- Pétasse congénitale *
Etymologiquement, le prénom Méline vient du grec meli ( miel ).
Les Meline sont des femmes enthousiastes, souriantes et respirant la joie de vivre.
Meline est également le prénom qu'a choisi de donner
Barbara Abel à l'héroïne de son roman
le bonheur sur ordonnance.
- Je t'arrache chacune de tes dents avec un décapsuleur, je fais pareil avec tes ongles, et je te fais bouffer le tout par le truc informe qui te servira encore de bouche.
Meline est une femme résolument moderne et dynamique. Elle travaille dans une agence de publicité où elle aspire à un poste à responsabilités, elle est mariée et a deux enfants : un petit garçon de six ans et une jeune adolescente de treize ans. Elle a également une soeur, des parents fervents catholiques, des amies que tout oppose.
Mais elle est gravement malade.
- T'as de la mélasse dans le cerveau? Tu te crois fort avec ton petit carnet à la con, hein?
Non, elle n'est pas victime de coprolalie ( ces fameux tics verbaux associés au syndrome de Gilles de la Tourette ). Ces explosions de colère sont les manifestations d'un mal bien plus étrange encore. "Je m'énerve pour un rien, je crie beaucoup, et parfois même, à mon corps défendant, je suis grossière." A défaut de meilleur terme, un cancer s'attaque à son gène du bonheur. Méline est en danger de mort.
- J'ai une putain de maladie de merde qui me force au bonheur.
Barbara Abel quitte le temps d'un livre le thriller psychologique, son terrain de prédilection, pour s'essayer à la comédie. Tout en gardant pour thématique le cadre familial qui lui est cher.
Méline n'est pas malheureuse, mais c'est hélas insuffisant. Et comment s'obliger à être sereine alors qu'elle n'a aucune maîtrise sur son entourage et que leur parler du mal qui la ronge fausserait leur attitude et donc la moindre chance de guérison ?
- Desserre ton string, mon grand, ça te rendra peut être un peu moins couillon !
Le lecteur assistera donc à la lutte de Méline pour trouver une joie de vivre pleine et entière dans un parcours semé d'embûches. Que ce soit des contrariétés professionnelles ( petite mention au slogan "les coups et les douleurs, ça ne se disculpe pas", contre la maltraitance aux femmes ), des oppositions de points de vue avec des parents rétrogrades ou tous les petits et gros soucis que peuvent occasionner les enfants, rester zen est parfois mission impossible.
- Ben oui ma grande ! Il faudrait que de temps en temps tu puisses enlever le manche à balai que tu t'es planté dans le cul il y a vingt-cinq ans. Alors peut être que tes contemporains pourraient commencer à t'apprécier.
Le roman est donc une succession d'épisodes parfois réellement très drôles ( j'ai souvent eu le sourire aux lèvres pendant ma lecture ) avec de savoureux quiproquos, des solutions provisoires ( comme le rire et le sexe ) pas toujours évidentes à appliquer quand surviennent les crises et faisant passer Méline pour folle, des situations pour le moins incongrues. L'originalité de cette maladie inventée pour les besoins du roman a permis à
Barbara Abel de créer quantité de scènes inédites, avec plus ou moins de succès.
- Toutes vos manières à la mords-moi-le-noeud, vous pouvez vous en torcher le cul.
Cependant l'humour est également parfois lourd ou de mauvais goût ("sa mère a d'étranges accointances avec la chaudière : sans doute ramonée une fois tous les deux ans, juste pour l'entretien, vieille, mais on espère qu'elle tiendra encore quelques années"). Quant aux réactions de Méline, si on les comprend parfois, si on les envie même parce qu'on aimerait pouvoir se permettre de dire leurs quatre vérités à tous ceux qui ont l'art et la manière de nous pourrir l'existence, elles sont aussi parfois gratuites et disproportionnées. Elles attaquent non seulement les empêcheurs de tourner en rond mais également les enfants ou l'époux aimant. Si bien que je n'ai eu que peu d'empathie pour notre principal personnage, pourtant en danger de mort.
- Sale petite pisseuse
- Ecoute moi bien, manche à couilles
C'est un livre qui a quand même le mérite de se lire très vite et très bien. Et bien sûr, l'air de rien, il fait se poser une multitude de questions sur notre propre aspiration au bonheur. Quelles priorités lui donner ? Que peut on améliorer pour être plus heureux ? Dépend on de la joie de vivre de nos proches ou le bonheur est-il individuel ?
Même s'il n'est pas exempt de défauts, je dois bien avouer que j'ai lu le roman de
Barbara Abel avec un petit plaisir coupable, petite pause bienvenue entre deux histoires plus sombres.
* Si vous aussi vous souffrez de violentes crises verbales, consultez vite votre médecin.