Après son génial «
le monde s'effondre », le Nigérian
Chinua Achebe saute quelques dizaines d'années pour retranscrire une (une !! ) dictature africaine inventée, n'est-ce pas.
« Son excellence », débonnaire, rappelle qu'il est militaire, voulant, dans l'approbation silencieuse la plus complète, laisser entendre qu'il est juste un homme qui a le pouvoir, mais pas plus que ça. Débonnaire, demandant cependant que ses ordres soient avalés, digérés sans contestation possible et ils le sont.
D'ailleurs, Son Excellence n'a pas le temps, il est en dialogue avec la Reine d'Angleterre ou le président des USA . Des commentaires?
Les requêtes, doléances ou autres pétitions de la région Nord touchée par la sécheresse ( on sait que
Chinua Achebe a lutté en faveur du Biafra ) sont, qu'on se le dise, en réalité des racoleurs de passagers des gares routières, revendeurs de drogue et autres criminels.
Ce même débonnaire, pardon, Son Excellence a dans le même temps des doutes quant à la fiabilité de l'Honorable Commissaire à l'Information, qu'il finit par appeler Chris . L' Attorney Général s'empresse, à mots couverts, de rappeler le danger, certes pas certain, mais à prévoir de sa déloyauté. Son Excellence conclut, merci : il est de mes amis. de débonnaire, il devient Machiavel.
Le duo s'élargit, un journaliste, Ikem, assiste aux séances (obligatoires dans certains pays) de mise à mort et en ressort écoeuré, révolté contre le système.
Les trois ont étudié dans le même grand lycée classique de la capitale nigériane, puis en Angleterre dans une université prestigieuse. Celui qui est devenu Son Excellence, Sam, était de loin le plus brillant, comprenant tout avant les autres.
Enfin, vu de plus près, pas vraiment crétin.
Mais ayant une pente à suivre ce que les autres attendent de lui, surtout les Anglais, donc, il a choisi la carrière militaire.
« Pas très intelligent, mais pas méchant ».
Et avant tout, comédien.
On assiste donc, avec des africanismes dans la manière d'appeler « mon frère » un homme que l'on veut détruire, hop, une petite noix de kola ( noix extrêmement amère qui se mâche pendant des heures pour tromper la faim)et le recours aux contes animaliers , sortes de
fablesDe La Fontaine tropicales, à l'évaluation à la baisse ou mieux dit à la descente en flèche d'un tyran.
Un clown sans importance.
Histoire universelle de coup d'Etat, mensonges d'Etat lorsque le journaliste révolté a, malgré ses menottes, menacé les policiers, qui l'ont abattu de bonne foi, corruption à tous les étages, le tout raconté dans un mélange de
fables et d'ironie.
Réflexion aussi, qui pour moi donne toute sa profondeur aux « termitières de la savane » sur la préférence nostalgique du chauffeur opprimé qui roule en un tacot rafistolé pour le chef qui roule, lui, en Mercedes. Ce respect, « cette insistance de l'opprimé à vouloir que son oppression se fasse en grand style ! », cette acceptation de l'inégalité, doit être revu dans le sens de l'histoire, or c'est malheureusement une faiblesse humaine de tous les temps et de tous les régimes, nous dit
Chinua Achebe.
Pourtant l'histoire progresse, dialectiquement. Dit en langage africain : « Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, l'histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur ».