Elle n'avait que 2 ans lorsque ses parents ont quitté précipitemment l'Algérie dans la peur panique créée de toutes pièces par l'Oas et ses exactions.Peu de souvenirs, donc, du pays natal.
Mais, durant des années et des années, lors des repas en famille, elle n'a fait qu'entendre et entendre et entendre ses parents, tous les parents, parler de «là-bas», passant et repassant les souvenirs «comme on fait tourner les plats». L'Algérie. Son soleil. Les «aventures de papa chez les fellaghas». Les rues animées. L'odeur des brochettes et de l'anisette. La vie «ensemble», à Bel Abbès, à Nemours (Ghazaouet) comme dans une sorte de sit-com à mi-chemin entre «Plus belle la vie» et «la Famille Hernandez». Tata Nénette. On passe très vite sur les mésaventures des Juifs en 40 lorsque le décret Crémieux fut abrogé par Pétain.
Puis, à 10 ans, elle découvre une photo de journal avec une petite fille descendant d'un bateau dans les bras de son père. Elle pense que c'est elle. La photo, ce n'est pas elle. Elle avait fait la Une de Paris Match (du 2 juin 1962
). Mais, c'est tout comme. Un peu plus tard, commence alors une chasse aux souvenirs, puis l'âge et l'expérience aidant, celle des témoignages (sans exclusive :
Attali, Stora, des anciens Oas, des anciens harkis, des militants nationalistes, des gens qui ont tout oublié, d'autres pas
)
afin de «reconstituer l'histoire et réinventer un pays dont elle a tout oublié»
et dont, au fond d'elle-même (cela se vérifiera par la suite), elle aurait bien voulu être l'enfant et la citoyenne. Les rencontres en France même ne suffisent pas, ne suffisent plus. Elle se rend en Algérie sur les lieux de son enfance, là où ses parents et grands parents ont vécu : Oran, Bel Abbès, Ghazaouet
Quand elle revient à Arles, elle sait désormais d'où elle vient, où elle a vu le jour, respiré, appris à marcher
et elle sait aussi qu'elle est une «exilée», quasiment une «immigrée», avec une «mémoire sans souvenirs» et une «douleur sans malheur». A qui la faute ? En tous cas pas aux Algériens qui, malgré tout, accueillent à «bras ouverts» presque tous les pieds noirs.
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