A travers ce livre, considéré comme un classique de littérature allemande, nous allons découvrir Elshen, femme juive, de sa naissance à Berlin au début du XXème siècle jusqu'à sa mort peu après la seconde guerre mondiale. Sa vie nous est racontée par sa dernière fille Angelika. Mais plus que l'histoire d'une femme, c'est l'histoire d'une ville et d'une époque.
On commence par le milieu juif petit bourgeois, et avec cette jeune femme on va s'en détacher, s'en libérer pour partir à la découverte du Berlin de l'entre deux guerres, riche d'arts, d'extravagances et d'excès en tout genre.
Et cette période folle va être rattrapée par la montée du nazisme, pour se terminer dans l'horreur et l'incompréhension.
Ce qui est très bien décrit dans ce livre, c'est les choix de cette femme. Ils seront parfois malheureux, parfois exagéré mais toujours empreints de sincérité.
On découvre aussi la vision d'Allemands incrédules devant la montée du nazisme et souvent impuissant face à ce raz de marée.
Encore une belle découverte chez Libretto. Je vous le conseille.
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Un parcours impressionnant, une belle histoire, très douloureuse. Comment une jeune femme juive pleine de vie peut devenir une zombie qui ne trouve plus sa place nulle part dans le monde. On se rend compte à quel point dans les années 30 il n'était pas possible de voir ce qui se passerait, l'ascension d'Hitler, la guerre semblaient imprévisibles. La foi absolue en l'intelligence du peuple allemand mène à une énorme déception.
Le seul point qui me gène est la narration : tantôt c'est la fille qui raconte comment elle a vécu les événements, tantôt on voit tout de l'extérieur, mais le pb c'est que c'est toujours cette même fille qui en est la narratrice. C'est un peu confus, car parfois les deux se mélangent. du coup, certains passages sont forcément imaginés et d'autres relatent les événements tels que vécus par la fille.
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Elle vit les silhouettes sombres de ses parents, qui reculèrent pour lui faire une place au bord du lit. Elle vit le visage hâve de son frère sur l'oreiller, ses mains frêles d'enfant sur la couverture. Lorsqu'elle se pencha sur lui et embrassa son front glacé, il eut son dernier instant de lucidité. Il sourit et fit un imperceptible mouvement de tête en direction des parents. Ce qu'il avait juré de faire sur sa vie, il l'accomplissait par sa mort.
Le soir même la fille prodigue retournait chez ses parents avec son fils. Elle plaça l'enfant dans les bras de sa mère et se jeta dans ceux de son père. Ils pleurèrent des larmes de deuil, des larmes de remords, des larmes de pardon, des larmes de bonheur. On leur avait enlevé leur fils, on leur rendait leur fille et un petit fils. La vie et la mort, la souffrance et le bonheur, Dieu les avait maudits, Dieu les avait bénis le cercle se refermait.
Je me représente les années 20 comme une comète laissant un sillage lumineux dans cette brève nuit sans étoiles qui sépara deux guerres mondiales.......
Les années 20 étaient-elles vraiment si folles ? Ai-je demandé plus tard à Enie.
- Elles étaient extraordinaires, a-t-elle répondu,sans aucun doute. Le début d'une époque nouvelle, moderne, émancipée, qui n'a pas eu de chance. Une danse macabre grandiose ! Ce que Berlin a craché, pour ainsi dire en une nuit, comme géants des arts et de l'esprit, est tout simplement incroyable. La moitié d'entre eux étaient juifs. Eh oui, nous avons réussi à tout assassiner : les Juifs, l'art et l'esprit.
Elle se jeta donc à corps perdu dans les Années folles, que la rouille commençait déjà à attaquer. Elle prit tout en bloc - la culture et les vices. La fugace éruption, mélange de renouveau et de décadence, qui précède souvent la chute, métamorphosa la ville autant en métropole des arts et de l'esprit qu'en Sodome et Gomorrhe.
Ein Leben lang Koffer - Angelika Schrobsdorff / Erinnerungen von Angelika Schrobsdorff.