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Cliche Myriam (Autre)Dany Laferrière (Autre)
EAN : 9782924652503
72 pages
Oie de Cravan (03/11/2023)
4.5/5   2 notes
Résumé :
111 poèmes pour "Ti Jean Kérouac", suivis d'une lettre de Dany Laferrière. Cette suite de poèmes écrite durant le mois de janvier 2021, à l’aube du 100e anniversaire de naissance de Jack Kérouac, fait le pari de se réapproprier l’oralité de la langue québécoise en dialoguant avec un écrivain qui a toujours été déchiré entre deux langues : celle de sa mère et celle de son pays. C’est en allant chercher un colis dans une maison construite sur la frontière canado-améri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Merci aux éditions de l'Oie de Cravan de m'avoir offert ce recueil de Maxime Catellier. Une fois encore, ce recueil nous vient dans une présentation très soignée, sobre et aérée qui donne aux mots, aux courts vers assez d'espace pour résonner.

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Lettre pour Ti Maxime Catellier

Moi aussi j'y étais dans cette bibliothèque improbable dont Borges aurait certainement tiré un récit étrange, dans cette bibliothèque à cheval sur deux pays larges comme des continents, cette bibliothèque de Haskell où vous, Maxime Catellier, reçûtes ces ouvrages de Kerouac qui allumèrent l'étincelle de l'écriture de votre recueil. Recueil ou lettre à Ti Jean alias Jack qui rime si bien avec Kerouac, lui qui vous lira de l'autre côté de la frontière, 100 ans après sa naissance.

Une lettre de 111 strophes, cent onze poèmes fiables, ai-je envie de dire, car émanant d'un écrivain qui cherche sa langue, ne la considère pas comme acquise, encore moins due, par contre lui fait assez confiance, lui lâche la bride afin qu'elle s'exprime à voix haute, dans ses mots du matin avant le café noir, dans les mots de son enfance ou encore, la langue pâteuse le soir après la bière, la langue que l'on parle icite au Québec, que l'on parle sans l'écrire.

Mais vous l'avez fait, vous les avez écrits, ces vers.

Car sorti de la bibliothèque, paf ça vous tombe comme ça, votre histoire, vos poèmes, votre enfance, votre premier amour, ça vous sort tout seul dans votre joual des jours heureux. Ce sont eux qui parlent, ce sont leurs mots. Déjà tout un poème.

"Je veux sentir
que la langue
m'appartient pas"

Ti Jean et vous, vous vous comprenez, vous vous parlez à 50 ans d'écart, 50 ans après sa mort mais le temps c'est de la grammaire, vous deux vous utilisez des mots palpables, enduits de vécu, immuables.

Ça parle de quoi, vos poèmes ?
De la vie, du passé, des souvenirs, des mots qui les portent, vous les ravivent quand vous les croyiez engloutis. Cela parle de la langue natale, de celle qu'on utilise adulte - nécessairement différente -, du grand écart qui se creuse entre les deux et que l'on comble de vécu, de souvenirs.

Mais vous, Maxime Catellier, vous les avez réconciliés, les mots de l'enfance, les petites phrases que l'on envoie à très haute voix depuis le fin fond des rangs, les bonnes vieilles expressions du temps jadis, vous les avez réconciliés avec votre poésie... C'est bien ça que vous vouliez lui dire ?

Mais pourquoi ces poèmes envoyés au-delà de la mort à Ti Jean Kérouak ? Pourquoi se regarder dans un miroir au-delà de la frontière ? Pour questionner le reflet de l'exilé, du routier des mots et de la liberté ? Pour savoir si on lui ressemble de quelque façon ? Savoir si avec les mots on peut retrouver ceux qu'on a perdus ? Si un père en poésie en remplace un autre ? Savoir ce que c'est qu'exister ? Si les souvenirs en tiennent lieu de preuve ? Ou préfèrent s'envoler comme des fantômes ? Si les mots sont capables de dire ça, exister ?

"Il fallait recoudre
le lendemain
tous les corps
autour des âmes
qu'ils avaient
perdues la veille"

111 strophes donc à creuser l'existence, les souvenirs et la manière de les exprimer, 111 fois envoyer à Ti Jean, la même affirmation: peu importe la langue qu'on utilise, populaire ou distinguée, français ou anglais, joual ou yankee, "juste pour dire / que l'intérieur / valait mieux / que l'enrobage"

Pour dire que New-York n'était pas si loin de St-Anicet.

Et tant qu'à parler de distances, Maxime, en guise de réponse vous recevez une joyeuse lettre venue de par-delà l'océan, depuis les vieux pays, écrite par notre académicien haïtien, quebécois, français.

Dany dit :
"Quand je pense au Québec
dans ma petite chambre à Paris
je deviens poète sur la route."

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PS : tant qu'à parler de poésie: J'aurais remercié mille fois plus l'éditeur s'il avait accepté mon manuscrit en janvier passé, moi qui trouvais si classe son contenu éditorial et le soin apporté à l'objet livre mais qu'importe du moment que les poètes puissent continuer à parler.
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Inspiré par Jean-Louis Kérouac, Maxime Catellier nous livre des rêveries intimes sous forme de courts poèmes. Il ne s'adresse pas au mythique Jack qui a parcouru frénétiquement l'Amérique, mais à Ti-Jean qui est tiraillé, écartelé entre deux langues, « celle de sa mère et celle de son pays ». le poète ressent cette même déchirure. Comme il le dit : « Cette langue dans laquelle Kérouac rêvait, cette langue dans laquelle il pleurait, c'était la même que moi. Moi aussi, je rêvais et je pleurais dans cette langue, même si j'écrivais dans une autre ».

Cette quête d'identité sert un peu de prétexte à un propos très personnel : « Je n'ai pas d'autre thème/que ma vie ». Malgré ses doutes, malgré ses craintes, dans une langue qui est la sienne avec ses aspérités et ses sonorités, le poète nous parle de lui, de son enfance, de certains souvenirs. Comme il le dit : « écrire est un jeu d'enfant ». Avec une certaine pudeur et une pointe de nostalgie, il se découvre : « Toutes ces chansons/qui les chante/à part mémère/qui les entend descendre/les airs d'autrefois ». La parole n'est jamais révolte mais elle est parfois tristesse : « En retombant/mes yeux fourrés/dans les retailles de lumière/continuaient de décâlisser/le réel ».

Dans la lettre que Dany Laferrière adresse à l'auteur, il souligne que « tout poète est un ami ». Comme lecteur je me suis senti choyé de lire les mots du poète. Certains poèmes m'ont profondément touché, d'autres moins, mais les mots ne nous laissent jamais indifférents. D'ailleurs, un ami c'est avant tout quelqu'un qu'on accepte tel qu'il est. C'est de cette façon que j'ai abordé le texte. Et quel plaisir j'en ai retiré. On peut relire Jean dit à plusieurs reprises et y trouver à chaque fois quelque chose de nouveau.

Merci au poète, merci à l'éditeur L'Oie de Cravan qui a produit un ouvrage très soigné et agréable à toucher (quel plaisir encore de manipuler le papier), merci à Babelio qui m'a fait découvrir cet auteur dans l'opération Masse critique québécoise 2023.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Parle, parle, jase, jase. Ce qui fait qu'une langue chante, c'est le rythme avec lequel elle rebondit entre les mots. Son rapport à l'oralité n'est pas accessoire : il s'agit de la pierre d'assise de sa poétique. Si on veut savoir dans quel sens elle coule, il faut se tenir sur le fil entre le bruit et le silence.
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Je n'ai pas d'autre thème
que ma vie
pis j'écris tous mes livres
avec la même idée
de la raconter
pour qu'elle devienne
au bout du chemin
une destination
plutôt qu'une origine.
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Faire un pays
il me semble
que ça commence
par l'habiter
pis ça finit
par le fuir
comme celui
de notre enfance
où on peut
jamais
retourner.
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je suis pas un vrai
québécois
je parle français
mais je pense en poèmes
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verse le dernier
verre
dans la langue
que chantait toujours
mémère
surveille le feu
qui court dans les forêts
imite le bruit des rails
sur le continent des après-vies
qu’on nous a promis de garder beau
comme le chemin gratté
après la tempête
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