Premier chapitre : le curé d'une petite ville d'Argentine est assassiné par arme blanche.
Deuxième chapitre: Carlos a soixante ans. Son médecin lui annonce qu'il lui reste seulement quelques mots à vivre. Il se remémore sa vie et en particulier ses vingt ans : il était du côté des révolutionnaires. Estela, sa femme, est arrêtée et ne reviendra jamais : elle fait partie des « disparus » de la dictature argentine.
Suite à sa disparition, Carlos n'a pas cherché a savoir ce qui était arrivé (il « savait » qu'elle avait été torturée et assassinée et s'interroge encore si leur fils, elle était enceinte au moment de son arrestation, a survécu. Après la fin de la dictature, il n'a pas cherché à savoir non plus ce qui s'était passé (il préfère rester dans le déni et s'imaginer qu'Estela s'en est sorti et a refait sa vie dans un autre pays)
Mais maintenant, il veut savoir et malgré les pressions il s'entête.
Il s'agit donc d'une sorte d'enquête mais trente ans plus tard, difficile de trouver des témoins.
C'est un portrait très triste d'un homme qui a renoncé à tout et qui ne cherche qu'à se venger.
Ses dialogues (imaginaires) avec Estela sonnent justes…. En parallèle,
Il rencontre Valéria une jeune femme d'une trentaine d'années (je n'ai pas très bien compris son rôle : L'inciter à se venger ? )
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Dans la passion de sa jeunesse,, Carlos a participé à la lutte armée contre les militaires. Sa femme, enceinte, a été capturée sous ses yeux, et nul ne sait ce qui lui est advenu. Il a passé ces trente ans dans une fidélité morbide à ressasser cela, imaginer des destins possibles à Estela. Il regarde avec amertume l'Argentine d'aujourd'hui, témoin de leur échec, du désastre, de la débâcle : un pays où posséder un écran plat est plus important qu'une société égalitaire et juste, Il voit souvent Juanja, ancien du mouvement, aujourd'hui au gouvernement, avec qui il se livre à quelques joutes verbales, et tous les jeudis une jeune femme, incarnation de la nouvelle génération pour qui lutter n'est plus une option. Elle lui donne du plaisir et le pousse dans ses retranchements.
La soixantaine dépassée, une maladie appelée le Mal le rattrape, se manifestant curieusement par une simpe odeur nauséabonde, les questionnements s'enrichissent, l'imaginaire ne suffit plus, il recherche des faits, la question de la vengeance se pose. Mais quel sens a-t'elle encore, quarante ans après ?
Très beau roman introspectif et politique, à la prose parfois un peu lourde. Plein de nuances et de vérités regardées en face, il met en scène les bourreaux et les victimes, montre leur place dans al société d'aujourd'hui. Carlos, plein d'amertume, ne vit que de son passé, Est-ce parce que ce passé était glorieux, ou est-ce qu'il n'a simplement pas pu le dépasser, devenu un homme finalement geignard et procrastinateur ? Est-on un héros à vie ? Les comptes sont loin d'être soldés, et si la société détourne le regard, ce n'est pas le cas de notre héros.
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Ce livre est remarquable, par sa manière de nous présenter une réflexion sur la vie politique et historique de l'Argentine des années 1970 à nos jours. Il est à poser sur toute étagère de bibliothèque : «Histoire du vingtième siècle»
Carlos était un acteur des mouvements révolutionnaires d'extrême gauche dans les années 1970. Il appartenait au groupe des Montoneros. Ses amis ont été arrêtés, torturés,....sont devenus des " desaparecidos». Sa femme Estella enceinte a disparu. La vie de Carlos en sera bouleversée. ,
Les chapitres sont courts, le déroulement est intéressant. Il y a une succession d'évènements qui présentent bien les nombreuses difficultés auxquelles doit faire face Carlos depuis ce moment tragique, il imagine Estella face à l'expérience de « Latorture » et jusqu' où elle a pu la supporter. Pas un jour ne passe sans qu'il lui parle. Il retrouve parfois quelques amis survivants. Puis un évènement majeur arrive.
Va-t-il maintenant assouvir son idée de vengeance ?
Il part à la recherche des personnages qui ont rencontré Estella à l'Aconcagua, l'aumônier, les militaires. Il est confronté à des faux témoignages, des « fake news», des menaces, …….
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Un beau texte sur la conscience politique..
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Ce roman qui oscille entre le désenchantement et la lumière se conclut sur une note surprenante, alors que l’éditrice du roman de Carlos entre en scène en dévoilant son vrai visage.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Avec « A qui de droit », Martín Caparrós revient sur les années de dictature et leurs séquelles.
Lire la critique sur le site : LeMonde
J'ai toujours porté la douleur-la rancœur, la haine -de ne pas avoir pu nous dire adieu. Et pourtant, on s'est si souvent fait des adieux, à cette époque. On s'en faisait chaque fois qu'on devait se séparer pour quelques heures, dès que je sortais, que tu sortais, et même si on ne se posait aucune question -on ne pouvait pas se raconter ces choses-là-, on savait tous les deux : à cette époque on ne sortait que pour faire ce genre de choses, , alors on se disait toujours au revoir comme si c'était la dernière fois : un baiser , tantôt long, interminable tantôt presque furtif de crainte que cela ne ressemble trop à des adieux ou qu'à être trop insistants ils se transforment en de vrais adieux, parfois aussi un regard ou une phrase pour dire compte sur moi, rassure-toi, je ne te trahirai pas ; un jour, je me souviens , j'ai même voulu te dire à quel point tu comptais pour moi, mais je n'ai pas su comment m'y prendre. Une autre fois, c'est toi que me l'as dit, du moins c'est ce qu'il m'a semblé. On s'est si souvent dit adieu qu'à la fin, on ne pouvait plus le prendre au sérieux, tout en sachant que cela devenait de plus en plus sérieux. Puis on s'est dit adieu tant de fois encore : après quand tu n'étais plus là. J'ai passé ma vie à te dire adieu. Mais maintenant on doit se le dire pour de bon.
- « Son église était cela : les édifices de cette Eglise étaient des reliquaires bâtis pour abriter les ossements de ces martyrs sanctifiés : si je le tuais je le transformerais en un de ces martyrs. Avec le temps, son Eglise pourrait le béatifier et à terme le canoniser : au lieu de me venger, je lui rendrais un service extraordinaire, je le hisserais au rang où il avait toujours voulu être. Un frisson a parcouru mon corps.
- Jusqu'à ce que je comprenne que c'était précisément ce que je devais faire : afin que son Eglise le canonise, sanctifie un prêtre d'assassins. Telle serait bel et bien ma vengeance : si je parvenais à mes fins, je n'aurais pas éliminé un curé sanguinaire, mais torpillé l'ensemble de son Eglise. J'étais excité, pris de vertige : toutes les pièces du puzzle retrouvaient soudain leur place. C'était fantastique, j'étais enfin revenu, j'étais là. Soudain la clarté extrême : comme si une voix me chuchotait les détails de mon plan à l'oreille, étape après étape. J'avais compris. »
Invitado a C5N, Martín Caparrós habló sobre su nuevo libro "Argentinismos" e intentó explicar cómo puede entenderse a la Argentina. Imperdible para estos días.