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EAN : 9782864249061
343 pages
Editions Métailié (07/03/2013)
4/5   1 notes
Résumé :
Aujourd’hui encore la plus grande partie de l’humanité ne se soucie pas de nouveauté culinaire. Bien au contraire, l’idée même de ne pas rattacher à la tradition cet acte si fondamental et symbolique peut paraître inconcevable. Cette notion n'a même concerné qu'une frange de la population jusqu’à récemment. Ce qui ne laisse pas d’étonner quand on constate comme elle est aujourd’hui inhérente à nos comportements alimentaires.

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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
Cette prédominance de la cuisine française dans une certaine sphère sociale ne s'établit pas sans réticences quelquefois.
L'opposition peut, ainsi, être très forte en Angleterre et donner lieu à de véritables polémiques dès l'orée du XVIIIe siècle et pour longtemps. (...)

Ce que reprochent en général les Anglais à la cuisine française, c'est sa sophistication, voire sa complication. Mennell y voit l'influence directe du contexte politique et social : le système curial à la française, mis en place par Louis XIV, favorise cette culture de l'ostentation que ne connaît quasiment pas l'aristocratie anglaise vivant davantage sur ses terres et menant une vie moins oisive. Mais cette hostilité britannique prend volontiers aussi un tour politique

(...) Il n'empêche, la présence française outre-Manche se poursuit tout au long du XIXe siècle, débutant avec Carême, qui a été cuisinier du prince régent, futur George IV, et se terminant (si l'on peut dire) avec Escoffier qui installe à Londres son quartier général.
Entre-temps, les cuisines du Reform Club sont dirigées par Alexis Soyer, la reine Victoria se fait servir par Francatelli, d'origine anglaise mais formé sous les ordres de Carême ... le dîner du 21 septembre 1841 comptait quarante plats - ce qui signifie, d'ailleurs, qu'il était servi "à la française" -, et tous avec des dénominations françaises, sauf quatre en guise de "side board", c'est-à-dire en extra, concession au goût anglais ...

(...) Une autre remise en cause significative de l'hégémonie française est celle apportée à la fin du XIXe siècle en Italie par Pelegrino Artusi. En fait, comme le montrent Capatti et Montanari, il s'agit plutôt, après l'unification du pays, d'y permettre la circulation des recettes d'une région à l'autre en les dotant d'une langue commune, la terminologie culinaire française ou inspirée de celle-ci, faisant la part belle aux gallicismes ampoulés, n'ayant plus rien à faire ici.
Artusi meurt en 1911 mais après la Première Guerre Mondiale, son entreprise est récupérée par le régime fasciste.
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Dans une deuxième partie, la cuisine sera envisagée du point de vue de la conquête de son autonomie. La quête de nouveauté est sans doute l'un des facteurs principaux de cette dernière. Cette évolution se poursuit tout au long des trois siècles qui séparent Le Cuisinier françois de la Nouvelle Cuisine selon Gault et Millau. Si la création culinaire proprement dite est le déclencheur de cette transformation et l'accompagne, elle est soutenue au cours de celle-ci par un certain nombre de phénomènes qui lui sont intimement associés et relèvent, eux aussi, de ce désir de changement : une approche théorique originale de la cuisine, une démocratisation de cette dernière, la conquête par les cuisiniers de leur indépendance, enfin.

Le premier de ces phénomènes concerne la pensée réflexive : les premiers cuisiniers se revendiquant français, s'emparant du pouvoir, timidement d'abord, face aux maîtres d'hôtel alors tout-puissants, s'affirment en publiant des livres ; ce faisant, ils inscrivent leur pratique dans un registre intellectuel qui n'était pas le sien, et enclenchent un mouvement émancipatoire qui concerne aussi tous leurs confrères. Il s'agira donc de l'étudier tant du point de vue de celui qui pose ces nouvelles bases théoriques que de celui qui s'y trouve confronté.

D'autre part, en faisant de la cuisine un enjeu social, le système curial mis en place par Louis XIV suscite tout à la fois la naissance d'une "haute" cuisine et un engouement pour la table qui ne se dément plus, même aux heures les plus sombres de l'histoire nationale, poussant d'ailleurs tout ce que le pays compte de têtes pensantes à s'interroger sur le contenu des casseroles.
Cette deuxième voie est celle de la démocratisation : si cette nouvelle cuisine française naît à la Cour, le fait qu'elle soit dès son origine un élément du paraître social et qu'elle ait son pendant à la Ville, en particulier dans une classe bourgeoise qui détient le pouvoir économique, l'inscrit dans le mouvement général vers une démocratisation toujours plus grande (suivant, d'ailleurs, en cela un chemin strictement parallèle à celui de la mode).

Cette démocratisation se traduit de différentes façons : simplifications successives, institutions telles que le restaurant ou la critique gastronomique, assurant une médiation entre grand public et grande cuisine, et pour finir une médiatisation généralisée.

La troisième voie de la conquête de son autonomie par la cuisine est celle de l'indépendance des cuisiniers : du statut de domestique, c'est-à-dire jusqu'à récemment pas grand-chose, voire celui de citoyen au rabais, le cuisinier devient peu à peu auteur et créateur.
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Esthétisme et gourmandise n'ont rien de contradictoire, a priori.

Certes, cette dernière ne peut être aujourd'hui celle du XIXe siècle, période que l'on cite toujours comme une sorte d'apothéose de la gastronomie ; cet idéal de la pléthore nous semble désormais bien étranger, mais, sans nul doute, d'autres modèles existent (...)

Il faut donc, non pas réinventer la gourmandise - ce n'est pas une chose qui se construit, mais qui, spontanée, surgit lorsqu'on ne l'attend pas ; dans laquelle, en tout cas, l'inconscient a une grande part - mais, certainement, la ranimer, la cultiver, entretenir un terrain qui lui soit propice, l'exercer, et puis la revendiquer et, quelquefois même, l'imposer.
Et, pour cela, avoir un désir ou/et un discours forts.

Dans cette perspective, l'esthétique a un rôle à jouer.
Non pas cet esthétisme tel qu'il s'exerce aujourd'hui et qui procède par intimidation, mais cette étude de notre sensibilité gustative à nous tous, gastronomes en puissance, qui nous permettrait, enfin, de porter un regard différent tout autant sur la création culinaire que sur notre propre gourmandise, et de faciliter, alors, ce dialogue dont il était question plus haut.

Autrement dit, cultivant notre goût (gustatif) personnel, éduquons notre (bon) goût qui ne peut être, lui, que social.
Envisageons la gourmandise comme méthode d'éveil à l'un et à l'autre, et non plus comme source d'un plaisir égoïste et solitaire.
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Lorsqu'on parle de nouveauté en cuisine, on imagine spontanément un plat qui n'a jamais existé, qui n'a été goûté par quiconque auparavant. Comme le dit encore Revel à propos du rapport entre patrons et cuisiniers au XVIIIe siècle : "Un cuisinier c'est un homme capable d'inventer ce que l'on n'a pas encore mangé chez les autres."

Or la cuisine dispose de quatre leviers pour aboutir à cela, qui correspondent à ses quatre actions fondamentales - choisir, cuire, assaisonner, assembler -, et chacun à son tour peut être facteur de nouveauté et conférer ce caractère à un plat : choisir et assaisonner, en introduisant des produits inconnus ou inusités jusqu'alors, cuire et assembler, en le faisant avec de nouvelles techniques, tandis qu'assaisonner et assembler, en traduisant le génie propre du cuisinier.

Pendant des décennies d'ailleurs, la nouveauté culinaire s'est le plus souvent cantonnée à ce dernier type d'innovation : les produits inconnus, les techniques révolutionnaires n'étant pas si fréquents, l'innovation était surtout combinatoire.

Mais reportons-nous presque deux siècles en arrière : ce même plat, servi à la française ou à la russe, à la table d'un prince ou dans un restaurant, n'était plus le même, le service à la russe, c'est-à-dire suivant un ordre successif, et non plus simultané, sa présence sur une carte lui apportait une dimension nouvelle avant même de le modifier d'un point de vue technique (ce qui n'a pas manqué d'arriver d'ailleurs). On le voit donc, un plat peut être véritablement innovant, mais la manière de l'offrir ou de le consommer peut l'être tout autant, lui conférant une dimension inédite, celle de la relation qui s'établit entre le cuisinier et son - faut-il l'appeler ainsi ? - "public".
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Dans un premier temps, il nous semble donc pertinent d'étudier ce phénomène de l'innovation culinaire sous l'angle d'une certaine parenté avec celui de la mode. Auguste Escoffier, le grand cuisinier réformateur de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, soulignait d'ailleurs cette parenté dans l'une des préfaces de son Guide culinaire : "Alors que tout se modifie et se transforme, il serait absurde de prétendre fixer les destinées d'un art qui relève par tant de côtés de la mode, et est instable comme elle."

Comment donc, dans l'univers de la gourmandise, s'est mise en place et développée une demande de renouvellement de plus en plus exigeante, et en quoi celle-ci induit des réactions similaires dans un domaine comme dans l'autre de la part de leurs acteurs respectifs.

Si un grand nombre des recettes encore présentes aujourd'hui dans les livres de cuisine ont été mises au point, à très peu près, dès la deuxième moitié du XVIIe siècle, innovations techniques, innovations formelles se sont cependant succédé à un rythme soutenu, bouleversant en profondeur la cuisine elle-même, de la même façon que le vêtement a connu des transformations radicales alors que certaines de ses pièces, les gants par exemple, ont traversé les siècles quasiment sans modification.
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