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Critiques de Anatole France (265)
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Le chat maigre

Une grosse nouvelle ou un roman court, au choix, Le chat maigre, 66 pages, ne manquera ni d'étonner ni de surprendre le lecteur en mal d'aventures littéraires.

"Alidor Sainte-Lucie, avocat, ancien ministre de l'instruction publique et de la marine, membre de la chambre des députés, président de la commission artistique haïtienne...", cherche un précepteur pour son fils Rémi afin de le présenter avec succès à l'examen du Baccalauréat.

Le fils d'Alidor est "un beau garçon d'un teint olivâtre très pur. Il roulait des yeux ennuyés et semblait tendre au hasard sa grosse bouche sensuelle."

Monsieur Godet-Laterrasse, un "mulâtre de Bourbon, (...) chétif, fripé, crotté (...) (inspirant) cette pitiée sympathique qui s'attache aux chiens savants et aux génies malheureux." est l'homme idoine, "Je compte sur vous pour préparer ce gaillard-là au baccalauréat, et en faire un homme" dit Alidor à Godet-Laterrasse.

Les deux hommes ne se comprennent pas, Godet veut donner une "éducation essentiellement libre" ; "l'université c'est la routine !" s'écrie-t-il. Alidor pense, sans le dire "une telle préparation au baccalauréat (semble) belle, mais périlleuse." mais "il ne démordit pas de confier son fils au créole de Bourbon."

Une fois le père parti, Godet, certain de percevoir ses deux cent francs annuels pour l'éducation de Rémi, s'avère un piètre éducateur, il fait rencontrer à Rémi, Labanne le sculpteur, Branchut le philosophe, Dion le poète et Mercier le journaliste, une bande qui fréquente le restaurant Le Chat Maigre (...) Rémi y séduit Virginie la serveuse, "resté seul dans la boutique obscure, (il) saisit Virginie par la taille et lui donna trois ou quatre baisers dans le cou et sur l'oreille. Virginie résista un moment, puis elle se répandit et se fondit dans les bras du mulâtre."

Livré à lui-même, voyant Godet de façon très épisodique, Rémi goûte aux plaisirs de la vie parisienne, il dépense avec bonheur l'argent paternel. "installé sous les toits d'un fort bon hôtel de la rue des Feuillantines (Rémi) se levait à midi, s'en allait déjeuner, se promenait au soleil, en contemplant par un reste de génie sauvage, les verreries étalées aux devantures des boutiques, et, vers cinq heures, buvait à petites gorgées son vermouth gommé."

"Rémi fut, le plus naturellement du monde, refusé une seconde fois par MM les examinateurs. Son précepteur sait à quoi s'en tenir "ce n'est pas vous qu'ils ont refusé (...) c'est moi. Ils me visaient quand ils vous ont touché."

"Après le second échec, M Godet-Laterrasse,très occupé des affaires publiques, négligea beaucoup son élève. Rémi (...) alla dessiner dans l'atelier de Labanne."

Dans ette courte histoire, Anatole France règle ses comptes avec la socité parisienne avec ses raisonneurs de toutes sortes, mais aussi les nantis prétendant acheter l'éducation de leurs enfants, le tout enveloppé d'un ostracisme qui ne dit pas son nom occulté par la brillance du style et son humour (?)

Une curiosité à lire

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Au petit bonheur

Cette comédie prend place sur fond de guerre des sexes - rien d'agressif, mais le sexisme est bien ancré, des deux côtés, et les clichés vont bon train.





Germaine, veuve de la bonne société, discute avec son amie Cécile du mariage. Les idées de Cécile sont assez originales en la matière ; quant à Germaine, se remarier ne l'intéresse pas. Mais elle est sans cesse courtisée. Nalège, une de ses connaissances masculines, vient lui rendre visite et se lance avec elle dans une conversation sur les femmes : lui est persuadée que les femmes sont incapables de reconnaître le grand amour et se font avoir par la moindre démonstration hypocrite, pourvu qu'elle ait l'air sentimentale. Germaine affirme que les femmes se rendent compte de tout, voient tout, et font évidemment facilement la part entre l'amour vrai et l'amour feint. Nalège va donc se lancer dans une démonstration, théorique puis, pour le coup, véritablement mise en scène, pour prouver la véracité de son point de vue. Chambry, tombeur invétéré, va l'aider involontairement en venant faire la cour à Germaine - comme il fait la cour à toutes les femmes.





C'est léger, drôle, et ça n'empêche pas la critique sociale, avec à l'appui de personnages bien campés, notamment celui de Germaine qui, quoiqu'elle en dise, trouve presque tout "délicieux et "charmant". Leurs allées et venues sont organisées de façon efficace, si bien que le rythme est toujours soutenu. Nalège finira par démontrer que Germaine apprécie effectivement qu'on lui conte des douceurs et n'est pas spécialement douée pour repérer les sentiments véritables, mais pour autant Germaine ne sera pas dupe du jeu de Chambry. Anatole France nous livre là un petit jeu savoureux sur les clichés, amis surtout sur les relations des hommes et des femmes dans la bourgeoisie. La réplique finale met un terme un peu vite emballé à la pièce, c'est son plus gros défaut. Pour le reste, c'est réussi et tout à fait sympathique.









Challenge Nobel
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Au tournant du siècle

LA TENTATION DU FANTASTIQUE



«Bien avant ses homologues anglo-saxons, Huxley et Wells, il [Anatole France] s'est plongé en utopie. Utopie optimiste dans "M. Bergeret à Paris" ou "Sur la pierre blanche", utopie pessimiste comme celle qui préside à la création de "L'île des pingouins". Il semble bien que l'écrivain ait voulu réunir "La révolte des anges" et "L'île des pingouins" dans un roman, Le Cyclope, dont nous n'avons que les esquisses.»



Ainsi Claude Aziza résume-t-il une partie des intentions d'Anatole France dans ces ouvrages étonnants, souvent majeurs, toujours délicieux, profonds et spirituels que les éditions Omnibus avaient eu l'intelligence de rassembler sous ce titre générique "Au tournant du siècle" et qui donne une idée passablement complète du talent de notre prix Nobel français de 1920.



On y retrouvera ainsi six de ses romans, chroniqués en leur temps par votre serviteur (voir les liens donnés sous les titres), que sont, d'une part, les quatre titres compris dans le cycle "Histoire contemporaine" ainsi que deux autres écrit dans une veine fleurant bon le fantastique tout autant que la dérision et l'ironie :



- L'Orme du mail.

https://www.babelio.com/livres/France-Histoire-contemporaine-1-Lorme-du-mail/113574/critiques/1409242



- Le Mannequin d'osier.

https://www.babelio.com/livres/France-Histoire-contemporaine-2-Le-mannequin-dosier/112753/critiques/1413397



- L'Anneau d'Améthyste.

https://www.babelio.com/livres/France-LAnneau-dAmethyste/960774/critiques/1414062



- Monsieur Bergeret à Paris.

https://www.babelio.com/livres/France-Histoire-contemporaine-4-Monsieur-Bergeret-a-P/189130/critiques/1419922



- L'Île des Pingouins.

https://www.babelio.com/livres/France-Lile-des-pingouins--les-sept-femmes-de-la-barbe-/749005/critiques/1427945



- La révolte des anges.

https://www.babelio.com/livres/France-La-revolte-des-anges/180685/critiques/1639754



Voici qui est presque parfait pour découvrir en profondeur l'oeuvre de ce grand oublié de nos lettres contemporaines mais il faut croire que la condamnation aussi injuste (et de très mauvaise foi) que sans appel des jeunes surréalistes, le tombeau d'Anatole à peine refermé, la mise à l'index de la Papauté, le rejet du parti communiste montant (Anatole France s'est toujours méfié du purisme idéologique en politique. Il suffit, pour s'en convaincre, de relire "Les dieux ont soif" qui est une condamnation sans appel de la période de la terreur sous la Révolution. Le communisme, son expression politique majeure issue de la Révolution russe d'Octobre 1917 et les premiers grands procès de 1922 n'auront pas échappé à la verve aussi féroce que jubilatoire de l'écrivain), et enfin à la bonne France bourgeoise, tentée par la monarchie - ou autres dérives autoritaires telles qu'elles monteront en puissance dans les années qui suivront son décès - à la suite de Maurras et de l'Action Française. Cela faisait beaucoup d'ennemis de pensée, de classe et d'influence contre un seul homme. Nul doute pourtant qu'il est enfin temps de le redécouvrir et de le sortir de cet ennui poli dans lequel il n'a cessé d'être enfermé.



On regrettera cependant deux ou trois choses : pour être véritablement complet, cet ouvrage aurait parfaitement pu inclure trois autres textes majeurs de l'auteur : "La Rôtisserie de la Reine Pédauque" (une énorme bouffonnerie "à la manière de" l'immense François Rabelais dont il était un admirateur, "Les dieux ont soif" déjà cité plus haut, ainsi qu'un autre ouvrage de cette incroyable veine fantastique et que l'auteur considérait comme l'un de ses livres majeurs : "Sur la pierre blanche", introuvable autrement qu'en occasion.

L'autre regret réside dans la diffusion de ce recueil. Bien que ne datant que de janvier 2000, celui si est en effet déjà épuisé chez l'éditeur. Espérons que ce dernier corrigera au plus vite ce manque ! En attendant, celui-ci se trouve encore assez facilement chez les revendeurs de livres de seconde main...



Bonne lecture !
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Les dieux ont soif

Paru en 1912, ce roman d'Anatole France, socialiste et grand ami de Jean Jaurès, se situe à Paris, dans les années de "la Terreur" (1793-1794). Son titre est emprunté à une expression que Camille Desmoulins aurait employée la veille de son exécution. Évariste Gamelin est un jeune peintre désargenté qui vit avec sa mère dans un très modeste appartement parisien et s'éprend d'Elodie, la fille d'un marchand d'estampes. Acquis aux idées de la Révolution, enthousiasmé par les libelles de Marat et les discours de Robespierre, résolu à sauver la République de ses ennemis tant extérieurs qu'intérieurs, il sera nommé juré au Tribunal révolutionnaire. Cette nomination en fera le bras armé de la justice expéditive souhaitée par les jacobins et particulièrement les "montagnards" dont Robespierre était la figure de proue.



Anatole France retrace les évènements de la Révolution aux cours de ces 2 années cruciales en nous immergeant dans la vie du peuple parisien, modestes commerçants, "tricoteuses" (femmes qui assistaient aux procès révolutionnaires), prostituées, hommes d'église constitutionnels ou réfractaires, "ci-devant" nobles complètement ruinés ou conspirateurs, accapareurs (profiteurs des pénuries alimentaires), etc. Le personnage le plus attachant est sans doute Maurice Brotteaux, ancien noble faisant profession d'athéisme (opposé en cela à Robespierre pour qui les athées étaient parmi les ennemis de la Révolution), philosophe inspiré par Voltaire et Helvétius notamment.



Bien que scrupuleux dans sa relation des faits historiques, le roman n'est pas un livre d'Histoire et le parti-pris de France y est sensible. Bien que républicain et favorable à la Révolution française, A. France en condamne les excès commis sous la Terreur, ce dont témoigne le personnage de Gamelin que sa foi en la "pureté" révolutionnaire de Robespierre et de ses amis va peu à peu aveugler et transformer en monstre froid et sanguinaire. Au delà du cadre de la Terreur, Anatole France combat ici tout dogmatisme, qu'il soit réactionnaire, religieux ou révolutionnaire. Les dialogues entre Brotteaux et le Père Longuemare sont à cet égard savoureux. Le scepticisme de Brotteaux (au sens philosophique du terme) est une attitude intellectuelle dont nous avons encore tant besoin aujourd'hui !
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Le jardin d'Épicure

Avec "Le Jardin d'Épicure" - titre qui renvoie à l'école philosophique fondée à Athènes par Épicure, dans un simple jardin - Anatole France, récipiendaire du Prix Nobel de littérature en 1921, joue au philosophe, un peu comme je jouais à la marchande quand j'étais petite fille. Pour ce faire, revêtant non pas un tablier mais la panoplie complète du parfait philosophe, il s'évertue à éclairer de ses avis les grands thèmes communément abordés par la Philosophie universelle : spiritualité, éthique, esthétique, politique, enseignement, savoir, histoire, place et rôle de la femme dans la société, ce dernier point se révélant parfaitement édifiant et indigeste de nos jours.



Tout ceci, Anatole France le développe dans un esprit épicurien. Ici j'ouvre la parenthèse et j'en profite pour pointer du doigt la petite confusion habituelle sur le sens de l'épicurisme ; contrairement à ce que l'on croit, il ne s'agit pas de la quête du bonheur par la jouissance immédiate de tout profit et de tout bien mais de la recherche des moyens d'atteindre la paix de l'âme (l'ataraxie). Je ferme la parenthèse, c'était la minute intello.



Revenons à notre pote Anatole. le présent essai se compose de deux parties. Dans un premier temps, c'est une sorte de recueil, florilège de pensées et de réflexions philosophiques, d'anecdotes réelles ou fictives, de maximes et autres considérations personnelles aux allures de dogmes ou de théories plus ou moins scientifiques ou théologiques selon le thème abordé. Côté lecteur, même si le style est accessible, il s'agit quand même de s'accrocher à ses bretelles car l'ensemble donne un sentiment de grand éparpillement.



A noter au passage, un grandiose morceau de misogynie qu'on pourrait résumer non pas par l'éculé "Sois belle et tais-toi" mais plutôt par l'innovant "T'es conne et tant mieux pour tous".



La seconde partie du "Jardin d'Épicure" change radicalement de forme et regroupe des conversations réunissant Descartes, Saint-Augustin, Platon, Bossuet, Ulysse, Aristote, et quelques autres, tous réunis pour un débat philosophique sans grande surprise sur la vie, l'âme et l'immortalité, etc., ou encore l'auteur et Cadmus le Phénicien, reconnu comme le père de l'alphabet et donc, par extension, comme celui de la littérature, et ayant droit à ce titre à tous les hommages.



En achevant ma lecture, j'ai été un peu hésitante sur le sens à lui donner. Quel était le but recherché par Anatole France en exposant ainsi des bribes d'opinions ? Je ne suis pas certaine de tenir la réponse, c'est sans doute pourquoi je reste sur une sensation d'inabouti, peu faite pour enrayer mon manque d'appétence chronique pour la philosophie.





Challenge PETITS PLAISIRS 2016

Challenge 19ème siècle 2016

Challenge MULTI-DEFIS 2016

Challenge ATOUT PRIX 2016
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L'île des pingouins

Alors qu'il était en route pour corriger certains de ses ouailles qu'il a évangélisé quelques années plus tôt, Saint Maël est trompé par le Diable et atterrit sur un îlot peuplé par des Pingouins. Le vieil homme a eu les yeux légèrement brûlés par le soleil qui se reflète sur la banquise des Pingouins et confond ces sympathiques volatiles avec des êtres humains. Il les baptise donc sur le champ.

C'est la panique au Paradis : que faire d'une bande de Pingouins catholiques ? Après bien des discussions, Dieu, les saints et d'anciens Papes se mettent d'accord : la seule solution, c'est de transformer les Pingouins en hommes.

Lorsque cette délicate opération est réalisé, Saint Maël décide de ramener les Pingouins avec lui et traîne leur îlot jusqu'aux rivages Bretons.



Anatole France m'a surprise avec ce roman. Je m'attendais à quelque chose de long et de très vieillot vu le sujet religieux dont il est d'abord question dans les premières pages, mais en réalité, cette Île des Pingouins est plutôt une satire très bien construite.

Anatole France s'y moque à peu près de tout : la religion, certains de ses collègues écrivains, le Diable, la civilisation,... Les saints hommes en prennent pour leur grade avec le pauvre Saint Maël, finalement plus bête que méchant, mais aussi avec le Diable, qui prend plus d'une fois l'apparence d'un religieux afin de tromper Maël et de l'amener à faire n'importe quoi.

L'auteur n'hésite pas non plus à se lancer dans une sorte de critique du progrès, puisque ses Pingouins semblaient bien plus heureux et bien plus équilibrés lorsqu'ils n'étaient que des oiseaux. Après leur transformation en êtres humains, les Pingouins découvrent la civilisation et tous ses revers : appropriation des terres par la force, guerres, querelles, mensonges, vols,...

Finalement, L'île des Pingouins, loin d'être un roman long ou ennuyeux et plutôt un récit assez comique et, surtout, très réaliste : Anatole France ne se fait aucune illusion en ce qui concerne les hommes et il n'hésite pas à le prouver grâce à sa plume plus qu'acérée.

Encore une très belle découverte dans le cadre du Challenge 15 Nobel.



Challenge 15 Nobel : 12/15
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Les dieux ont soif

La révolution française est un évènement historique majeur qui a permis l'abolition des privilèges et la première constitution écrite. Mais si la période est riche en bouleversements elle est aussi complexe ; s’il y a eu des moments d'euphorie d'autres sont plus sombres comme la Terreur. Ce nom témoigne d'une terrible réalité, sujet du roman d'Anatole France dont le titre "Les dieux ont soif" évoque la soif de sang de ceux qui ont le pouvoir et se prennent pour des dieux. Dit comme ça on sent une résonance avec l'actualité, malheureusement.



Nous sommes en 1793, le pays est confronté à de nombreuses menaces dont l'avancée des armées européennes qui veulent rétablir la monarchie. Face à cette situation, la Convention met en place une répression violente envers les opposants au régime, emprisonnés et exécutés.

C'est de l'intérieur qu'Anatole France nous fait vivre la Terreur, à travers la radicalisation d'un jeune peintre, Evariste Gamelin, qui va entrer en politique séduit par les discours de Robespierre et des Jacobins. Cet idéaliste intègre nommé juré au tribunal révolutionnaire va vite être persuadé que la guillotine est la seule solution pour sauver la patrie. De là, les procès arbitraires vont se succéder où il ordonne la mort de dizaine de personnes y compris ses proches.

Il faut dire qu'en ses temps de misère et de faim, le certificat de civisme est de mise et que les délations de "contre-révolutionnaires" vont bon train. Evariste n'hésite pourtant pas à faire guillotiner ceux qui sont présentés au tribunal, souhaitant être patriote jusqu'à la mort.



Anatole France est un fin observateur du monde avec ses ambitions et ses travers mais il a surtout le soucis de la reconstitution de la vie quotidienne de l'époque. Pour cela, il dresse le portrait de personnages du peuple de Paris, entre intrigues amoureuses et familiales sur fond de discussions politiques qui mènent à la réflexion sur la cruauté et le pouvoir.

Ce roman historique est une preuve supplémentaire qu’Anatole France, prix Nobel de littérature 1921, est un grand écrivain.





Challenge Entre-deux 2024

Challenge Multi-défis 2024

Challenge Temps modernes 2024

Challenge XXème siècle 2024

Challenge Nobel illimité

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Histoire contemporaine, tome 4 : Monsieur B..

RIEN NE LEUR SERA PARDONNÉ.



Deux années après la sortie de L'anneau d'Améthyste, texte farouchement dreyfusard, Monsieur Bergeret à Paris, publié en 1901, ferme cette tétralogie sans égal en son temps (et finalement guère plus depuis), inaugurée par Anatole France en 1897 avec L'Orme du mail.



Dans cet ultime opus (qui donne l'étrange sentiment qu'il n'est en rien une fin), nous retrouvons donc notre cher professeur qui, grâce au Recteur de son ancienne université et à ses soutiens parisiens a pu obtenir une chaire en Sorbonne, le tout pour récompense de son courage à défendre incontinent la cause de la seule vérité dans l'affaire Dreyfus - qui, rappelons-le, faisait grand bruit en ces temps-là et coupait pour ainsi dire la France en deux, bien que le camp des Dreyfusard fut largement minoritaire en ses débuts -. L'Affaire (Anatole France ne cite jamais nommément le déchu capitaine, aussi bien qu'il travesti le nom du vrai traître, l'ancien commandant Esterhazy, sous les traits de Raoul Marcien) est encore dans tous les esprits mais, même si les suites judiciaires et militaires de l'affaire sont encore loin d'être terminées - il faudra attendre 1906 pour que Dreyfus soit définitivement innocenté et la même année pour que l'armée le réintègre au grade de Chef d'escadron -, la grâce du président Loubet en 1899 a apaisé bien des esprits, juste après le désastreux jugement rendu par la Cour d'Appel de Rennes l'année précédente. Cette grâce présidentielle permettra au malheureux capitaine de sortir de prison et de retrouver enfin sa famille.





Mais Anatole France alias M. Bergeret ne s'en tient pas pour quitte. Il faut dire que bien qu'ils aient en quelque sorte perdu la main (et finalement pour jamais), les royalistes et l'église ne semble pas vouloir abandonner le terrain de la rébellion anti-républicaine. On voit donc ainsi notre critique mais débonnaire professeur en appeler à une belle et haute récompense à l'encontre de « l'injure des ennemis de la justice » et les déclarer irrémédiablement perdus : « Votre ruine est en vous. Les conséquences nécessaires de vos erreurs et de vos crimes se produisent malgré vous (...) voici que le parti énorme de l'iniquité demeuré intact, respecté, redouté, tombe et s'écroule de lui-même (...) Pourquoi se plaindre que de grands coupables échappent à la loi et gardent de misérables honneurs ? Cela n'importe pas plus, dans notre état social, qu'il n'importait, dans la jeunesse de la terre (...) qu'il restât encore, échoués sur le limon des plages, quelques monstrueux survivants d'une race condamnée ».



Dans le même temps, notre pessimiste positiviste (l'oxymore est de mise) est à la recherche d'un nouvel appartement, celui loué un peu dans l'urgence du déménagement s'avérant définitivement trop exsangue. C'est qu'il n'est pas monté seul dans notre capitale parisienne en pleine effervescence urbanistique : Bien qu'il se soit d'évidence débarrassé définitivement de sa pimbêche d'épouse, leur fille aînée, Pauline, ainsi que sa bien chère sœur, instituée gouvernante de fait (une femme sévère mais d'une délicatesse attendrie pour son frère) l'ont accompagné dans son récent changement d'existence. Ainsi M. Bergeret retrouvera-t-il, ému et nostalgique, l'ancien immeuble dans lequel il grandit, sous la férule joviale d'un père lui-même grand intellectuel. C'est aussi pour nous, lecteur du XXIème siècle, l'occasion de voir se moderniser et se transformer de fond en comble le centre de cette ville capitale qu'est Paris, sous l'impulsion de la célèbre exposition universelle de 1900 qui fut, à n'en pas douter, l'une des manifestations parmi les plus extraordinaires que connu la France de ce tournant du siècle.



Nous suivons aussi M. Bergeret dans sa lecture d'un texte supposément du Moyen-âge et dans lequel l'auteur règle rien moins que ses comptes, entre autres choses, avec la curetaille en la qualifiant de toutes sortes de noms d'oiseaux (et le lecteur de se régaler) : «frocards, hypocrites, bigots, cafars, imposteurs, pouilleux, escabournés, encucullés, cagouleux, tondus et deschaux, mangeurs de crucifix, fesseurs de requiem, mendiants, faiseurs de dupes, captateurs de testaments...» Qu'on ne nous fasse pas croire que cet écrivain là, à la gouaille n'ayant d'équivalent que la profondeur de son esprit, est ennuyeux, un "cadavre" comme l'affirmaient, jaloux, stupides et en mal de quelque sacrifice du passé, les surréalistes à la botte d'André Breton !



Mais revenons-en à notre M. Bergeret : notre homme est toujours et même plus que jamais cet être traînant avec lui une tristesse quasiment ontologique, un regard terriblement critique, sans concession possible sur le monde qui l'entoure. Ce n'est pas pour autant qu'il est dénué de tout rêve, se prenant même à imaginer une véritable utopie collectiviste au cours de l'une des longues et belles discussions qu'il entame avec son aînée, constatant que « Les biens les plus précieux sont communs à tous les hommes, et le furent toujours», c'est à dire l'air, l'eau, un sourire, la parole, etc, et qu'il serait bien moins douloureux à l'humanité de ne plus penser en terme de propriété, de possession qu'elle ne se l'imagine.



Mais s'il espère l'avènement de ce monde plus libre, plus juste et plus fraternel, notre homme demeure un indécrottable sceptique. Voici, en quelques mots, ce qu'il pense de l'homme, s'opposant d'ailleurs définitivement au rousseauisme : «je ne crois pas que les hommes soient bons naturellement. ... Je vois plutôt qu'ils sortent péniblement et peu à peu de la barbarie originelle et qu'ils organisent à grand effort une justice incertaine et une bonté précaire. Le temps est loin encore où ils seront doux et bienveillants les uns pour les autres.» Et quand Pauline lui demande à quelle échéance adviendra ce monde meilleur, M. Bergeret répond : «L'avenir, il faut y travailler comme les tisseurs de haute lice travaillent à leurs tapisseries, sans le voir.»



Ce M. Bergeret à Paris ne manque évidemment pas de toutes les qualités offertes par les trois précédents opus de cette épatente "Histoire contemporaine". Elle est tout à la fois un témoignage de premier plan et de première main sur l'état intellectuel, politique et social d'une grande partie de la France (bien que les classes sociales moins favorisées y soient assez peu présentes, à l'exception notable d'un ouvrier menuisier anarchiste et ancien communard qui, croisant les pas du professeur, reconnait en Bergeret un homme de bien, pour avoir défendu Dreyfus et la vérité contre vents et marées, malgré sa classe sociale supérieure) ainsi qu'un recueil extrêmement fin, complexe, étayé des réflexions fortes bien que pacifiste d'un écrivain indéniablement libre penseur, anarchiste, positiviste mais avec retenue, se méfiant tout aussi bien de ce qu'il nomme, non sans une certaine amertume, "les foules molles" et d'autre part, les forces de réactions (monarchistes, cléricaux, armée). Bien entendu, certaines réflexions peuvent aujourd'hui sembler datées dans leur exposition mais nombre d'entre elles auraient encore leur pertinence par delà la distance temporelle. Car sommes nous bien certains qu'une nouvelle affaire Dreyfus serait si inconcevable aujourd'hui ? Les avancées sociales durement acquises tout au long du XXème siècles ne sont-elles pas mises en coupe réglées aujourd'hui ? Les forces de l'argent, un certain obscurantisme idéologique ou religieux ne sont-ils pas à l'oeuvre en notre début de nouveau siècle ? Voire ! France les avait déjà comprises et décortiquées, toutes ces questions-là...



Peut-être ce dernier volet manque-t-il, en revanche, d'une certaine harmonie de faits, d'une trame un rien plus serrée. Bien entendu, on l'aura compris, les divers fils rouges qui émaillent ces romans aux constructions étonnamment complexes et modernes servent plus de faire-valoir, de prétextes à présenter toutes sortes d'avis, d'opinions, d'idées. Il n'empêche que l'absence d'une vraie ligne de vie dans ce quatrième volet le dessert un peu en ce sens qu'on s'y investit un peu moins, qu'on y relâche un peu plus facilement son attention.



Mais le génie de France, ce grand injustement oublié, y est partout présent, indéniablement. Le style, presque voltairien malgré un langage d'époque avéré, est une petite merveille de français comme on n'en fait plus, comme on n'en fera plus jamais. Nul dommage à cela, nulle amertume : il faut bien que la langue vive. Il n'empêche que c'est d'un ravissement permanent pour l'esprit que ce sentiment d'avoir lu une langue belle, esthétiquement, comme on n'en voit guère.



C'est donc à grand regret que l'on quitte, jusqu'à une prochaine relecture, cet attachant bougre de M. Bergeret !
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Thaïs

« En ce temps-là le désert, était peuplé d'anachorètes. » Rassurez-vous, il n'y a pas que des anachorètes, il y a aussi des cénobites, des cutules, des néphélococcygiens, de l'hysope... Bref, la langue est savante, les références aux mythologies grècque, chrétienne et autres, nombreuses. Je soupçonne Anatole France d'en avoir fait un jeu pour construire une sorte de Dédale littéraire. le ton est mystique, tragique, et parfois philosophique. D'ailleurs, vers le milieu du roman se trouve une scène de banquet écrite à la manière de Platon, sous forme de discussion. le thème, c'est l'ascétisme qui s'oppose aux plaisirs, Paphnuce est l'ascète rigoriste, Thaïs la dépravée, mais évidemment, comme dans toute tragédie classique, les chemins de la vie sont tortueux et pourrait bien jouer des tours à nos protagonistes. C'est une fable philosophique racontée dans le style des tragédies classiques, avec parfois quelques petites pointes d'humour ironique, de grands moments de tension, de réflexion, et des personnages torturés. Ça aurait pu faire un bon livret d'Opéra lyrique, et justement Massenet s'en est chargé : https://www.youtube.com/watch?v=1nKjFBEMpjg. Cela vaut bien une méditation.

J'avoue que je n'avais pas souvent lu de romans de ce type, au style recherché, cultivé, ornementé, et même le thème, la réflexion religieuse, n'est pas du genre à m'attirer, pourtant cette lecture ne m'a pas du tout parut fastidieuse, je me suis laissé prendre au jeu, emporter par le lyrisme. Une lecture envoutante.
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Le Crime de Sylvestre Bonnard

CHALLENGE NOBEL 2013/2014 (14/15)



Moi qui, pour ce challenge, ne voulais pas trop remonter dans le temps par crainte de tomber sur une histoire complètement désuète, je viens de trouver une petite pépite écrite par le Nobel de 1921, à savoir Anatole France. Il s'agit de son premier roman qui date (je n'en crois pas mes yeux) de 1881. de lui, je ne garde que le vague souvenir de son nom, prononcé sûrement lors de mes années d'école.



Je suis totalement sous le charme de son héros, ce vieil érudit de Sylvestre Bonnard qui se complaît au milieu de sa "cité des livres", parle à son chat et persiste à vivre sous la coupole de Thérèse, sa servante aussi irascible dans son caractère qu'elle est irréprochable dans son travail. Une fois habituée au style qui m'a fait réviser des conjugaisons oubliées, j'ai pu savourer avec délectation ce mélange de philosophie et d'humour.

C'est le journal de ce bibliophile passionné que nous découvrons. Dans une première partie, il nous parle de sa quête d'un livre rarissime qui lui échappe sans arrêt et qui lui parviendra enfin en guise de remerciement pour sa bonté passée.

Dans une deuxième partie, il nous conte sa rencontre avec une jeune orpheline, petite-fille d'une jeune femme qu'il a jadis aimée. Mais quel est donc ce "crime", qu'il va commettre ? lui qui, sous son air bougon, n'est que bravoure et générosité. Cette aventure bouleversera son existence de vieil homme quand il prendra conscience que peut-être la vraie vie est ailleurs que dans ses grimoires anciens.



Tout cela aurait pu sentir la poussière mais l'auto-dérision dont fait preuve Sylvestre Bonnard donne un sacré coup de jeune à ce roman.

La passion des livres et des chats, les belles réflexions sur la vieillesse et la vie, tout cela mérite bien un 18/20.
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Le Livre de mon ami

« Le livre de mon ami », 1885.

L’ami, c’est Pierre Nozière. Il est le héros d'une foule d'événements tirés de son enfance : une suite de charmants tableaux qui raconte l'enfance de Pierre à travers ses premières émois amoureux. En fait, et on l’aura compris, une autobiographie à peine déguisée de l’enfance de l’auteur, Anatole France.



Anatole France, de son vrai nom, François Anatole Thibault, un auteur quasiment oublié de nos jours, alors que Prix Nobel de Littérature 1921, il fut considéré à l’époque comme l’un des écrivains majeurs de la Troisième République dont il fut également l’un des plus importants critiques littéraires…. Pas toujours très tendre avec Zola qu’il ne reconnaîtra vraiment qu’à partir des années 1890 avec « La bête humaine », « L’argent » et « La débâcle » auxquels il consacrera des articles élogieux. Collectionneur et bibliophile.



Un style souvent en opposition avec celui de Zola et les « naturalistes », plus léger, moins vif et moins brutal. Qu’il est bon de temps à autre de se replonger dans cette magnifique prose de la fin du XIX ème siècle… Reposant .

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Le Livre de mon ami

Ce livre autobiographique nous dresse quelques bribes de souvenirs de l'enfance de l'auteur. Il nous parle de l'influence des fées, qu'il appelle parfois par des monstres dans sa vie, pensant qu'il y aurait des fées méchantes et aussi des gentilles. De sorte que, à toute rencontre que fera notre petit Pierre Nozières, fils de docteur, il se créera des personnages autour de ces personnes rencontrées, comme avec la dame en blanc qui l'appelle déjà par son petit chéri, ou encore sa grand-mère qui a vécu des moments horribles de sa vie sous la période de terreur avec Robespierre...et bien d'autres...

Une écriture bien fluide, des pensées de l'auteur sont exprimées avec bien plus de légèreté que d'habitude!
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Jocaste - Le chat maigre - Le crime de Sylv..

Dans ce recueil, je vais m'attacher à la nouvelle, intitulée Le Chat maigre.



Anatole France m'ennuie. Au sens figuré, tout d'abord, puisqu'il est à la charnière du XIXe et du XXe (né en 1844, mort en 1924, ses oeuvres s'étalent de 1873 à 1933). Alors, je le classe où, moi, hein ? Les différentes anthologies le placent dans le XXe, mais je vais dénoter en le mettant dans le XIXe puisque ces deux nouvelles ont été écrites en 1879 et que, de toute façon, je ne lirai rien d'autre. Bon, ça, c'est fait !



Deuzio, il m'ennuie au sens propre du terme. Je pensais trouver dans Le Chat maigre, nom d'un restaurant (bizarre, hein ?) se situant dans un endroit un peu glauque (ah, voilà, on comprend mieux... Mais non... le titre est dû à une peinture... ça ne vous rappelle rien ?), une esquisse de vie comme dans La Maison du Chat-qui-pelote de Balzac. Vous comprendrez aisément la référence. Mais pourquoi ai-je soudain cette sensation de déjà-vu ?



On retrouve ici le milieu bourgeois comme dans la nouvelle de Balzac. Chez A. France, y gravitent des intellectuels et des artistes. C'est une peinture sur le mur du restaurant (et non plus d'une boutique) qui donne son titre à la nouvelle. Le Chat Maigre est situé rue saint Jacques (contre la rue saint Denis pour Balzac)... Allez, j'arrête là, on aura compris que je trouve plutôt cavalier de reprendre ainsi un thème, cinquante ans plus tard, comme si de rien n'était.



Parlons un peu du style... J'avoue que c'est le premier texte d'Anatole France que je lis. Eh bien, pfiouuu, c'est un peu lourd jeune homme ! Le style a mal vieilli. Et puis les dialogues à n'en plus finir, peu réalistes à mon sens, faits à base de clichés, de dictons ou de choses inutiles remplissant la page, je dis non !!! Tenez, en voici un exemple :



"L’affaire qui les réunissait fut traitée entre les rognons sautés et les petits pois au sucre. Monsieur Godet-Laterrasse provoqua les explications.

― Eh bien ! mon ami, dit-il à son futur élève, en lui tapant sur l’épaule, nous allons donc prendre nos grades dans la vieille Université ?

Monsieur Alidor, ainsi amorcé, dit en émiettant son pain avec nonchalance :

― Comme je vous l’ai écrit, mon cher Godet, et, par parenthèse, j’ai eu du mal à trouver votre adresse. C’est Brandt… Vous savez, Brandt, le tailleur, qui l’a découverte par le plus grand des hasards. Il vous cher­chait aussi à ce qu’il paraît.

— C’est possible, dit monsieur Godet-Laterrasse, en fai­sant dans le vide le geste d’écarter quelque chose.

— Comme je vous l’ai écrit, je compte sur vous pour préparer ce gaillard-là au baccalauréat, et en faire un homme.

Monsieur Godet-Laterrasse redressa son buste contre le dossier de sa chaise, plaça son visage horizontalement et dit :

― Avant tout, mon cher Sainte-Lucie, je dois vous faire ma profession de foi. Je suis inébranlable sur les principes. Je suis l’homme de fer qu’on brise mais qu’on ne plie pas.

— Je sais, je sais, dit monsieur Sainte-Lucie en conti­nuant d’émietter son pain."



Le Godet-Laterrasse devait avoir les chevilles qui enflent ! Et quel nom mes aïeux !

Dois-je parler de la narration ? Oh, allez, ne nous privons pas... Je la trouve aussi lourde que les dialogues.



Brisons-là ! Je ne renouvellerai pas l'expérience !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Histoire contemporaine, tome 1 : L'orme du ..

OÙ L'ON DÉCOUVRE CE CHER M. BERGERET...



Premier volet de cette tétralogie intitulée "Histoire contemporaine", L'Orme du mail, publié en 1897, peut être considéré comme un volume introductif à cet ensemble plus conséquent, celui par lequel Anatole France, auteur génial et styliste bien trop oublié, pour ne pas écrire méprisé (merci les surréalistes des années 20, merci Gide, merci l'Eglise Catholique, merci les factions droitières de l'entre-deux guerres, etc), présente pour bonne part des personnages qui nous accompagneront sur les trois épisodes suivants, donne le ton général de l'ensemble, et pose quelques unes des thématiques qui feront de cette suite d'ouvrages édités sur quatre années de la vie de leur auteur une sorte de Comédie Humaine en miniature, une chronique provinciale puis parisienne des débuts de - feue - la Troisième République.



Bien que débutée presque accidentellement par ce qui aurait pu rester à l'état de nouvelle très anticléricale (mais toujours avec finesse), L'Orme du Mail nous conte par le menu la guerre impitoyable, autant qu'elle est délicieusement feutrée, entre deux candidats à l'évêché de Tourcoing (vacant pour cause de retour au ciel éternel de son précédent dépositaire...), le tout au sein de la communauté des privilégiés de la moyenne et haute bourgeoisie d'une cité de province de taille moyenne (dont nous ne saurons jamais le nom exact, l'auteur laissant à chacun le soin d'imaginer ce qu'il veut. Nous sommes cependant plutôt au nord de la Loire et à l'Ouest de Paris).

L'abbé Lantaigne d'abord, responsable du grand séminaire, un érudit, austère et froid, peu ami des idées nouvelles et tourné vers le passé, tant en religion qu'en politique. Le second, l'abbé Guitrel, est professeur d'éloquence, également au grand séminaire, d'une telle souplesse d'idée qu'on fini même par ne jamais trop savoir ce qu'il pense au fond, sinon ce que son interlocuteur du moment exprime, onctueux jusqu'à en devenir insupportable, ce qui lui permet de mieux réussir dans sa campagne. Mais ces deux compères se rejoignent sur quelques défauts : hypocrites jusqu'à la componction, sournois et roués lorsqu'il s'agit de dire du mal de l'adversaire sans en avoir l'air. Pareillement orgueilleux dans le plaisir intime qu'ils ont à se voir ceint de la fameuse bague d'améthyste, marque insigne des évêques.



Nous faisons ainsi très vite connaissance avec le Préfet Worms-Clavelin, d'origine juive, ainsi que son épouse, et par ailleurs franc-maçon, se disant libre-penseur mais en réalité sa seule religion est de se maintenir à son poste, quels que soient la couleur des gouvernements. Son épouse, collectionneuse d'art religieux chrétien et de prêtre, tire peu à peu son athée d'époux vers une sorte de mièvrerie coupable à l'égard de l'Eglise et même un antisémitisme de classe lorsque se déclenchent les débuts de l'Affaire (laquelle n'est jamais nommément précisée, mais tout le monde l'aura compris, il s'agit de la terrible affaire dreyfus, qui irrigue l'ensemble de la tétralogie).

On croise aussi de ces petits hobereaux de province, dont les ancêtres encore proches possédaient en propre les terres désormais sous responsabilité de la République et des élus locaux généralement d'autant plus honnis que ce sont d'abominables radicaux. Quant aux collectivistes socialistes, n'en parlons pas : ils sont rien moins que les représentants du diable sur terre. Fort heureusement, notre petit morceau de province n'en connait guère.

L'armée n'est pas en reste, représentée en particulier par un vieux général monarchiste mais tellement légitimiste que jamais ne lui viendrait l'idée de se dresser contre la République, qu'il déteste pourtant cordialement en son cœur.

Enfin, mais assez tardivement dans le corps du livre, découvrons-nous enfin ce cher M. Bergeret, professeur d'université sans grade ni espoir de promotion, généralement mal embouché, libre penseur véritable, libéral d'esprit comme de caractère, voltairien en des temps où l'on est pour Zola ou Maurras, plus mécompris que véritablement haïs, fuit par les autres pas tant à cause de ses idées que par la faute de cette espèce de tristesse lasse, sceptique, brouillonne qu'il traîne derrière lui. Sa femme le déteste, et il le lui rend bien (mais à sa manière tellement fine qu'il est probable qu'elle ne s'en aperçoit pas), ses collègues ne l'apprécient guère et il ne fait rien pour corriger le tir, quant à ses seuls amis, ils le sont pour l'unique motif que tous fréquentent le boudoir de la seule librairie de la place, lieu de ses rares loisirs où il a pour habitude d'ouvrir le même livre à la même page depuis des années. Il prend toutefois plaisir à croiser le fer des mots avec l'Abbé Lantaigne qui, malgré ses innombrables défauts de prêtre sectaire, est d'un niveau intellectuel bien supérieur à la moyenne et peut ainsi donner le change à notre gentil et triste Diogène sous ce fameux orme du mail qu'il aime à traverser de part en part.



Ainsi, entre cet être attachant mais parfaitement sans pouvoir, désabusé, pas heureux à défaut d'être franchement malheureux, et ce petit monde tout entier tourné vers la politique - plus souvent celle de la basse politique que des idées. La politique comme lieu de pouvoir, même insigne ; la politique comme moyen de parvenir à un certain confort financier ; la politique comme meilleur moyen de réclamer et d'imposer son statut au sein d'une société proprement dite - c'est à une critique aussi efficace qu'elle est habile dans sa rudesse de cette église qui n'a pas encore bien pris le pouls de cette République naissante, tout juste sortie des affres de la fin du Second Empire, de l'échec retentissant du boulangisme, des tensions permanentes entre les forces réactionnaires, nationalistes et monarchistes en tête, et forces républicaines, libérales et radicales. Le régime de concordat instille un régime ambigu quant aux rapports entre l'Etat et l'Eglise, mais ce sont surtout les lois anticléricales de 1880 sur les congrégations (qui préfigurent la loi de 1905 sur la séparation de l'église et l'état) est toujours en travers du gosier de la plupart des opposants au régime en place.



Un premier volet terriblement attachant, d'une construction sans aucun doute fort lâche, parfois même à la trame assez difficilement compréhensible, aux thématiques aussi diverses que peut l'être l'existence, mais servi par un esprit d'une vivacité incroyable, à l'humour aussi ténu, fin, diaboliquement léger et retenu qu'il porte à tous coups, capable des pires grivoiseries sans avoir à exprimer le moindre mot leste, des portraits à l'emporte-pièce - quelques lignes perfides suffisent à l'esprit de France pour tout dire d'un imbécile ou d'un fat - pour lesquels on songe que l'on n'aurait pas aimé se trouver à la place des personnalités ainsi croquées. Au bout du compte, une lecture ravigorante malgré son éloignement temporel, de même que la découverte d'un monde, d'une période - les prémisses de cette fameuse "belle époque" - que nous connaissons d'évidence fort mal, sinon par le biais de quelques clichés (au propre comme au figuré) bien trompeur sur la réalité de ces temps. Un régal pour fins gourmets !



Mais n'en disons pas plus... Le quatrième volet de cette étonnante Histoire Contemporaine fera l'objet d'une plus longue exploration. A suivre !
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L'orme du mail

Comme il fait bon s’assoir à l’ombre de l’orme du mail de la bonne ville de Tourcoing ! Bien qu’opposés en tout, L’abbé Lantaigne, supérieur du grand séminaire et Lucien Bergeret, maître de conférences à la faculté des Lettres, aiment à s’y retrouver pour controverser à loisir.

Il faut dire qu’ils se sentent bien mieux ici, loin de l’agitation de la vie de la cité et de leurs frustrations de citoyens rejetés pour l’intégrité intellectuelle bien trop vive dont ils font preuve pour cette jeune République agitée d’intrigues et d’ambitions, où l’Eglise pas encore séparée de l’Etat (nous sommes en 1897) , affaiblie mais pas moribonde, peine encore à céder le pouvoir au Parlement. Dans ce contexte, la prochaine nomination d’un nouvel évêque à Tourcoing agite le landernau, conservateurs et radicaux poussant leurs pions et leurs intérêts.

« L’orme du mail » est le premier volet d’une grande fresque sociale qui peint une « histoire contemporaine » délicieusement surannée mais étonnamment actuelle, dans une langue ciselée comme une œuvre d’orfèvre où perce à chaque ligne l’humour grinçant d’un fin observateur de son temps.

Il me reste à savourer la suite…

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Les dieux ont soif

Ce matin, revenant du marché et passant devant un énième arrêt de bus fracassé, je songeais vaguement à la durée et au coût des réparations nécessaires après la récente vague de violences lorsqu'un grondement sourd m'arracha à mes spéculations.



Il y a de l'orage dans l'air me dis-je, déjà ironique envers les gars de la météo.

Le grondement persistant, levant les yeux je finis par me rendre à l'évidence, il n'avait rien de naturel mais émanait des escadrilles qui gaspillaient l'argent des contribuables en virant de bord au dessus de Vincennes après avoir survolé les Champs-Elysées et ajouté à la pollution de la capitale.



En 1912, avec "Les dieux ont soif", Anatole France esquissait déjà un bilan mitigé de la révolution de 1789.



Un peu plus tard mi-sincère, mi-ironique Vian chantait :

On n'est pas là pour se faire engueuler

On est là pour voir le défilé

On n'est pas là pour se faire assommer

On est venu pour voir le défilé

Si tout le monde était resté chez soi

Ça ferait du tort à la République.



Pauvre Anatole, pauvre Boris, à présent les peoples twittent, le peuple like, et le 14 juillet la République annone un rite apathique à grands renforts d'anachroniques, dispendieuses et ridicules gesticulations militaires.



Combien d'arrêts de bus réparés avec le coût en kérosène de cette désuète pantomime aérienne?



Egoïstement je passe sous silence, si j'ose dire, les nuisances sonores, les métros fermés et les rues coupées, occasionnés par le défilé terrestre.

La dizaine de kilomètres (à vol de Rafale) qui sépare le neuf-trois des Champs-Elysées m'en a préservé et de toute manière, comme le vieux Georges,

Le jour du 14 juillet

Je reste dans mon lit douillet

La musique qui marche au pas

Cela ne me regarde pas

Je ne fais pourtant de tort à personne

En n'écoutant pas le clairon qui sonne

Mais les braves gens n'aiment pas que

L'on suive une autre route qu'eux.



Lisez plutôt Anatole.







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Les Sept femmes de la Barbe-Bleue

Toute l'oeuvre d'Anatole France a été mise à l'index en 1922 par le Vatican, nous apprend la préface. Voilà qui me rend le bonhomme sympathique a priori, et, à travers ces gouleyants "contes à l'envers", moins impressionnante la stature d'un écrivain que, en dehors du sublime "Les dieux ont soif", je ne connais qu'inscrit au fronton des écoles et autres manifestations architecturales de la République.



C'est qu'on se marre franchement à la découverte de ces ré-écritures de Barbe Bleue et de la Belle au Bois Dormant! Un rire très élégant cependant car notre conteur est fin lettré, un rire teinté de jaune aussi car Anatole France le faux biographe enrobe sa plume d'un délicieux cynisme en excluant Gilles de Rais comme inspirateur du cruel Barbe-Bleue pour faire de ce dernier un brave homme tourmenté par des épouses vénales.

Quant à la Belle endormie dans son château, il nous la relègue au second plan pour mettre en avant un couple de courtisans qui auraient bien fait de ne pas douter des pouvoirs des fées.



Sertis dans un joli petit livre aux éditions La part commune, ces deux contes revisités sont comme de jolies douceurs à l'arrière goût piquant à déguster avec au choix un filtre maléfique ou un dé à coudre de sang.

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Histoire contemporaine, tome 1 : L'orme du ..

Un magnifique roman!

Dès les premières pages, l'auteur nous entraine dans les coulisses de la hiérarchie religieuse. Différentes personnalités catholiques sont en perpétuel conflit silencieux. Le dogmatisme y règne en maître, le conformisme y est de rigueur. Une fois qu'on soit un peu décalé, on subit des préjudices. Il est inconcevable qu'un prêtre soit en parfaite relation avec la politique, cas de l'amitié compromise entre l'Abbé Guitrel et M. Worms-Clavelin, le préfet de la ville. Il est intolérable qu'un prêtre soit aussi savant comme l'Abbé Lantaigne, intransigeant, ce qui fait de lui un prête dangereux...Entre ces conflits qui ne disent pas leur nom, et l'attente d'une nomination d'un nouvel évêché à Tourcoing, l'attente qui effarouche le monde du clergé, sous l'orme du Mail se tiennent des débats passionnants entre un Abbé Lantaigne, calé dans sa théologie et un Mr. Bergerac, maître de conférence, ferré dans sa philosophie...c'est toute la société, toutes les institutions qui passent en revue sous cette Orme du Mail...

Ces rencontres nous font connaître Mr. Bergerac, un homme dont le savoir se trouve emprisonné au dedans de lui, faute de pouvoir l'extérioriser. Un homme dont le savoir isole, de sorte qu'il se verra exclu aussi bien dans son ménage qu'à son travail...

C'est avec plaisir que je me suis replongée dans ce classique qui a fait son temps dans ma jeunesse, refaire connaissance avec Mr. Bergerac, et de constater que si le savoir vous isole, ne vous permet pas d'émerger dans la société mais il vous laisse libre, par contre s'appuyer sur ses relations pour émerger vous rend parfois esclave de médiocrité.

Je saute alors sur le deuxième opus avec Le mannequin d'osier
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Histoire contemporaine, tome 2 : Le mannequ..

MERCI POUR CE MOMENT...



Second volet de sa tétralogie intitulée Histoire Contemporaine, Le Mannequin d'osier poursuit, avec délice, les petites joies, faux plaisirs et turpitudes de la vie de province telle que le génial Anatole France nous les avait fait découvrir dans l'épisode précédent "L'Orme du Mail". Le tout, sous la plume d'un France toujours aussi subtil et joyeusement sarcastique, bien que ce soit par la voix de son M. Bergeret, plus que jamais infortuné, portant son regard las et désabusé sur le monde, bien qu'il découvre, cette fois, les affres d'un orgueil blessé !



En effet, tandis qu'il vit maritalement - ainsi qu'on l'exprime communément lorsqu'il n'y a plus rien d'autre à évoquer d'un couple - avec une Mme Bergeret dont les plus haut-faits consistent à enquiquiner son mari, jour après jour, notre malheureux héros va découvrir, le plus fortuitement du monde, que cette grosse et infatuée mégère qui lui sert de femme le trompe. et non seulement qu'elle le trompe mais, Vénus improbable de cet IIIème République en plein envol, que son prétendant n'est autre que son étudiant (jusqu'alors) préféré, nouvellement intégré à son unité pour cause de conscription, se transformant ainsi en une espèce de Mars au petits pieds. Notre M. Bergeret-Vulcain, toute honte très mal bue, va cependant ce saisir de cet impair impardonnable pour... enfin se débarrasser de cette Xanthippe provinciale. S'ensuivent, tout au long de l'ouvrage, des scènes cocasses où, à rebours de ce que l'on aurait pu imaginer, le mari cocu n'a qu'une seule explosion de véritable colère - à l'encontre de ce fameux mannequin d'osier, objet servant jadis aux dames pour se confectionner leurs robes, dont la mégère avait manie d'encombrer le petit bureau de son époux, et que celui-ci va donc défenestrer ! -, mais il va patiemment, tranquillement fomenter sa vengeance afin de pousser Madame à bout et obtenir d'elle une séparation finale.



Nous sommes par ailleurs toujours en compagnie de M. Worms-Clavelin, le préfet, de M. Lantaigne, le directeur du séminaire, de M. Guitrel, le prêtre ambitieux, candidat-évêque, et d'autres connaissances de notre M. Bergeret, maître de conférences à la Faculté des Lettres. Et encore, M. Worms-Clavelin, dans ce nouveau volume, apparaît à peine, M. Lantaigne assez peu et M. Guitrel trop rarement.



Et si les vrais événement s'y font assez rares, c'est parce que c’est une œuvre toute de pensée ; c’est un « roman philosophique » à la façon du xviiie siècle, et où Anatole France se livre beaucoup plus que dans aucun de ses ouvrages précédents. On sent qu’ici plus que dans la merveilleuse Rôtisserie de la reine Pédauque, plus que dans les Opinions de Jérôme Coignard, plus que dans L’Orme du Mail lui-même, Anatole France parle en son nom, fait, par la bouche de M. Bergeret, ses réflexions personnelles sur les mœurs, les travers, les idées, la religion et la politique des Français de la classe moyenne de son temps. Le ton diffère à peine en ce volume quand il y a des guillemets et quand il n’y en a pas. C’est, sous forme directe, ou sous forme indirecte, une suite de jugements sur tout ce que nous pensons, disons, sentons, faisons, et surtout ne faisons pas. C’est une revue des choses de la France de bientôt 1900. Ainsi s’intéresse-t-il à cette guerre aujourd'hui totalement oubliée entre Turcs et Grecs, qui sera appelée "guerre de trente jours", provoquée par les irrédentistes grecs et qui se soldera par de nombreux massacres du côté grec. On discute également de l'armée et du pouvoir des tribunaux militaires (dans le contexte toujours omniprésent de l'Affaire Dreyfus), des efforts d'armement des nations, de la condition carcérale, de la peine de mort, de la physiognomonie (science en vogue au XIXème siècle voulant mettre en rapport les traits du visage avec le comportement), de l'existence des écoles privées religieuses (liés au lois sur les congrégations), du clergé et de son pouvoir, de l'anticléricalisme, de l'idée qu'on se fait de Dieu, de la corruption des dirigeants et des élites. En toile de fond historique plane encore et toujours la honte et les suites violentes (la commune) de la pitoyable défaite de Sedan, en 1870, de la fin de l'Empire et de ses conséquences sur le présent de M. Bergeret et de tous les personnages qu'Anatole France nous donne encore à côtoyer, pour notre plus grand plaisir intellectuel et littéraire.



Une peinture in «vivo» de la France moyenne supérieure (tel qu'on l'écrirait aujourd'hui) de ces villes elles aussi moyennes de Province, balançant entre ennui et médisance, entre volonté de pouvoir et petitesse. Heureusement, M. Bergeret veille au grain de la médiocrité, lui, le désabusé, le pessimiste qui persiste pourtant à croire encore en l'homme, le philosophe brillant, libre mais trop peu écouter au milieu de ces océans de platitudes, d'images d’Épinal et de lieux communs si souvent débités par ses contemporains proches... Autant que par bien de ceux d'aujourd'hui. Toujours incroyablement fin et réjouissant !
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Crainquebille - Putois - Riquet et plusieur..

Sur quelques récits profitables (au lecteur, bien sûr) mais dont on ne sait trop ce qui les a rassemblés.



Je renouvelle mon plaisir à découvrir ce vieil Anatole, sa langue vieillotte, ses interrogations datées, son combat pour que la séparation de l'Eglise et de l'Etat soit effective. Pourquoi est-il toujours si intéressant? D'abord j'aime sa langue vieillotte, ensuite il est trop fort dans sa critique de la société qui ne réfléchit plus, applique les lois sans les comprendre, et les préceptes religieux par simple habitude. Cette attitude est sans doute encore instructive aujourd'hui, même s'il faut l'appliquer à d'autres objets.



Faisant la suite de mes lectures précédentes : ça devait être assez désagréable d'être calotin de son temps : son ironie anticléricale mordante devait être pénible tellement elle était pleine d'intelligence. Pourtant une des nouvelles montre que l'auteur aurait volontiers cru à un dieu miséricordieux et au clergé qui suivrait son exemple. "Les pensées de Riquet" montrent aussi comment un chien peut construire sa propre religion, et Anatole laisse le lecteur généraliser.



Surtout dans la première nouvelle : "Crainquebille" (ou comment le préjugé d'un policier va détruire un homme, trop prêt à respecter toutes les autorités établies), son humanisme hugolien fait mouche, souvent dans un éclat de rire.

La deuxième nouvelle : "Putois" illustre de façon simple et plaisante, dans un cadre familial, la question du préjugé social.

Des portraits de famille et des textes proches de Maupassant ou de Mérimée sont moins convaincants.



Plusieurs textes discutent l'origine de la Loi : la question religieuse est plus présente que chez Rousseau et manifestement dans cette société elle est encore très agitée. Mais les textes les plus marquants de ce recueil ont pour sujet la liberté du juge quant à l'interprétation de cette Loi, et finalement l'intérêt de la société à une interprétation rigoureuse ou plus humaine.

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