Un régal que ce troisième opus du quatuor The City blues quartet proposé par
Ray Celestin ! Je précise qu'il peut se lire tout à fait indépendamment des deux précédents (
Carnaval et
Mascarade ) puisque je n'ai lu ni l'un ni l'autre et mon plaisir de lecture a été au zénith !
Dans ce roman très ambitieux, deux enquêtes vont finir par se croiser à mi-parcours. Celle de
Michael Talbot, retraité de la police, et de Ida Davis, détective privée pour sauver le fils du premier de la chaise électrique, Afro-américain accusé d'avoir sauvagement assassiné quatre personnes dans un hôtel miteux de Harlem. Celle de Gabriel Leveson, mafieux chargé par le parrain Franck Costello, capo di tutti capi, de retrouver deux millions de dollars qui lui ont été dérobés. Nous sommes en 1947.
L'intrigue est excellemment menée jusqu'à révéler un vertigineux complot, dont les racines plongent dans la Deuxième guerre mondiale, impliquant mafia, police et hautes sphères politiques. Si ce roman n'était « que » cela, un super polar rythmé et tendu, ce serait déjà fort bon, mais il est bien plus que cela en offrant aux lecteurs un portrait panoramique et ultra vivant de la New-York post Deuxième Guerre mondiale.
Des ses bouges à appartements de luxe, de ses clubs de jazz, de ses quais à dockers, de Brooklyn à Time square, la New-York de
Ray Celestin est criblée de corruption massive et endémique, de racisme, de violences occasionnelles et de crimes organisés. Cet arrière-plan omniprésent aux côtés de l'enquête policière est absolument passionnant. D'autant plus que l'auteur y injecte des personnages réels : des mafieux comme Franck Costello et Vito Genovese, des jazzmen comme
Louis Armstrong ou
Charlie Parker,
Ronald Reagan et le patron de studio Jack Warner, Franck Sinatra et même
Stanley Kubrick alors photographe.
Dans ce cocktail jubilatoire fait de violences, de réalités sociales ( déjà les procès arbitraires dont sont victimes les Afro-américains ... ) et de détails historiques ( par exemple le début de la chasse aux communistes dans le milieu du cinéma ) ,
Ray Celestin parvient en plus à créer de très beaux moments d'humanité et d'émotion, à travers notamment de personnages superbes comme Gabriel Leveson, le mafieux qui veut se repentir et fuir la ville pour mettre sa nièce à l'abri, le mafieux qui brûle de venger l'assassinat de sa soeur par un tueur à gages qui refait surface au moment des faits. le personnage de
Louis Armstrong, mineur dans la trame en elle-même, est tout aussi passionnant, au fond du trou face à la disgrâce des big bands, éclipsé par le prodige be bop
Charlie Parker et rebondissant grâce à un producteur mafieux qui s'est reconverti en agent.
Un roman total captivant du début à la fin !
Lu dans le cadre des Explorateurs du polar, Lecteurs.com