Chaque mois, un grand nom de la littérature française contemporaine est invité par la Bibliothèque nationale de France, le Centre national du livre et France Culture à parler de sa pratique de l'écriture. Javier Cercas, auteur de Terra Alta qui lui valut en 2019 le 68e prix Planeta, est à l'honneur de cette nouvelle séance du cycle « En lisant, en écrivant ».
QUI EST JAVIER CERCAS ?
Né en 1962 à Ibahernando, dans la province de Cáceres, Javier Cercas est un écrivain et traducteur espagnol. Après des études de philologie, il enseigne la littérature à l'université de Gérone, pendant plusieurs années. En 2001, son roman Les Soldats de Salamine sur fond de Guerre civile espagnole remporte un succès international et reçoit les éloges, entre autres, de Mario Vargas Llosa, Doris Lessing ou Susan Sontag. Ses livres suivants, qui s'inspirent souvent d'événements historiques et de personnages ayant réellement existé, rencontrent le même accueil critique et sont couronnés de nombreux prix : Prix du livre européen (2016), Prix André Malraux (2018), Prix Planeta (2019), Prix Dialogo (2019). Son oeuvre est traduite en une vingtaine de langues.
Il est également chroniqueur pour le quotidien El País.
De Javier Cercas, Actes Sud a publié : Les Soldats de Salamine (2002), À petites foulées (2004), À la vitesse de la lumière (2006), Anatomie d'un instant (2010), Les Lois de la frontière (2014, prix Méditerranée étranger 2014), L'Imposteur (2015), le Mobile (2016), le Point aveugle (2016), et le Monarque des ombres (2018).
Son nouveau roman, Terra Alta, paraîtra en mai 2021.
En savoir plus sur les Masterclasses En lisant, en écrivant : https://www.bnf.fr/fr/master-classes-litteraires
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Il n’existe qu’une façon de lire, et elle consiste à flâner dans les bibliothèques ou les libraires, à prendre les livres qui vous attirent et ne lire que ceux-là, à les abandonner quand ils vous ennuient, à sauter les passages qui traînent – et à ne jamais, jamais rien lire parce qu’on s’y sent obligé, ou parce que c’est la mode. (Livre de poche, Préface, p. XIX)
Ce qui me met en colère, c'est que plus personne n'est en colère! Les gens sont prêts à tout avaler aujourd'hui. Nous acceptons toutes les formes possibles de corruption, et c'est très dangereux.
Interview Bibiobs
« On ne devrait haïr que la haine » : car tout comportement destructif est le fruit de l'ignorance.
Je n'appartiens à aucun clan, j'aime trop la liberté.
En Afrique, dans une région éloignée de toute ville, se trouvait une école de brousse dont les élèves ne pouvaient guère espérer qu'une demi-douzaine d'années d'études. C'est là qu'on surprit un garçon de dix ans avec un livre volé sous son lit. Il s'agissait d'un ouvrage de physique pour cours supérieur, dont il ne pouvait comprendre un seul mot. « Pourquoi l'as-tu volé ? lui demanda-t-on. –Je veux un livre, répondit-il. Je n'ai pas de livres. J'en voulais un pour moi tout seul. –Mais pourquoi avoir volé un livre aussi compliqué ? –Je veux être médecin ! », lança-t-il en pleurant à chaudes larmes et en serrant le volume contre lui.
J'ai un peu du loup solitaire, répondit Tom. Je suis le chat qui s'en va tout seul.
C'était comme si souvent, quand meurent des vieillards-tout le monde sait qu'ils ne seraient pas morts s'ils avaient réellement eu de quoi s'occuper, s'ils s'étaient sentis désirés, si quelqu'un avait eu besoin d'eux. (p.137)
Mais leur vie était déjà facile. Ceux qui ont des existences aussi plaisantes, aussi insouciantes, exemptes de tout problème ne sont pas nombreux sur cette terre : sur ces rivages bénis, personne ne s'isolait pour pleurer sur ses péchés ou sur le manque d'argent, ni encore moins de nourriture. Quel beau monde, lisse et éclatant de soleil, de sport, de bonne chère ! Peu de gens, où qu'ils vivent, connaissaient des côtes semblables, sauf peut-être lors de courtes vacances, ou dans des récits de voyages semblables à des songes. Soleil et mer, mer et soleil, et toujours la rumeur des vagues sur la plage.
Notre métier est fondé sur les mots –pas seulement leur sens, mais aussi leur musique. Et les liens entre le son et le sens recèlent bien des mystères, comme le savent les poètes. Quand un texte qu'on a écrit est interprété musicalement, on voit devenir réelles des sonorités et des pensées dont on n'était qu'à moitié conscient. Le langage du musicien les met soudain en évidence.
La démocratie, la liberté, l’équité et ainsi de suite, on en a les oreilles rebattues, et soudain on découvre partout autour de soi les injustices les plus effroyables, et l’on s’écrie : « Hypocrites! »
Dans mon cas, la découverte eut lieu en Rhodésie du Sud , où la démocratie était l apanage de la minorité blanche, tandis que la majorité noire était privée de tout droit .