D'Hélène Gestern je n'ai lu à ce jour que deux livres,aux contextes très différents et qui m'ont beaucoup plue.
Armen je l'ai acheté par hasard pour son auteure , n'ayant aucune idée de son personnage principal ,
Armen Lubin, et la surprise est d'autant plus forte que le second personnage du livre est l'auteure elle-même. Dans cette histoire d'exil et de littérature d'
Armen, Gestern elle-même a une famille maternelle d'exilée , plutôt déportée. le parallèle qu'elle mène entre
Armen et elle même est une histoire tragique mais intéressante, où le pouvoir de la littérature relie ces deux personnages dans le temps et l'espace d'un lien presque fraternel, bien qu'
Armen y reste un peu en fantôme, alors qu'elle, elle est bien réelle.
Plus que l'histoire d'
Armen qui reste largement fictive même si elle est basée sur un personnage réel et sa vraie histoire, c'est celle de Gestern qui avec la pudeur et l'humilité avec lesquelles elle se dévoile et les mots qu'elle y emploie qui m'ont vraiment touchée, et intéressée, « L'autobiographie est un condensé de la vie, directement en prise avec la douleur, la honte, la joie. » Celle d'
Armen reste superficielle, basée sur beaucoup de suppositions, et ne tient debout que grâce à l'excellente prose de Gestern. Et en fin de compte à part le fait qu'il soit arménien et exilé, littérairement un poète-écrivain qui n'a pas laissé de grandes traces, quelques romans, des poèmes et des articles de journaux, bien que Gestern pense que la qualité de son oeuvre prime sur sa quantité. Quand au personnage lui-même , le portrait qui se dégage de la plume de l'auteure n'a rien de sympathique malgré l'admiration et l'empathie que lui voue Gestern . Et à vrai dire son destin tragique où il finit par se sentir quasi en sécurité ne m'a pas inspirée d'empathie , même si dit comme cela , cela semble cruel de ma part. J'enfonce le clou, de même les vers de sa poésie retransmis par Gestern , bien que je suis loin d'être férue et connaisseuse en poésie , ne m'ont inspirée aucune émotion . Un homme que je n'aurais pas aimé rencontrer, un homme complexé dont la situation fragile de santé et celle matérielle l'ont accentué.
La partie autobiographique de Gestern par contre, celle qui m'a vraiment interpellée , certains passages qui éclairent magnifiquement sa propre oeuvre que je continue à découvrir, m'ont éblouie , « J'ai touché du doigt ce jour-là la dimension surnaturelle de la photographie , sa capacité de rendre à la fois le mort et le vif, à déjouer les chronologies , à faire voler en éclats les frontières de la mémoire , du temps lui-même , dans sa structure la plus intime….c'est ce choc que j'essaie de remettre en scène inlassablement dans mes romans : cette révolution des repères intimes, ce rapport charnel et brutal au temps , ce monde où la trace reconfigure le présent . »
Malgré la partie
Armen qui ne m'a pas emballée du tout et que j'ai trouvé beaucoup trop long , j'ai aimé ce livre pour la magnifique prose et les émouvantes confidences de Hélène Gestern, que le contexte du sombre personnage et destin d'
Armen valorisent encore plus , à mon avis une dualité choisie qui pourrait être sujet d'une analyse psychologique intéressante. Pourquoi lui et non un autre , des exilés malades il en existe un tas dans la Littérature, « j'ai voulu relire à la lumière de sa vie ce que je sais de la mienne, et vice-versa. ». Décidément une excellente écrivaine, mais un livre que je déconseille pour tout ceux ou celles qui moralement ne sont pas en grande forme , de plus il est un peu long, du moins a été pour moi.
« J'ai peu de certitudes sur l'écriture, mais une conviction: on ne prend pas la plume sans avoir quelque chose à dire. Quelque chose de dense, de sincère, de brûlant, parfois de déchirant. »