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EAN : 9782021502053
208 pages
Seuil (09/09/2022)
4.21/5   31 notes
Résumé :
« Culture de l’inceste » ? C’est trop fort, trop violent ? Cette formule, adaptée de l’expression « culture du viol », elle-même définie dans les années 1970 par les féministes américaines, n’est pourtant pas une provocation. C’est une invitation à penser l’inceste en termes culturels et non individuels, à l’envisager non pas comme une exception pathologique, mais comme une pratique inscrite dans la norme qui la rend possible en la tolérant, voire en l’encourageant.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La culture de l'inceste est un ouvrage éprouvant à lire, et ce dès son introduction, chose assez rare pour ce type d'ouvrages, plutôt du domaine de l'intellectuel et de la recherche, pour faire très schématique - mais je ne vois pas mieux comment l'exprimer. Il m'a fallu du temps avant de réussir à trouver les mots pour en donner mon ressenti.

L'introduction revient en effet sur la chronologie du projet, dirigé par Iris Brey et Juliet Drouar, accompagné.e.s par Sokhna Fall, Tal Piterbraut-Merx, Dorothée Dussy, Ovidie et Wendy Delorme, et sur sa difficulté viscérale en ce que, pour une partie des personnalités qui en font partie, l'inceste n'est pas qu'une expérience conceptuelle, mais bel et bien une expérience vécue.

Introduction qui donne, de fait, un ton particulier aux articles qui suivent, qui mettent en évidence, avec force arguments, chiffres, exemples concrets, à travers des points de vue philosophique, psychologique, anthropologique, culturel... à quel point l'inceste est systémique dans nos sociétés. C'est pourquoi l'on peut tout à fait parler de culture de l'inceste comme l'on parle de culture du viol : les mécanismes en sont en effet les mêmes, entre domination patriarcale, loi du silence, ou encore représentations sexualisées, notamment des enfants et adolescents, dans les divers arts...

L'on termine enfin par une fiction collective issu d'un atelier d'écriture réalisé par quatre des personnalités de l'ouvrage, sorte de mini pièce de théâtre qui prend à bras le corps l'inceste, "Cela" - c'est le nom de la fiction -, pour mieux tenter, justement, de lui donner corps, et peut-être de l'exorciser (?). Au même titre que l'introduction, elle est particulièrement éprouvante en ce que l'on ne peut que ressentir toute la difficulté d'écriture qu'elle a demandé.

Je remercie les éditions du Seuil et NetGalley de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage qui permet, enfin, de jeter un pavé dans la mare, de parler ouvertement de l'inceste, qui concerne bien plus de monde que l'on ne peut le penser : enseignante depuis seulement une dizaine d'années, j'ai déjà eu connaissance d'un nombre important de victimes, et ce n'est que la partie immergée de l'iceberg...
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La culture de l'inceste est un ouvrage percutant, atypique et courageux, d'une grande qualité et densité intellectuelle.
Percutant car il est le fruit d'un travail collectif entre plusieurs jeunes chercheurs qui sont concernés par la question de l'inceste et ont déployé une immense énergie intellectuelle pour objectiver ce trauma.

Le lecteur se trouve donc face à une forme de témoignage très atypique, puisque le texte oscille entre la première personne et une posture scientifique qui transcrit une réflexion profonde, éclairée par les sciences humaines, sur le sujet de l'inceste et la façon dont il s'inscrit dans la société dans laquelle nous vivons.
Cette densité humaine est renforcée par le fait que l'un.e des auteurices s'est donné la mort durant la rédaction du livre, à l'âge de 27 ans.

Concrètement, cet ouvrage rassemble 6 articles de recherche et 2 textes introductif et conclusif de tonalité littéraire (le dernier issu d'un atelier d'écriture). Pour moi, sa lecture fera date car il m'a permis de rassembler les pièces d'un puzzle de mes réflexions personnelles et de mes ressentis épars, mais congruents. Plus généralement je dirais ce que ce livre pose des mots sur un tabou de notre société, probablement le plus grand des tabous.

Ce tabou consiste a représenter intellectuellement l'inceste comme étant l'interdit fondamental de toute société humaine tout en encourageant une culture de la famille fondée sur la domination de l'enfant, ainsi qu'une représentation fantasmée de l'inceste qui est devenue un élément diffus de la culture de masse, tant dans la pornographie que dans le cinéma d'auteur ou la pop culture.

Malheureusement, le propos est on ne peut plus convaincant et on en ressort les yeux écarquillés- peut être encore plus surprenant pour moi qui ne suis absolument familière avec la pornographie, de terminer la lecture sur l'article d'Ovidie qui m'a totalement ébranlée.
On a beau savoir que tout existe, quand on s'arrête pour y réfléchir, le choc est violent.

Je distingue deux axes dans ma lecture de ce livre : une partie plus centrée sur le statut de l'enfant et la façon dont se définit la famille dans une culture de domination patriarcale basée sur l'âgisme et la toute puissance de l'adulte. Ces réflexions ont rejoint beaucoup de mes lectures et de mes réflexions sur la violence éducative et la place de l'enfant dans la société (notamment John Holt, Alice Miller, Olivier Maurel... ).

L'autre versant concerne la réflexion sur la prégnance de l'inceste dans la culture de masse. Là j'ai retrouvé des sensations de malaise devant une complaisance à mettre en scène ou représenter l'inceste ou une ambiance incestuelle. Une des pistes à creuser pour aller plus loin dans la démarche de cet ouvrage serait de creuser le sujet sur un plan littéraire car il y aurait sûrement beaucoup à dire.

Un article pivot du recueil traite plus d'un aspect épistémologique : celui des biais à l'oeuvre dans la démarche anthropologique. Il témoigne, à mon sens, de la bascule qui est en train de s'opérer dans les sciences humaines, entre un discours et une posture idéologiques inscrits dans le passé et la reproduction d'un schéma patriarcal et la nécessaire dynamique de nouvelles pratiques, portées par de jeunes chercheur.euses.

Alors évidemment si vous êtes allergiques à l'écriture inclusive, au féminisme, au wokisme, à la déconstruction et aux "théories du genre", épargnez vous une crise d'eczéma et passez votre chemin.
Mais si vous avez suffisamment de solidité et d'honnêteté intellectuelle pour regarder en face des choses dérangeantes, et vous poser des questions, lisez ce livre et faites le connaître, c'est vraiment important.
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Peu familier avec le sujet, j'avais beaucoup à apprendre. A commencer par une définition : l'inceste correspond à un acte de domination qui se manifeste par une violence sexuelle exercée par un-e adulte sur un-e enfant proche. Sans consentement, bien sûr. C'est ensuite l'omniprésence de cette violence qui est déstabilisante pour qui la découvre. 10% de la population française aurait été victime d'inceste. 10%. Comme le dit Juliet Drouar, "L'inceste : s'il est tabou de le dire, il n'est certainement pas tabou de le faire".

Mais alors, comment notre société fabrique des incesteurs ? C'est à cette question que ce livre s'efforce de répondre. Parce que c'est bien d'un acte culturel (et non universel) dont il s'agit, révélateur des rapports de domination qui s'exercent dans la société : celles des adultes sur les enfants. C'est donc l'amalgame entre "inceste" et "pédophilie qu'il faut d'abord déconstruire. Les autrices contribuent ainsi à déplacer la question des violences incestueuses du champ tabou de l'intime au champ politique, à l'instar des violences sexistes et sexuelles.

Selon Tal Piterbraut-Merx, c'est l'organisation familiale qui réunit les conditions possibles de l'inceste. Plutôt que de constituer une solution efficace pour remédier à la vulnérabilité de l'enfant, elle l'expose à la violence en le plaçant sous l'autorité de parents. de fait, c'est bien entre les murs de maisons que la plupart des violences faites aux enfants surviennent.
Par dessus les difficultés rencontrées par les personnes concernées pour se souvenir des violences (des faits graves sont totalement amnésiés par la victime dans 10 à 40% des cas), la culpabilisation des victimes vient assurer la pérennité du système incestueux.
Son invisibilisation opère également à sa perpétuité. D'abord dans l'anthropologie, où l'intedit de l'inceste a largement été présenté comme "le propre de l'Homme". Dans un même temps, la transgression de l'interdit de l'inceste est également banalisé, voir érotisée. Des chapitres consacrés au traitement de l'inceste dans le cinéma et dans la pornographie montrent que les relations sexuelles entre deux membres d'une même famille (ou d'un même cercle social) sont régulièrement représentées comme heureuses et consenties, malgré les rapports de subordination.
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Cet ouvrage est un sans-fautes. Les auteur.ices sont tous.tes dans une didactique qui permet que la lecture se fasse de manière fluide. Chaque article est unique et riche, déclenche une réflexion.

Ayant étudié la psychologie et travaillant avec des patients chaque jour, je ne peux que remercier les personnes qui ont songé à faire ce livre, et l'ont fait ! À l'université, peu de cours ont porté sur l'inceste, et le viol, assez souvent les cours n'ont qu'effleuré en surface et ont mis le viol sur le plan de l'imaginaire, comme Freud il y a cent ans de cela. En cela, le livre remet les pendules à l'heure et rappelle comme une parole est déjà difficile pour la victime, mais que la société se fait complice de l'agresseur, chaque fois, en ôtant le caractère crédible du témoignage.

Des prismes aussi variés que la psychologie, la psychanalyse, la sociologie, l'anthropologie, l'analyse de production cinématographique, la littérature sont portés par les différent.es auteur.ices. C'est passionnant et cela donne le sentiment d'un ouvrage révolutionnaire, complet, visionnaire aussi. À mettre entre toutes les mains car l'urgence de sortir de cette société partiarcale où l'inceste fait loi n'attend pas !
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Un recueil d'articles pour s'interroger sur la culture de l'inceste comme sur la culture du viol.
Outil très intéressant pour appréhender sous une autre perspective la notion d'inceste et envisager des pistes d'action.
La fiction collective qui clôt l'ouvrage m'a parue moins pertinente, toutefois, elle traduit un vécu important liant les autrices, ce qui explique sa présence dans l'ouvrage.
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critiques presse (1)
LeMonde
12 septembre 2022
Sept auteurs et autrices pensent l’inceste non plus comme la rare et monstrueuse manifestation d’une déviance individuelle, mais bel et bien comme un symptôme social.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
La step mom, figure érotique d'une féminité présentée comme décomplexée et exubérante qui "s'assume", est omniprésente, bien au-delà des frontières du X. Tout comme la Milf, elle a fini en tant que pornème par faire son entrée dans le langage courant pour désigner une catégorie de personne. Elle est cette maman sexy qui n'a pas encore abdiqué face aux désirs des hommes, cette femme qui s'entretient et que l'on félicite pour cela puisqu'elle remplit cette double fonction : à la fois la gardienne du foyer et créature érotique dont la valeur dépend du regard masculin. Elle fait presque figure de modèle puisque dans ce gigantesque et improbable fantasme, elle maintient, même de façon totalement dysfonctionnelle, la cohésion familiale. Son succès, lié à son capital sympathie, nous amène à cette interrogation : comment en sommes-nous arrivé.es à accepter lidée aberrante d'un inceste sexy, amusant, divertissant et surtout consenti?
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Aujourd'hui, chaque individu obtient une place sociale en congruence avec un nombre d'années. Cela est particulièrement vrai pour les personnes de moins de 18 ans. En ce sens où le régime juridique de mineur instaure une condition de dépendance à la famille occidentale définie plus haut. Prenons conscience des racines communes de 'mineures', 'minorité' et 'minorisé' . Les mineur-es ne peuvent disposer d'iels-mêmes : travailler, voter (se présenter aux élections), jouir de capacités et de moyens financiers et juridiques propres. Certes nous sommes tou-tes interdépendant-es; nul-le ne peut survivre en dehors des liens sociaux. Mais interdépendance ne veut pas dire domination. Notre culture vient autonomiser les uns (par exemple les personnes adultes, les personnes valides) et accentuer la dépendance des autres. Cette dépendance est justifiée à la fois par des discours scientifiques essentialisant et par la notion dévoyée de 'protection' qui dans les faits signifie plus souvent mettre sous tutelle, contrôler, dominer plutôt que, par exemple, apprendre à l'autre à mettre ses limites et a les faire respecter.
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Je soutiendrai que le cinéma a joué une place prépondérante dans l'élaboration d'une culture de l'inceste où l'inceste n'est pas présenté comme un acte de domination ni comme un crime, mais banalisé sous la forme d'une relation de domination érotisée.
Le manque de récits du point de vue de la victime (homme on femme) et la fabrication de la figure de Lolita ont fait basculer notre culture dans un monde où l'inceste non seulement n'est pas tabou, mais où la responsabilité de l'inceste entre l figure paternelle et la victime féminine est placée sur la petite flle "séductrice" ; et celui entre un garçon et sa mère est représenté comme une étape constructive de sa virilité. Il existe donc une différence genrée dans la représentation de l'inceste: les scénarios répètent que la responsabilité en revient toujours aux filles et aux femmes, jamais aux hommes ni aux garçons.
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Ce brouhaha empêche de réfléchir aux mécanismes de domination qui perdurent. On veut toujours contourner cet inceste qui nous gêne, on recrée du silence autour du viol. Car, s'il n'est pas en réalité interdit de l'infliger, il est toujours tabou d'en parler. Personne ne semble vouloir réfléchir à pourquoi un homme viole un petit garçon. Pourtant la réponse est simple : parce que lui-même a intégré qu'il pouvait le faire.
Les rouages du monde patriarcal, de la culture de l'inceste et du viol empêchent femmes et enfants, ainsi que les personnes LGBTQIA, d'être entendus. Cet empêchement de la parole est systémique.
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Il me semble au contraire que la fixation de l'image de l'enfance innocente renforce la possibilité de I'exercice de l'inceste. Je m'en explique. Tout d'abord, elle rigidifie le mythe de l'enfance comme monde merveilleux et naif, et interdit d'enquêter sur les rapports de pouvoir multiples qui s'y déroulent. Elle repose ensuite sur l'idée que les enfants devraient être tenu-es à l'écart de toute information concernant la sexualité et les violences sexuelles. La conséquence directe en est que les enfants se voient privé.es de l'accès à tout un ensemble de ressources et d'outils d'analyse, qui leur permettraient à la fois de pouvoir nommer ce qui se déroule dans les violences incestueuses, et de les dénoncer. En partant de là, on produit effecti- vement une vulnérabilité accrue des enfants : on les rend ignorant-es.
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