La petite fille sur la photo: La guerre d'Algérie à hauteur d'enfant

De quoi sont faits nos souvenirs d'enfant ? de moments vécus ou de photos de famille ? Que reste-t-il de nos premières années ? Des drames, des bonheurs, des parfums, des rires qui nous sont propres ? Ou seulement issus des récits de nos proches ? Pendant longtemps, Brigitte Benkemoun ne s'est jamais posé ces questions. Pour elle, la réalité était simple. En 1962, année de ses 3 ans et de l'indépendance de l'Algérie, elle a quitté ce pays avec toute sa famille pour se réfugier d'abord à Marseille et, ensuite, s'installer à Arles. Pas de nostalgie car pas de mémoire. Sauf que, quarante ans plus tard, en regardant la une d'un quotidien qui commémore l'anniversaire des accords d'Evian, elle croit se reconnaître. Une photo montre une toute petite fille brune qui descend d'un paquebot dans les bras de son père. Et l'émotion l'envahit. Que sait-elle finalement de ce pays qu'apparemment personne chez elle ne semble regretter ? Comment a vécu là-bas sa famille avant d'être transformée en pieds-noirs par l'histoire ? de quel bord ses proches ont-ils été ? La journaliste qu'elle est s'est lancée dans l'enquête. L'écrivaine qu'elle est devenue raconte cette quête. Ses souvenirs, son passé recomposé, elle est partie les chercher chez les siens, mais aussi chez d'autres, Jacques Attali, Benjamin Stora, Mehdi Charef... Elle ira jusqu'au bout de sa quête. Sans complaisance. Sans tordre le coup aux faits pour servir sa cause.

La Petite Fille sur la photo est un livre bouleversant qui raconte avec émotion "la guerre d'Algérie à hauteur d'enfant". Un récit captivant, très bien écrit, lucide et sensible, parfois drôle, qui, de portraits en anecdotes, nous apprend beaucoup sur ce qu'on pensait connaître. Un beau récit qui prend aux tripes !

Elle n'avait que 2 ans lorsque ses parents ont quitté précipitemment l'Algérie dans la peur panique créée de toutes pièces par l'Oas et ses exactions.Peu de souvenirs, donc, du pays natal.

Mais, durant des années et des années, lors des repas en famille, elle n'a fait qu'entendre et entendre et entendre ses parents, tous les parents, parler de «là-bas», passant et repassant les souvenirs «comme on fait tourner les plats». L'Algérie. Son soleil. Les «aventures de papa chez les fellaghas». Les rues animées. L'odeur des brochettes et de l'anisette. La vie «ensemble», à Bel Abbès, à Nemours (Ghazaouet) comme dans une sorte de sit-com à mi-chemin entre «Plus belle la vie» et «la Famille Hernandez». Tata Nénette. On passe très vite sur les mésaventures des Juifs en 40 lorsque le décret Crémieux fut abrogé par Pétain.

Puis, à 10 ans, elle découvre une photo de journal avec une petite fille descendant d'un bateau dans les bras de son père. Elle pense que c'est elle. La photo, ce n'est pas elle. Elle avait fait la Une de Paris Match (du 2 juin 1962…). Mais, c'est tout comme. Un peu plus tard, commence alors une chasse aux souvenirs, puis l'âge et l'expérience aidant, celle des témoignages (sans exclusive : Attali, Stora, des anciens Oas, des anciens harkis, des militants nationalistes, des gens qui ont tout oublié, d'autres pas…)… afin de «reconstituer l'histoire et réinventer un pays dont elle a tout oublié»…et dont, au fond d'elle-même (cela se vérifiera par la suite), elle aurait bien voulu être l'enfant et la citoyenne. Les rencontres en France même ne suffisent pas, ne suffisent plus. Elle se rend en Algérie sur les lieux de son enfance, là où ses parents et grands parents ont vécu : Oran, Bel Abbès, Ghazaouet…

Quand elle revient à Arles, elle sait désormais d'où elle vient, où elle a vu le jour, respiré, appris à marcher…et elle sait aussi qu'elle est une «exilée», quasiment une «immigrée», avec une «mémoire sans souvenirs» et une «douleur sans malheur». A qui la faute ? En tous cas pas aux Algériens qui, malgré tout, accueillent à «bras ouverts» presque tous les pieds noirs.
Se lit facilement

De retour d un voyage en Algérie, j'ai lu ce récit. Brigitte Benkemoun adulte, se pose des questions sur sa vie de petite fille en Algérie avant son arrivée en France. Elle se rapproche de témoins qui avaient à peu près le même âge qu elle lors de cet exil. Elle possède également des photos et le témoignage de certains membres de sa famille. Elle finit par avoir un visa pour se rendre en Algérie et retrouve certaines personnes et lieux liés à sa famille, elle n'a quasiment aucun souvenir. J'ai retrouvé des lieux, partagé certaines réflexions que l auteur a émises. Et bien sûr, la complexité du conflit avant l indépendance et on se retrouvait dans un camps ou un autre parfois par hasard et les habitants étaient des victimes quelle que soit leur opinion.