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EAN : 9782823612622
264 pages
Editions de l'Olivier (18/04/2019)
4.07/5   15 notes
Résumé :
Pourquoi demande-t-on toujours aux femmes de se justifier de n’avoir pas d’enfants? Voilà la question que pose le premier essai de La Mère de toutes les questions. Ceux qui suivront en découlent. Rebecca Solnit se demande : Pourquoi suis-je longtemps restée silencieuse face à cette question? Le silence et la parole sont les véritables sujets de ces essais : qui a été historiquement réduit au silence, et pourquoi ? Comment les femmes et les minorités sont-elles parve... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un océan d'histoires brise le silence et conteste l'impunité

« Ce livre est une traversée du carnage, un éloge de la libération et de la solidarité, de la perspicacité et de l'empathie, ainsi qu'un examen des mots et des outils susceptibles de nous aider à explorer l'ensemble de ces sujets »

Le premier texte, « La mère de toutes les questions », donne son titre au recueil. Une conférence sur Virginia Woolf, « l'étranglement de la féminité conventionnelle » et la ritournelle question sur les enfants à avoir. Une interrogation « Est-ce que vous poseriez cette question à un homme ? » qui ne semble s'adresser qu'aux femmes, « le sentiment qu'il n'existe pas DES femmes, ces 51% de l'espèce humaine aussi différents dans leurs envies et aussi mystérieux dans leurs désirs que les 49% restants, mais seulement LA femme, qui doit se marier, se reproduire, laisser pénétrer des hommes et sortir des bébés, telle une sorte d'ascenseur pour l'espèce »… Comme l'écrit justement Rebecca Solnit, il ne s'agit pas en fait d'une question mais bien d'une affirmation.

Des enfants, en vouloir, en avoir, « Ce n'est pas parce qu'on peut répondre à une question que tout le monde doit le faire ou que cette question doit être posée », des femmes réduites en mères, des mères critiquées pour ce qu'elles font ou ne font pas, des questions « qui vous poussent vers le troupeau ou vous mordent si jamais vous vous en éloignez, des questions qui contiennent déjà leur réponse et dont le but est de faire rentrer dans le rang et punir »…

L'autrice propose de « refuser la question », de répondre « à des questions fermées par des questions ouvertes », de sortir de cette intrigue en happy end, d'expliquer qu'il existe autre chose que ce « seul et unique scénario », d'interroger le vieil arrangement hiérarchique qu'est le mariage hétérosexuel, « Combien de gens, dans cette société, se retranchent derrière la croyance dévote que le foyer hétérosexuel avec « un papa, un e maman » serait, comme par enchantement, formidable pour les enfants, une croyance qui pousse par ailleurs beaucoup de monde à rester dans des unions malheureuses qui finissent par être destructrices pour tous leurs membres ». L'humanité des femmes serait-elle réductible à la maternité ? La capacité d'aimer à la progéniture ?

Comme le souligne Rebecca Solnit, les questions méritant d'être posées sont innombrables… et « toutes les questions ne méritent pas d'obtenir une réponse ».

Les autres textes sont regroupés en deux parties : « le silence est brisé » (cinq textes) et « Briser le récit » (six textes).

Je n'aborde que certaines analyses.

« le silence est l'océan du non-dit, de l'indicible, du refoulé, de l'effacement, de la surdité ». Rebecca Solnit analyse le silence imposé aux femmes, « être privée de sa voix revient à être déshumanisé ou exclu de son humanité ». Elle parle de mort symbolique, des endroits où les femmes n'ont pas leur place, des violences masculines exercées contre les femmes et de leurs récits, de la culture de viol, des activistes anti-ivg, du refus de l'autodétermination des femmes, des victimes qui « n'ont pas de droits, pas de valeur, ne sont pas égales », des droits humains, des mots dépassant le stade de l'indicible, des brutalités policières, des violences domestiques, de la pauvreté réduite au silence…

L'autrice aborde aussi les livres, les bibliothèques et toutes les histoires jamais racontées, « il existe des bibliothèques fantômes qui contiennent toutes celles qui ne l'ont jamais été », la lutte de libération pour que celles autrefois bâillonnées puissent parler et être entendues.

Le silence aussi sur les réseaux pédocriminels, « le silence est ce qui a permis aux prédateurs de s'en donner à coeur joie et en toute impunité pendant des décennies », celles et ceux mort·es de ne pas avoir été entendu·es, la honte comme bâillon, les privilèges, « Etre dominant, c'est se voir et ne pas voir les autres ; le privilège limite souvent l'imagination quand elle ne l'obstrue pas », le bruit blanc du silence, les actes qui visent à interdire de dire non, l'érotisation du pouvoir, le silence brisé…

Rebecca Solnit discute aussi du silence des hommes, « ils apprennent non seulement à cacher leur vie intérieure et leur être aux autres, mais aussi à eux-mêmes », du silence en et sur la guerre et les soldats…

Des voix s'élèvent, une « insurrection féminine », la pandémie de violences masculines est aujourd'hui sur la place publique, le rempart « souvent capable de résister aux descriptions erronées, à la banalisation et au silence rencontré dès qu'il s'agit d'aborder les questions qui concernent les femmes » est fissuré, la honte peut changer de camp, des personnalités sont mises en cause, les études sur le viol se multiplient, « le viol est une agression qui s'en prend au corps, mais aussi aux droits, à l'humanité et à la voix des victimes »…

Le déni cependant subsiste, la parole des femmes reste discréditée, la présomption d'innocence (terme juridique) envahit l'espace non-juridique (en complément possible : Egalitaria (Caroline) : Présomption d'innocence : les raisons de la colère), les victimes femmes sont toujours plus accusées que les criminels hommes, « le responsable du viol, c'est le violeur », l'obsession des fausses accusations de viol participe du déni de ce « qu'on peut à juste titre parler d'épidémie », les hommes – comme groupe social – ont peur de devoir rendre des comptes sur leurs actes…

Je souligne aussi les innombrables récits « qui se préoccupent de la fidélité des femmes et du pouvoir des hommes », la misogynie dans et par la culture, les généralisations, « le langage est une série de généralisations qui esquissent les images incomplètes, même si elles parviennent à esquisser quelque chose » (l'autrice avec beaucoup d'ironie nous parle de cheval et de zèbre), l'endiguement par la catégorisation, les meurtres de masse et les phénomènes courants jamais discutés, les livres qu'« aucune femme ne devrait lire », les explications masculinistes autour de Lolita, l'opinion des hommes et les illusions des femmes, les écritures de distraction sans luminosité, les grossesses sans responsabilité d'homme, « les pères des sans père sans légion », les tournures langagière passive et la violence active…

Le dernière texte concerne le film Géant de George Stevens et le personnage interprétée par Elisabeth Taylor, une femme rebelle, la franchise de mots, « nous avons volé le Texas, en fait », la transgression des règles de la ségrégation, les « leçons murmurées dans le noir »…

J'ai laissé de coté, certains points qui me semblent discutables. Au total, un livre plein d'humour, des analyses à faire connaître. Il faut pulvériser le silence et aider celles qui le brisent aujourd'hui…

« Ce livre traite des sous-espèces de silence et de bâillonnements spécifiques aux femmes, si quelque chose peut-être spécifique à plus de la moitié de l'humanité ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
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critiques presse (1)
LaPresse
17 juin 2019
On apprécie toujours la plume incisive et les réflexions pertinentes de Rebecca Solnit sur la condition des femmes.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Des gens veulent des enfants, mais n'en ont pas pour diverses raisons : personnelles, médicales, émotionnelles, financières, professionnelles ;
d'autres n'en veulent pas et cela ne regarde personne non plus.
Ce n'est pas parce qu'on peut répondre à une question que tout le monde doit le faire ou que cette question doit être posée.

La question (...) était indécente, parce qu'elle présupposait que les femmes devraient avoir des enfants, et que les activités reproductrices d'une femme sont une affaire publique. Plus important encore, la question sous-entendait qu'il n'existait qu'un mode de vie convenable pour une femme. (...)

Dans la vie, les questions qui méritent d'être posées sont innombrables, mais peut-être qu'avec un peu de sagesse, nous pouvons aussi comprendre que toutes les questions ne méritent pas d'obtenir une réponse.
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Si notre voix est un aspect essentiel de notre humanité, être privé de sa voix revient à être déshumanisé ou exclu de son humanité.
Et l'histoire du silence est centrale dans l'histoire des femmes.

Les mots nous rassemblent tandis que le silence nous sépare, nous prive d'aide, de solidarité ou de la simple communion que la parole peut solliciter ou susciter.
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Ce qu'on appelle la "seconde vague féministe" fourmille de récits qui révèlent des oppressions qui n'avaient pas été nommées ou décrites jusque-là : le diagnostic est le premier pas vers la rémission et la guérison.
Parler de ce qui les a touchées, trouver des définitions, a sorti les femmes de l'isolement et leur a insufflé du pouvoir.

(...) Au début, elles se plaignaient des tâches ménagères, puis se sont mises à parler de viol et de violences, de sujets sombres, brisant la honte qui les avait enfermées dans le silence et la solitude.
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Il y a le silence imposé et le silence recherché. Si la tranquillité d'un lieu silencieux et le silence d'un esprit apaisé, d'une retraite loin des mots et de l'effervescence sont les mêmes d'un point de vue acoustique que le silence de l'intimidation ou de la répression, ils sont diamétralement opposés d'un point de vue psychique et politique.

Ce qui n'est pas dit pour cause de sérénité et d'introspection est aussi éloigné de ce qui est tu suite à de lourdes menaces, ou parce que les obstacles sont trop grands, que la natation l'est de la noyade.
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Les violences qui touchent les femmes portent souvent atteinte à leur voix et à leurs récits. Elles marquent un refus d'entendre notre voix et ce que cette voix signifie : le droit à l'autodétermination, à la participation, au consentement ou au désaccord, à vivre et à s'impliquer, à interpréter et à raconter.
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