Faire étape à Icamole lors d'une vuelta mexicana!
Icamole... guacamole
Oui, guacamole, entrée mexicaine à base d'avocats,
Avocats, avocatier, le noeud de l'affaire ?
Pommes, pommier, le coeur d'une autre...
avec le pommier d'Alberto Santin (vous ne l'avez pas lu, moi non plus car tout est fiction et bien sûr fictif!)
La lecture, l'écriture c'est la vie. La réalité est le pâle reflet de la fiction.
C'est Lucio, le bibliothécaire d'Icamole qui le dit et qui veut nous l'enseigner !
Et si ce n'est pas le cas, si l'écriture ne lui plaît pas, hop, Lucio envoit le livre à la trappe, censurer, « en enfer » comme il dit encore.
Par contre, il y en a d'autres qu'il garde jalousement, qu'il aime et apprécie tant, qu'il les relit pour s'en repaître au sens propre comme au figuré. Ici, à Icamole, petit village aux portes du désert, il n'a pas plu depuis un an, rien à se mettre sous la dent où si peu. Alors on a faim, mais heureusement au Mexique, au détour d'un réelle ou au fond d'un jardin, il y a souvent un avocatier caché … Mais on a aussi soif, très soif car il fait chaud, très chaud .
David Toscana avec
El ultimo lector nous entraîne dans une sarabande littéraire en imaginant dans un village isolé mais bien réel du Nuevo Leon, une affaire insolite et macabre. Romigio, être peu sociable, fils de Lucio, le bibliothécaire d'Icamole, découvre le cadavre d'une jeune fille au fond de son puits (c'est le seul villageois dont le puits n'est pas encore définitivement tari), comme s'il recueillait un fossile mais un fossile assez récent. Après avoir confié son secret à son père, il trouve l'énergie pour se débarrasser de ce corps envoûtant mais encombrant.
L'occasion pour Lucio de faire la démonstration de sa vérité: les livres sont les clés qui permettent d'interpréter la réalité mais surtout ils proposent des réponses aux questions que le lecteur peut se poser pour l'aider à résoudre des énigmes... aussi le temps de l'affaire, une des oeuvres de
Pierre Laffitte, La mort de Babette, deviendra sa bible car la jeune fille disparue, Anamari, a de nombreux points communs avec l' héroïne du roman . Lucio apporte alors soutien et réconfort à son fils.
Et puis, et puis, l'enquête avançant clopin-clopant, la maman d' Anamari, elle-même grande lectrice, intriguée, décide de se rendre à Icamole pour rencontrer Lucio qui a aiguillonné la gendarmerie vers certaines pistes ...
J'ai bien aimé me faire balader par
David Toscana dans ce récit qui oscille entre conte fantastique et philosophique, au fil des pages les limites entre fiction et réalité deviennent de plus en plus floues, s'estompant même dans certains passages.
Quand la fiction rattrape la réalité, où quand la vie imite l'art, la littérature ?
Lucio, pilier de cette nouvelle, propriétaire d'une bibliothèque sans lecteurs, a trouvé refuge dans les livres pour oublier son sort, noyer sa douleur :il n'a toujours pas fait le deuil d' Herlinda, son épouse disparue, malheureux et inconsolable, il ne sait comment la retrouver…
Dans ce récit, nous sommes tout simplement sous l'emprise des illusions et des fantasmes du bibliothécaire et de son fils. Mais quand l'eau revient, avec la pluie tant attendue, alors tout s'anime.
Pour ne rien gâcher, des scènes irrésistibles dignes de figurer dans un film de
Federico Fellini pimentent les péripéties de cette aventure grand-guignolesque, façon salsa picante (c'est pour ne pas oublier le fil ….l'avocatier eh eh et le guacamole) alors que des réflexions littéraires plus approfondies nous amènent à réfléchir sur l'art, l'écriture en particulier, les enjeux de la littérature .
L'intrigue policière sert à plonger le lecteur dans l'attente d'une résolution matérielle qui ne viendra pas là où on l'attend car El ultimo lecteur nous amène en fait vers des énigmes métaphysiques : la vie, la mort, le deuil … le passage du temps et leur corollaire, la beauté, la jeunesse et la vieillesse, l'oubli et les souvenirs…
Une lecture surprenante où rêve et imaginaire sont à l'honneur.
Une lecture truculente où le désir est sous-jacent
Un livre où l'imagination est au pouvoir.