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Critiques de Anatole France (265)
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Le Crime de Sylvestre Bonnard

Anatole France fait partie de ces nombreux auteurs français célèbres en leur temps, et en train hélas de plonger dans l’oubli à vitesse accélérée. Et c’est bien dommage car il y a là un vrai talent littéraire, un art consommé de la description, et cette précieuse lucidité ironique qu’il est si rare de rencontrer.



En quelques pages, on pénètre dans la vie de son héros : Sylvestre Bonnard, digne fils de l’école des Chartes, historien spécialisé dans l’étude du monde monastique. D’un âge avancé, il a accumulé honneurs et érudition, et vit paisiblement dans son appartement parisien, environné de livres chers et de domestiques grognons mais dévoués. Il est lucide sur sa vie de rat de bibliothèque, qui lui convient parfaitement du reste. Il a bon cœur, et au plus fort de l’hiver fait porter du bois au couple pauvre logeant dans le galetas. Mais coup sur coup, deux évènements vont l’arracher à cette vie paisible.



C’est d’abord l’annonce de la découverte en Sicile d’un rare et précieux manuscrit médiéval, ‘La Légende Dorée’ de Jacques de Voragine. On a beau aimer son confort et ses pantoufles, quand on est un vrai historien c’est le genre de nouvelle qui vous jette sur la route séance tenante ! Tant pis pour le fauteuil et pour le chocolat chaud, en route ! Que viennent la fatigue et les punaises des lits d’auberge, que les calèches cahotantes nous entrainent sur les routes, dans la chaleur et la poussière ! Au bout du chemin, la plus précieuse chose du monde nous attend : un livre !



A peine rentré, sa quiétude est de nouveau troublée. Par hasard, il apprend la mort d’une jeune fille qu’il a jadis connue, la seule femme qu’il ait jamais aimée – fugitivement, entre deux années studieuses… Elle laisse derrière elle une fille unique qui, faute de mieux, a été confiée à une pension. Il lui rend visite, comprend vite qu’elle n’ait ni bien traitée ni heureuse. Peut à peut, une véritable amitié naît entre le vieil érudit et la fillette…



Difficile de ne pas être conquis par ce vieil homme touchant, lucide sur sa vie et naïf sur le monde, et par la relation filiale qui s’établit entre lui et cette adolescente disgracieuse mais aimante. Bien que le livre comporte en fait deux histoires sans grand lien entre elles, Anatole France réussit à lui garder une étonnante cohérence. Aragon peut en dire ce qu’il veut : en ce qui me concerne j’apprécie Anatole France, et je compte bien poursuivre sa découverte !
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Les dieux ont soif

Les dieux avaient soif, la Terreur était insatiable, la Révolution dévorait ses enfants.



J’avais gardé de je ne sais quels propos, entendus il y a très longtemps, l’idée qu’Anatole France n’était pas drôle, qu’il était même rasoir. Un auteur qui avait eu son heure de gloire dans les années 1920 puisque j’ai retrouvé toute une collection de ses œuvres dans les vieux bouquins de la famille, et qui, me disait-on, s’était démodé.

Mais je découvre qu’il était membre de l’Académie française et qu’il a été prix Nobel de littérature en 1921. Je découvre sa carrière de journaliste et de romancier engagé, dreyfusard avec Zola, proche de Jean Jaurès. Un rasoir qui avait des convictions puissantes, alors !

Alors aussi, je passe la revue de ma collection antique, mais de « Les dieux ont soif », pas trace. Et ce sont « Les dieux... » que Pierre31 m’a conseillé.

Le bouquiniste du vendredi m’a dépannée !



Evariste Gamelin, artiste peintre, est un révolutionnaire acharné, admirateur fervent de Marat, et ne supportant pas l’idée que les tout nouveaux principes républicains puissent être mis à mal ou seulement critiqués. Ses convictions de forcené, quand il est nommé juré du Tribunal révolutionnaire en septembre 1793, après l’assassinat de Marat, balaient le moindre scrupule, la plus petite faiblesse. La sérénité et la douceur ne seront de mise que lorsque la République sera sauvée. En attendant : « République ! contre tant d’ennemis secrets ou déclarés, tu n’as qu’une ressource. Sainte guillotine, sauve la patrie !... »



Aux côtés de Gamelin, des personnages d’une belle épaisseur : sa mère, femme simple dont la bonté la dote de l’intelligence du cœur ; le ci-devant des Ilettes qui a pris le nom de Brotteaux, qui fabrique des pantins pour gagner trois francs six sous, et philosophe avec beaucoup de sagesse sur les évènements auxquels il assiste, sans perdre son goût épicurien pour la beauté et les beaux jours ; le prêtre Longuemarre qui dit la messe en des lieux secrets, et qui écoute les théories d’athée de Brotteaux en regrettant de ne savoir s’y opposer avec esprit.



Très beau roman historique qui restitue précisément la vie et l’ambiance parisiennes, dans ces jours où tout et n’importe quoi pouvait conduire un citoyen, une citoyenne, sur le fauteuil noir où avait été assise Marie-Antoinette pendant son procès.



Deux ans de Terreur restitués fidèlement, avec couleurs et ambiances, dans un style impeccable. Ils écrivaient bien, nos anciens !



Merci à Pierre dont je me félicite décidément d’écouter les suggestions.



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Les dieux ont soif

Je viens de relire ce livre. Compulsé il y a plus de trente ans, la jeune fille que j'étais n'avait pas compris, je pense, l' enchaînement inéluctable des évènements.

J'y ai retrouvé un style remarquable qui devient de plus en plus rapide jusqu'à s'essouffler pour suivre les dernières actions.



Les descriptions des rues, du tribunal révolutionnaire et des pensées de chacun des habitants sont superbes.



Il faut bien sûr, resituer ce roman dans le contexte où il a été rédigé, en 1912, à la veille de la seconde guerre mondiale, où Anatole France redoutait ce conflit ; ce patriarche de la Gauche française y dénonce les excès de la Révolution . Il fut accueilli comme un paradoxe, mais je crois que la volonté d'Anatole France était de montrer jusqu'où pouvaient mener les idées extrêmes ; ce roman se lit comme une lucide préface à l'horrible XXe siècle, un avertissement contre l'ignorance et la peur qui engendrent la bêtise, la grande tueuse.



Je le relirai c'est sûr !

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Les dieux ont soif

Anatole France écrit, dans ce roman, l'histoire d’Évariste Gamelin, jeune peintre, disciple de David.

Farouchement révolutionnaire et Jacobin, fidèle à Robespierre et à Marat, le jeune homme deviendra juré au tribunal révolutionnaire, et, sous le prétexte de protéger la révolution de divers complots, il se fera bourreau malgré son amour pour la belle Élodie.

Sa chute, entraînée par celle de Robespierre, ne sera empêchée par aucun de ses amis que son idéalisme intransigeant et sanglant a lassé.

Anatole France nous offre un roman lumineux, intelligent et qui se place, lors de sa parution, dans une polémique apparue lors du premier centenaire de la révolution, avec la pièce de Théâtre de Victorien Sardou "Thermidor".

Anatole France écrivit en 1891 que "les hommes de 93 furent dans une situation horrible, ils furent surpris, lancés, perdus dans une formidable explosion : ils n'étaient que des hommes. C'est là peut-être ce qu'on peut dire".

Et dans la brillante préface signée Marie-Claire Bancquart, celle-ci oppose la vision d'Anatole France à celle de Romain Rolland, exposée dans le "Théâtre de la révolution", pourtant pour moi, les deux auteurs se rejoignent, en ce sens qu'il montre tous les deux, l'un avec Gamelin, l'autre avec Robespierre que le fanatisme est résultat d'un idéalisme assorti d'une "imagination froide, d'une irrémédiable chasteté et d'un manque cruel de sensualité".

Ce magnifique ouvrage est sûrement, d'ailleurs, avec "Le Théâtre de la révolution" de Romain Rolland, ce qui s'est écrit de plus sincère et de plus beau sur ces années troublées de destruction et de refondation.

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Crainquebille

Une belle écriture classique que celle d'Anatole France. Un livre émouvant quoique un peu désuet, mais qui fait réfléchir le lecteur sur un drame humain parti d'une erreur et construit à partir de la bêtise d'un agent de la force publique et d'un juge incompétent. Un grand auteur à redécouvrir. Un texte court, bien ciselé.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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La révolte des anges

Je me demande qui aujourd'hui est encore capable de lire et de comprendre un tel livre ? La prose déjà qui n'est pas évidente, et surtout le thème abordé : qui s'intéresse encore aujourd'hui aux problématiques de la religion catholique dans la société ? En l'occurrence la société française des années 1900 ? Il y a belle lurette que la question semble réglée (dans une grande partie de l'Europe tout au moins) et l'Église enfoncée dans ses erreurs et les malversations de ses clercs n'a plus le pouvoir de régler la vie des humains à sa guise. La vérité du christianisme a été étouffée par ses propres ministres.

Voici donc un texte qui demande une culture étendue et ciblée pour être compris et apprécié. Comme tous les écrivains depuis Voltaire jusqu'à la mi-20e siècle, Anatole France sait de quoi il parle quand il critique la religion. Il sait argumenter et on est impressionné par les références qu'il apporte mais au fond, ce n'est pas totalement là son propos même s'il fait preuve d'un anticléricalisme militant.

Ce livre mêle en réalité satire, philosophie, fantaisie sans oublier d'explorer la psychologie humaine. Il est à la fois grave et drôle.

L'histoire se concentre sur une révolte menée par des anges rebelles qui remettent en question le règne de Dieu. L'ange Arcade et ses compagnons refusent l'ordre établit par un Dieu dont ils estiment qu'il maintient l'humanité dans la souffrance, l'ignorance et la mort. Ils entreprennent donc une quête pour virer le démiurge en place et mettre Lucifer (le bon ange) au pouvoir. L'auteur utilise l'allégorie pour critiquer la société de son époque, abordant des questions philosophiques profondes sur la nature de la divinité, le libre arbitre, le pouvoir et la rébellion contre l'autorité établie. A partir de là, le roman explore en partie l'étude de la guerre (le livre semble être paru en 1914 et cette évocation d'un tel sujet n'a sûrement rien d'un hasard). Ceux qui pensent savoir tout sur tout face à l'actualité sidérante d'aujourd'hui où les guerres se développent partout dans le monde devraient relire les auteurs comme Anatole France. Ils y trouveront "la révélation d'une cause secrète et profonde, qui bien souvent précipite les empires contre les empires et prépare la ruine des vainqueurs et des vaincus, et où le sage lecteur (s'il en est, ce dont je doute) méditera cette forte parole : « La guerre est une affaire »."
Lien : https://www.babelio.com/list..
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Crainquebille

L'affaire Crainquebille, c'est l'histoire malheureuse d'un marchand des quatre-saisons victime de la bêtise d'un policier, puis piétiné par un pouvoir judiciaire inique.



Tout part du paradoxe insensé de la loi concernant les marchands des quatre-saisons, comme le fait remarquer de façon très pertinente Pierre Dumayet dans l'édition de chez Babel. On demande à Crainquebille de circuler constamment, or il lui faut bien s'arrêter pour vendre ses légumes. À cause d'une cliente très pénible, le voilà forcé de rester à attendre son argent. Oui mais voilà, l'agent 64, policier de son état, entend bien faire respecter la loi : Crainquebille doit circuler, peu importe les circonstances. La loi, c'est la loi, il n'y a pas à tergiverser. La chose s'envenimant (impossible de circuler, la rue est trop encombrée) et Crainquebille s'énervant à cause de la mauvaise foi patente de l'agent 64, qui a décidé de ne rien comprendre, le voilà en plus accusé d'avoir insulté l'agent en question (qui a complètement imaginé l'insulte). Crainquebille se retrouve ainsi entraîné dans un engrenage infernal : arrestation, procès dans lequel il est bien incapable de se défendre d'autant que son avocat a décidé qu'il était coupable, peine de prison, rejet de la société à sa sortie.



C'est écrit avec beaucoup d'humour, humour qui va laisser peu à peu la place au drame. Anatole France, en pleine affaire Dreyfus, puisqu'il écrit L'affaire Crainquebille en 1901, fustige un système judiciaire aussi absurde que cynique, aussi inéquitable que nocif. La charge contre la présence de la figure du Christ dans les tribunaux vaut à elle seule le détour (les États-Unis, entre autres, feraient bien d'en prendre de la graine). C'est drôle, c'est triste, ça touche là où ça fait mal, et ça reste, malheureusement, terriblement d'actualité. La fin est d'une ironie particulièrement mordante et tragique.
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Le Crime de Sylvestre Bonnard

Un vieux savant philologue et bien entendu, amateurs de livres anciens, c'est Sylvestre Bonnard. Assisté par sa fidèle mais acariâtre servante Thérèse et par son chat Hamilcar, il vit une vie paisible au milieu de ses livres dans sa bibliothèque qu'il nomme un peu pompeusement « la cité des livres »…

Il lui faudra la découverte dans un inventaire de bibliophile de l'ouvrage tant convoité « La légende dorée » de Jacques de Voragine … Vous savez, le livre dont votre bibliothèque ne saurait se passer une minute de plus ; celui qui ne vous perturbait pas plus que ça jusqu'alors, mais dont l'absence vous gâte la vie… je parle là en bibliophile moi-même et collectionneur de livres… Mais revenons à notre brave Sylvestre : « Pourquoi ai-je appris que ce précieux livre existe, si je ne dois le posséder ? », se dit-il. Et cette simple question le conduira sur les routes jusqu'en Sicile ou vit, le sieur Angelo Polizzi, heureux détenteur du fameux codex.



« le crime de Sylvestre Bonnard » ne se limite pas à cette première partie bibliophile. Dans un second chapitre intitulé « La fille de Clémentine », on apprend qu'avant de tomber dans sa passion dévorante pour les livres, le vieux célibataire a connu l'amour, en la personne de Clémentine dont il apprendra le décès. Il se prendra d'affection pour sa fille, Jeanne, orpheline de père également et maltraitée par un tuteur véreux et une « éducatrice » vénale…

Quant au crime de Sylvestre Bonnard, je laisse au lecteur le plaisir de le découvrir… Ou non…



C'est un vrai régal de se replonger dans la prose si élégante d'Anatole France, j'ai déjà eu ici l'occasion de le dire (« le livre de mon ami »)… « le crime de sylvestre Bonnard » est le premier roman d'Anatole France, paru en 1881 ; à la même époque, Zola vient de sortir « Nana » et prépare la sortie de « Pot-Bouille », Huysmans s'apprête à sortir « À vau-l'eau », Jules Verne à sorti il y a peu « Les tribulations d'un chinois en Chine »… Quelle époque ! Alors qu'Hugo se meurt…



Il me restera en mémoire, après la lecture de ce petit bijou, comme une sensation de bien-être dans un texte au style magnifique, comme sucrerie dans l'acidité du temps présent… En même temps qu'une révision de conjugaisons aujourd'hui quasiment oubliées et quelques découvertes en matière de vocabulaire…

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Le Crime de Sylvestre Bonnard

Nous voici dans le journal intime de Sylvestre Bonnard, érudit sexagénaire, éminent philologue, qui vit sa petite vie inoffensive et routinière au milieu de sa "cité des livres", sa bibliothèque emplie de livres précieux.

L’amour des manuscrits rares est son unique passion ; elle va l’entraîner dans une poursuite échevelée…

Alors non.

Ce n’est certes pas un roman d’aventures : Sylvestre va voyager, faire des rencontres et retrouver une personne qui lui évoque un passé aussi romantique que révolu. Mais tout cela se fait avec une tranquille placidité, dont il ne va s’échapper que lors de ce mystérieux "crime" que l’auteur, malicieux, nous fait espérer dès le titre.

Malicieux sans conteste, Anatole France, quand il nous dépeint cet attendrissant Sylvestre, dompté par sa sévère gouvernante Thérèse pour qui deux livres suffisent, son "Paroissien romain" et sa "Cuisinière bourgeoise".

Malice aussi dans la description d’une maîtresse de pensionnat enamourée ou d’un notaire véreux : "Il a des lunettes bleues et ses prunelles trottent dessous, comme des souris derrière un paravent."

Et ce style !

Ça, on savait écrire au 19ème. On est chez un philologue, alors j’ai appris du vocabulaire. J’ai vu émerger le souvenir bien lointain de leçons de grammaire en lisant des phrases comme "Capitaine, s’il est vrai que de votre vivant vous jurâtes comme un païen, fumâtes comme un Suisse et bûtes comme un sonneur, que néanmoins votre mémoire soit honorée."

Mais j’ai ri aussi, de ses images pleines d’humour : "Sa bouche était faite pour sourire comme une casserole pour jouer du violon."

J’ai tout de même un peu compati au sort réservé aux jeunes filles pauvres – mais bien nées, n’est-ce pas – privées de toute liberté.

Mais j’ai également beaucoup aimé ce Paris disparu, les quais de Seine fourmillant d’activité, les conversations qui s’enveniment entre voisins sur Napoléon et la royauté…

Un vrai plaisir de lecture.



Challenge Nobel

Challenge gourmand (Lunette de Romans : Un des personnages porte des lunettes)
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Les dieux ont soif

Il s'agit de la Terreur qui suivit la Révolution française de 1789. Ce roman historique raconte l'histoire d'un jeune homme, Evariste Gamelin, peintre, élève de David, qui devient membre du jury de la Convention qui va exécuter royalistes, émigrés, poètes engagés, athées, péripatéticiennes, religieux...



"Les dieux ont soif" nous montre jusqu'à où peut s'aggraver la situation dans l'anarchie où tout le monde veut gouverner et chacun veut imposer sa philosophie du pouvoir. La misère règne partout ainsi que l'insécurité.



Par ailleurs, Anatole France nous présente le portrait d'un démon naissant (comme le Néron dans la tragédie "Britannicus"), un zélé victime des principes erronés qui croyait purger la société en tuant la moitié du peuple.



A mon avis, un excellent roman.
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Les dieux ont soif

Les dieux ont soif. Est-il besoin de compléter la phrase pour préciser que c’est de sang dont les dieux veulent s’abreuver. Le peuple transférant au mystique sa propre soif de voir tomber les têtes. Nous sommes sous la Terreur, ultime soubresaut du séisme qui vient de mettre à bas la monarchie. Et lorsque la terreur prend la majuscule elle s’attache à cette période qui a marqué l’histoire en lettres de sang, plus qu’en espoir de justice. Les comptes sont loin d’être soldés. Le peuple vient de passer du joug de l’autocratie au leurre de la liberté. Ce fol espoir a été dérobé par les appétits de pouvoir que fait naître la place laissée vacante.



Anatole France destine à son lecteur une fresque de cette année noire peinte au travers du vécu des petites gens. Ils viennent de tirer un trait sur ce qui s’appellera dorénavant l’Ancien Régime. Louis XVI est passé sous le rasoir national. Marie-Antoinette le suivra de peu. C’est dans ce tumulte qu’Évariste Gamelin, jeune peintre désargenté, est devenu pour satisfaire son idéal républicain juré au tribunal révolutionnaire. En cette période de décomposition de la société il siège tous les jours. Peu de peines intermédiaires résultent de ces débats expéditifs. La veuve rouge a son compte de suppliciés. Les badauds apprennent le patriotisme, prennent conscience de frontières menacées et sont assoiffés de voir tomber les ennemis de la révolution. Ils étaient peu regardant quant à la culpabilité de qui on livrait à leur vindicte.



Pris dans l’engrenage funeste de la politique, dont il faut bien avouer que les prises de position étaient éminemment versatiles et donc risquées, Évariste Gamelin en arrive à se détester lui-même et s’imagine ne plus être digne de l’amour des siens : sa mère sa fiancée qui lui vouent pourtant une admiration sans faille. Il est gagné au drame cornélien qui oppose son idéal républicain épris de rigueur, même s’il faut qu’elle soit sanglante, à sa sensibilité sentimentale et artistique.



Anatole France fait preuve d’une connaissance détaillée fort documentée - si l’on en juge par les dossier, chronologie et notes en fin d’ouvrage - de cette période dérèglée pour nous livrer un ouvrage dont l’intensité dramatique est à la hauteur du trouble qui régnait. On perçoit fort bien dans ces pages le doute qui avait envahi les esprits des petites gens au point que nul ne savait plus dès lors à quel saint se vouer pour assouvir cet appétit d’égalité et de justice qui les tenaillait, petites gens d’un peuple devenu souverain à son corps défendant. Pas plus les saints de l’église devenus parias en leur compétence que ceux à l’hystérie vengeresse nouvellement promus sur l’autel de la République ne parvenaient à apaiser les cœurs. Belle écriture aux élans épiques que celle d’Anatole France dans ce roman qui a aussi valeur de livre d’histoire tant les références sont nombreuses et authentiques.

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Les dieux ont soif

Quelle fresque !... Quelle peinture, si vive, si belle, si vivante, et si humaine, de la Révolution française !...

Anatole France, livre ici un roman magistral, qui fait partie de ceux qui n'indiffèrent pas, qui interrogent et qui émeuvent intensément. C'est un grand roman, tellement humain, tellement juste, dans la peinture de chacun de ses personnages, tellement vivant et puissant, grâce au style si particulier, d'Anatole France. C'est aussi un très beau roman, avec des descriptions, extrêmement vivantes. Anatole France, est un grand, c'est une certitude. Son roman, est une véritable épopée, qui pose énormément d'interrogations, sur la nature humaine, sur l'Histoire, sur la justice.

Une magnifique fresque, une peinture fine d'une époque complexe et passionnante !...
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La Vie en fleur

Anatole France a entrepris, à l'instar de plusieurs autres confrères, de laisser en héritage à la postérité le témoignage de ses mémoires. Avec "La vie en fleur", ce sont ses années adolescentes et étudiantes qu'il relate sous le pseudonyme du petit Pierre.



Au-delà des souvenirs qui sont autant d'historiettes qui prêtent à rire et à réfléchir, c'est un grand portrait moral de son temps qu'il peint avec beaucoup de justice et un esprit critique aiguisé par l'expérience.



Ce qui surprend le lecteur, c'est l'extraordinaire écho d'actualité dont résonne cette narration. Les choses changent beaucoup moins vite qu'on se plaît ordinairement à le croire. Au sein de sa famille, de son cercle d'amis ou de ses relations, les rapports en évoquent d'autres dans lesquels il est aisé de se reconnaître. Le style est brillant et très accessible, le ton ne manque pas d'humour ni l'action de facétie.



Une lecture fraîche et enrichissante, un bain de Jouvence.





Challenge XXème siècle - Edition 2019

Challenge MULTI-DÉFIS 2019

Challenge ABC 2019 - 2020
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Vie de Jeanne d'Arc

Même si l'on a des réticences à ranger cette Vie de Jeanne d'Arc dans les ouvrages historiques de référence, il faut quand même bien la classer parmi les biographies de Jeanne la Pucelle.

Les renvois aux textes par les notes donnent un caractère sérieux à ce travail qui présente la rigueur nécessaire pour satisfaire le lecteur curieux.

Bien sûr, Anatole France est souvent boudé, notamment par les amateurs d'une Jeanne repeinte aux couleurs du nationalisme et d'un christianisme de combat peu gêné par ses propres contradictionsb(hagiographie de la sainte, par

exemple, en vogue aux XIXeme et XXeme siècles). Mais aujourd'hui, les deux bords, droite et gauche, pourraient trouver un point d'accord dans ce portrait de Jeanne, bien dessiné, avec un immense respect pour cette jeune fille, à l'exception de quelques passages des textes introductifs qui laissent entendre, plus ou moins, qu'il y aurait un "cas Jeanne d'Arc" et qu'il relèverait de la pathologie. J'ai des doutes sur cette présentation des choses : les "voix" que Jeanne entendait et écoutait sont une voix intérieure qui se manifeste au fond de chacun d'entre nous, et ne fait pas de nous des fous ou des schizophrènes ; méfions-nous des jugements hâtifs.

A cette réserve près, je regarde cette Vie de Jeanne d'Arc comme un travail bien fait et que l'on peut consulter avec profit. D'autant qu'Anatole France ne peut pas s'empêcher de laisser échapper, malgré lui, une certaine admiration pour Jeanne. Avec lui, au moins, on ne tombe pas dans l'imagerie sulpicienne, qui est souvent présente dans les livres écrits sur la jeune fille, tant il est facile de recourir aux clichés et aux poncifs dès que l'on parle d'elle.

Anatole France s'est parfaitement informé et documenté sur le plan historique,

avant de prendre la plume.

On pourrait ranger parmi ses "bons élèves", Henri Guillemin, qui ne montre pas moins de lucidité que lui dans son analyse.

Ne craignons pas de ranger Anatole France dans les bibliographies sur Jeanne : il s'y trouve en bonne place dans la catégorie des "ouvrages généraux".

François Sarindar
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Les dieux ont soif

Anatole France est aujourd'hui un peu oublié. Pourtant il fut prix Nobel, très actif aux côtés de Zola pour défendre Dreyfus et impliqué politiquement dans son époque. Suffisamment pour me faire interrompre les pages l'évoquant dans le siècle des intellectuels de Michel Winock, le temps de ce roman consacré à la révolution, dans l'air des préoccupations des années 1910. Le style est agréable et le texte n'a guère vieilli. Que ce soit en 1789, en 1912 ou aujourd'hui, il y aura toujours des fanatiques persuadés de détenir la vérité et des médiocres croyant bien faire pour les suivre. La sobriété de la critique et le souci de l'exactitude historique donnent encore plus de force à ce roman.
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Balthasar - Le Réséda du curé - M. Pigeonneau -..

Cette critique concerne la nouvelle "L’œuf rouge".



Il ne faut jamais dire "Fontaine, je ne boirai pas de ton eau"... Après "Le Chat Maigre", que je n'avais pas aimé, j'avais dit qu'on ne m'y reprendrai pas et que je ne lirai plus cet auteur... Mais je suis tenace et je n'aime pas rester sur un échec. Je me suis dit "allez, lisons une petite nouvelle, ça ne coûte rien et on verra bien si le style est le même..."



L'Œuf rouge est une nouvelle assez plaisante mettant en scène un docteur racontant une anecdote : il avait un camarade de classe nommé Alexandre Le Mansel, peu aimé de ses camarades : "Nous en aurions fait notre souffre-douleur, s’il ne nous eût imposé par je ne sais quelle fierté sauvage et par son renom d’élève fort." Un jour, celui qui deviendra le docteur N***, est invité chez le jeune homme. Ses parents lui paraissent plutôt étranges : le père vit avec ses poules, la mère porte une lame de métal autour de la tête pour éviter les migraines et la grand-mère, qui vit avec eux, est un peu dérangée...



Dans le salon, le narrateur découvre un œuf bien curieux, un œuf d'une belle couleur pourpre. Le père s'empresse alors de lui dire que cet objet précieux a été pondu par une de ses poules, que la couleur en est donc bien naturelle. La mère rajoute qu'il a été pondu le jour de la naissance d'Alexandre. Peu à peu, chacun fit sa vie de son côté et le docteur perdit de vue Alexandre, non sans savoir qu'il était devenu un grand mathématicien. Cependant, quelle ne fut pas sa surprise de le trouver un jour dans sa salle d'attente... L’œuf était au centre des préoccupations de ce dernier...



Je n'en raconte pas plus, la nouvelle étant déjà suffisamment courte. On retrouve ici un schéma somme toute classique : le narrateur appartient à la classe des scientifiques. Il apporte une connotation sérieuse et objective à son récit. Ce texte ne fut pas sans me rappeler La Peur de Maupassant. Non pas pour l'histoire, radicalement différente, mais pour cette focalisation sur un seul personnage, point de mire d'un groupe.



Finalement, j'ai quand même bien fait d'être opiniâtre !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Thaïs

Un terrible exploit philosophique! Ce livre offre un voyage à la fois intellectuel et philosophique tellement grandiose, à un point tel qu'on risquerait de se perdre dans les rouages de la religion. Les pensées n'en finissent pas de se tordre, de se mordre...les philosophies s'affrontent, s'effritent, comme quoi le chemin de la vérité est une route raboteuse, tortueuse. Anatole France nous conduit avec verve dans ces chemins sinueux pour nous faire connaitre la vérité, sa vérité...je ne sais pas, en tout cas, une vérité qui met en déroute toutes les connaissances que j'avais sur le christianisme, les philosophes. Anatole France nous relate la vie de Paphnuce, un moine solitaire, ayant tout abandonné, tout ce qui relèvent des joies ou des accomplissement terrestres, pour parfaire son âme ou son esprit dans le désert où il a crée une petite communauté des pauvres dans le corps mais riches en esprit. La vie de Paphnuce ne sera plus jamais la même, le jour où décide d'aller convertir Thaïs, une courtisane qui allume à la fois les planches du théâtre alexandrais et le cœur des hommes. Il ne s'agira pas à Paphnuce de réussir seulement ce projet, mais aussi de résister aux vents qui vont se soulever autour de cette initiative troublante!

Une lecture complexe et envoutante, j'ai apprécié sa portée philosophique!
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Le Crime de Sylvestre Bonnard

Anatole France... ce nom a une résonance particulière dans mon esprit. Il est associé avec quelques-autres, Colette, George Sand, Chateaubriand, Roger Martin du Gard... auteurs rencontrés sur les bancs de l'école primaire au hasard des dictées ou des récitations... Comme tous ces grands écrivains et ces textes magnifiquement rédigés, ont contribué à me faire aimer les livres, et la littérature!

Ce roman du grand Anatole France peut paraître certainement très désuet, mais empli de beaucoup de charme et merveilleusement bien écrit, il est aussi une ode à la fidélité, une magnifique histoire d'amour platonique. Un nectar!
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La révolte des anges

Poursuivant la découverte d’Anatole France, j’ai donc attaqué ‘L’insurrection des anges ‘. Et le verdict est implacable : voici un auteur qui mérite amplement d’avoir une rue à son nom dans chaque ville de France, et qui n’a pas du tout mérité qu’on oublie pourquoi !

Pour un auteur de la fin du XIXème la lecture est surprenante de fluidité et de clarté

Le style est brillant, plein d’ironie et de vivacité ; le sujet est complexe, magistralement traité, et doté d’une lecture à plusieurs niveaux.



Tout commence dans une bonne famille de la grande aristocratie catholique, les d’Esparvieu. Le patriarche, grand amateur de livres, a bâti une fabuleuse bibliothèque.Son responsable, Monsieur Sariette, un petit vieillard atrabilaire et monomaniaque, la garde comme Cerbère la porte des enfers. Mais voila que des livres se mettent à disparaître. Le coupable : l’ange gardien du jeune Maurice d’Esparvieu, qui veut se cultiver. Au fil de ses lectures, il découvre que Dieu n’est qu’un imposteur ; il décide donc de s’incarner pour prendre contre lui la tête d’une révolution !



Tout l’art d’Anatole France consiste à renvoyer tout le monde dos à dos. D’un point de vue sociale, la grande bourgeoisie catholique dissimulant ses turpitudes sous la pudibonderie ; et les délires de la bohème. D’un point de vue politique, la critique de l’absolutisme et des monarchistes est impitoyable ; mais il conclut qu’une révolution n’arrivera qu’à mettre au pouvoir des despotes encore pires. Très prophétique, si l’on songe que le livre est paru en 1914. Les milieux d’affaires, et leurs liens incestueux avec la Troisième République, prennent également leur banderille au passage.



Mais c’est surtout sur le sujet religieux qu’on touche au grand art. Car même si le sujet consiste à nier la toute-puissance de Dieu, il n’en reste pas moins qu’il existe et que cette révolution est menée par des anges ! D’où l’insurmontable problème d’un des personnages, athée : il est d’accord avec l’ange, mais ne croit pas à l’existence de ce dernier. Les religieux et les non-religieux en tireront leurs conclusions. Mon opinion, pour ce qu’elle vaut, est qu’Anatole France répugnait autant aux excès de la religion qu’à ceux du matérialisme.



Précisons que rien dans tout cela n’est sardonique, mélodramatique, outragé ou révolté : tout reste léger comme une opérette d’Offenbach, et d’ailleurs à bien des égards on est plus dans la satyre sociale que dans la critique. Anatole France constate la réalité du monde et que ma fois, ce n’est pas très beau mais somme toute ça ne marche pas si mal comme ça. En fait, il semble avoir une tendresse pour chacun de ses personnages, du fils de famille débauché à la vivandière trompée, leurs petits arrangements avec l’honnêteté et leurs grosses ficelles.



Son sec rejet de la cause révolutionnaire explique mieux pourquoi il fut l’objet de si furieuses attaques d’Aragon. Pour moi, je suis définitivement conquis par son style et son habileté narrative !
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Le Crime de Sylvestre Bonnard

Anatole France ! Voilà un auteur qui n’avait pour moi que la saveur de mes cahiers de récitations, avec Paul Fort, José Maria de Hérédia, Maurice Carême et d’autres… un auteur que j’ai ensuite zappé ma vie durant, pourquoi ? je l’ignore, sans doute m’apparaissait-il comme un Panthéon ennuyeux…

Un heureux hasard m’a permis de me plonger dans « Le crime de Sylvestre Bonnard ». Cette histoire d’un vieil érudit, épris de manuscrits anciens ne m’a pas transportée d’emblée, mais la belle écriture, un brin désuète comme je les aime, a su me charmer et m’a permis de découvrir au final une histoire un peu plus complexe et intéressante qu’elle paraissait de prime abord et je ne l’ai pas regretté.

Le journal de ce vieux savant nous conte deux périodes de sa vie. Une première où il nous mène en Sicile à la recherche de « La Légende dorée », un manuscrit fort rare, de Jehan Toutmouillé et une seconde période sur fond d’un amour de jeunesse avorté mais dont les hasards de la vie lui font rencontrer la petite fille, orpheline. Deux épisodes qui sont en fait prétexte pour nous faire pénétrer dans l’intimité intellectuelle de ce vieux sage savant, non moins épicurien pour autant que libertaire : "On est sur la terre pour se plaire dans le beau et dans le bien et pour faire ses quatre cents volontés quand elles sont nobles, spirituelles et généreuses ».



Prétexte aussi pour une livrer sa vision de l’éducation et de l’enseignement « on n’apprend qu’en s’amusant. L’art d’enseigner n’est que l’art d’éveiller la curiosité des jeunes âmes pour la satisfaire ensuite, et la curiosité n’est vive et saine que dans les esprits heureux. Les connaissances qu’on entonne de force dans les intelligences les bouchent et les étouffent. Pour digérer le savoir, il faut l’avoir avalé avec appétit ».



Mais la tranquillité et la sagesse de ce bon vieux et généreux Sylvestre n’en fait pas pour autant un saint naïf ou crédule, preuve en est que vieux célibataire ou pas, il sait apprécier les charmes féminins et qu’il sait parfaitement par ailleurs déceler les stratagème des filous et toutes les mesquineries humaines et à cet égard quelques dialogues sont une vraie réjouissance.

Quant à son crime, il vous faudra patienter jusqu’aux dernières lignes pour le découvrir, mais je ne doute pas que comme moi il vous tire un sourire entendu .



Au final, je me suis dit que j’avais eu bien tort de reléguer cet auteur aux oubliettes.

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