Une petite deception.
J'ai aime nombre d'oeuvres de BenJelloun, d'autres moins, et ce recueil de
nouvelles je le range dans cette deuxieme categorie. J'ai ressenti trop de
nouvelles comme trainantes, sans rien pour aguicher le lecteur, et souvent sans reel pitch a la fin, se terminant en queue de poisson. Mais bon, il y a quelques belles pages parsemees un peu partout et deux ou trois
nouvelles que j'ai quand meme aime.
Un poeme ouvre le livre, une ode a la gloire du Maroc, qu'une fois ma lecture avancee s'est teinte d'ironie, la plupart des
nouvelles decrivant les travers de la societe marocaine, pouvant etre condenses dans une de ses phrases: “un pays a deux visages, au double langage, et ou l'hypocrisie regne en maitre”. Il y est beaucoup question de corruption dans les hautes spheres, de bakchich dans les basses. D'une administration pesante, qui combat toute initiative au lieu de l'aider, qu'on ne peut faire bouger qu'en faisant intervenir des connaissances bien placees (et si ce ne sont pas des connaissances, bien “graissees"). D'une classe fortunee, vraie caste endogame malgre le discours progressiste dont elle se pare, ou le trompe-l'oeil est le vernis de rigueur, habitee par la peur, peur d'une revolution populaire qui ferait tomber et le roi et leur systeme, peur d'un islamisme renaissant qui devoilerait et punirait leurs faux-semblants. Et c'est peut-etre la mievrerie des personnages et des situations qui ont epandu a ma lecture une certaine fadeur.
Il y a des passages que j'ai aime (parce qu'ils ont atteint des strates personnelles?). Quand il lamente la deterioration de l'architecture coloniale, que ce soit a Casa: “Casablanca et son Art deco des annees 1930, c'est fini”; ou a Tanger dont le celebre theatre n'est plus qu'une ruine: “Parce que Tanger avait connu un age ou toutes les nations y avaient plante un pieu, certaines un arbre, d'autres un consulat pour espions borgnes et ecrivains alcooliques. Parce que Tanger avait vecu une epoque faste ou elle donnait des spectacles dans un lieu situe entre le Mur de la Paresse et le marche aux poissons, un theatre grandiose a la façade magnifique, un theatre devenu salle de cinema ou l'on projetait des peplums et des films d'horreur sur un ecran ayant perdu sa blancheur depuis longtemps, une salle obscure ou les amants se retrouvaient pour faire l'amour dans le noir tout en suivant d'un oeil des films indiens. le Gran Teatro Cervantes”. Quand il parle des ecrivains chercheurs de faux exotisme et autre amateurs de sensations fortes qui ont affole les tangerois des les annees 40, suivis rapidement de nababs harponnant des maisons ancestrales. Quand il decrit une de ces maisons, celle de Sidi Hosni, devenue celle de Barbara Hutton.
Et il y a des
nouvelles que j'ai aime. La premiere, “La fiancee juive", et surtout, surtout, “Rencontre avec la lumiere", ou il est question d'un enfant trisomique, et ou le langage de l'auteur est amour, contrairement a l'aigreur qui domine les autres
nouvelles.
Le tout m'a ete quand meme une deception. Peut-etre causee par de grandes expectations, peut-etre parce que l'auteur a titille trop supeficiellement les cendres de quelques feux eteints, et il se peut tout simplement que les
nouvelles ne soient pas son fort, a
Tahar BenJelloun. Ou pas mon fort a moi? Mais ni lui ni moi n'avons besoin de nous excuser. Ca arrive, les rendez-vous rates.