Je me demande quelle question la lectrice ou le lecteur pourrait poser qui ne soit pas couverte par les nombreux contributeurs à cet ouvrage. Trente personnalités ont avancé leurs vues sur un phénomène pas évident à cerner.
Parmi eux des académiciens de renom, tels
Alexis Spire, directeur de recherche au CNRS, le professeur François Duvet de l'université Bordeaux 2,
Serge Paugam, sociologue et directeur d'études à l'EHESS etc.
L'ouvrage compte 25 chapitres relativement courts, après un avant-propos de Sylvain Bourmeau, directeur d'AOC, "Analyse, Opinion, Critique" un quotidien numérique d'idées, créé par des journalistes. L'édition est de 2019 et totalise 206 pages.
Je suis légèrement étonné que je sois le premier à présenter un billet sur un des touts premiers ouvrages consacrés au mouvement des "Gilets jaunes" qui a pourtant fait se déplacer tant de monde pendant tant de week-ends à Paris et un peu partout en France.
En mon pays, il y a eu, en Wallonie, quelques actions des Gilets jaunes belges mais pas du tout comparables aux françaises, et un véritable mouvement n'y a pas percé.
C'est à la mi-novembre 2018 (le 17 pour être precis), contre l'augmentation du prix du carburant, que le mouvement des "Gilets jaunes" a embrasé la France. Cette protestation spontanée était dirigée contre le gouvernement et surtout le "président des riches". Si les critiques les plus acerbes ciblent
Emmanuel Macron, "c'est bien l'ensemble du personnel politique qui fait l'objet des commentaires dépréciatifs moqueurs et parfois haineux." (page 55).
Un nombre de personnes toujours croissant ont commencé à occuper la rue et à proclamer le branle bat de combat parce qu'ils se sentaient abandonnés par les pouvoirs en place, qui augmentaient les impôts tout en réduisant les prestations de service public. L'ampleur de ces manifestations, avant tout les samedis, a été telle que l'on a eu recours à des chiffres romains pour indiquer le jour précis. Les quotidiens signalaient par exemple : "Samedi dernier à Paris les Gilets jaunes en étaient à l'acte XXIV de leur mouvement !
Il ne s'agit donc pas d'un mouvement politique du type classique avec une doctrine et un programme cohérent. Il n'y a même pas des chefs officiels, juste des porte-parole, ce qui fait que des négociations entre le mouvement et les autorités s'avèrent problématiques. Comme le remarque le professeur
Philippe Marlière, il s'agit d'un mouvement "traversé de courants contradictoires et paradoxaux."
J'ai relu l'article de presse d'une longue entrevue avec un des porte-parole des Gilets jaunes, François Boulo, et si ses vues sont assez claires, en revanche, elles sont assez difficiles à convertir en lois.
Bien entendu, certains partis politiques ont essayé de récupérer les Gilets jaunes. Cela a notamment été le cas du Rassemblement National (RN) de Marine le Pen. Sans grand succès d'ailleurs.
Le plus troublant des manifestations des Gilets jaunes est incontestablement la violence et les destructions qui les ont, à plusieurs reprises, accompagné. Il est vrai que des éléments, qui cherchent la confrontation, la bagarre et la mise à sac de commerces et restaurants, ont réussi à s'infiltrer dans les rangs des Gilets jaunes leurs causant une mauvaise réputation.
Cette réalité a eu des répercussions regrettables pour les forces de l'ordre. Dans un récent entrefilet dans "Le Monde" , il apparaît que la police est touchée depuis le début de l'année par une vague de suicides sans précédent : au 22 août déjà 47 cas, contre 35 en 2018.
D'autre part, depuis le début, il y a eu cette confrontation entre manifestants et forces de l'ordre et des complaintes contre la police pour recours à des méthodes inacceptables.
Mais de la colère à la violence, il n'y a qu'un petit pas, et ça s'applique aux 2 côtés.
Un chapitre frappant vient du professeur de droit à l'université Paris 1,
Dominique Rousseau, qui est aussi le directeur de l'Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne, où il pose la question : Les "Gilets jaunes crise politique ou crise de régime ?" (pages 69 à 73).
Dans le même ordre d'idées, il y a le point de vue de l'historienne
Michèle Riot-Sarcey, ex-professeur à l'université Paris 8, "Les Gilets jaunes ou l'enjeu démocratique " (pages 81 à 87).
D'autres chapitres abordent la gestion policière du social, la position des syndicats, l'attitude de la haute fonction publique, ce que le Président de la République devrait savoir etc.
Le professeur
Yves Citton de littérature et médias à l'université Paris 8, a produit un "abécédaire de quelques idées reçues sur les Gilets jaunes" (pages 137 à 148).
Si les approches académiques de ce phénomène et les exposés théoriques vous ennuierez, vous pouvez lire en fin de volume une nouvelle de l'anthropologue
Eric Chauvier avec le titre évocateur : "Bikini rouge sur fond jaune".