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Stephan Kovacs (Éditeur scientifique)
EAN : 9782764603758
Boréal (01/09/2005)
4.14/5   11 notes
Résumé :
Marie Uguay occupe une place à part dans la poésie québécoise. Sa poésie sensuelle, qui chante la beauté du monde, lui a gagné des lecteurs nombreux et fervents. Le destin tragique de Marie Uguay lui confère aussi la marque des êtres d’exception. Comme Nelligan, comme Saint-Denys-Garneau, elle est fauchée en pleine jeunesse. C’est le cancer qui l’emporte à vingt-six ans, en 1981. Il aura fallu attendre plus de vingt ans avant de lire ce journal, publié ici pour la p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il est très difficile de rédiger une critique sur le Journal de Marie Uguay, de faire part de ses impressions autant que de rendre compte en quelques lignes seulement des dernières années de la vie de la jeune poétesse québécoise, de tout ce qu'elle y consigne, y décrit d'espoir, d'attente, de profonde douleur aussi.

C'est en novembre 1977 que Marie Uguay (elle a 22 ans) commence à écrire son journal, peu de temps après son entrée à l'hôpital où elle a appris qu'elle était atteinte d'un cancer des os. Ce journal n'est à l'origine pas destiné à être publié. Marie Uguay n'en travaille donc pas la forme et se laisse aller à ses impressions. C'est en 2005, que Stéphan Kovacs, son compagnon des dernières années, entreprend de le faire publier.

"Ce que je redoute le plus n'est peut-être pas d'avoir de la peine, mais l'appesantissement de ma vie dans les certitudes, les complaisances, l'insensé (c'est-à-dire que ma vie s'appauvrisse de sens). Mais je ne crois pas que nous ayons la même définition du sensé et de l'insensé. Pour moi l'insensé est ce qui ne contient plus aucune part de mystère, d'éblouissement, d'indicible, ce qui ne prend qu'une seule apparence et la fixe. le sensé est ce qui est riche de multiples significations."

Jamais, dans les dernières années de sa vie Marie Uguay n'aura autant ressenti l'emprise de la part d'insensé sur son existence, sur son travail d'écriture. Son Journal révèle tout cet équilibre précaire, fragile, qu'elle essaie de maintenir en elle, cette quête incessante de sens, d'émerveillement, de conscience ouverte aux autres et au monde. Entre les moments de sérénité et ceux de découragement, de profonde solitude, elle aura essayé jusque dans ses derniers jours de rattacher sa conscience blessée, meurtrie, à l'écriture, à la poésie, pour gagner contre l'insensé de la maladie, de la mort qui annihile toute parole, toute pensée.

Ce qui m'a touché dans le journal de Marie Uguay, c'est cette prodigalité d'amour, cette quête incessante de reconnaissance qu'elle avait en elle. Dans le regard des autres, dans leurs mots autant que dans leur silence, dans leur présence autant que dans leur absence, dans la sensualité du souffle, de la voix, des gestes, elle écrit sur la passion amoureuse, sur les hommes qu'elle a profondément aimés, sur ses rêves d'ici (Montréal, les Îles-de-la-Madeleine, le lac Mégantic,...) et d'ailleurs (Paris et le Sud de la France) mais aussi sur la nécessité pour elle d'écrire, d'entretenir toujours ce lien ténu avec l'écriture poétique.

Dans les dernières minutes du film que lui a consacré Jean-Claude Labrecque fin septembre 1981, avec beaucoup d'émotion, Marie Uguay utilise cette métaphore pour parler de ce qu'aura été sa vie : "Comme une roche qu'on jette dans l'eau, ça fait des ronds et le lac devient calme. Il n'y a plus rien à dire, plus rien à raconter. La roche, c'est moi qui me suis enfoncée dans l'existence. J'ai fait quelques ronds, des individus autour de moi m'ont reconnue, auront pleuré. Puis tout redevient calme, tout va s'effacer."
Un lac, une mer ou bien un océan, les ronds de la vie de Marie Uguay se sont effacés de la surface de l'eau, mais il reste devant le regard et au coeur, toute l'étendue, calme et apaisée d'une poésie belle et émouvante, l'image d'une personne à part, tout le vaste horizon qui nous relie au sens de sa vie, de la vie.

"Si je pouvais ne pas tenir à vous, vous aimer lorsque vous êtes là, puis vous oubliez facilement. Et rire en chaque instant, c'est si court, si précieux l'existence. Si petit."
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Je l'avoue, j'ai parcouru en diagonale ce journal de la poétesse Marie Uguay, décédée à vingt-six ans d'un cancer des os. Tristesse, états d'âme poignants, amour incompris, inéluctabilité de la maladie, urgence de vivre, tout est trop intense dans ses écrits et donc, un peu rébarbatif. Son écriture est très belle mais ses propos sont souvent insoutenables et j'ai eu parfois l'impression d'être dans la tête d'une femme déséquilibrée mentalement... J'ai l'intention de visionner le documentaire qu'a tourné le réalisateur Jean-Claude Labrecque sur Marie Uguay, espérant en apprendre un peu plus sur elle.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
6 mars [1980]

J'ai un goût puissant d'écrire un poème, mais la forme est toujours inexacte, toujours loin de mon désir, si peu réelle, si peu percutante. Je voudrais que le poème surgisse avec grâce et désinvolture, qu'il soit une pierre taillée donnée immédiatement, dans un rythme proche du pouls, un rythme multipliant les résonances, mais jamais brisé. Le poème tourne en rond, le lyrisme sonne faux, l'idée me fuit, la sensation se fait de plus en plus évanescente. Je suis loin du poème, pourtant, pressée par le temps, j'aspire à lui, à sa liberté, à sa prodigalité, à sa fécondité. Ce que je n'ai pas, comment le donner ; je voudrais peut-être que le mot transforme mon monde. Si je me tourne vers moi-même, je ne rencontre que l'aspiration à aimer, à vivre.

pp. 203-204
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31 décembre [1977]

Je regarde la ville : envie enlevante de la nommer. Fascination de ses éclairages d'hiver, de ses lumières nocturnes, de ses multiples passants, porteurs chacun d'un halo de mystère : le battement même de leur vie. Mais je la vois à travers des mots fatigués, inexacts, porteurs ardents de petits mensonges creux. Je passe trop vite, je ne peux rien capter, je me laisse couler, entraîner par un étranger qui conduit la voiture. Je suis passive. Je vois la vie qui se dévide au bout de moi, l'amour multiple montrant ses beaux visages : les bavards, les secrets, les belles mains furtives de l'un et les tendres yeux maritimes de l'autre, et puis les bras, tout le beau corps rieur de mon amour.

p. 27
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Printemps : plus beau mot de la langue française. La lumière s'en vient, ô quel espoir, la plus belle saison du monde, le miracle et l'amour fou. On a l'impression que l'impossible est derrière la porte.(...) Ce pays trop muet soudain me chante tant de murmure et me chante tant de douceurs. Mes racines s'allongent, que mes fruits se forment un jour à la plénitude du printemps et de la parole, que les étés les transportent sur leurs bras tendus vers le rire. La sève monte dans les érables, on entend gronder sa force ténébreuse qui nous nourrira de plaisir. Voici la grande respiration des érables en mars. p 206
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A-t-on déjà vu quelque chose de plus pur que ce blanc qui ruisselle à l'appel du noir... Page blanche et la tache du mot en noir. Sur un rouleau qui défie et l'espace et le temps, rouleau de soie blanche où quelques feuilles de bambou comme une écriture nerveuse. Tout respire, n'est que rythme, comme un pouls, une marée. Source secrète rendue visible. Promesse tenue. J'ai le goût d'écrire rien que pour voir vibrer cette lumière autour. p 237
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Ecrire c'est une façon de connaître. Dans connaître il y a le mot naître. Naître sans cesse au réel d'une connaissance jamais intransigeante et dominatrice, mais toujours spéculative. C'est multiplier sa vie dans et par le langage, vivre comme dans un lieu où tout part et tout revient sans cesse. C'est approfondir la face autobiographique des rêves. C'est une autre forme de l'amour fou. p 182
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Vidéo de Marie Uguay
Maintenant nous sommes assis à la grande terrasse..., Marie Uguay lu par Ghislaine Paradis
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