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Critiques de Annie Ernaux (2608)
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Finissant un déménagement... en réinstallant ma bibliothèque... je revisite mes auteurs de prédilection dont fait partie Annie Ernaux. Je relis, les passages soulignés, retenus à ma première lecture. Cela fait une drôle d'impression. Des passages interpellent toujours aussi intensément, d'autres non retenus nous sautent au visage, en ne comprenant pas pourquoi, on ne les avait pas retenus à l'époque...



Ce journal des visites à sa maman, vieillissante, atteinte de la maladie d'Alzheimer est un écrit poignant, bouleversant, tellement l'interrogation est universelle: la panique de voir nos proches "fondateurs" s'affaiblir, vieillir et surtout disparaître à jamais. Annie Ernaux utilise ce qu'elle connaît de mieux: l'écriture, pour conjurer la future absence, la maladie, la peur de devoir concevoir et assumer la mort imminente de la Mère....les souvenirs, leurs complicité, leurs différents, l'énergie de cette mère d'origine modeste, bagarreuse, et fière, fascinée par les études et par l'obsession de ne plus être pauvre et s'élever dans l'échelle sociale, à travers la réussite de sa fille unique.



Ayant monté avec son époux une épicerie-bar... elle n'oubliait pas qu'il existerait un autre monde pour sa fille, lorsqu'elle aurait réussi ses études...

..."-"Acolyte" un mot qu'elle aimait employer en parlant des compagnons de beuverie de certains clients. Montrer qu'elle connaissait des mots difficiles. C'est une femme qui n'a jamais supporté d'être humiliée" (p.46)



L'auteure dit son malaise d'écrire sur sa mère... dans de telles circonstances.



"Fin 85, j'ai entrepris un récit de sa vie, avec culpabilité. J'ai l'impression de me placer dans le temps où elle ne serait plus. Je vivais aussi dans le déchirement d'une écriture où je l'imaginais, jeune, allant vers le monde, et le présent des visites qui me ramenait à l'inexorable dégradation de son état" (p.11)



En dépit des déchirements que peut provoquer l'acte d'écrire en de telles circonstances... cet acte de mémoire reste le meilleur antidote au désespoir, et le plus fabuleux hommage à ceux qu'on aime le plus et que l'on refuse de voir disparaître.

Je finirai sur ce passage du livre, positif et émouvant, où la maman était toute enthousiaste d'annoncer à sa fille, dans son enfance, qu'elle avait de la visite.



Et bien ce livre est une magnifique VISITE à l'image d'une mère dure à la peine, mais combien vaillante , aimante, même si avec beaucoup de maladresse. "Elle disait, heureuse: "Annie! Tu as de la visite!", quand une camarade venait me voir. L'importance de la "visite" pour elle. Preuve d'amour, signe qu'on existe pour les autres" (p.67)





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L'Occupation

Curieux roman d’un envoûtement, « L’occupation » est l’analyse distanciée et surprise de la jalousie d’Annie Ernaux pour la nouvelle compagne d’un homme qu’elle avait pourtant pris l’initiative de quitter.



Annie Ernaux parle de jalousie, mais le terme d’obsession conviendrait mieux tant l’idée, l’image de cette femme prend de place dans son corps, dans sa psyché : « Cette femme emplissait ma tête, ma poitrine et mon ventre, elle m’accompagnait partout, me dictait mes émotions. En même temps, cette présence ininterrompue me faisait vivre intensément. Elle provoquait des mouvements intérieurs que je n’avais jamais connus, déployait en moi une énergie, des ressources d’invention dont je ne me croyais pas capable, me maintenant dans une fiévreuse et constante activité. J’étais, au double sens du terme, occupée. »



La souffrance surgit rapidement de cette occupation, et celle-ci devient une manifestation pour Annie Ernaux d’une dévalorisation d’elle-même, un rappel de son statut social inférieur, comme si cette femme réussissait là où elle a échoué, sur les plans intellectuel comme sexuel. Comme une version d’elle même en mieux.



Pour se libérer de cette emprise, Annie Ernaux va donc utiliser l’écriture pour explorer la jalousie, ce désir presque volontaire de se faire mal en appuyant sur ses faiblesses, mais aussi sur ce qu’elle produit aussi sur celui qui en souffre : l’imagination et la jalousie rendent méchants, égoïste, indifférent aux émotions des autres.



Mais l’écriture plate d’Annie Ernaux lui permet d’échapper au jugement d’elle-même, qui n’est pas l’objectif de son texte. Il s’agit d’aller au plus près de sa vérité de manière distanciée (à partir du moment où l’autrice parle de ses sentiments, c’est comme s’ils ne lui appartenaient plus, n’étaient plus un reflet d’elle), de comprendre ce qui a pu motiver un comportement, des réactions qu’elle avait pensées autrefois excessifs chez les autres et dont elle se rend compte pouvoir être capable, de donner une matérialité à sa jalousie, de la faire exister comme quelque chose de tangible.



Et c’est toute la force de cette écriture que de permettre au lecteur, en ne s’attachant pas à Annie Ernaux, de ne pas la juger, de la comprendre, de recevoir son texte tel qu’il est, dans sa crudité.

Un roman que j’ai trouvé touchant dans son authenticité et dans son honnêteté.
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Passion simple

Passion simple est un court roman sur une passion amoureuse de la narratrice. Il est à rapprocher des autres œuvres d’Annie Ernaux, mais en tant que lecture indépendante, il m’a laissée sur ma faim.



Une femme est amoureuse. Voilà, voilà.

Et ? Eh bien, elle attend. Annie Ernaux décrit, très bien d’ailleurs, l’attente et la fin de l’histoire.

Est-ce intéressant ? Oui et non. Oui, parce que tout le monde n’a pas connu cette situation, non, parce qu’Annie Ernaux arrive après Marcel Proust ou Albert Cohen.



Comme souvent, l’émotion est absente, ce qui, quand on parle de passion, est assez déroutant.


Lien : https://dequoilire.com/passi..
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L'événement

C’est à l’occasion d’un dépistage VIH qu’Annie Ernaux se rappelle avec acuité, sûrement avec le plus de vérité, un moment traumatique antérieur : sa grossesse non désirée et la lutte pour avorter qui s’en est ensuivie, à une époque où les avortements étaient interdits par la loi.



« Depuis des années, je tourne autour de cet événement de ma vie. » Ce moment d’angoisse et d’attente qu’a été ce dépistage représente la dernière manifestation du désir de la narratrice d’écrire sur cet « événement », comme elle l’appelle, un déclic pour libérer un désir longtemps réprimé, car source de crainte : « Je résistais sans pouvoir m’empêcher d’y penser. M’y abandonner me semblait effrayant. Mais je me disais aussi que je pourrais mourir sans avoir rien fait de cet événement. S’il y avait une faute, c’était celle-là. ».



Annie Ernaux s’engage ainsi dans un témoignage objectif, quasi sociologique, de cet événement, à partir des entrées de son agenda de l’époque et des souvenirs qu’elles suscitent, pour creuser le traumatisme, ressentir à nouveau, par l’effort de les rechercher par les mots, les sensations et la vérité d’alors. De savoir ce qui en resté et sous quelle forme.



Avec son écriture concise, sans aucun gras, l’autrice creuse donc ses ressentis concernant cette situation excluante, qui la rappelle à sa condition de « pauvre » dont elle pensait se sortir grâce à ses études supérieures, elle qui était la première de sa famille à en faire. Cet événement qui dresse un mur entre elle et les autres, notamment les garçons qui font la différence entre les filles qui couchent et celles qui ne le font pas et qui adaptent leurs comportements en fonction, entre les étudiants qui n’ont que leurs études à penser et elle que l’angoisse éloigne de ses recherches littéraires, qui la fait se sentir une « délinquante » par rapport à ce monde universitaire qui constitue pour elle sa référence.



C’est la première fois que je lis un roman d’Annie Ernaux, autrice dont je craignais la lecture en raison de son écriture plate et blanche, de peur de me sentir tenue à distance et empêchée de ressentir une quelconque émotion. Il n’en a rien été, au contraire, et je peux dire que lire « L’évènement » a été une expérience de lecture, pas toujours facile, car l’émotion s’en est allée crescendo, jusqu’au moment de l’avortement, et de ses conséquences qui auraient pu être dramatiques.



J’ai ressenti une profonde compassion pour cette jeune fille si seule dans son désarroi, pas assez entourée, qui ne se rend pas compte qu’elle est en état de choc, celui-ci se traduisant par cette crainte de ne plus être une intellectuelle, de ne plus savoir réfléchir, alors que tout simplement elle vit une situation qui n’est pas anodine et qui la replace dans son corps, elle l’intellectuelle qui semble vouloir s’en détacher, parce que la société réprouve encore, dans les années 60, le désir sexuel des jeunes filles. Personne n’est là pour l’aider, elle qui se fait écraser par une loi déshumanisante, atroce pour les femmes, qui les poussent à risquer leur vie dans la clandestinité.



Car c’est l’objectif aussi de ce texte, témoigner d’une loi brutale, « invisible, abstraite, absente du souvenir et qui pourtant [la] jetait à la rue à la recherche d’un improbable médecin. ». Cette loi présente partout, et qui « rendait impossible de déterminer si l’avortement était interdit parce que c’était mal, ou si c’était mal parce que c’était interdit. On jugeait par rapport à la loi, on ne jugeait pas la loi ». Une loi qui restreignait les médecins, alors « obligés à se rappeler la loi qui pouvait les envoyer en prison et leur interdire d’exercer pour toujours. Ils n’osaient pas dire la vérité, qu’ils n’allaient pas risquer de tout perdre pour les beaux yeux d’une demoiselle assez stupide pour se faire mettre en cloque. A moins qu’ils n’aient sincèrement préféré mourir que d’enfreindre une loi qui laissait mourir des femmes. […] En face d’une carrière brisée, une aiguille à tricoter dans le vagin ne pesait pas bien lourd. »



J’ai ressenti à la lecture de « L’évènement » la même indignation que pendant celle du « Choix » de Désirée Frappier, roman graphique (qui faisait d’ailleurs de la place dans ses pages pour des extraits d’une interview avec Annie Ernaux) complémentaire en ce qu’il documente la lutte pour la légalisation de l’avortement. Ce corps médical qui ne donne les bonnes adresses qu’une fois l’avortement fait, qui met tout sur le dos d’une loi pratique pour ne pas se poser de questions, sa condescendance choquante, à l’image de celle de cet interne, honteux et en colère d’avoir découvert après les soins prodigués à Annie Ernaux que celle-ci était du même monde que lui, celui des hauts placés, qui apparemment ont plus de légitimité à se débarrasser d’un enfant que ceux de basse classe…



« L’évènement » a été, comme je le disais plus haut, une véritable expérience de lecture, de celles dont on ressort choquée quand on referme la couverture. Mais qui à ce titre, sont inoubliables.

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La place

J’ai eu très envie de découvrir cette écrivaine dont je n’avais pas même entendu parler (j’ai honte je l’avoue) avant l’obtention d’un tout de même prix Nobel de littérature?!



Quoi de mieux que La Place, écrit en 1983 et représentant un de ses livres références. Le style est simple et direct pour ne pas dire extrêmement dépouillé, on ne risque pas de se perdre dans les descriptions! (Le style est presque administratif dans certaine phrase !). Cela reste assez agréable à lire même si c’est extrêmement froid, sans chaleur aucune et avec une once de cynisme.



C’est un roman familial à forte dimension sociale. À la façon d’un Zola c’est un témoignage d’une époque et d’une classe sociale à propos de laquelle on revient sans cesse.



J’imagine que le prix Nobel n’est pas pour ce roman mais bien plutôt pour l’ensemble de son œuvre, aidé également certainement par des idées politiques en vogues (Un Romain Gary aurait largement mérité une telle récompense)
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L’atelier noir

Rentrer dans la tête d'un écrivain et voir l'ébullition de ses idées, sa logique mais aussi ses questionnements et ses doutes, voilà ce que permet l'Atelier Noir.

Annie Ernaux a tenu durant 25 ans un journal d'écriture : au fil des jours elle note ses lectures et comment elles nourrissent son écriture, les idées de livres qu'elle souhaite écrire (plusieurs en même temps). La question du sujet (elle ou je) revient régulièrement comme la douleur dans l'écriture et le principe de réalisme.

"Le moins de différence possible entre la vie et la littérature."

Cela pourrait être comme un making off sauf qu'ici il n' y a pas de montage.



La matière est brute, désordonnée reflétant le refus d'Annie Ernaux de se mettre en scène y compris dans son "rôle" d'écrivaine.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Les années

60 ans de vie quotidienne des français moyens déroulés en 250 pages !



Quel tour de force accompli ici par Annie Ernaux. On s'y croirait ; tous ces petits riens contés avec une science accomplie du détail le plus insignifiant et qui immédiatement parlent à la mémoire du lecteur !

Qu'il s'agisse de films, chansons, faits divers plus ou moins crapuleux, politique française, élections ou événements ayant bouleversé le monde, tout passe à la moulinette de sa mémoire et elle déroule un inventaire le plus exhaustif possible, sans jamais se faire analyste ou juge, ni se mettre, ou si peu, directement en scène ;

sauf par le biais de quelques photographies, puis films super 8 et enfin cassettes vidéo, évolution technique oblige, dont le but est visiblement l'activation de souvenirs, sur des faits ou une période précise, par l'évocation de son "temps personnel" conduisant à des considérations beaucoup plus générales.



Tout cela est mené tambour battant et ponctué par le rite des repas de fête, repas de famille, repas entre amis, marqués par l'évolution des discussions de table : souvenirs de guerre et d'occupation peu à peu remplacés par des préoccupations terre à terre, sur l'apparition des centres commerciaux avec l'invraisemblable entassement d'objets destinés à susciter la convoitise et déclenchant une véritable fièvre acheteuse chez le consommateur, l'achat d'une maison ou d'un logement, en ville ou à la campagne, l'acquisition d'une nouvelle voiture, pour finir par l'utilisation des ordinateurs et de toutes les nouvelles technologies mises à la disposition de l'homme connecté du 21è siècle !...



Mais surtout, ce qu'elle nous fait sentir en un survol étourdissant, c'est ce tourbillon de changement qui a amené en soixante ans, c'est à dire presque rien au regard des siècles précédents, la société française du patriarcat à la libéralisation des moeurs,

du plein emploi à la précarité,

de la vie chiche d'après guerre à la société de consommation effrénée,

de la boutique de quartier au centre commercial tentaculaire

de l'espoir en un monde meilleur à la terreur induite par le terrorisme

et de la foi en l'avenir à la mort des idéaux !



Voilà le triste constat auquel le lecteur est amèrement conduit à la fin de cet ouvrage et Annie Ernaux de nous enjoindre à "Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais".

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La place

J'ai relu ce livre après la critique de Nastasia-b, qui a fait couler tellement d'encre. Je n'en avais conservé aucun souvenir. Je ne suis concernée par aucune des problématiques du livre, mais ce n'est pas le problème. Je ne suis pas non plus concernée par les problématiques de Christine Angot ou Justine Levy, qui jouent sur le même terrain, et pourtant avec elles, je sens un texte, une écriture, je ne suis pas choquée par leur impudeur ( réelle) et ne les trouve jamais indécentes. Pourquoi ? Quelle est la différence ?

C'est l'hypocrisie, je pense. Angot et Levy disent tout, mais elles ne se mettent pas à l'abri, elle ne s'affranchissent pas de leur sujet. " Mauvaise fille" dit Levy d'elle même,d'une "mauvaise mère", droguée, inconsciente, mais aussi charmante, fascinante. Elle est prête à retomber dans ses envoûtements toxiques pour la faire revivre. On sent l'amour et la haine, la passion, la vie, quoi. Ernaux, excusez-moi, c'est mort. Chez Angot, c'est encore plus complexe, le père, la mère, la fille, les problèmes de classes sociales, tout cela est abordé, mais avec autrement de sensibilité. Christine Angot, dans Un amour impossible, nous raconte cette phase où elle a méprisé le milieu social de sa mère par rapport à la très bonne bourgeoisie de son père. Mais elle l'analyse avec autrement de finesse, se méprisant rapidement de cet état d'esprit, et percevant tres vite les affreux secrets qui se cachent parfois derrière le beau langage des gens qui ne sont pas " simples".

Mais chez Annie Ernaux, madame se cache. Elle ne s'investit pas, sous le fallacieux prétexte d'une écriture plate. C'est quoi, une écriture plate ? C'est pour vider toute émotion? Mais on ne parle pas de sa famille sans "émotion", qu'on l'aime ou qu'on la déteste. L'effet, c'est l'indifférence. Et l'indifférence devient indécente quand il s'agit de décrire la toilette mortuaire d'un père. " Aujourd'hui papa est mort et je l'ai vu tout nu". Excusez-moi, c'est horrible. Mais c'est l'effet que ça m'a fait.

Indifférence, et hypocrisie. Ernaux est cachée derrière son "objectivité", mais elle juge, sans jamais se remettre en question. Pauvre papa qui croyait avoir vécu dangereusement : " l'épopée de cette époque sera récitée à plusieurs voix, reprise indéfiniment avec toujours les thèmes de la peur, de la faim, du froid pendant l'hiver 1942." Euh, Cocotte, j'y étais pas, hein, mais l'hiver 42, à mon avis, en Normandie, c'était pas un "thème", c'était une horrible réalité. Ils ont vraiment eu peur (pour toi) faim et froid..." Sous les bombardements incessants de 1944, il a continué d'aller au ravitaillement, quémandant des suppléments pour les vieux, les familles nombreuses...Ultérieurement, certitude d'avoir joué un rôle, d'avoir vraiment vécu en ces années-là " Arrête de le dénigrer c'est horrible ! Bien sûr qu'il a joué un rôle, qu'il a pris des risques, et qu'il a été sympa ! Il aurait pu d'enrichir, faire le salaud, ou se prendre une bombe !

Orgueil ! Ça commence avec son Capes ( bravo ! ) et ça finit avec une ancienne élève caissière ( trop la loose !) dont elle nous fait bien comprendre qu'elle la reconnait à peine, quand l'autre lui explique son parcours. Méchant ça, Annie. C'est quoi le rapport avec ton père ? Les caissières sont les nouveaux paysans ? Mais en tout cas, dans ta reaction, tout est là : indifférence ( c'est qui celle-là), hypocrisie, et orgueil ( nananère, je suis pas caissière)

Froideur ! Je crois que c'est ça le plus insupportable. Égocentrisme complet. J'ai l'impression qu'elle n'a rien su de l'homme qu'était son père. Et nous non plus, du coup. Donc aucun intérêt.

Je rejoins donc complètement Nastasia, mais en pire. Je trouve ça nul.

Et maintenant j'oublie, encore une fois.

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La place

Ça commence par la mort du père. Puis Annie Ernaux remonte le fil d’une vie commencée au tournant du siècle. Ce père né en Normandie dans une famille de journaliers agricoles qui deviendra d’abord ouvrier avant de se marier et d’ouvrir un commerce. Un café-épicerie dans un quartier d’Yvetot. Une vie de peu, entièrement dédiée à sa boutique. Des gens simples, modestes. Des braves gens, comme on disait après-guerre.



L’exercice n’est pas aisé : « je voulais dire, écrire au sujet de mon père, sa vie et cette distance venue à l’adolescence entre lui et moi. » Parce qu’il restera viscéralement attaché au « monde d’en bas » qui est le sien alors que sa fille, par les livres et les études, va découvrir et intégrer une petite bourgeoisie dont il ignore tout. Son univers à lui sera toujours resté confiné dans un espace limité dont il ne cherchera jamais à s’écarter.



Point de tristesse, d’amertume ou de lyrisme malvenu. Ernaux a préféré employer le ton du constat. « Je me tiens au plus près des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques. Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir d’une complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique ou dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j’ai vécu aussi. Et l’on n’y prenait jamais un mot pour un autre. »



Une prose épurée à l’extrême, dépouillée de toute emphase. Annie Ernaux parle d’elle et pourtant son « je » est un « nous ». Toute la force de son écriture tient dans cette universalité, cette volonté de rester à l’écart d’une indécente forme d’autofiction. Sans doute son succès populaire s’explique en grande partie par le fait que son œuvre s’articule autour de la valeur collective du « je » autobiographique. La place est pour moi un roman magnifique, tout en retenu et pourtant d’une incroyable force. Pas pour rien que ce texte est devenu un incontournable du programme de français au lycée, tant pour l’analyse du genre autobiographique que de la relation père/fille ou encore, dans les filières économique et sociales, pour l’étude des classes sociales.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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La place

La narratrice, l'auteure, nous narre sa condition de jeune fille pauvre, dont le père à d'abord été garçon de ferme, puis ouvrier et enfin commerçant avec son épouse. N'ayant pas pu faire d'études (ce père savait à peine lire et écrire), la narratrice, quant à elle, a eu la chance de plonger dans le monde des livres dès sa plus tendre enfance et de devenir ainsi professeur de Lettres modernes, une matière inconnue jusque là de ses parents. En épousant un homme de bonne condition, elle est ainsi passé d'un monde, où l'on ignorait les bonnes manières, à un monde de semis-bourgeois, au point que son propre mari avait honte de ses beaux-parents car il ne pouvait pas avoir avec ces derniers de discussions intellectuelles, e, bref, il ne savait pas apprécier les plus petits bonheurs de la vie.

Mais dans cet ouvrage, il n'est nullement question du mari, ou même de la mère de la narratrice (bien que celle-ci occupe tout de même une place importante dans le récit) mais essentiellement du père et de ses origines, du fait qu'il soit parti de rien et ait voulu un tant soit peu devenir son propre patron, même q'il ne s'agissait que d'un petit commerce de café-alimentation et être respecté par ses concitoyens dans leur patit village de Y.



Un bel hommage rendu au père, un homme simple, qui n'a pas toujours su comprendre sa fille mais qui a eu le mérite de rester toujours celui qu'il était, à savoir un père et un mari aimant, un homme fort peu cultivé certes mais sachant apprécier les petits bonheurs de la vie. Un roman très bien écrit, avec quelques longueurs par moments à mon goût (ce qui justifie que je n'ai pas attribué la note maximum à cet ouvrage) mais qui vaut vraiment que l'on s'y attarde un moment. A découvrir !
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Retour à Yvetot

« Depuis le début, j’ai été prise dans une tension, un déchirement même, entre la langue littéraire, celle que j’ai étudiée, aimée, et la langue d’origine, la langue de la maison, de mes parents, la langue des dominés, celle dont j’ai eu honte ensuite, mais qui restera toujours en moi-même. »



En bon Normand (et de manière très intéressée), me replonger dans l’œuvre d’Annie Ernaux et ce Retour à Yvetot, recueil édité après le retour de la grande dame un soir d’octobre 2012 dans la ville de son enfance où elle vécut à partir de ses 5 ans.



Relire l’émotion de la confrontation entre l’auteure pas encore Nobel mais depuis longtemps confirmée, et les souvenirs surgissant des lieux autrefois fréquentés par la petite Annie Duchesne. Une visite-rencontre en forme de réconciliation, voire de rédemption.



« Je me suis servie d’Yvetot, des lieux, des gens que j’ai connus, j’ai pris beaucoup à Yvetot où j’ai passé mon enfance, ma prime jeunesse, et, d’une certaine façon, je me suis refusée à lui rendre quoi que ce soit. »



Et comprendre ce dilemme de l’auteure d’autofiction en général et d’Annie Ernaux en particulier, dévorée par l’ambition de l’écriture, questionnée par le syndrome de l’usurpateur (de classe en l’occurrence) et meurtrie par le potentiel soupçon de trahison. « Comment en écrivant, ne pas trahir le monde dont je suis issue ? »



Un texte, des lettres, des photos et un entretien qui résonnent comme une parenthèse mémorielle dans la vie d’Annie Ernaux, moment suspendu mais indispensable de confrontation avec un territoire qui a traversé son œuvre et en a façonné une partie importante du contenu.



Une parenthèse à rouvrir, qui sait…

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Les années

Ma lecture fut d’abord déconcertante : des phrases lancées en l’air comme des souvenirs en vrac.

Puis le livre s’organise avec une photo comme point de départ d’un voyage dans notre société de 1944 à 2006.

Annie Ernaux procède comme elle peindrait une toile impressionniste, par juxtaposition d'aplats de couleurs hétérogènes.



Elle nous emmène en balade, structurant une forme d’autobiographie originale, “à la recherche du temps perdu” ou plutôt du “temps retrouvé” à sa façon.



La prix Nobel est née en 1940 et “Les années” de sa jeunesse vous seront pour la plupart d’entre vous inconnues, cependant vous croiserez à un moment ou un autre des images qui vous “parleront”.



La construction du livre suit un mouvement de zoom arrière, elle part d’une photo d’Annie, embrasse ensuite son environnement rapproché puis englobe la représentation ethnographique d’une époque.



Qui plus que l’autrice est la mieux placée pour parler de son “objet” littéraire ? “Ce ne sera pas un travail de remémoration, tel qu’on l’entend généralement, visant à la mise en récit d’une vie, à une explication de soi. Elle ne regardera en elle-même que pour y retrouver le monde, la mémoire et l’imaginaire des jours passés du monde, saisir le changement des idées, des croyances et de la sensibilité, la transformation des personnes et du sujet, qu’elle a connus…”



Je l’ajoute à ma liste de livres à emporter sur une île déserte pour garder un peu de notre vie d’avant la solitude.

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La femme gelée

Encore une bonne pioche chez Annie Ernaux après Une femme...Oui, je me tape l'intégral " Écrire la vie"...J'espère ne pas vous ennuyer avec madame Ernaux...

C'est un écrit assez ancien( 1981), ironiquement, je suppose, dédié à son mari, Philippe...

Le style est différent de ce qu'il sera plus tard. Le début, qui relate l'enfance, fait un peu penser à l'enfant, de Valles,donc ...de l'humour ( oh ! Annie! Tu rigoles ! ), des phrases un peu sautillantes teintées de parlure normande...Cela montre une enfance plutôt plaisante, entourée de femmes de caractère ( les tantes, la grand mère, et surtout la flamboyante maman) Ces femmes travaillent, elles ne sont pas des fées du logis, elles vivent dehors, cuisinent un minimum, pas le temps, les enfants en liberté dans le jardin...La mère d'Annie, Blanche Duchesne, fait partie de ces femmes, mais veut que sa fille se sorte de ce milieu ouvrier et de petit commerçant, trop précaire. Une seule solution : l'école. Tu seras quelqu'un, ma fille. Le monde est à toi. Enseignement merveilleux de toute sa jeunesse, mais Annie va tomber dans quelques pièges avant de l'accomplir. Dans sa famille, on !'éleve sans lui faire remarquer qu'elle est une fille. " Travaille", ne t'occupe pas des corvées ménagères...Et son père est un homme doux, moderne, qui n'a pas peur de faire la vaisselle ou de cuisiner pour sa fille...Comment imaginer dès lors la puissance de la domination masculine ?

L'adolescence sera un premier pas vers cet apprentissage. Il faut plaire aux garçons. Et pour cela, il faut s'intéresser exclusivement à eux, leurs sujets de conversations, leurs vies. Une fille n'a pas de vie, pas de copines, pas de centre d'intérêt hormis eux...Dur apprentissage pour Annie, déchirée entre le désir d'amour et une farouche indépendance.

Quatre ans d'études à la fac sont quatre ans de liberté. Mais des filles disparaissent, peu à peu, dans le gouffre du mariage...Elles sont de plus en plus nombreuses...Annie résiste, résiste...Et puis Philippe réussit à mettre le grapin sur elle, et bienvenue au purgatoire.

Récit de 5 années de mariage à peu près. Philippe l'étudiant aux belles idées progressistes se transforme peu à peu en tyran domestique de base...En Annie, la femme se gèle... Peu de résistance apparente, mais une immense colère enfouie. A peine installée avec monsieur, et là voilà préposée au ménage, à la cuisine, à la vaisselle...Elle abandonne ses livres pour nourrir l'homme tandis que lui continue à étudier...Puis l'enfant parait...Elle en a la charge complète et monsieur l'inspecte le soir. Il livre son jugement. Aucune nuance dans l'attaque frontale d'Annie Ernaux. On s'oppose, tout s'oppose,à son existence et à son ambition d'être un individu singulier. Le mari est conforté dans son comportement par toute une société profondément castratrice envers les femmes. Tous et toutes lui donnent raison. Pourtant, Annie, plus ou moins consciemment, ne lâche pas. Elle passe le Capes entre deux biberons et deux rôtis de veau, et réussit à devenir professeure. Mais son esclavage ne s'arrête pas pour autant. On le sait bien, prof, c'est facile, 18 heures de cours et basta ! Ben voyons, et je prépare mes cours en changeant le bébé, et je corrige en le faisant manger- tant pis pour les traces de régurgitation sur les copies...Hors de question que monsieur bouge son derrière...Il a beaucoup travaillé dans son bureau et mérite bien d'attendre le dîner en lisant le Monde...

Bref, j'ai rarement lu une description aussi crue et réaliste de la condition des femmes dans les années 60...Et jusqu'à maintenant même si les tâches ménagères, parait-il, se repartissent un peu mieux...Mais pas partout, je le sais. Le texte est très violent dans la dernière partie ( celle du mariage) et on ne comprend plus bien à quoi celui ci rime. Plus de tendresse, pas un mot d'amour, rien. Le piège s'est refermé sur la fille de Blanche...malgré tout. Le texte s'arrête brutalement. Mais comme je sais - elle le dit souvent- qu'elle est restée mariée 18 ans avec Castrator, je me demande vraiment comment elle a tenu...
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Les armoires vides

C'est le troisième roman d'Annie Ernaux que je lis. Elle écrit sur sa vie. Beaucoup de critiques appuient sur le fait que lire un Ernaux revient à lire tous les Ernaux.



Il est certain que l'on retrouve sa pâte, que certains matériaux autobiographiques ont été déjà contés et ne nous sont pas inconnus mais néanmoins, de chacun de ses romans se dégagent une atmosphère différente, un thème différent. Dans La place, j'ai trouvé de la douceur face aux regrets qu'elle exprime de ne pas avoir su se rapprocher, dialoguer avec son père, dans la femme gelée, c'est sa vie de femme mariée qu'elle décortique et dans Les armoires vides, l'ambiance est encore tout autre, puisqu'elle décrit froidement, douloureusement, honteusement son IVG.



Pas de douceur, pas de tendresse avec elle-même, elle décrit, au travers de Denise Lesur, la narratrice, cette épisode déchirant de sa vie, qu'elle considère comme sa punition, ultime punition, pour avoir détesté ses parents qui n'évoluaient pas dans le monde des "distingués". Elle nous conte, sa haine, sa honte, sa jalousie, ses humiliations, elle nous conte, sur un ton vif et saccadé, empreint d'une vive sincérité, la douleur de la déchirure sociale.



"J'ai été coupée en deux, c'est ça, mes parents, ma famille d'ouvriers agricoles, de manoeuvres, et l'école, les bouquins, les Bornins. le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine, il fallait bien choisir. Même si je voulais, je ne pourrais plus parler comme eux, c'est trop tard. « On aurait été davantage heureux si elle avait pas continué ses études ! » qu'il a dit un jour. Moi aussi peut-être."



Quel talent !

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L'événement

Ce livre très bien écrit , c'est un livre historique qui nous transmet l'expérience des femmes dans les années 1963, ainsi que leurs souffrances lors des grossesses non désirées.

L'auteur a subi cette IVG, 5 ans avant la légalisation de la pilule contraceptive et 11 ans avant la loi sur l'IVG

De nos jours comment concevoir une telle tragédie ...Comment peut on imaginer que la femme contemporaine se prouve égale à l'homme ...

C'est donc l'histoire de Annie Ernaux, elle se trouve enceinte alors qu'elle est étudiante...Sa conception de l'amour physique chez cette jeune femme c'était que "dans l'amour et dans la jouissance,je me sentais pas un corps intrinsèquement différent de celui des hommes"

Malheureusement la physiologie d'une femme est différente et sa grossesse non désirée met vite fin a ses illusions.

Dans les années 60 des milliers de françaises avortent clandestinement dans la souffrance au risque de mourir ou de devenir stérile .

Annie nous raconte son vécu , le rejet des médecins , l'ambiguité de ses amis ..il l'a comprenne mais n'ont pas de moyens de l'aider ....

Ce geste de l'avortement qui est de nos jours anodin et qui n'a pas de complications est décrit dans ce livre comme une Horreur ..certaines pages sont très difficiles à lire ..;

La jeune femme cependant vivra cet avortement comme une libération , lorsqu'elle est allongée sur la table de le "faiseuse d'ange".....

La suite est beaucoup plus douloureuse lorsqu'elle se retrouve chez elle dans sa chambre à l'université....C'est une scène d'horreur ou se mêlent la vie et la mort.

"Je sais qu'aujourd'hui il me fallait cette épreuve et ce sacrifice pour désirer avoir des enfants."

Cette phrase est vraiment très explicite et décrit la douleur et l'impuissance dans laquelle se trouve Annie.

Un homme n'aurait jamais subir une telle souffrance ...aussi bien physique mais également psychologique ...car elle est seul ..avec son embryon.

Elle ira voir un prête par la suite pour se confesser .., la encore la religion lui tourne le dos ...A son tour elle la reniera .

C'est très émouvant et on voit de quoi l'homme est capable de sa cruauté ...même s'il n'y a pas de violence physique .

Ce livre devrait être lu par tous car ..il est si facile d'oublier d'où l'on vient , notre histoire , ce qu'on vécu nos grands mères voir mères...

Les femmes se sont battues pour être reconnues , et être sur le même statut que l'homme ....mais avec quels sacrifices ....

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Les années

"C'était une dictature douce et heureuse contre laquelle on ne s'insurgeait pas, il fallait seulement se protéger de ses excès, éduquer le consommateur, définition première de l'individu. Pour tout le monde, y compris les immigrants clandestins entassés dans une barque vers la côte espagnole, la liberté avait pour visage un centre commercial, des hypermarchés croulant sous l'abondance. Il était normal que les produits arrivent du monde entier, circulent librement, et que les hommes soient refoulés aux frontières. Pour les franchir, certains s'enfermaient dans des camions, se faisaient marchandise - inertes-, mouraient asphyxiés, oubliés par le conducteur sur un parking au soleil de juin à Douvres."



C'est à travers Les années que je découvre Annie Ernaux. A partir de photographies et de marqueurs temporels, l'auteur nous peint l'histoire de celle qui dit elle et non pas je. Le "je" est un point fixe et transparent, en revanche, le "elle", bien qu'extérieur, retrace la perspective de celle qui devient.

Une volonté de liberté et de libération anime violemment celle qui déplore que l'individu ne soit désormais qu'un objet de consommation, un pur produit. Car lorsque l'homme est réduit à ce point à n'être qu'un objet commercial, que reste-t-il de son humanité ? L'homme a-t-il encore une conscience et la conscience du monde ?



"On évoluait dans la réalité d'un monde d'objets sans sujets. Internet opérait l'éblouissante transformation du monde en discours.



Le clic sautillant et rapide de la souris sur l'écran était la mesure du temps."



Le temps humain, la durée vécue, détrônés par le temps des machines...

L'homme serait-il devenu un être qui a perdu son temps propre ? Mais comment exister alors hors de soi et de son humanité ?



Dans un style simple et percutant, Annie Ernaux place le lecteur face aux contradictions de notre temps. Les années pose beaucoup de questions et donne à penser une humanité décalée, et déracinée... Sans langage.....



"Dans le brassage des concepts, il était de plus en plus difficile de trouver une phrase pour soi, la phrase qui, quand on se la dit en silence, aide à vivre."



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Passion simple

Nouvelle tentative de comprendre Annie Ernaux après la lecture d'une bonne critique qui précisait bien que le livre était court. Argument majeur

Une bonne bourgeoise, plus toute jeune, vit une aventure tumultueuse avec un homme cultivé et beau bien plus jeune

Je pensais que ce livre effectivement très court était un livre mineur

Or je constate qu'il a été beaucoup lu dans la communauté Babelio

Avec son style volontairement plat, elle raconte une histoire bien banale

Cette discordance entre l'intensité de la passion et la narration sans poésie m'a laissé pantois

La littérature regorge de textes magnifiques sur l'amour et la passion, que ce soit d'un homme pour une femme ou l' inverse

Chez Ernaux, tout est d'une banalité excessive, ce qu'elle assume

Si j'avais lu ce livre sans connaître l'auteur, j'aurais pensé à ces romances qu'on trouve dans les magazines féminins

Tous les clichés y passent : un homme fringant, intelligent, amant exceptionnel que Madame attend en achetant les plus belles tenues fort chères pour le retenir. Une vraie midinette friquée

Je sais:faut le lire au deuxième degré au moins

Madame est Prix Nobel tout de même

Je confirme donc:Madame Ernaux ne m'intéresse pas et je retourne à mes classiques pour retrouver un peu de poésie

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Une Femme

La mère d'Annie Ernaux est morte le 7 avril 1987 à la maison de retraite de l'hôpital de Pontoise où elle avait dû être placée deux ans auparavant. Elle était atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle s'est endormie tout simplement après son petit déjeuner, vers 10 heures du matin. La veille l'autrice lui avait rendu sa visite quotidienne, lui apportant de jolies branches de forsythia pour égayer sa chambre, l'embrassant et lui disant à demain …

Ce livre très personnel s'ouvre sur un premier chapitre poignant ; Annie Ernaux évoque les heures qui ont suivi l'annonce du décès de la vieille dame, la porte de la chambre fermée, les entretiens avec le personnel hospitalier, les formalités administratives, puis les obsèques. le récit est précis, écrit avec beaucoup de sensibilité et de pudeur, plein de petits détails réalistes et touchants qui interpellent. Chaque mot a son importance. Annie Ernaux exprime sa douleur, son désarroi et son besoin immense d'écrire sur sa mère.

Ce "n'est pas une biographie, ni un roman naturellement, peut-être quelque chose entre la littérature, la sociologie et l'histoire". Mais c'est un bel hommage et un texte magnifique, puissant et très touchant.



Dans un style d'écriture simple, factuel, sans fioritures, l'autrice raconte sa mère, cette femme dynamique issue d'un milieu très modeste. D'abord ouvrière puis commerçante, gérant avec rigueur et courage une épicerie buvette à Yvetot. Son souhait le plus cher presque obsessionnel : s'élever dans la société, tenir son rang en apprenant incessamment, et donner à sa fille la meilleure éducation possible pour qu'elle, au moins, puisse s'en sortir et devienne quelqu'un !



L'autrice retrace le parcours maternel mais insiste aussi sur l'évolution et l'ambivalence des relations mère - fille faites d'incompréhension, d'agacements réciproques et de honte en particulier à l'adolescence, Puis viennent les années adultes, enfin la retraite et le déclin. Comment une femme aussi active et ouverte au monde peut-elle tomber dans la dépendance, perdre la mémoire jusqu'à ne plus savoir mettre le couvert ni reconnaitre les visages ? Une fin de vie douloureuse, une déchéance qu'Annie Ernaux décrit avec pudeur et tendresse.



"Je n'entendrai plus sa voix. C'est elle, et ses paroles, ses mains, ses gestes, sa manière de rire et de marcher qui unissaient la femme que je suis à l'enfant que j'ai été. J'ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue »



Tels sont les mots par lesquels Annie Ernaux conclut son écrit. Un hommage émouvant et puissant dont je conseille vivement la lecture.



#Challenge Riquiqui 2024





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Passion simple

Une femme attend un homme. Sa peau, son corps, son sexe, sa présence, sa voix. Pendant un an, elle ne vit que de cette liaison, qu'elle sait éphémère puisque l'homme est marié et étranger. Il n'est que de passage.

Par l'écriture, elle parle de cette attente, de la manière dont elle la comble, de la place qu'elle prend dans sa vie, dans ses pensées, ses envies, ses autres relations. Comment cette attente et cette absence de cet homme enfle en elle et prend toute la place. Elle se demande, aussi, comment les autres femmes qui ne vivent pas cette passion, comment elle-même encore un an plus tôt, peuvent quand même se sentir comblée, s'intéresser à quoi que ce soit, passer les jours, elle qui ne vit plus que de ça.

On en sera peu de l'homme ainsi que de la narratrice à part ces quelques mois exacerbés qui finiront par former une parenthèse dans sa vie mais qu'Annie Ernaux décortique d'une écriture la plus neutre possible, ce qui rend la lecture de cette passion d'autant plus prégnante.
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Une Femme

Dans le récit personnel, familial, social, qui traverse toute l’œuvre d’Annie Ernaux, l’autrice y consacre plus spécialement un livre à chacun de ses parents: La place, sorti en 1985, où est évoqué son père, et celui-ci, Une femme, publié en 1988, qui raconte la vie et la fin de vie de sa mère.

Au sujet de cette mère, qui a joué pour elle un rôle si important dans sa vie, elle fera aussi éditer en 1996, après avoir hésité longtemps, sous le titre « Je ne suis pas sortie de ma nuit » et sans le modifier, le journal qu’elle avait tenu au jour le jour, lorsque sa mère s’effaçait dans la maladie d’Alzheimer.



Le court récit « Une femme » relate de la façon sobre, sans sentimentalité, sans effusions, ce qui le rend encore plus fort et plus émouvant, le parcours de vie de celle qui l’a mise au monde et l’a accompagnée pendant 45 ans.

L’évocation du milieu social ouvrier dont est issue sa mère, sa volonté de s’élever socialement qui l’amènera à acquérir un café- épicerie de village à Yvetot, son énergie, sa rudesse voire sa violence, mais aussi sa tendresse, son attention à sa fille unique (une fille de « remplacement » à une autre morte deux ans avant sa naissance), les espoirs qu’elle met en elle, mais le décalage social difficile qui s’installe entre « la fille qui a fait des études » et ses parents, tout cela est admirablement décrit.



Et puis la deuxième étape, c’est la période plutôt heureuse dans laquelle sa mère devenue veuve viendra vivre chez sa fille et son beau-fils à Annecy, mettra son énergie à s’occuper de ses petits enfants et de la maisonnée, un peu comme si elle se mettait à leur service, ce qui est source d’inévitables conflits.



Et puis, les choses changent, la mère ne s’habitue pas à la région parisienne, où le mari a été muté, et retourne vivre à Yvetot, le couple divorce. Elle est victime d’un très grave accident, dont elle se rétablit miraculeusement, vient revivre chez sa fille.



Et enfin, c’est l’apparition de la maladie d’Alzheimer, l’impossibilité de garder sa mère chez elle, jusqu’à la fin de vie.

Et cette dernière phrase bouleversante: « J’ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue . »



La façon pleine de pudeur et de tendresse dont Annie Ernaux raconte la vie de sa mère, ce style volontairement plat qu’elle choisit, renforce l’émotion, je trouve, et j’ai eu le cœur serré une bonne partie du récit. Cette façon dépouillée et sincère me touche beaucoup plus, par exemple, que « Le livre de ma mère », d’Albert Cohen, trop excessif, trop démonstratif, à mon goût .Et puis, ce récit a une dimension qui dépasse le cercle de l’´experience intime, et que chaque lecteur peut ressentir profondément. Dans tous les cas, je trouve que ce récit parle à toutes celles et ceux qui ont été confrontés à l’ascenseur social, qu’il fonctionne ou pas.



En conclusion, et bien que je n’ai lu que peu de livres de l’autrice, je trouve que sa manière d’ « écrire la vie » (le titre qui est donné au Quarto Gallimard qui rassemble une grande partie de son œuvre) faisant de ses expériences personnelles et de la description de la société la matière de ses récits, restera, à la fois comme le témoignage des changements profonds de cette deuxième moitié du 20ème siècle, en particulier pour la condition féminine, et comme l’évocation par le prisme de l’intime de thèmes universels, entre autres, l’amour et ses tourments, l’identité, la condition sociale et le rapport à ses origines, la maladie, la mort.



Et pas de doute que cela vaut le coup de continuer à explorer une œuvre aussi originale.



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