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Critiques de Anatole France (265)
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Les dieux ont soif

1912, c’est l’année de parution de ce roman historique que sans doute peu de personnes lisent aujourd’hui. C’est dommage. On peut y trouver bien des plaisirs et autant de leçons.

Les Dieux ont soif... Soyons francs, on pense sans hésiter que c’est du sang qu’il va s’agir de boire. Pas du vin. Les Dieux, pas Bacchus ! Alors des morts, on en verra quantité, et du beau monde, car nous allons nous retrouver sous le règne de la Terreur, avec un T majuscule puisqu’il s’agit de l’époque, de sinistre mémoire, où un certain Maximilien Robespierre imposait sa loi, enfermé dans sa recherche toujours plus exigeante de la Vertu républicaine. Parti d’abord au petit trot, l’épuration s’emballe petit à petit pour se déchaîner à partir des lois de Prairial, qui consacrent la dictature absolue et l’abandon de tous les attributs habituels d’une justice équilibrée. Mais si on en restait là, on se trouverait en train de lire un récit historique, une chronique de quelque évènement tragique dont on se rappelle avoir entendu parler au cours de nos années d’étude.

Mais un des intérêts de ce livre est qu’il nous montre la révolution à travers la vie de tous les jours, notamment celle d’un personnage un peu falot mais plutôt gentil, Evariste Gamelin. La révolution, il en est. Il y croit. En soi, ce n’est pas grave. Il n’est jamais qu’un peintre médiocre, méprisant des vieilles gloires, depuis le Roi jusqu’à ces peintres de salon trop maniérés à ses yeux que sont Boucher et Fragonard. Mais voilà, il a des élans Evariste. Des élans de pureté qui le font s’échauffer un peu. Il fréquente de loin sa section révolutionnaire, médiocre participant comme il est médiocre peintre. Pour son malheur, une femme, de vertu aléatoire, va convaincre la section de fournir un emploi de juré au tribunal révolutionnaire à ce beau jeune homme qu’est encore Gamelin. Cela permettrait à cette femme de disposer là-bas d’un appui qui serait bien utile tant les temps sont incertains.

Tandis que l’engrenage se met en route, Evariste vaque à ses occupations, entouré de nobles amis. On y trouve le ci-devant (c’est à dire autrefois) Brotteaux des Ilets, un homme auparavant fort riche, bon vivant, coureur même, qui se contente aujourd’hui avec beaucoup de philosophie fataliste d’un pitoyable grenier où il fabrique, courbé en deux à défaut d’une hauteur de plafond suffisante, des pantins en carton. Apparaissent aussi au fil de l’histoire (tandis que l’Histoire avance en parallèle) un religieux, barnabite d’esprit assez étroit, mais homme charmant, une prostituée, belle comme les blés et quelques méchants aussi, mais très peu. Tout ce monde-là est attachant, parfois même émouvant. Vient enfin l’amour, sous les traits d’Elodie Blaise, fille d’un bourgeois aisé. Elle attend avec sagesse de trouver l’homme de sa vie, ne voulant pas, après avoir déjà gâché une expérience, subir un second échec. Elle est plutôt belle, énergique au point de faire la première les avances qu’Evariste, tout à son enthousiasme révolutionnaire, ne songeait pas vraiment à faire. Les jours passant, elle allait devenir, comme nous, le témoin de l’emballement révolutionnaire. Elle verra son Evariste s’investir toujours plus dans son rôle de juré. Elle le constatera assoiffé de justice au point d’en devenir assoiffé de sang. Mais cette évolution, curieusement je dois dire, décuplera son amour : « Elle l’aimait de toute sa chair, et, plus il lui apparaissait terrible, cruel, atroce, plus elle le voyait couvert du sang de ses victimes, plus elle avait faim et soif de lui ».

La trame se déroule et glisse vers la tragédie en nous montrant le Paris de tous les jours au temps de la révolution. Le Paris du peuple, à la fois victime d’un pouvoir absolu et assoiffé et à la fois pour autant moteur de cette évolution par la pression qu’il exerce sur l’Assemblée. Nous ne sommes pas dans un livre d’histoire. Nous rencontrons l’histoire au travers de ces divers personnages, modestes, ces petits artisans de la rue, plus bêtes que méchants à enfourcher sans réflexion les détestations qu’on lui désigne.

Mais notez qu’Anatole France nous dépeint le plus souvent les auteurs ou les simples participants à cette course en avant qu’est devenue la Terreur sous les traits d’êtres purs. Robespierre n’est-il pas surnommé le Juste ou l’Incorruptible ? Ce sont aussi de grands principes qui poussent Evariste à toujours plus de condamnation. Il y croit à cette histoire que seule une main sans pitié pourra anéantir tous ces ennemis qui fomentent et conspirent. Ce n’est que grâce à ce qu’il sait être des excès que viendra un jour lumineux où chacun vivra en paix. Il s’exclame : «Enfant ! Tu grandiras libre, heureux, et tu le devras à l’infâme Gamelin. Je suis atroce pour que tu sois heureux. Je suis cruel pour que tu sois bon, je suis impitoyable pour que demain tous les français s’embrassent en versant des larmes de joie » Il n’est pas jusqu’à Robespierre qui ne se montre sous un jour attachant lorsque, aperçu de loin par Evariste. « Un homme jeune encore, svelte, en habits bleus, les cheveux poudrés, accompagné d’un grand chien » qui s’arrête pour écouter un petit savoyard jouant de la vielle. Il a malgré tout au front des plis douloureux. Et le voilà qui sourit au petit savoyard, lui pose d’une voix douce et bienveillante des questions sur sa région, ses parents, pour lui jeter finalement une pièce d’argent (quel être merveilleux finalement ce Robespierre !). Puis il repart paisiblement, rappelant son chien pour s’enfoncer dans les allées sombres (que nous imaginons être le signe de son destin). Ailleurs, deux fonctionnaires de la section échangent, avant d’aller arrêter sur dénonciation le ci-devant Brotteaux des Ilets, les paroles les plus quotidiennes sur leurs problèmes familiaux : « Cela me fait penser que j’ai promis de rapporter une poupée à ma fille Nathalie, la cadette, qui est malade d’une fièvre scarlatine. Les tâches ont paru hier... Elle est très avancée pour son âge, d’une intelligence très développée et d’une santé délicate » A quoi l’autre répond : « Moi je n’ai qu’un garçon. Il joue au cerceau avec des cercles de tonneau et fabrique de petites montgolfières en soufflant des sacs » Le troisième d’ajouter « Bien souvent c’est avec des objets qui ne sont pas des jouets que les enfants jouent le mieux. Mon neveu Emile, qui est un bambin de sept ans, très intelligent, s’amuse toute la journée avec des petits carrés de bois dont il fait des constructions. .. En usez-vous ? ». Puis ils s’en vont paisiblement et sans remord arrêter le pauvre bougre pour le jeter dans les rouages du tribunal révolutionnaire, donc à la guillotine. Vous voyez, des gens normaux tous ces assassins. Toutes les dictatures ont besoin de gens normaux pour fonctionner correctement.

On pourra alors voir dans ce livre la vision des multiples barbaries qui allaient bientôt se déchaîner sur l’Europe. La populace s’enflamme aisément, poussé ici par les rigueurs de la disette contre les privilèges des nantis, poussé plus tard par les rigueurs de la dépréciation du mark et au nom de la revanche et du nationalisme. Au fond ce n’est pas compliqué, vous faites souffrir un peu les gens, puis vous leur désignez les voies du salut. Plus ils auront souffert, plus aveuglément ils suivront les routes que vous leur désignez.

Dire qu’il est urgent que vous lisiez ce livre... non, sans doute pas. La lecture en est pourtant facile. On retrouve avec plaisir cette langue parfaite, encore très datée XIX éme mais ayant perdu tout maniérisme romantique, avec un vocabulaire parfois un peu désuet. On sourit parfois aux envolées enflammées de certains personnages. Pour ma part, j’ai aimé ce côté vieillot et ce rappel historique. Et puis quoi après tout, Anatole, il a quand même eu le Nobel de littérature !



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La révolte des anges

Le point de départ est original : inscrire une grande révolte des anges contre le Dieu créateur lui-même dans le Paris de la Belle Epoque, entre grandes familles conservatrices, apaches dans les rues et artistes bohêmes sur les pentes de Montmartre. Comme dans les contes philosophiques du XVIII ème siècle, les étrangers - ici les Anges, permettent à l'Auteur de critiquer la société contemporaine dans laquelle il vit. Anatole France se livre ici avec beaucoup d'humour à une critique sociale et politique de cette société parisienne : il se moque des bourgeois catholiques conservateurs aux mœurs dépravés par derrière, il s'amuse des femmes du monde qui abandonnent si aisément leurs grands principes de vertu affichés, il dénonce l'antisémitisme peu de temps après l'Affaire Dreyfus, il livre des critiques anti-cléricales contre les prêtres ignorants de la religion même, il représente avec une ironie féroce le ministre carriériste et ambitieux, il montre des policiers et des espions assez médiocres, il défend une forme de pacifisme - ce qui est troublant quand on regarde la date de publication, 1914 - tous les jeunes gens présentés ici partiront dans quelques mois pour une vraie guerre.

Oui, cette description de la société est particulièrement plaisante grâce à l'humour. Certaines scènes ou situations sont particulièrement intéressantes et amusantes, comme lorsque l'Ange gardien s'incarne sur terre et en profite pour avoir des mains baladeuses sur la maîtresse de son protégé, le vieil peintre devenu antiquaire qui vend des faux, le vieux bibliothécaire maniaque, un ange qui abandonne ses ailes pour suivre une chanteuse de café-concert...

Néanmoins, j'ai trouvé beaucoup de longueurs dans ce roman de 400 pages, il y en a bien 100 de trop pour moi. Le roman met du temps à démarrer, s'attardant un peu trop sur la famille bourgeoise et sur les désordres de la bibliothèque.

Et la fin est prévisible : à quoi bon se révolter contre Dieu, puisqu'"il est mort" pour reprendre Nietzsche, qu'il n'est plus si influent dans la société laïque et de plus en plus déchristianisée ?
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Histoire comique

Tout un petit monde. D’actrices et d’acteurs qui se prennent au sérieux. Qui se haussent du col. Qui, pétris de mesquinerie, se jalousent et se dénigrent les uns les autres. Qui s’efforcent de se subtiliser les rôles. De se chaparder amants ou maîtresses. Qui les prennent et les abandonnent sans le moindre état d’âme.



Aussi Stéphanie Nanteuil n’éprouve-t-elle pas le moindre scrupule à se débarrasser de Chevalier, son amant en titre, quand elle se met à en pincer pour le beau Robert de Ligny. Las ! Le malheureux, éconduit, a l’indélicatesse de venir leur gâcher leur rendez-vous amoureux en se suicidant sur le perron. Il continuera, même mort, à leur saboter les suivants. Parce que Stéphanie le voit partout, l’imagine partout, le sent partout en sorte qu’elle n’a pas d’autre solution que de mettre un terme à sa relation avec Robert, laissant ainsi à Chevalier une sorte de victoire post mortem.



C’est avec une véritable jubilation, mais aussi avec un humour décapant et souvent sous-jacent, qu’Anatole France nous fait pénétrer au cœur de ce petit monde. Et, à cet égard, le récit qu’il nous fait des obsèques de Chevalier constitue un véritable morceau d’anthologie : pendant la cérémonie même, ce ne sont que ragots, bassesses, préoccupations triviales. On s’en donne à cœur-joie. Humour, oui, mais Anatole France, par les propos qu’il met dans la bouche du docteur Trublet, vient également battre en brèche les certitudes les mieux établies et à tout le moins inciter à s’interroger sur elles.



Anatole France a connu le succès de son vivant. Comme il arrive souvent il a dû ensuite en passer par la case purgatoire. Un purgatoire qui se prolonge. Et c’est vraiment dommage !
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Les dieux ont soif

En ces années 1793 et 1794 , en pleine période de la Terreur, les Dieux ont soif !

Les maîtres de la révolution se nourrissent du sang de leurs adversaires.

Partout, dans Paris, on traque, on dénonce, on juge de façon expéditive et on mène à l'échafaud des charretées de condamnés.



Le roman est construit autour de l'évolution d' Evariste Gamelin, un jeune peintre acquis aux idéaux des Jacobins, nommé juge au Tribunal révolutionnaire et qui se transforme rapidement en juge intraitable et inhumain : « un monstre » .

Anatole France fait vivre à ses côtés, nombre d'autres personnages, représentatifs des deux camps qui s'affrontent, qu'ils soient soutiens du nouveau régime fiers de leur autorité, ou partisans de l'ancien qui craignent pour leur sort .

C'est tout le peuple de Paris qui vit dans ce roman où se mêlent aussi bien discussions politiques où s'affrontent des points de vue opposés, qu'intrigues amoureuses ou scènes de vie de tous les jours dans le Paris de la Révolution où tout vient à manquer, où l'on a faim, où l'on a froid, où il est difficile de gagner sa vie.



LES DIEUX ONT SOIF est un roman qui non seulement plonge son lecteur dans le quotidien d'une période qui a bouleversé l'Histoire mais qui l'incite aussi à une réflexion sur l'exercice de tout pouvoir politique . « C'est la certitude qu'ils détiennent la vérité qui rend les hommes cruels»



Parue en 1912, cette belle œuvre à l'écriture limpide, pleine d'élégance et au charme un peu suranné reste d'une grande actualité à l'heure où certains pays sont plongés dans le fanatisme et la barbarie .
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Les dieux ont soif

Énonciation terrible en termes bien sentis et incisifs des engagements et nos prises de positions, tant idéologiques que sur un plan de religions,

Ici un inquisiteur en son temps campé dans celui de la Révolution, sanglante devant L HISTOIRE, qui fait son réquisitoire des libertés face aux abus et transgressions flagrantes à leur encontre

Qu'ils soient entrés illustres dans L'histoire de par leurs combats n'enlève rien au fait que les réalités en leur temps trouvent un écho parfaitement en concordance avec celles présentes ou à venir

Et cet ouvrage poignant resonnerait comme un appel à se ressaisir

afin d' en convenir

afin de se prémunir ...du pire

Redites de réalités du passé latentes prêtes toutefois à resurgir

Attention
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Les dieux ont soif

Une œuvre profonde sur le régime de la terreur durant la Révolution qui met les pendules à l'heure sur ce qui fut son épisode le plus sombre. À la royauté s'était installé un régime autoritaire et barbare de la part de certains révolutionnaires.

Cependant effectivement, au niveau littéraire, comme beaucoup d'écrivains du 19eme et début 20eme, le style est assez lourd. Des longueurs, un vocabulaire et une tournure grammaticale parfois compliqués à déchiffrer de nos jours. Sans remettre en cause l'œuvre évidemment, il faut être initié à la littérature classique et aimer ce style d'écriture pour satisfaire pleinement le lecteur et ne pas décrocher.
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Les dieux ont soif

Symbolisme populaire & Illusion du changement : France écrit ce texte en 1912. Celui-ci sera reçu comme un choc électrique car jusqu’ici personne ne condamnait les actes barbares menés par la Révolution ! Rappelons-nous la célèbre théorie du bloc de Clemenceau en 1891 « La Révolution est un bloc ». Alors bien que l’auteur ne soit pas contre-révolutionnaire et qu’il n’ai aucunement eu le projet d’écrire un roman ayant cette résonance, le climat social de sa publication et le regard que ses contemporains ont eu dessus laisse une empreinte qui vaudra à Anatole d’être si peu connu – et non étudié à l’école, voir la réaction des bacheliers de 2016 parlant de notre Prix Nobel 1921 comme d’un inconnu, si si, je vous jure !!! Bon ok, je dramatise, le pourquoi du comment Anatole a été tant mis de côté est un cocktail de nombreuses choses, néanmoins les faits sont là et je souhaite une réhabilitation ferme pour cette belle plume !

L’auteur nous fait suivre Évariste Gamelin – dont le nom sera gravé à vie dans ma tête pour l’impact du personnage mais aussi pour l’avoir écrit 1500 fois dans mon dossier universitaire – parfait prototype du fanatisme révolutionnaire. Peintre raté qui trouvera son idéalisme esthétique et idéologique dans son poste de juré du Tribunal révolutionnaire en participant à la tuerie paranoïaque et inhumaine de la Grande Faucheuse – comprendre ici, la tristement célèbre guillotine, le panier à Samson. Gamelin condamnera tout le monde, des inconnus d’abord, puis son beau-frère et enfin ses ami(e)s.

Mais avant d’en arriver à ces condamnations, France installe un regard sceptique au lecteur en démontrant un climat d’inchangé dans ses pages. En effet, malgré le bouleversement révolutionnaire prometteur d’un renouveau pour le peuple, il laisse entrevoir une forme utopique de ses changements. Le peuple se trouve toujours dans la misère et les habitudes monarchiques persistent ; tandis que la justice implacable et tyrannique reprochée au monarque se voit renouveler par le Comité de Salut publique, au même titre qu’une religion seulement ranimée sous un nouvel aspect. Le symbolisme populaire permet la mise en lumière des désillusions de la Révolution en marche, mais France dans cette perspective utilise également le discours.



Dialogisme & scepticisme révolutionnaire : Le premier discours critique vis-à-vis de la Révolution et de ses acteurs est le discours maternel – celle que l’on peut voir comme une personnification de la Mère Patrie – dont il résulte un peuple affamé et un scepticisme certain quant au devenir des idéaux révolutionnaires : « Mais ne me dis pas que la Révolution établira l’égalité, parce que les hommes ne seront jamais égaux ». Une vision critique que Gamelin refuse d’écouter. D’autres personnages viendront contrecarrer ses idéaux tels que le père de sa chère et tendre, ses ami(e)s, sa soeur et son beau-frère.

En définitive, France soumet Gamelin au pragmatisme des personnages féminins et masculins l’entourant. Ce dialogisme hétérogène résonne comme l’unité de la voix populaire et manifeste une attitude encline à se questionner sur ladite période ; non seulement sur les institutions mises en place – notamment la nouvelle religion et la nouvelle justice – mais aussi sur les agissements propres à cette Révolution qui libère le peuple sous la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », mais dont les maîtres mots sont aussi misère, guillotine et obédience.



Mort & Effet de cycle : La Mort est présente partout dans cet ouvrage que ce soit dans les odeurs et le paysage parisien comme dans l’évolution narrative elle-même. Déjà, Gamelin a pour modèles deux destins funestes et controversés : Marat, puis Robespierre. Les deux hommes, acteurs principaux d’une Révolution implacable, finiront tous deux morts pour le Révolution. On peut ainsi voir dans ces deux figures adulées se profiler un destin tout aussi funeste pour notre anti-héros prêt à tout, comme ses modèles, pour la République. De plus, le remplacement de Marat par Robespierre vient également signaler un premier aspect cyclique dans le roman francien.

La guillotine participe également à cet effet de cycle en montrant une justice toujours assoiffée de victimes ; et enfin, c’est la mort de Gamelin qui boucle la boucle – pardon pour le spoil mais il ne s’agit pas d’un rebondissement fictionnel. Inévitable, elle intervient non seulement pour renforcer l’effet de cycle, mais permet également de soulever une forme d’échec révolutionnaire. Ainsi, le cycle renvoie à l’inchangé qui par analogie renvoie, lui, à une forme d’échec. Plutôt qu’un roman contre-révolutionnaire, j’y vois moi, un roman de l’échec de l’humanité.



En une phrase… Un roman délicieux qui marque les esprits et fait réfléchir sur la capacité humaine à se laisser aveugler par effet de masse et de peur.
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La révolte des anges

J'extrais des 25 volumes en demi-reliure chagrin des œuvres complètes d'Anatole France, un livre au hasard. Je tombe sur "la révolte des anges", un titre qui m'intrigue. Je survole les premières pages et découvre qu'il est question d'un bibliothécaire, un certain Monsieur Sariette qui gère avec une passion dévote une immense bibliothèque privée appartenant au baron d'Espervieu. Ces premières informations me suffisent pour décider de lire cet ouvrage. Me voici aussitôt embarqué dans un récit fantastique, philosophique, humoristique, ironique, politique ou fleurie à chaque page une critique acerbe de la religion, de la bourgeoisie, des institutions, de la folie des hommes. L'histoire commence comme un roman policier par le constat d'un saccage des livres de théologie, des bibles hébraïques, grecques et latines les plus rares de la belle bibliothèque du baron. Monsieur Sariette est au bord de l'apoplexie lorsqu'il découvre la disparition de quelques-uns de ces livres parmi les plus précieux. Ces faits se reproduisent plusieurs jours de suite. On pense que le roman va se poursuivre sur le même ton en développant un suspense autour d'un mystérieux visiteur nocturne habité par une passion mercantile. Pas du tout, on décolle littéralement à partir du chapitre X très justement souligné par l'exergue suivant : "Qui passe de beaucoup en audace les imaginations de Dante et de Milton."



 Je n'en dirais pas plus pour ne pas déflorer le sujet, mais après cette lecture, je me félicite d'avoir acquis les œuvres complètes d'Anatole France dont chaque volume lu jusqu'à présent me procure un immense plaisir. Le style est impeccable, inventif et un peu désuet comme je l'aime. Chaque phrase est ciselée avec légèreté, l'auteur est habile dans tous les domaines de la pensée, est-il besoin de souligner son érudition, et ce qui ne gâte rien le tout est ponctué d'humour. Ce roman est sans doute impossible à lire pour beaucoup de nos contemporains trop cantonnés à un cadre littéraire rigide. Mais où trouver aujourd'hui un auteur qui conjugue le verbe chaloir : "Dans la bibliothèque d'Esparvieu vous pouvez étudier la physique et, pour peu qu'il vous en chaille, la métaphysique..". A ce plaisir du texte s'ajoute celui de tourner les pages d'un livre ancien (édition 1930) aux feuillets non coupés et de découvrir des pages vierges de tout regard dans l'aspect de leur impression native. Tout à coup, par la magie de la lecture se réveillent une histoire et des personnages, endormis depuis près de cent ans.
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Le Livre de mon ami

Quel idée de lire un bouquin d'Anatole France en 2017 ? Je me suis moi-même posé la question au moment de l'achat mais fort d'une bonne critique que j'avais lu quelque part je me suis lancé dans ce roman court et visiblement autobiographique. Anatole France : le nom résonnait davantage en moi comme un nom de rue ou d'école plutôt que pour ses oeuvres ou son style. Je me lançais donc dans cette courte lecture avec curiosité. Le livre de mon ami est une oeuvre où l'auteur égrène ses souvenirs d'enfance à l'aide de courtes histoires assez inégales tant dans la forme que dans le contenu. Les tableaux sont divisés en deux parties bien distinctes, la première partie sur les souvenirs d'enfance et la deuxième axé sur l'admiration d'un père sur sa fille et le sens des contes de fées, cette-ci étant à mon humble avis la moins aboutie. La lecture est agréable, le style assez fluide et l'on se prend rapidement d'affection pour l'enfant décrit dans ces textes. Evidemment c'est un peu suranné mais il se dégage de cette oeuvre un charme certain qui s'étiole malheureusement au fil de la lecture. Ce premier essai est assez encourageant et me poussera certainement à tenter la lecture d'une des grandes oeuvres de l'illustre écrivain prix Nobel de littérature en 1921. Le livre de mon ami est certainement une de ses oeuvres mineures, que je ne conseillerais pas car trop rébarbative, néanmoins elle m'a donné envie d'en connaitre un peu plus sur Anatole France et c'est déjà là un motif de satisfaction.
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Les dieux ont soif

Sa vision critique de la Terreur et son message moral invitent à la réflexion. Inoubliables, les scènes où exerce le terrible Tribunal révolutionnaire – elles semblent le coeur même de ce roman. J'ai également aimé les tableaux de la vie quotidienne et les portraits de personnages secondaires ; j'ai été conquise par la trame romanesque qui colle parfaitement à la réalité historique. Grâce à la préface, j'ai compris que l'auteur a puisé dans la très riche libraire paternelle ses sources d'inspiration.

Ce n'est pas une lecture aisée : propos dense, style fleuri ; profusion de références.



Extrait :

« Il fallait vider les prisons qui regorgeaient; il fallait juger, juger sans repos ni trêve. [ ] L'accusateur public et ses substituts, épuisés de fatigue, brûlés d'insomnie et d'eau-de-vie, ne secouaient leur accablement que par un violent effort; et leur mauvaise santé les rendait tragiques. Les jurés, divers d'origine et de caractère, les uns instruits, les autres ignares, lâches ou généreux, doux ou violents, hypocrites ou sincères, mais qui tous, dans le danger de la patrie et de la République, sentaient ou feignaient de sentir les mêmes angoisses, de brûler les mêmes flammes, tous atroces de vertu ou de peur, ne formaient qu'un seul être, une seule tête sourde, irritée, une seule âme, une bête mystique, qui par l'exercice naturel de ses fonctions, produisait abondamment la mort. Bienveillants ou cruels par sensibilité, secoués soudain par un brusque mouvement de pitié, ils acquittaient avec des larmes un accusé qu'ils eussent, une heure auparavant, condamné avec des sarcasmes. [ ] Ils jugeaient dans la fièvre et dans la somnolence que leur donnait l'excès de travail, sous les excitations du dehors et les ordres du souverain, sous les menaces des sans-culottes et des tricoteuses pressés dans les tribunes et dans l'enceinte publique. »p 182

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Les dieux ont soif

Au cœur de la Révolution française, Évariste Gamelin, jeune artiste peintre, est gagné par les idéaux de la Révolution portés notamment par Robespierre. Plongeant dans les évènements de la Terreur, Les dieux ont soif est l'histoire de cette période particulièrement sombre et terrible ainsi qu'une réflexion politique.

Avec Évariste Gamelin, on suit les soubresauts de cette nation française qui se découvre et qui, en gesticulant, guillotine à tour de bras ceux qui, hier encore, profitait de son éveil. Le tribunal révolutionnaire, exigeant et incorruptible, est le masque légal de la violence. Les grandes idées et la facilité du meurtre éloigne Évariste Gamelin des siens, et même d’Élodie, sa fiancée.

Les dieux ont soif, c'est l'histoire de l'accouchement difficile voire hideux d'une vision politique encore exemplaire.
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Les dieux ont soif

Enfin un roman consistant, dense et très instructif ! Un pur plaisir avec le très honnête Maurice Brotteaux et le père bernabite.

J'ai remarqué que tous les noms du romans ne portent aucune résonance italienne comme le sont beaucoup de noms français aujourd'hui. C'est quoi l'explication ?
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Les dieux ont soif

Intéressant ouvrage sur les tribunaux révolutionnaires, sur la folie collective qui s'est emparée d'un groupe d'hommes, qui passent progressivement des idées utopiques à une passion meurtrière. Le personnage principal, Gamelin, est un petit peintre, parangon de Robespierre, qui par un coup du hasard finit par siéger en tant que juré dans l'un de ces tribunaux. J'avais peur de quelque chose de trop didactique, de trop centré sur certains personnages réels ; il n'en est rien. Le couple diabolique qu'Evariste Gamelin forme avec la citoyenne Elodie Blaise est très séduisant, celle-ci s'attache à son amant au fur et à mesure qu'il sombre dans l'assassinat de masse ; je ne m'attendais pas à une telle chose venant du brave Anatole. Les personnages sont attachants, l'épicurien Brotteaux et sa générosité légendaire, le courageux petit Barnabite ou encore Athénaïs-Marthe et sa gouaille toute parisienne…
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L'orme du mail

L'Orme du Mail est une manière de terrain neutre où viennent se rencontrer le supérieur du grand séminaire, l'abbé Lantaiigne, et M. Bergeret, maître de conférences à la faculté des lettres. Ces hommes que tout oppose, se retrouvent pour le plaisir sportif de la confrontation des idées. Ils partagent aussi une même disgrâce : Ils sont mal vus de leur hiérarchie. L'abbé est un homme d'un grand savoir théologique, dont la rectitude confine à l'intransigeance, ce qui lui cause grand tort dans ses menées pour accéder à l'épiscopat de Tourcoing. Le Républicain Bergeret est, quant à lui, relégué dans un sous-sol ténébreux et humide de l'université flambant neuve...



L'Orme du Mail, qui fait la part belle à d'amples dialogues, est le premier volume de la fresque romanesque Histoire contemporaine. À travers une galerie de personnages de province concourant à une certaine représentativité, c'est un récit piquant qui nous est proposé, celui de la France de la dernière décennie du XXème siècle, à la croisée des chemins, où la République, pas totalement installée, secouée par des scandales politico-financiers, est en bute, dans la politique de sécularisation qu'elle poursuit, à l'inertie d'une population aux mœurs traditionnelles. 
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Les dieux ont soif

A lire, à relire et à offrir.

C'est une belle écriture, une belle langue, même si nous en avons perdu l'habitude, ça coule tout seul.



C'est un livre au "passé antérieur" écrit il y a plus d'un siècle qui raconte une histoire qui a eu lieu plus d'un siècle auparavant. On y découvre le point de vue d'un contemporain, dans ce cas, de nos arrière-grands-parents sur une période qui a marqué notre Histoire.



L'auteur décrit avec minutie comment la recherche à tout prix des responsables de tout ce qui va mal fourvoie des esprits sincères, quitte à se perdre soi-même.



Enfin une dernière mention pour la préface de Marie-Claire Bancquart qui mérite toute l'attention du lecteur.
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Les Sept femmes de la Barbe-Bleue

Anatole France revisite le conte de Barbe-Bleue en un récit sans charme, quoique bien écrit, où ce Seigneur, loin d'être un homme cruel coupable des meurtres de ses sept épouses, est au contraire un mari trop aimant. Moqué et trompé par ses femmes successives, il est assassiné par la dernière pour accaparer ses biens avec la complicité de son amant, de ses frères et de soeur Anne. Après avoir pourvu sa fratrie, le couple criminel coulera des jours heureux, tant il est vrai que la fortune adoucit les moeurs et efface le sang des mains. Anatole France s'est sans doute fait plaisir en écrivant ce petit récit dans la tradition misogyne. Cependant il en anéantit totalement la portée symbolique et pour finir récompense le vice. Il ne s'agit plus là d'un conte initiatique mais du récit assez plat d'un crime crapuleux. Le moins qu'on puisse dire c'est que la morale n'est pas sauve, que le sens du texte initial a totalement disparu et que le lecteur a perdu son temps. Assez agréablement il est vrai. Tout-à-fait adapté à un trajet d'une demie-heure en train si l'on n'a rien d' autre sous la main.
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Thaïs

Sans doute pas le plus garnement, le plus ouvertement ironique, d'Anatole France. Mais sans conteste un des plus exquis. Les autres critiques en témoignent de manière détaillée.



Venons en au but de cette critique. Il fait beau dehors cet après-midi. Et alors? Nous t'invitons.



Toi qui apprécies la culture et la finesse, Qu'est-ce que tu attends pour lire Thaïs? Viens avec nous chez Anatole, au soleil.

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Le Livre de mon ami

Il ne s'agit pas tant de nouvelles comme l'indique la couverture dans le sous-titre mais plutôt de souvenirs : ceux autour de Pierre, le narrateur ("l'ami"... ou bien le double de l'auteur ?) et ceux autour de Suzanne, fille de Pierre. Des souvenirs et des réflexions autour du monde de l'enfance, une enfance bourgeoise et d'un temps qui n'est plus. Mais derrière le charme suranné d'une écriture pleine de mots vieillis et de références inconnues, j'ai trouvé une certaine modernité, un point de vue - très axé sur les sensations et les sentiments - qui mérite de ne pas sombrer dans les profondeurs de l'oubli. Et puis un livre qui donne envie de s'intéresser à l’œuvre d'un auteur est forcément un livre réussi.
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Les dieux ont soif

Un roman historique bien utile pour qui veut réviser ou comprendre la Terreur. Moment de notre histoire qui d'ailleurs n'a pas volé son nom .

Quelques faits réels dans le livre comme l'assassinat de Marat, l'ascension et la chute de Robespierre qui fait une brève et lointaine apparition dans le récit. Sont cités pas mal des vedettes de la politique de l'époque mais les principaux personnages sont des créations d'Anatole France . Et leurs aventures permettent à l'auteur de brosser un portrait de la vie quotidienne du peuple parisien après la révolution. Pas mal de monde et, dans une période aussi mouvementée ou chacun risque sa tête chaque jour, la frontière est mince entre brave type et salaud. C'est un peu le cas du héros, Evariste , artiste dessinateur ni trop talentueux ni trop dégourdi, et que l'envie de faire manger à sa faim sa pauvre veuve de Maman, son idéologie et le hasard des rencontres et des protections vont emmener sur les sièges sanglants de la politique. Devenu juré dans un comité de salut public, sa nouvelle situation fera du bien à ses convictions et à son porte-monnaie, beaucoup moins aux citoyens qu'il enverra , timidement au début puis par charrettes entières , faire un tour sous la guillotine.

Anatole France nous décrit le mental de ce Lacombe Lucien de 1790, que l'admiration en Robespierre va faire vite chuter dans le fanatisme le plus aveugle et qui reste toujours persuadé de la pureté de sa mission . En décrivant aussi la Concorde les jours d'exécution avec son ambiance de fête foraine et sa foule versatile, l'auteur montre l'instabilité des positions . Héros aujourd'hui, homme à abattre le lendemain.

Intéressant personnage aussi qu'Elodie, la petite amie d'Evariste ,dont l'intensité des voluptés charnelles deviendra plus intense selon le nombre de condamnés que son homme aura fait exécuter. D'abord tendre amoureuse classique elle évolue jusqu'à avoir, à la fin du roman ,l'étoffe d'une héroïne de Barbey d'Aurevilly .

Et le lot de personnalités habituelles que font ressortir ces périodes tourmentées: opportunistes, profiteurs, faibles broyés, gens sans histoires suivant le mouvement, revanchards , traitres et délateurs, jolies filles débrouillardes...

Des personnages attachants : un vieux barnabite ( ! ) , malgré l'appellation pas du tout porté sur la chose et à ne pas confondre avec un capucin , il y tient ! une attendrissante et courageuse petite prostituée, un ancien libertin plutôt brave type.

Et la plupart de tous ces gens, odieux ou sympathiques finiront sur la guillotine.

Comme toutes les œuvres d'Anatole France, c'est bien écrit , l'auteur sait faire ressentir l'atmosphère et on peut passer de la parenthèse d'une paisible ballade à la campagne à l'agitation et la bouffonnerie d'un tribunal ou les accusés, coupables aussi bien qu'innocents, sont jugés à la tête du client, histoire sans doute d'aller se la faire couper plus vite.

Pour finir, signalons la personnage de La Tronche, secondaire et dont l'apparition n'a aucune incidence sur le récit, mais tout à fait unique et originale dans sa conception. Elle aussi apporte de légèreté dans l'humidité impure de ces sillons de l'Histoire .

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Le procurateur de Judée

Anatole France serait-il un provocateur ? … Lorsqu'il écrit sous la Troisième République, c'est un athée et anticlérical convaincu. Il y avait donc peu de chances donc que cet ouvrage qui, le titre nous l'indique déjà, est une biographie de Ponce Pilate, soit conforme à la version des Écritures. Un indice nous le suggère dans l'édition originale qui est illustrée de gravure : Ponce Pilate est reconnaissable à sa toge romaine, mais surtout à ses mains, larges, grandes, au centre de l'image, en référence à sa phrase devenue proverbiale.

Et le texte commence par la présentation d'un jeune romain et de ses frasques, de ses relations adultères qui le contraignent à l'exil. On est loin d'un mode de vie exemplaire. Ponce Pilate apparaît ensuite comme un vieil homme qui raconte sa vie à ce Romain, mais une vie qui commence après qu'il ait quitté la Judée. Anatole France présente donc la biographie de Pilate après le Nouveau Testament, il n'évoque en rien son rôle dans la Crucifixion et dans la Passion. Parmi les principaux souvenirs des deux hommes de leur vie à Jérusalem, la beauté et la sensualité des juives – dans l'un des portraits, on peut reconnaître Marie-Madeleine. Il est donc question de politique politicienne romaine, des mœurs décadents des Romains qui ne pensent qu'aux plaisirs de la sexualité et de la gourmandise... Pilate cherche à se présenter comme un réformateur, comme un modernisateur, voulant construire un aqueduc par exemple, et qui a été empêché de mener à bien sa politique à cause du conservatisme et de l'archaïsme du peuple juif. Mais Ponce Pilate ne connaît pas bien la religion juive, pour lui, les juifs ne connaissent pas bien la nature des dieux, ils adorent un Jupiter mal définit. Les deux Romains plaisantent ainsi sur « le Jupiter des Juifs » qui pourrait avoir du succès à Rome, comme d'autres dieux orientaux. En généralisant, Ponce Pilate évoque ainsi de nombreux procès où des prêtres juifs lui ont demandé la mort d'un homme pour des raisons religieuses, sans que lui ne comprenne pourquoi. Mais il le dit, « qui défendra sa mémoire », celle d'un habile administrateur ? Il n'est pas responsable de ce qu'on écrira sur lui.

C'est finalement le rôle de ce texte d'Anatole France, présenter Ponce Pilate comme un administrateur, soucieux de la paix civile dans la région qu'il administre, soucieux de sa carrière aussi et désirant ainsi « ne pas faire de vague ». Attention, France ne critique pas la religion juive en soi, il n'est pas antisémite – il s'est clairement engagé dans le camp dreyfusard. Non, ce qu'il critique, ce sont les superstitions et l'influence des prêtres, l'intolérance qui mène au fanatisme. Ce n'est donc pas un livre religieux. La dernière phrase du livre est d'ailleurs : « Jésus de Nazareth ? Je ne me rappelle pas », comme un contre-pied ironique à un récit de l’Écriture.

On ne retient donc pas la thématique de la religion, mais le décalage avec le cœur du récit, c'est-à-dire la sensualité dans la description de la beauté des femmes, et la douceur d'une soirée d'été en Sicile avec la beauté de la lune et la chaleur du repas.
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