Gilardin, c'est lui, c'est moi, c'est l'autre nom du Grand Créateur Iconoclaste qui, dans nos âmes de midinettes repues d'images prédigérées, rêvasse de transformer sa vie en oeuvre d'art. Sauf que lui va au bout, et Pliskin aussi. Visitez vite son «Impasse des bébés gris», avant qu'elle devienne une avenue surpeuplée.
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Vous l'ignorez sans doute, mais il existe des artistes illustres et prospères, dont l'art est de servir dans les musées des nouilles thaï ou de la blanquette de veau. Renseignez-vous. Car, aujourd'hui, le Beau n'est plus dans l'oeuvre ; le Beau n'est plus Cézanne ou les Beatles ; le Beau est de participer.
C'était un vendredi de janvier et, à sa demande, j'emmurais l'opticien dans sa cave. Je l'emmurais comme on emmure un monstre ou la part de soi-même que l'on veut abolir. Un bandeau de soie noire sur les yeux, il se tenait debout au fond de la salle humide et voûtée, tandis que je maçonnais un mur de briques rouges. De temps à autre, il me tendait une pierre par-dessus les rangées de brique et j'ajustais cette pierre avec une truelle. En regardant la chaîne culturelle franco-allemande, il avait appris que les actionnistes viennois, dans la deuxième moitié du XXe siècle, pratiquaient ces emmurements d'art. L'imitation des anciens avait une bonne part dans ses débuts. C'était notre première performance ensemble et je m'en souviendrais toute ma vie. Je pourrais dire : "J'étais là" et cet événement perdu, non filmé, sans autre témoin que moi-même, existerait pour jamais en moi et par moi. Était-ce l'art ou l'homme qui me remuait comme ça ?