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EAN : 9781091281042
Presses de l'Enssib (21/11/2012)
4/5   4 notes
Résumé :
L'histoire de l’édition ne se réduit pas à l’emprise des grands groupes et des logiques commerciales. La période récente a vu l’apparition de petites structures éditoriales qui revendiquent une position « critique » et qui, pour certaines, parviennent à s’inscrire dans la durée en dépit des difficultés économiques rencontrées. Sophie Noël a mené une enquête sur ces éditeurs « indépendants », à la tête de 33 maisons d’édition qui s’emploient à concilier les exigences... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce livre fait partie de la sélection de l'opération Masse Critique de Babelio. 

Cet ouvrage, issu d'une thèse en sociologie est la nouvelle édition révisée de la version parue en 2012. 

Cette étude analyse "l'édition indépendante critique", c'est à dire plus en relation avec les champs sociétaux et politiques. On pourrait penser à tort que ce thème est destiné uniquement à un public universitaire. J'ai été surprise moi-même par l'ouverture d'esprit qui caractérise cette étude en traitant à la fois d'un milieu éditorial qui a ses spécificités et son évolution très réactive, en prise directe avec l'histoire et l'évolution de notre société. C'est ce qui rend cette lecture passionnante pour toutes celles et ceux que la marche du monde intéresse. On découvre un milieu éditorial "aux aguets"  dont la mission principale est de nous transmettre tout ce qui est préjudiciable ou bénéfique à la bonne santé de la démocratie.

L'édition indépendante critique est révélatrice d'un besoin d'autonomie pour soutenir une pluralité des idées en revendiquant une indépendance de ton et financière nécessaire à ses valeurs. Ces maisons d'édition se situent sur différents secteurs : universitaires, journalistiques, militants, syndicaux, lettrés mais aussi grand public . Les structures sont disparates et leur fonctionnement multiple : associatif, professionnel, semi-professionnel... La portée symbolique à ce type d'édition est très forte. Tous les moyens sont bons pour faire circuler les idées : articles, livres, brochures, tracts...  

Cette étude n'est pas  qu'un simple rapport sur l'édition indépendante critique. C'est aussi une lecture passionnante et enrichissante sur le devenir de notre société, sur le besoin de lutter contre le conformisme et la loi du silence. Ce type d'édition peut se transformer en une véritable lutte pour faire éclater la vérité, pour faire émerger une autre manière de penser et voir le monde, surtout pendant des périodes complexes telle que l'affaire Dreyfus, la guerre d'Algérie, Mai 68.... 

Il faut souligner que ce besoin d'indépendance est aussi nécessaire pour protéger l'émergence d'idées différentes, d'idées nouvelles et de permettre l'échange des points de vue. L'édition indépendante critique est une sorte de garde-fous qui nous préserve de la bien-pensance. L'édition indépendante critique a un rôle politique majeur. Elle préserve la liberté d'expression et la santé de notre démocratie. 

Le livre est découpé en 3 grandes parties :

Première partie "Comment peut-on être un éditeur critique indépendant ?  

Cette partie évoque entre autres la généalogie de l'édition indépendante. Nous avons découvert quelques traces d'ouvrages contestataires au XVIIIème siècle mais c'est le XIXème siècle qui met en place la forme que l'on connait aujourd'hui. L'étude retrace les problèmes sociétaux et politiques et met en lumière les intellectuels qui ont fait émerger une autre vérité. Par exemple, les éditions Seuil et Minuit "vont réactiver le modèle dreyfusien de l'engagement intellectuel". Des noms d'intellectuels connus nous permettent de restituer les époques :  Vercors, Jules Roy, Deleuze, Bourdieu.... sans oublier le  portait de François Maspéro qui va créer en 1959 dans le sous-sol de sa librairie, sans aucun moyen financier, "les éditions Maspéro", qui "vont incarner tous les combats politiques des années 1960 et 1970, fermeront définitivement en 1975"(extrait p. 38). 

L'édition indépendante critique est aussi un moyen de donner la parole aux acteurs de la vie politique et sociale et aux anonymes dont les témoignages permettent de conserver la mémoire des évènements ex : "Putain d'usine" de Jean Pierre Levaray aux éditions l'insomniaque - "Carnets d'un intérimaire" de Daniel martinez aux éditions Agone - "P'tit Lu en lutte" de Caroline Andreani aux éditions "Au temps des cerises". La maison d'édition "Les nuits rouges" ont réédité plusieurs textes méconnus comme "la sueur du burnous", les "crimes coloniaux de la IIIè République" en 2001 de Paul Vigné d'Octon, un médecin anticolonialiste (p. 105)

Deuxième partie : Les stratégies de résistance à l'économicisation des pratiques. 

Cette partie est consacrée au rapport compliqué de l'édition indépendante critique avec l'économie. Comment conserver des valeurs liées à une indépendance totale face à la loi du marché et être confronté malgré tout à une logique de rentabilité ? 

"Pierre Bourdieu parle à cet égard de double conscience et de la nécessité de "concilier l'inconciliable"(extrait p.118"). Tous les acteurs de l'édition indépendante critique sont confrontés à ce type de problème. Comment survivre face aux grands groupes éditoriaux qui recherchent le profit. 

Cette partie du livre met en lumière de grands noms de l'édition française indépendante comme Maurice Nadeau, Jérome  Lindon, André Schiffrin et les qualifie de "résistants".   

Pourtant, l'édition de création qu'elle soit littéraire ou de sciences humaines reçoit une aide importante de l'état pour favoriser la diversité éditoriale. Les éditeurs n'aiment pas évoquer ce type d'aide qui est considéré comme une perte d'autonomie. Il existe deux types de maisons d'édition. Les "pragmatiques" qui acceptent d'être subventionnées et les maisons d'édition "à principe" qui refusent tout recours à une aide de l'état. 

Un maillon important de la chaine du livre offre un relais indispensable à sa diffusion : la librairie indépendante. Pourtant, elle rencontre des problèmes similaires à l'édition critique. L'étude révèle le positionnement compliqué de la librairie indépendante face à la production des grands groupes éditoriaux. Même si la loi sur le prix unique du livre et d'autres dispositifs institutionnels protègent l'économie du livre, la rotation accélérée des best-sellers déstabilisent ce secteur et le fragilise en le soumettant à des conditions commerciales très difficiles. (voir page 125) 

Troisième partie : Profil et engagement des éditeurs critiques.

Cette dernière partie étudie un "portrait-type" de ces éditeurs qui ont décidé d'emprunter des "chemins de traverse", de donner un autre souffle, une autre énergie au monde de l'édition.

"L'édition critique est un lieu professionnel incertain et ambigu, une enclave difficile à définir au sein d'un espace éditorial déjà peu structuré." (Extrait p. 167) Alors qui sont ces "éditeurs atypiques" qui se lancent malgré tout dans cette aventure risquée ? L'étude nous propose d'analyser certains éléments déterminants de leur milieu social et niveau d'étude, mais aussi leur engagement politique et intellectuel et leur rapport au monde.  

Un point de cette étude mérite une attention particulière, parce que si le monde de l'édition est traditionnellement occupé par les femmes, ce n'est pas le cas de l'édition critique : "un territoire qui demeure majoritairement masculin selon l'opposition classique entre le monde des idées et de la politique (la sphère publique) et celui des lettres (qui renvoie à l'intime et à la sphère privée). (extrait p.166)

En conclusion :  

Cette étude propose un état des lieux philosophique, politique militant, économique et humain. Ces éléments sont les caractères essentiels de l'édition indépendante critique.  Ce travail de fond  permet de nous sensibiliser à l'importance d'une pluralité des choix éditoriaux. L'édition indépendante critique empêche la marchandisation et l'uniformisation de l'offre éditoriale et culturelle. Elle est indispensable à la liberté d'expression, à la pensée critique et tout simplement à l'exercice de la démocratie.  

On peut trouver à la fin de l'ouvrage : un index des auteurs et des éditeurs cités, une bibliographie indicative et la table des matières. 

Je remercie Silvia Ceccani, l'assistance de rédaction des éditions de l'Enssib pour l'envoi de ce livre.  
Lien : http://ecriberte.over-blog.c..
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Parmi la multitude de petites maisons indépendantes, quelques unes ont choisi l'engagement politique et social comme matériau éditorial. Après l'apogée des sciences humaines et du livre politique dans les années 1970, le genre s'était assoupi. Les maisons que Sophie Noël a étudiées sont issues de la dynamique de politisation des années 1990 et qui a été à l'origine des mouvements sociaux de 1995. Pour une majorité, elles sont les héritières plus ou moins directes de François Maspéro, Champ libre ou Minuit, avec la figure emblématique de Jérôme Lindon.

Depuis les années 1990, ces maisons occupent la place laissée libre depuis plusieurs décennies par les grandes maisons : les sciences humaines, surtout les versions traduites, sont un secteur jugé peu rentable, d'autant que la figure des « grands intellectuels », comme Sartre, tels que Michel Foucault les définissait, tend à disparaître.

Parmi les maisons au coeur de l'analyse sociologique, on compte bien sûr Raisons d'agir, Agone, La Fabrique, Lignes, mais d'autres moins connues qui méritent le détour, comme L'Échappée, le Temps des cerises, Syllepse et Amsterdam. La quasi totalité sont des microstructures, sans salarié, avec moins de 100000 euros de chiffre d'affaires annuel et moins de dix livres par an. Leur position éditoriale se définit par la négative : publier des textes contre la pensée de droite dominante. En fait, il n'existe aucune maison dont la critique prendrait racine dans la politique dite de “droite”, laquelle est par définition conservatrice.

Mais au-delà d'un positionnement idéologique fort, ces maisons se définissent également par le refus de l'édition intégrée, uniformisée et marchandisée. Cet engagement se manifeste dans la manière de faire les livres, mais également dans le fonctionnement de la structure : en choisissant l'association à but non lucratif plutôt que la forme juridique comptabilisant le profit, elles maintiennent la pureté de la production éditoriale sans considération économique.

[...] La difficulté majeure, pour les éditeurs de sciences humaines comme pour les autres, n'est pas d'éditer des livres mais de confier la diffusion à une structure professionnelle. La professionnalisation est source de reconnaissance et de stabilité, mais c'est aussi le début du développement économique. Or, celui-ci est-il compatible avec l'activité éditoriale, sans qu'il n'interfère dans le choix des livres publiés ? La réponse des éditeurs est souvent non : le compromis est rarement possible.

De nombreuses maisons d'édition indépendantes naissent et meurent chaque année, mais parmi celles-ci quelques unes sont parvenues à pérenniser leur structure. Toutefois, si le danger réside dans la précarité, il réside aussi dans le développement : l'augmentation de la production de livres entraîne un accroissement des frais, comme l'embauche de salariés. Si les livres ne se vendent pas suffisamment, la structure entre alors dans un système néfaste qui fait du profit la nouvelle priorité. Par ailleurs, les maisons de taille moyenne sont les premières cibles de rachat des groupes. Il reste à savoir si ces maisons seraient prêtes à passer le cap.

[...] L'ouvrage passionnant de Sophie Noël, documenté et riche d'informations, repose sur une analyse sociologique rigoureusement menée, avec pour objet d'étude une trentaine de maisons d'édition. Elle définit chaque terme, contextualise et délimite son champ d'action, s'attachant tant à décrire les trajectoires des maisons d'édition que celles des éditeurs qui les incarnent – chaque jour, à travers chaque livre.

L'intégralité de la critique sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/l-edition-independante-critique-sophie-noel-a93067233
Lien : http://www.bibliolingus.fr/l..
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C'était la première fois que je lisais un texte issu d'une thèse.
N'étant pas habituée, le format m'a parfois semblé ardu, l'ouvrage étant très dense et minutieux.
Cependant, il se révèle une véritable source d'informations sur le fonctionnement des maisons d'édition et aborde des thèmes aussi intéressants que l'historique de l'édition critique indépendante, la traduction, le positionnement des éditeurs...
Cette étude fait prendre conscience de nombreux enjeux que nous, lecteurs, ne saisissons pas de prime abord, des leviers à la fois économiques et sociologiques qui entrent en jeu, le sous-titre "Engagements politiques et intellectuels" prenant alors tout son sens.
Une lecture parfois difficile mais riche d'enseignements.
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L'avant-propos de l'ouvrage (car il s'agit bien ici du résultat d'un travail complexe et fastidieux), nous indique qu'il constitue la version révisée et resserrée d'une précédente édition. L'ensemble est déjà dense et fouillé, exemplaire sans doute dans son traitement minutieux du sujet. Cependant, sa lecture n'est pas du plus grand enthousiasme, et s'adresse à des professionnels pointus du secteur. Ce résultat constitue une mine certaine d'informations détaillées et étayées sur le milieu militant et essentiel que représente l'édition indépendante critique, un contre-pouvoir nécessaire aux grands groupes. Ce livre aborde tous les domaines d'intérêt du secteur (historique, engagements politiques, modèles innovants d'entreprises, profils soclologiques des fondateurs).
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
"un territoire qui demeure majoritairement masculin selon l'opposition classique entre le monde des idées et de la politique (la sphère publique) et celui des lettres (qui renvoie à l'intime et à la sphère privée). (extrait p.166)
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