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Maudit sois-tu tome 2 sur 3

Carlos Puerta (Autre)Philippe Pelaez (Autre)
EAN : 9791033511946
64 pages
Ankama Editions (15/01/2021)
3.21/5   21 notes
Résumé :
En 1848, l'étrange docteur Moreau invite dans son manoir du Yorkshire quatre hommes et femmes illustres du siècle victorien : Mary Shelley, Charles Darwin, Richard Burton et Emily Brontë. Son but : leur présenter les résultats de ses extraordinaires expériences. Mais loin de les convaincre, il ne déclenchera que colère. Colère et horreur, pour Mary Shelley, qui reconnaît cet homme : son nom n'est pas Moreau...
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Il faut avoir conscience de sa propre mort, sinon à quoi bon vivre ?
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Ce tome est le deuxième d'une trilogie : il fait suite à Maudit sois-tu, tome 1 : Zaroff (2019). Sa parution initiale date de 2021. Il a été réalisé par Philippe Pelaez pour le scénario, et par Carlos Puerta pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-quatre pages de bandes dessinées. Cette édition a bénéficié d'un ex-libris qui correspond à la couverture de réédition du tome un en 2021 à l'occasion de l'opération 48H BD. À la fin se trouve un dossier de quatre pages, abordant les thèmes Corps & âmes, le corps objet de fantasme objet de science, La savant fou, le créateur égal de Dieu. Il se termine avec les trois premières pages du tome trois.

Whitby Harbor, Yorkshire, Angleterre, le 13 juin 1848, à onze heures du soir. le capitaine du port se rend devant un navire dont l'équipage est en train de décharger la cargaison. Il arrive avec un état d'esprit remonté car on ne décharge pas sans autorisation. En s'adressant aux marins, il leur intime d'arrêter, et leur demande qui est le responsable. Une voix se fait entendre pour indiquer qu'il est le responsable : le docteur Jérôme Moreau, un bel homme à la chevelure blanche portant des lunettes de vue aux verres fumés. Il présente la documentation justificative au capitaine du port : tout est là, son ami le comte Vassili Piotr Zaroff s'est occupé de toutes les formalités. Il ajoute qu'il vient de loin et que ses os craquent comme craque le bois de ce navire. Les flancs de ce dernier sont lourds et il aimerait les alléger car il est fatigué, comme ses hommes d'ailleurs. le capitaine le reprend : il manque quelques autorisations importantes et le déchargement doit être interrompu, et il faut qu'il inspecte les caisses là-bas.

Le docteur Moreau indique au capitaine du port qu'il peut prendre tout le temps qu'il lui faut. Puis, il rentre dans une coursive, se rend devant une cage et parle à un dénommé Clarence qui se tient dedans. Il fait glisser le loquet pour ouvrir la porte en indiquant à Clarence qu'il peut aller se dégourdir les jambes. le capitaine du port a commencé son inspection du contenu des caisses, tout en consultant l'inventaire qui lui a été remis : spécimens africains, indiens, amazoniens. Mais des spécimens de quoi ? Il soulève un drap recouvrant le dessus d'une cage : des animaux sauvages. le félin émet un grondement qui fait prendre ses jambes à son cou au fonctionnaire. Il se dit qu'il lui faut prévenir les autorités, car il n'y a pas de parc zoologique dans le Yorkshire. Alors qu'il court dans les rues désertes faiblement éclairées, il entend un grondement derrière lui. Il se retourne sans rien apercevoir. Il décide de couper à travers le cimetière. C'est là qu'il est rejoint par Clarence. le lendemain, Mary Shelley est conduite par son fils jusqu'au train. Il lui suggère de renoncer à son voyage car ce mot lui évoque plus les eaux chatoyantes de la Méditerranée ou l'air apaisé de la Toscane, que la lande lugubre et le brouillard épais du Yorkshire.

Conscient qu'il s'agit d'une trilogie, le lecteur a vraisemblablement commencé par le premier tome, sauf s'il nourrit une passion exclusive pour les ouvrages dérivés de L'Île du docteur Moreau (1896, The Island of Dr. Moreau) roman de science-fiction de Herbert George Wells (1866-1946). Il a déjà conscience que les trois tomes se suivent dans une chronologie à rebours, passant ainsi de 2019 pour le premier à 1848 pour celui-ci. Il se souvient également des personnages principaux du premier tome : Emily Robinson (descendante d'Emily Brontë), Eleonore Dabney (descendante de Mary Shelley) Docteur Josuah Cornford (descendant de Robert Darwin) et l'inspecteur Stisted (descendant de Maria Katherine Elizabeth Stisted, la soeur de Richard Francis Burton l'explorateur), sans oublier les deux criminels le comte Nicholas Zaroff et le docteur Charles Moreau. Il débute sa lecture et comprend vite que la scène introductive va déboucher sur une traque, ou plutôt une forme de chasse, comme la scène introductive du premier tome avec sa chasse dans les égouts. Il n'est donc pas très surpris de voir Mary Shelley (1797-1851) conduite au train, ou de la présence d'Emily Brontë dans la propriété de Jérôme Moreau. du fait de ces parallèles entre les deux tomes, il repère plus facilement l'image du cerf et du daim lors de la chasse de Moreau & Zaroff, un écho visuel d'un cerf et de daims lors de la chasse finale du tome un.

D'une certaine manière, l'intrigue se déroule d'une façon très balisée, en jeu de miroir avec celle du tome un, en particulier parce que les antagonistes sont Zaroff & Moreau, et parce que ceux qui sont destinés à devenir les proies appartiennent aux mêmes familles que les pourchassés du tome un. le lecteur éprouve une grande satisfaction de savoir qu'il va également retrouver les dessins de Carlos Puerta. Dès la première page, les caractéristiques réapparaissent : des cases sagement rectangulaires, sans bordure, des gouttière très fines, quelques cases en insert avec un gros plan sur un interlocuteur intervenant dans la conversation. le rendu des dessins frappe toujours autant par sa singularité : certaines parties qui évoquent des photographies légèrement retouchées par des filtres, d'autres réalisées en couleur directe, et certaines avec un trait de contour encré et une mise en couleurs classique. le lecteur s'adapte sans mal à ces différents rendus, se délectant des qualités des uns et des autres. le rendu photographique s'avère le plus saisissant : des pavés humides, un escalier en pierre, un mur de briques, une locomotive à vapeur, le cerf, un escalier en bois dans la demeure de Zaroff, les livres sur les étagères de la bibliothèque, les ruines d'une église, le dallage du couloir d'un hôpital, etc. Difficile de croire que l'artiste parvient à un tel rendu par de simples dessins.

Le dessin en couleur directe se remarque tout aussi facilement : absence de trait de contour, rendu des formes et des reliefs uniquement par la peinture, jeu sur les nuances d'une même teinte pour développer une ambiance lumineuse, etc. Cette technique se prête particulièrement bien pour faire flotter une brume au-dessus du sol du cimetière, ou les effets d'environnement végétal dans les terres de chasse de Zaroff, ou encore les eaux agitées de la mer de Ligurie. le lecteur s'attend moins à découvrir des fonds de case dans lesquels l'artiste passe en mode impressionnisme pour rendre compte d'un environnement, avec de magnifiques résultats, par exemple pour le vert d'un sous-bois, ou le jaune d'une végétation desséchée par le soleil. Les formes avec un contour encré peuvent elles aussi passer d'un registre photoréaliste, à des dessins plus bruts, aux contours moins polis. le lecteur se régale de spectacles variés : la traque dans le cimetière, la chasse au cerf, le cheval emballé et sa cavalière en détresse, le dîner de réception à la lumière des nombreuses bougies, le laboratoire du savant fou avec son éclairage baignant tout d'une lumière verdâtre, la course haletante dans les grandes prairies.

Voilà donc le docteur Jérôme Moreau (personnage inventé pour l'occasion), aidé par le comte Piotr Vassili Zaroff, qui invite quatre personnalités de l'époque pour leur présenter les résultats spectaculaires de ses recherches. S'il a déjà croisé le docteur Moreau dans une fiction ou une autre, ou même simplement dans le premier tome, le lecteur sait très bien à quoi s'attendre. Il peut alors considérer cette histoire comme un exercice de style pour rendre hommage à ces deux créatrices, ce scientifique et ce chasseur, une autre époque, et des personnes dont la renommée a traversé les décennies jusqu'à l'époque contemporaine. Il y voit également un regard jeté sur des thèmes de société de cette époque, un tournant dans certaines opinions et certains domaines scientifiques. Cela se confirme avec les thèmes du dossier Pour aller plus loin : les manipulations et les biotechnologies évoquées par Herbert George Wells (1866-1946) dans son roman L'île du docteur Moreau, la volonté de déshumanisation appliquée aux individus malformés (ravalés à l'état de monstres de foire, quasiment des animaux), le savant fou agissant comme un père pour ses créatures, l'homme jouant au démiurge avec ses prétentions de se hisser au statut de créateur à l'égal de Dieu. Il lit alors les échanges des personnages à partir de ce point de vue.

Au vu du nombre de personnages, le scénariste n'a pas le temps de les développer tous, et il s'appuie sur les éléments passés dans la culture populaire, ce qui fait leur notoriété toutes ces décennies plus tard. Pour autant, ils ne sont pas tous réduits à un principe. Il s'amuse bien avec la mégalomanie du docteur Moreau. Il fait contraster la jeunesse d'Emily Brontë avec l'âge de Mary Shelley qui évoque son histoire personnelle. Il fait ressortir la propension à l'action de Richard Francis Burton (1821-1890). Il joue avec les possibilités offertes par la concomitance de certaines dates. Mary Shelley évoque la mort de son époux le poète Percy Bysshe Shelley (1792-1822) et la possibilité d'une malveillance dans les circonstances de sa mort. Il évoque bien sûr le séjour à l'été 1816 de Lord Byron, Mary Shelley, Percy Shelley, John Polidori et d'autres de leurs amis dans la villa Diodati, avec l'écriture des romans Frankenstein et le Vampire. Si son inclination l'y porte, le lecteur peut également se demander ce que le principe de raconter l'histoire à rebours de l'ordre chronologique apporte : la révélation de secrets bien sûr, mais aussi la mise en lumière de la répétition des schémas, du poids du péché des pères, de la force arbitraire de l'Histoire, de la convergence d'idées de leur temps, etc.

Une certaine curiosité de découvrir ce qui s'est passé avant le premier tome, de savoir comment tous les personnages en étaient arrivés là (ou plutôt en arriveront là), et l'espoir de retrouver plus de ce qu'il a dans le tome un. Les créateurs délivrent tout ça de manière fort élégante. La narration visuelle s'avère toujours aussi riche et discrètement protéiforme, permettant au lecteur de se plonger dans cette époque pleinement concrétisée. le scénariste reprend la même trame d'intrigue que dans le tome un, cette fois-ci nourrie par les circonstances de l'époque, les grandes interrogations de la société, en y mêlant l'histoire personnelle d'individus passés à la postérité.
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Après avoir beaucoup aimé le premier tome du duo Pelaez-Puerta, je me suis lancé dans ce second avec grand plaisir.

On va cette fois-ci plus particulièrement s'intéresser au célèbre Dr Moreau qui semble avoir eu une relation dans sa jeunesse avec Mary Shelley qui est l'auteure de Frankenstein ce qui l'a beaucoup inspiré pour son oeuvre scientifique. On ajoute au tableau Charles Darwin et Richard Burton sans compter sur le comte Zaroff.

Il y a des interconnexion avec le troisième et dernier tome qui n'est pas encore sortie. A noter que ce récit remonte à chaque fois dans le temps. Bon, comme on pouvait sans douter, les créations originales du Dr Moreau ne sont pas au goût de tout ce beau monde qui semblait pourtant avoir les idées plus larges et en avance pour leur temps.

Bien qu'il soit décrit des choses extraordinaires, le tout demeure assez crédible ce qui constitue un très bon point pour les auteurs. On navigue entre le réel et le fantastique avec aisance. J'ai bien aimé la tonalité de ce récit qui reste dramatique.

Au niveau du graphisme, il est toujours aussi réaliste et soigné dans une ambiance qui me convient parfaitement. Les planches sont réellement de toute beauté.

On attend le final en espérant qu'il soit à la hauteur de nos attentes.
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Charles Darwin, Emily Bronte, Lord Byron et Mary Shelley sont les illustres invités du comte Zaroff et de son ami le docteur Moreau. Ce dernier s'apprête à révéler au monde le résultat de ses expériences et souhaite avant tout l'approbation de ses pairs.

Apres un premier tome avec les descendants, nous revenons ici sur la rencontre qui a tout changé. Ce second tome éclaire plusieurs aspects du tome 1 et s'il peut se lire dépendamment il permet d'en savoir plus.
L'histoire est glauque et l'ambiance gothique. Enfermés dans un manoir perdu au milieu des landes, les prestigieux invités se retrouvent coincés entre un fou de la chasse à l'homme et un savant fou créant des monstres dressées à tuer.
J'avoue que je n'aime pas trop ces ambiances gores et sombres exacerbées par un dessin dense aux lumières sombres aux tons verdâtres ou grises.
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Imaginer un univers où Charles Darwin, Mary Shelley, le Docteur Moreau, le Comte Zaroff, l'explorateur Richard Burton et Emily Brontë vivent. Et ensuite les faire se rencontrer autour de l'idée de l'évolution de l'homme, de son caractère de prédateur.

Pourquoi pas? Cela ressemble un peu à la Ligue des Humanistes philosophes... Sauf que le Comte Zaroff ou le docteur Moreau n'ont pas existé, direz-vous. Effectivement, mais à Florence on montre le balcon de Juliette et en Méditerranée on tourne autour du château d'If dont Edmond Dantès s'est évadé. Alors, pourquoi pas en effet.

C'est à l'initiative du Docteur Moreau, titillé par Zaroff, que tout ce beau monde se donne rendez-vous dans la lande du Yorkshire. Donc, pas de chien des Baskerville ici, mais les créatures imaginées par Moreau, au rang desquelles une vieille connaissance de Richard Burton.

Les invités de Moreau goûtant peu les créations du docteur, tout part évidemment en cacahuètes. Et tout se termine, non pas par des chansons, mais par une partie de chasse, un classique pour le Comte Zaroff. Notons au passage que L'Île du Docteur Moreau a été écrit en 1896 et que Les Chasses du Comte Zaroff en 1924. de toutes façons, bien après la mort de Mary Shelley.

N'ayant pas lu le tome 1, je ne peux voir le schéma d'ensemble (et peut-être mes interrogations y trouveraient une explication), mais tout se comprend quand même aisément. Ai-je aimé? Pas vraiment. le graphisme est cohérent avec le scénario, mais je n'ai pas tellement aimé ces dessins qui ressemblent à de la peinture à l'huile. Pourtant l'uchronie pourrait me plaire. Et le glauque qui suinte de cet album n'est certainement pas fait pour me déplaire également. Mais il m'a manqué un petit quelque chose pour que j'adhère pleinement. Ce n'est pas une cata non plus, cela dit.
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Une intrigue très connotée des films fantastiques anglais des années 50 sur Dracula, une atmosphère gothique, sombre avec des personnages réels ou imaginaires issus de la littérature du XIXeme : Si Charles Darwin, Mary Shelley, Emily Bronté ou Richard Burton sont réels, le comte Zaroff et le docteur Moreau sont issus de l'imaginaire d'écrivains. Ils se retrouvent ici chez le docteur Moreau qui les a réunit car il est persuadé que seuls ses esprits supérieurs pourront apprécier son oeuvre. Or ceux ci sont outrés des libertés prises par ce savant fou avec l'éthique. Une femme le renie plus particulièrement alors que son oeuvre lui été dédié.
Le graphisme sombre est adapté à cette histoire qui invite à découvrir à rebours les liens unissants les différents personnages : aprés un premier tome suivant les descendants de ceux ci à notre époque, nous voici 30 ans aprés une premiere rencontre. Des éléments viennent éclairer d'un jour nouveau le premier tome.
Dans le style, c'est trés bien fait et prenant. Une bonne série B.
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critiques presse (2)
BDGest
02 mars 2021
Quand, à la fin de la lecture du deuxième tome, l’envie subite de relire le premier se fait sentir, il ne fait nul doute qu’il s’agit à coup sûr d’une très bonne série. L’épilogue est attendu pour la fin de l’année.
Lire la critique sur le site : BDGest
LigneClaire
21 janvier 2021
Philippe Pelaez a mélangé personnages célèbres ou fictifs sur un dessin de Carlos Puerta (Baron Rouge) qui fait dans le réaliste, digne des productions cinématographiques des années cinquante. Une trilogie à rebours ce qui est aussi assez déroutant.
Lire la critique sur le site : LigneClaire
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Le corps : objet de fantasme, objet de science. Tout au long du XIXe siècle, le corps brisé, difforme et anormal se donne en spectacle. Alors que la bonne Société parisienne se presse à la Morgue de Paris pour s’enthousiasmer devant la douzaine de cadavres exhibés tous les jours, les freaks victoriens attirent eux aussi les foules au Bartholomew Fair et autres foires. Ces curiosités vivantes en sortent pas uniquement de l’ordinaire ; elles vont à l’encontre des lois de Dieu, de la nature, de la Société, et fascinent les badauds, parmi lesquels bon nombre de scientifiques et de médecins. En gardant les monstres à la marge, ce sont ses propres peurs que la Société tient à distance, comme si l’être inférieur pouvait se mêler à la norme, et donc la corrompre. C’est une période de doute ; les travaux de Charles Darwin sur l’évolution remettent en cause la sacralité de l’homme et font trembler les fondements religieux de la Société. Ces grotesques parodies d’humanité trouveront un écho dans le monstre de Victor Frankenstein, les créatures de Moreau, ou, avec Mister Hyde, le double pervers du docteur Jekyll (notons au passage que Wells était un partisan de l’eugénisme, et donc de la sélection des meilleurs sujets d’une population). Dans le roman gothique, l’homme, incapable de prendre le contrôle de son propre corps, s’acharne à en créer d’autres pour mieux asseoir son autorité suprême. Le corps, objet sacré, doit vivre le plus longtemps possible, et même après la mort.
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Avec le roman gothique, le savant fou devient une des figures littéraires de la transgression. Il a presque toujours les mêmes caractéristiques : mégalomane, exalté, délirant, tourmenté, se fait appeler maître, est capable d’être son propre cobaye… Bien avant Moreau ou Frankenstein, Icare s’est brûlé les ailes, Niobée est figée en pierre, Prométhée a volé le feu sacré, et Faust s’est déjà affranchi de Dieu en choisissant le Diable. Mais au XIXe siècle, le savant se tourne résolument vers le monde moderne ; la plupart sont des chimistes (la chimie étant la fille de la fausse science alchimique) et des docteurs, nouveaux antihéros mégalomanes qui, au cœur de la littérature gothique, côtoient les vampires sanguinaires et les revenants vengeurs. Le cinéma se chargera bientôt d’en faire un cliché : le laboratoire secret, les étagères de bocaux et de fioles, les appareillages complexes, les expériences étranges. Indissociable de la figure du père, le savant fou engendre une progéniture dégénérée qui n’est souvent que son double. Son hybris, ou son orgueil démesuré, l’empêche de se conformer aux règles sociétales ; il doit alors inventer les siennes. Au-delà de son autorité naturelle en tant que créateur, et donc figure paternelle, c’est aussi par la Loi que Moreau essaie d’annihiler tout instinct primal chez ses créatures. Ces dernières, par exemple, doivent s’efforcer de marcher sur deux jambes, et non quatre : Ne pas marcher à quatre pattes. C’est la Loi… Notons au passage que ces commandements orwelliens seront repris avec une perspective inversée dans La ferme des animaux (1945), avec le Quatre pattes oui, deux pattes non.
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L’ambition, le désir, la convoitise de ce que possède le prochain nous transforme en animaux. C’est dans la nature, et dans la nature seule, que nous redevenons de nobles prédateurs. Vous avez l’index sur la détente, ou la pulpe de votre doigt brûlant sur la corde que vous vous apprêtez à libérer, et vous sentez la goutte de sueur qui sillonne sur les aspérités de votre front… Mais vous ne bougez pas. Votre proie vous supplie, de la voix, du regard, de ses gestes elle vous supplie. Vous êtes une des Parques, vous êtes un dieu, vous avez le droit de vie ou de mort. Pan !
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C’était une grande barque gréée en schooner. Elle avait été construite spécialement pour lui, à Gênes. Lord Byron tenait à ce qu’il y ait écrit Don Juan sur la grande voile, mais Percy fit inscrire Ariel à la place. Ariel, d’après la pièce de Shakespeare La Tempête. Percy navigua jusqu’à Livourne pour passer une semaine chez un ami. C’est au retour que la brise légère, qui l’avait accompagné dans le golfe de la Spezia, se changea en ouragan. Un marin génois le vit partir dans la masse grise des nuages qui enveloppaient la mer, il pensa que le Diable préparait quelque mauvais coup. Tous les bateaux étaient restés à qui, et les témoins affirmèrent que les vagues étaient comme une bile noire vomie par les enfers. Il a dû être balayé par une lame plus forte que les autres, car le bateau n’a pas chaviré, il a tout simplement coulé. Ce fut un accident, un malheureux accident.
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Mais l’homme a le pouvoir de façonner et de modifier la matière. Les êtres supérieurs sont ceux qui en prennent conscience. Ceux qui osent prendre des risques. Ceux qui refusent d’être de simples hommes, ceux qui s’affranchissent de Dieu. Le seul tort de l’homme, finalement, est de ne pas admettre sa mort. Il refuse sa condition animale, contrairement à mes créatures qui lui sont, en cela, infiniment supérieures, car elles ont depuis longtemps accepté leur part d’ombre. Il faut avoir conscience de sa propre mort, sinon à quoi bon vivre ?
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