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EAN : 9782764603765
Boréal (18/07/2005)
4.44/5   27 notes
Résumé :
« La sensualité, discrète, combine l’onirisme léger, le bonheur grave, la menace, la révolte. Les heures et les saisons, lues sur les herbes, les feuillages, les murs, les pavés, se reflètent sur un visage où passe parfois l’ombre grise de la maladie. Marie Uguay tourne le destin en écriture, la plus nue, la plus émouvante. (...) Marie Uguay, finalement, nous donne pleine mesure de poésie, avec l’humilité paisible de poèmes dont l’évidence est indéniable. » Extrait ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
J'invite en premier lieu les lecteurs à consulter la très émouvante critique de Pasoa, sans laquelle je n'aurais sans doute pas découvert les poèmes de Marie Uguay.

Marie Uguay est morte à l'âge de vingt-six ans, c'est dire combien sa vie fut brève. de ce court et intense passage sur Terre, elle nous aura laissé un ensemble de poèmes, réunis en ce recueil, et un journal, tous deux publiés aux éditions Boréal.

"J'ai souvent la sensation étrange que le temps m'est compté et que je n'atteindrai jamais cette maturité de l'écriture à laquelle j'aspire, confiait-elle peu avant de mourir. Ce n'est pas à vingt-six ans qu'on devient écrivain. C'est un apprentissage, l'écriture. Comme la peinture, la danse ou la musique. Ce n'est pas un lyrisme qui va de soi, ce n'est pas quelque chose qui coule de source".

Voici ce qu'on peut lire dans la présentation de Jacques Brault, en préface de ce recueil. Une présentation éclairante, qui, par sa rigueur, nous délivre un tant soit peu de l'émotion aveuglante qui s'installe au moment d'entreprendre la lecture de poèmes écrits par une jeune fille qui se savait mourante. Ce n'est pas rien. Car, c'est sans faire fi de cet aspect tragique, que Jacques Brault se concentre sur la matière poétique pour en restituer la noblesse intrinsèque, même si, au fil du temps, celle-ci devint inséparable du destin de la poétesse.

Cette vie fulgurante, cette destinée tragique, se sera consacrée entièrement à l'écriture de la manière la plus libre, la plus émouvante et la plus détachée des vanités qui soit, l'écriture et le désir d'approfondir les perceptions n'ayant été pour Marie Uguay qu'un seul et même geste.
C'est ce geste vital qui donne à cette poésie intimiste sa rareté. Autour de « petites splendeurs » décrites avec humilité et avec une maturité qui parfois nous étonne, la jeune poétesse a des élans qui nous déchirent le coeur.
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Il est des lectures qui, comme dans la vie, sont des rencontres qui ne cessent d'émouvoir, de toucher la conscience et la sensibilité. La découverte de Marie Uguay et de ses poèmes fait partie de ces moments là, de ces moments tout à fait à part. Je ne connaissais pas ou très peu de choses de la poétesse québécoise, disparue trop jeune à l'âge de 26 ans suite à une longue maladie. Enfant, elle est attirée par la lecture. C'est par elle qu'adviendra peu à peu l'envie, le besoin d'écrire. L'écriture, entre magie et pouvoir des mots, deviendra pour elle comme un territoire imaginaire à découvrir, à apprivoiser, celui de la poésie.

Tout au long de ce magnifique recueil qui regroupe l'ensemble de la poésie en vers et quelques textes en prose, l'écriture de Marie Uguay apparaît troublante, singulière, intimiste. Certes influencée par la maladie et le désespoir, l'écriture est toujours portée vers une quête d'amour, vers un besoin constant d'union avec le monde, avec l'homme aimé, comme une tentative de dépasser son destin individuel mais aussi de rester attachée à tout ce qui rend la vie unique.

"L'air était si doux dans quel but
l'arbre interrompu entre sa floraison et l'espace
avant que sa vie ne se multiplie en entier dans ses racines
toute étreinte se prolonge au hasard
engendre d'autres saisons, d'autres secrets
la nuit nous déconstruit par coeur".

Marie Uguay rend toute la beauté aux mots, fait naître une poésie d'une intemporalité grave et lumineuse. Tout advient dans la poésie : un espoir, un sens, une image, venus d'"outre-vie". Marie Uguay est une étoile filante dans la constellation de la poésie. Elle traverse la nuit jusqu'à emplir le jour.
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C'est à Denise D.C. que je dois ces heures passées en compagnie de Marie Uguay. Parce qu'un jour de 1979 alors que je lui avais apporté quelques poèmes publiés quand j'avais quinze ans et d'autres plus récents, elle m'avait parlé de celle qui avait aussi été son élève. de celle dont elle conservait un souvenir d'une telle beauté que ses yeux se mouillaient en parlant d'elle. Avec fierté. Parce que je crois qu'elle l'avait un peu encouragée même si elle n'en a rien dit.

C'était l'automne. L'automne de 1979. Marie était toujours vivante. Elle venait de publier et je marchais dans les corridors où elle avait marché. Quelques feuilles volantes dans mes cahiers de chimie et de physique laissaient prévoir que je préfèrerais la poésie aux formules et aux équations savantes. J'étais séduite par Marie.

Deux ans plus tard, la mort a fauché celle qui m'inspirait, au même titre qu'Anne Hébert. Et une dizaine d'années plus tard, je la faisais découvrir à mes étudiantes dans un atelier d'orthographe.

Et toujours, elle me suivait. J'avais beau découvrir des poètes, je revenais toujours à elle.

Plus tard, j'ai eu sa mère comme cliente à la libraire. On n'a pas les mots de circonstance quand il le faut. Je crois que j'ai quand même été en mesure de lui dire à quel point sa fille avait été et sera toujours importante pour moi. Je crois. Je ne suis pas certaine. Ma vue était brouillée par l'émotion.

Récemment, par hasard, un ami a découvert Marie. Coup de foudre.

Et je me suis replongée dans ses livres. Des livres qui n'existent plus mais qui ont été rassemblés dans ce livre. Un livre que je lui offrirai.
Lien : http://lalitoutsimplement.co..
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La tentation serait grande de justifier la sensibilité poétique de Marie Uguay par ce cancer des os qui l'a emportée si jeune, à 26 ans. Ce serait oublier qu'elle a écrit avant d'être malade. Avec une conscience accrue des fils sensibles qui nous relient au monde, elle avait ce regard qui fait l'artiste, et elle avait trouvé les mots pour le traduire. Assurément poète!
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J'aime surtout ses poèmes en prose.
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
tout ce qui va suivre
maintenant t'appartient
des traces du rideau
et de la surface du sol
des plis du clair-obscur
à l'étang parfait de la nuit
et le mouvement très pur des respirations
le destin imaginaire des mains

c'est pour toi qu'il tremble
ce passage furtif et dérisoire
de clartés aux profondes strates
et l'ombre s'agrandit
au-dessus des montagnes
pour toi ce tremblement
qui complique l'espace
inaugure le déclin
de tant de splendeurs
toute la vacance
qui juge ses fleurs
et prépare ses fruits

dans la chambre
s'allume l'incarnat d'un tissu
ou l'eau contenue dans un verre
l'oiseau signe le ciel
d'un geste prompt
qu'aucune mémoire ne sait retenir

(les saveurs semblent si frêles
qu'un seul corps les tient toutes)

clapotis ramené par le basculement
du froid indigo
un visage paraît au coin du portique
respire l'herbe répandue
les feuilles brûlées
contemple les signaux familiers qui s'irisent
se laisse à son rêve
le temps qu'il le sent
si proche et si volatil à la fois.


(extrait de "Autoportraits") - pp. 115-116
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Il y a parfois dans le paysage atrophié de la ville une certaine fraicheur des bois. Malgré le vacarme dément, un certain silence d'ailes. Cela tient au miracle du vent, il passe sur nos pieds, il est vivifiant comme une mer soudaine. Il fait se retourner les feuilles qui nous montrent leur face argentée, et c'est un autre courant de mer que je vois filtrer dans le ciel, il glisse par le grillage, rend sa timidité au rideau, redonne souffle aux objets usuels. L'absence s'oublie. Ce matin j'ai sous les yeux ces larmes que je n'ai pas versées, au ventre cet émoi du songe que je n'ai pas assouvi. Vos mains sur moi, vos mains. Et l'air dans sa douceur de fleurs est une source vivante, il réanime les textures, cristallise la lumière, me réapprend les pierres, le souffle secret de la matière. La vie semble éternelle. (Les plis d'un tissu sur une chaise font une sculpture, les couleurs sont des tableaux, le vent une pastèque. Brusque atteinte du songe mon amour pour vous contient tous les étés.)

(Extrait des poèmes en prose)
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L’Outre-vie

« Ecartelée entre les termes du désir, sa démence est d’avoir cru possible, même le seul temps de son cri, que cet écartèlement pouvait se rompre pour l’accueillir. » Marguerite Duras La femme du Gange

L’outre-vie c’est quand on n’est pas encore dans la vie, qu’on la regarde, que l’on cherche à y entrer. On n’est pas morte mais déjà presque vivante, presque née, en train de naître peut-être, dans ce passage hors frontière et hors temps qui caractérise le désir. Désir de l’autre, désir du monde. Que la vie jaillisse comme dans une outre gonflée. Et l’on est encore loin. L’outre-vie comme l’outre-mer ou l’outre-tombe. Il faut traverser la rigidité des évidences, des préjugés, des peurs, des habitudes, traverser le réel obtus pour entrer dans une réalité à la fois plus douloureuse et plus plaisante, dans l’inconnu, le secret, le contradictoire, ouvrir ses sens et connaître. Traverser l’opacité du silence et inventer nos existences, nos amours, là où il n’y a plus de fatalité d’aucune sorte. p 39
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il fallait bien parfois
que le soleil monte un peu de rougeur aux vitres
pour que nous nous sentions moins seuls
il y venait alors quelque souvenir factice de la beauté des choses
et puis tout s'installait dans la blancheur crue du réel
qui nous astreignait à baisser les paupières
pourtant nous étions aux aguets sous notre éblouissement espérant une nuit humble et légère et sans limite
où nous nous enfoncerions dans le rêve éveillé de nos corps

(Extrait du recueil "Autoportraits")
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des fleurs sur la table d’une terrasse
des verres tintent
mais où est-elle donc cette ancienne histoire
de bonheur et de malheur cette pièce taillée dans le jour
où se tressent tant de propos et de songeries
et nous allions vers l’or la source et le rideau qui se lève
ou parfois une maison que l’on aurait connue en été
passant d’une chambre blanche à une chambre plus blanche
encore
l’esprit s’ouvre
quand nous longions les vagues
l’air avait des lèvres
     
Recueil « Autoportraits », p. 118.
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Vidéo de Marie Uguay
Maintenant nous sommes assis à la grande terrasse..., Marie Uguay lu par Ghislaine Paradis
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