n associant l'érudition de
Shotaro Ishinomori et le romantisme de Leiji Mastumoto,
Buichi Terasawa a ressuscité le Sword & Planet avec la saga "Space Adventure" Cobra en lui insufflant un esprit funky, le même que celui que Monkey Punch avait insufflé au polar vintage avec sa saga "Lupin III". Son imaginaire s'étant construit à une époque où il n'y avait aucun frontière entre les genres de l'imaginaire, dans son Univers Zéro résolument space-opera on croise chevaliers, pirates et cow-boys, sorciers, démons et dragons, ninjas, samouraïs et shamans, robots, androïdes et cyborgs...
Dans ce tome 6 couleurs, Lady est victime d'une mystérieuse maladie temporelle qui ronge son existence de plus en plus vite. Cobra se rend au Palais du Temps pour demander à Shéhérazade la conteuse de rêve d'activer le Time Drive pour retrouver la trace de celui qui est en train de changer les événements pour trafiquer la trame du continuum spatio-temporel. C'est ainsi que Cobra prend tous les risques et qu'il se retrouve 20 ans auparavant dans la Système Jahara dominé par un terrifiant roi-sorcier. Et il se retrouve moins le personnage central que Lady avant qu'elle ne devienne Lady, à savoir Emeralda Sanborn une princesse guerrière en quête de
vengeance, combattante de la liberté luttant pour son pays et pour son peuple !
Pour ceux qui connaissent peu ou prou la saga, il est un moment récurrent où les ennemis s'étonnent en découvrant que Lady n'est pas une machine mais un être vivant. Et puis il y avait ce moment magique dans "Les Six Héros légendaires", où Cobra traversait l'enfer pour arracher Lady des griffes de sa Némésis Crystal Bowie, et où les dieux se proposaient de rebooter l'univers pour faire d'eux les nouveaux Adam et Eve dans le nouveau Jardin d'Eden. Naguère amants et désormais partenaires, les deux compères envoyaient chier les dieux pour retrouver les cicatrices et leurs peines. Maintenant que nous connaissons la véritable identité et la véritable histoire de Lady, la puissance de cette scène est désormais sans aucune limite…
Pour plus de simplicité je vais appeler Cobra Belmondo le Cobra du futur et Cobra Delon le Cobra du passé. Cobra Belmondo accompagné de la bimbo Paloma est venu défier Ghyros et ses sbires pour l'amour de Lady, et Cobra Delon accompagné de la bimbo Layla est venu défier Ghyros et ses sbires pour amour de l'argent. Pour éviter les paradoxes temporels les deux ne doivent pas se croiser, et c'est Emeralda qui fait le lien entre les deux en les croisant l'un et l'autre : Cobra Belmondo dit à Emeralda de faire confiance à Cobra Delon, et Cobra Delon ne peut rien faire d'autre que d'accepter la confiance que Cobra Bemondo a placée en lui. Emeralda qui dispose du Black Hole Diamond qui peut transformer les hommes en armes et les armes en tatouages (tout en se transformant en arme d'autodestruction massive si manié par d'autre mains que les siennes), est encore à la recherche de celui qui lui permettra d'accomplir sa
vengeance : est-ce Cobra Belmondo venu du futur, Cobra Delon venu du passé ou Mizuna le forgeron d'armes démoniaques qui seul connaît le point du devin devenu tyran en découvrant le secret de l'immortalité ? Cobra Belmondo affronte le savant fou Nuba et ses créatures cybernétiques tandis que Cobra Delon affronte le maître assassin Manidô et ses ninjas magiciens. Dans "Takeru" le héros à la fois Lancelot, Gauvain, Tristan et Perceval apprenait que face au destin toute la force du monde ne servait à rien, et ici Cobra Belmondo et Cobra Delon à la fois
Gilgamesh, Héraclès, Achille et Siegfried sont confrontés aux mêmes peines et aux mêmes dilemmes (car pour survivre aux côtés de Cobra l'Invincible, il faut soi-même être invulnérable)… Pire quoi que fasse Cobra Belmondo, tout est écrit d'avance et il est le spectateur d'événements qui se sont déjà produits mais dont il n'a pas encore le souvenir...
Nous sommes définitivement dans un récit d'amour hors-norme (quel dommage que l'auteur cède parfois un peu trop facilement à ces gimmicks scénaristiques et/ou graphiques) : Cobra Belmondo connaît tout d'Emeralda qui ne sait rien de lui, et Emeralda connaît beaucoup de choses sur Cobra Delon qui ne sait rien d'elle. Impossible de ne pas pas penser à la romance de Fedmahn Kassad et de Rachel dans "Les Chroniques d'Hypérion" de
Dan Simmons, c'est vous dire la puissance du truc !!!
Tout au long du récit je me suis demandé pourquoi l'auteur spoilait tout dès le départ, mais en fait sans cela impossible de comprendre la relation entre Cobra et Lady.
Emeralda a longtemps été l'amante de Cobra, mais quand elle a dû choisir entre la mort et la perte de son humanité pour rester à ses côtés, elle n'a même pas hésité. Cobra Delon perd son amante pour gagner une partenaire, mais il n'a jamais compris son choix : le lecteur lui le comprend car Emeralda sait depuis que des années et des années que plus tard Cobra Belmondo n'hésitera pas à défier toutes les lois de l'univers pour elle. Un couple de légende naît sous nous yeux et il brille de mille feu ! Buichi Terasawa s'est souvenu de l'éternel retour au centre du leijiverse, mais Tsukasa Hojo s'est également de l'oeuvre de son mentor quand il a crée le non moins légendaire duo Ryo Saeba / Kaori Makimura au centre de la saga "City Hunter" ! La boucle est bouclée et la vie est belle !!!
L'édition est impeccable et j'espère qu'Isan Manga ira assez loin pour qu'on ait dans le même formant le diptyque "Magic Doll" où Cobra, Dracula, Héphaïstos, Galatée, Baba Yaga et Mélusine et affrontent ensemble les marchands de morts du Grand Capital… Mais ceci est autre histoire !