Quelle belle rencontre littéraire que ce premier roman de
Catherine Charrier ! Beau et sensible, son texte touche au coeur et aux tripes ! Et si elle atteint le lecteur en profondeur, c'est parce qu'avec une grande délicatesse et une écriture raffinée, c'est à la vie intime d'une femme que l'auteur s'attache ici.
«
L'attente », c'est le récit, un peu à la façon d'un journal intime, de Marie, mariée et mère de deux enfants, qui commence à se raconter, et à vivre pourrait-on extrapoler, au moment où elle rencontre Roch, marié lui aussi, et se lance avec lui dans une liaison adultère. Lors de ce jour J, début du récit, Roch évoque l'idée, un jour, dans un an, si tout va bien, de quitter sa femme pour épouser Marie, et c'est là que commence l'histoire, l'amour,
l'attente…
Intense et originale, ce n'est pas n'importe quelle aventure extraconjugale qui se raconte ici ; tout d'abord du jour J au jour J + 4682, c'est près de treize ans d'amour secret et d'attente douce amère qui se jouent devant le lecteur. Treize ans, c'est plus que le temps d'une petite amourette ou celui d'un mensonge par omission. Treize ans, pour Marie, c'est le temps de construire une vraie relation avec Roch, le temps de voir grandir ses enfants, de voir son mari s'éloigner… Treize ans, c'est le temps de vivre une véritable passion, mais aussi une vraie trahison. Et si ce terme de trahison fait habituellement surtout référence à ceux qui sont trompés, aux cocus, le récit sans concessions de Marie nous montre que c'est parfois aussi soi-même que l'on trahit et dont on s'éloigne, à force de vivre dans le mensonge…
C'est là une des grandes forces de ce roman que de s'écarter des clichés du genre en n'insistant pas sur le rapport de la femme au mari trompé ou sur celui de la femme à l'amant, certes il en est question, mais l'essentiel se joue ici entre la femme et la femme elle-même.
Dans la joie comme dans la douleur, c'est un saisissant portrait de femme que nous brosse avec finesse
Catherine Charrier. En effet, Marie est tout à la fois forte et fragile, libérée et dépendante, aimante et égoïste, délicate et insensible, vivante, jouisseuse, fuyante et sage… Comme nous toutes, absolument ambigüe et ambivalente, Marie est à la fois celle qui jouit de la vie et celle qui s'effondre sous son poids…
Avec beaucoup de justesse et de sensibilité, l'auteur saisit et croque certains moments de l'intimité féminine, comme l'ardent plaisir de la séduction, la morsure de la jalousie, la chaleur du désir et le terrible désarroi de la perte… et avec des phrases simples mais d'une grande force, elle nous renvoie à nous-mêmes et à toutes nos amours.
Cette lecture et la plongée à la fois douce et piquante dans la vie de Marie furent pour moi un grand plaisir. Poétique et intelligent, «
L'attente » est un livre qui se dévore et qui invite au rêve… Car s'il est loin d'être léger et s'il m'a laissé comme un goût de tristesse et de mélancolie, il y a quelque chose dans ce roman qui donne envie de vivre passionnément ; il y a quelque chose dans les mots de
Catherine Charrier qui donne envie d'aimer…