ne pas oublier que j’ai lu ce livre trouvé dans une vieille édition de poche il y a quelques années, chez un bouquiniste. Je n'avais en effet jamais lu Anatole France, académicien et prix Nobel. Il me reste peu de souvenirs de ce roman. Un vieil homme érudit, un vague voyage en Sicile à la recherche d'un manuscrit, une fillette dont il deviendra le tuteur. L'intrigue se tient encore assez bien. En fait, c'est surtout l'ambiance poussiéreuse d’une France début de siècle qui m'a gêné. Car j'ai lu plutôt avec amusement mais aussi avec une certaine curiosité et sans véritablement d'ennui ce roman. Mais A. France fait partie de ces auteurs que j'ai beaucoup de mal à lire tant ils me transmettent une image surannée d'un monde dépassé qui n'a plus court. Comment un écrivain, nobélisé, académicien, connu partout en Europe au début du siècle, notamment grand ami de Stefan Zweig, peut-il être aussi dépassé aujourd’hui ? Que reste t-il de cet auteur ? J'ai envie de répondre : rien. Pourquoi certains auteurs dépassent les siècles et d'autres non ? Mon propos n'engage que moi, bien sûr.
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