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EAN : 9782742708840
470 pages
Actes Sud (04/06/1999)
3.93/5   15 notes
Résumé :
" On vivait là, couchés sur des planches, emmitouflés de peaux de rennes, la tête appuyée sur des oreillers de plume, à plusieurs sans doute dans un espace de moins de cinq mètres carrés, près d'un poêle de pierre qui chauffait sans excès. On se cloîtrait dans des murs faits de troncs d'arbres glanés sur le rivage, charriés par des rivières d'une origine plus boisée que la toundra (...). Par terre, un matelas naturel de détritus et reliefs alimentaires abondamment c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Plutôt que faire référence à l'exploration de la Sibérie, le titre de cet ouvrage aurait pu évoquer sa conquête (colonisation).
Au nord (et d'ouest en est), ce territoire était notamment peuplé de Dolganes, d'Evenks, de Youkagirs et de Tchouktes. Au sud (d'ouest en est), il était occupé par des Khirgizes, des Bouriates, des Daours, des Oultches...

▪️ Le temps des Cosaques (partie I) :

Aux 16e et 17e siècles, soldats et explorateurs cosaques (agissant à la solde du Tsar ou d'autres commanditaires, ou parfois à leur compte) explorèrent les territoires sibériens en s'enfonçant progressivement vers l'est. Les cours d'eau servirent souvent de chemin de passage, de même que les mers bordant le nord de la Sibérie. Le portage des embarcations, ou la fabrication de nouveaux vaisseaux, étaient souvent nécessaires pour traverser des zones montagneuses séparant fleuves ou rivières. Il fallut parfois construire des barrages provisoires sur des cours d'eau pour y augmenter la profondeur, le temps du passage. L'immensité des territoires, leurs reliefs, et le climat freinèrent cette progression. L'hostilité des populations locales était un obstacle supplémentaire, même si leur dispersion et leur sous-équipement militaire facilita leur soumission. Les Tchouktches furent parmi les plus réticents à l'arrivée d'éléments étrangers sur leur territoire, et parmi ceux qui adoptèrent le plus facilement les armes à feu.

De cette période, l'histoire de cette conquête a retenu les noms suivants :
- Ermak (1532-1585), qui initia la conquête de la Sibérie occidentale pour Ivan le Terrible (son nom fut donné à l'un des 1er brise-glace russe lancé en 1898, puis à un autre construit à Helsinki en 1974 pour l'Union soviétique),
- Dejnev (1605-1673), qui découvrit que l'Asie n'est pas reliée à l'Alaska, identifiant ainsi le détroit de Béring avant l'explorateur suédois,
- Khabarov (1603-1671)
- Atlassov (1661-1711), qui installa une colonie sur la péninsule du Kamtchatka à la fin du XVIIe siècle). Cette péninsule fut, logiquement, la dernière partie colonisée de la Sibérie. Les russes ont intégré ce fait dans leur langage puisqu'à l'école les cancres du fond de la classe sont affublés du surnom de "kamtchantkistes".

L'objectif premier des expéditions était souvent de prélever un tribut sur les populations locales (le 'yassak', exigé par le Tsar envers 'ses' sujets - généralement en nature - contre sa supposée protection). Les fourrures, en particulier celles des zibelines, étaient particulièrement recherchées (ces mustélidés ont failli disparaître à la fin du 19e siècle) - les auteurs évoquent d'ailleurs une 'ruée vers l'or doux' - ainsi que le rohart (ivoire des dents de morse) près des côtes.

Au sud de la Sibérie, les Cosaques et les Russes se heurtèrent aux défenses organisées de la Mandchourie et de la Chine.

▪️ L'exploration extensive (partie II) :

Pierre 1er (1682-1725) dit Pierre le Grand, décida de faire explorer les territoires orientaux, pour lever l'incertitude d'une éventuelle continuité territoriale entre l'Asie et le continent américain (bien que Dejnev – 1605-1673 - l'eût déjà constaté), et pour rechercher de nouvelles routes commerciales.
De Pierre le Grand (1682-1725) à Catherine II (1739-1796), dite Catherine la Grande, les tsars ont financé des expéditions exploratoires vers la Sibérie. Leurs visées n'étaient pas exclusivement mercantiles, puisque des chercheurs de diverses disciplines y étaient souvent associés : géologues, géographes, astrologues, ethnographes, historiens, et naturalistes, notamment. A la mode encyclopédiste du siècle des Lumières, de nombreux savants travaillaient sur plusieurs disciplines. En 1724, Pierre le Grand fonda l'Académie des sciences et des arts à Saint-Pétersbourg. Des scientifiques étrangers y furent invités. Pierre le Grand leva l'interdiction de recruter des explorateurs d'origine étrangère, et ses successeurs ne remirent pas en cause cette pratique. Cela permit de confier la direction d'expéditions au norvégien Vitus Béring (1681-1741). La 1ère expédition conduite par Béring, à bord du Saint Gabriel, s'acheva en 1730. Béring mourut d'épuisement sur une île en 1741 lors de sa seconde expédition à bord du Saint Paul ; 31 des 77 membres de l'équipage de ce bateau périrent lors de cette expédition, la plupart du scorbut. Le retour annuel des glaces imposait de régulières hivernations, au cours desquelles l'alimentation était compliquée, et qui expliquent une progression vers l'est par sauts de puces. A cette époque, le Petit Age glaciaire rendait impraticable certains chemins de navigation pourtant parcourus auparavant. Cette période climatique froide, du début du 17e au milieu du 19e siècle, localisée principalement sur l'Atlantique Nord, n'épargna en effet pas les côtes bordant la Sibérie.

▪️ L'exploration intensive (partie III) :

En 1649, la Sibérie fut officiellement consacrée comme une terre de relégation.
En 1722, Pierre le Grand ordonna l'exil de criminels, avec femmes et enfants vers les mines d'argent de Daourie en Sibérie orientale. Ce bagne inaugurait en quelque sorte - mais à plus petite échelle - le Goulag soviétique, vaste système de camps de travail forcé (cité une seule fois par les auteurs ; il est vrai que les Russes étaient alors passés du stade de l'exploration - thème de l'ouvrage - à celui de l'exploitation).
En 1825, Nicolas 1er fit expédier vers la Sibérie la plupart des insurgés décembristes (ou décabristes) non exécutés. Certains occupèrent leur temps en explorant la contrée où ils avaient été exilés.
Plus tard, en 1880, après deux ans de prison pour agitation politique, Waclaw Sieroszewski (1858-1945) fut exilé à Yakoutsk. Après une tentative avortée d'évasion vers l'Amérique par la mer, il fut envoyé dans la Kolyma. Médaillé d'or de la Société de géographie russe, sa peine fut annulée et il put rejoindre sa Pologne natale où il devint sénateur.
D'autres choisirent eux-mêmes d'aller en Sibérie. Ainsi, Nicolas Kroptokine (1842-1921) demanda expressément à y être envoyé le temps de son service militaire. La vie de cet activiste anarcho-communiste mérite le détour ; il fut aussi géographe, zoologue, géologue, et anthropologue.
On retiendra aussi les noms de l'écrivain Vladimir Arseniev (1872-1930), auteur de 'Dersou Ouzala', récit dans lequel il raconte ses explorations de l'extrémité orientale du pays avec un guide Nanaï (Golde). Ce récit que je n'ai pas lu fut remarquablement adapté au cinéma en 1975 par Kurosawa.
Citons enfin un sportif/explorateur : le cycliste Gleb Travine (1902-1979) qui parcourut 85 000 km en 3 ans en terrain compliqué à bord d'une bicyclette de 80 kg chargement compris !

Cet essai très documenté raconte une partie de l'histoire de la Russie et m'a donné quelques idées de lectures.
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"L'exploration de la Sibérie" est un formidable livre d'histoire mais aussi d'aventures. Les auteurs présentent en plusieurs chapitres les différentes étapes de l'exploration de la Sibérie.

En moins d'un siècle, aux XVIe et XVIIe siècles, les Cosaques relient l'Oural à l'Océan Pacifique. Puis l'empire tsariste lançent des entreprises plus scientifiques et plus systématiques aux XVIIIe et XIXe siècles, avec de grandes expéditions, qui n'empêchent pas de formidables aventures individuelles. Enfin au XXe siècle, ce sont les scientifiques explorateurs, mais aussi les explois d'aventuriers individuels.

Chaque chapitre se présente de la même façon. Une présentation des conditions générales des entreprises; puis une biographie courte de l'explorateur et un récit complet de son expédition. Parfois on s'emmêle un peu, comme lors de la Grande expédition des années 1740-1750, où de multiples entreprises parallèles sont lançées.

Une grande tendance : le processus est de plus en plus contrôlé par le pouvoir. D'un siècle à l'autre, on reconnait des constances : des initiatives personnelles au début reprises par le pouvoir tsariste puis communiste, la fascination pour les peuplades sibériennes, parallèlement à leur exploitation ou à leur extermination, les initiatives des déportés, la réticence des gouverneurs locaux à collaborer...

Chacun des chapitres m'a donné envie de lire la biographie d'un ou deux des personnages décrits (sinon de tous). Particulièrement celles du cosaque Djenev, du naturaliste explorateur Messerschmidt, ou du cycliste fou des années 30 Gleb Travine.
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À l'Est, quatre siècles de conquête et d'exploration d'un « autre Far West » par les « Occidentaux », Russes en l'occurrence.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/12/28/note-de-lecture-lexploration-de-la-siberie-yves-gauthier-antoine-garcia/
Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Le 31 aoüt, la situation est désespérée. Les marins qui tiennent à peine debout "se préparent à mourir". Mais Laptev, "donnant à tous l'exemple", décide de rentrer à l'hivernage de la Khatanga. Ils n'y arrivent qu'à la mi-octobre. Quatre hommes sont morts en chemin, un cinquième ne tardera pas à les suivre. Tous les autres, cet hiver-là, échapperont à la famine grâce aux Nganassanes venus leur apporter viande et poisson.

Et Laptev de proposer, dans son prochain rapport, de leur "alléger le yassak*" (ce qui ne sera évidemment pas fait), car "en nous venant en aide, les Samoyèdes doivent abandonner la chasse et autres activités".

* yassak : impôt en fourrures
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Dans cette forêt de cimes atteignant jusqu'à 3147 mêtres, le géographe reconnait un triple pli du relief - une chaine qui porte désormais son nom et qui figure dans les atlas sous une graphie légèrement altérée par la translittération du russe, les monts Tcherski.

Aussi bizarre que cela paraisse, cet imposant massif, qui se dessine aujourd'hui comme une évidence sur la moindre mappemonde, constitue bel et bien une découverte à l'époque de Czerski, où l'orographie compte au moins deux siècles de retard sur l'hydographie.

Depuis toujours en Sibérie on se déplace par les cours d'eau en contournant les montagnes, non sans cultiver d'ailleurs, en parfaite harmonie avec les croyances indigènes, une aversion superstitieuse pour le relief. "Qui est malin ne va pas au mont, qui est malin tourne le mont." dit le proverbe russe.
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Il n’en demeure pas moins que la Sibérie ne peut survivre que si elle cesse d’être repliée sur elle-même, comme elle l’a été trop longtemps, pour s’ouvrir au reste du monde. Voilée durant près de trois siècles aux étrangers qui, explorateurs au service de la Russie, étaient dûment censurés, ou qui, voyageurs de passage, tels Chappe d’Auteroche ou Jean-Baptiste de Lesseps, devaient se fier à leur intuition et à leur imagination pour aller au-delà de ce qu’on avait bien voulu leur montrer ; complètement dissimulée au monde par les bolcheviks qui en avaient fait le parangon du bagne et un polygone stratégique, la Sibérie apparaît aujourd’hui, malgré ses nombreuses souillures, un des rares lieux du globe où l’aventure est encore possible. La Sibérie n’est certainement plus à inventer, mais peut-être reste-t-il à la redécouvrir.
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Le commandeur, qui voit les choses traîner en longueur, voudrait bien laisser tout tomber. Mais sa démission, comme on l' a vu, sera refusée. Les académiciens, excédés de ne pas recevoir toute l'attention nécessaire, s'en prennent à leur tour au pauvre Béring et se plaignent de son "manque de zéle". Résultat : lorsque le Danois partira pour Okhotsk, en 1737, ils se verront attribuer une entière autonomie. (décret sénatorial du 7 septembre).

Et c'est alors qu'ils comprendront combien Béring leur avait jusque-là facilité la vie. Mûller et Gmelin seront si épuisés par les "tracas quotidiens", la quête de vivres et de moyens de transport, les retards dans l'envoi de leurs soldes, l'indifférence des autorités locales, que, le 30 juillet 1739, tous deux vont écrire au président de l'Académie des sciences pour que soit abrégé leur séjour en Sibérie qui, se plaint Gmelin, est "semblable à une déportation".
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On a pu dire que la Sibérie était comme prédestinée aux Russes, inexorablement tournés vers l'est depuis qu'ils avaient choisi Byzance contre Rome. Alexandre Herzen affirmait qu'elle leur a apporté un "supplément d'âme", cette "dimension de folie nécessaire" qui les différencie des autres peuples slaves. A vrai dire, c'est avec l'assimilation de la Sibérie, son prolongement naturel, que la Rous' devient la Russie (d'où la place unique accordée au cosaque Ermak dans l'imagerie populaire). Sans doute est-ce aussi ce qu'avait en vue, au 18ème siècle, l'historien et homme d’État Vassili Tatichtchev en affirmant, avec une intonation toute voltairienne, que "si la Sibérie n'existait pas, il aurait fallu l'inventer". Mais la Sibérie existait bel et bien. Il ne s'agissait que de la découvrir.
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Interview de : Yves Gauthier
pour son livre : Gaston l'impossible retour
paru le 30 mars 2023 aux Editions Paulsen
Interview réalisé à Chamonix par TVMOUNTAIN
Résumé du livre :
Un témoignage rare sur la vie en Ukraine après la Seconde Guerre mondiale.
Gaston est un enfant des Batignolles. Un titi parisien à l'accent d'Arletty qui a connu la guerre, puis le travail obligatoire en Allemagne où il rencontre Louba. Amoureux, il l'épouse et la suit en Ukraine à la fin de 1945. Nous sommes en URSS, Gaston a vingt-cinq ans et le rideau de fer retombe sur lui. Privé de sa nationalité française, sans droit de retour, assigné à la citoyenneté soviétique, Gaston Thivet devient Gaston Charlovitch. Les misères et les espoirs de l'après-guerre dans le secret et l'intimité d'une ville de province soviétique… La vie extraordinaire d'un homme ordinaire. C'est un destin digne d'un roman d'Alexandre Dumas, que raconte Yves Gauthier dans un texte tendre et bouleversant.
Bio de l'auteur : Né à Poitiers en 1960, Yves Gauthier, diplômé de russe, entreprend de découvrir l'Union soviétique. Il y restera plus de vingt ans. Il a signé plusieurs dizaines de traductions du russe dont Ermites dans la taïga de Vassili Peskov. Il est aussi l'auteur d'une dizaine d'ouvrages inspirés par la Russie, dont L'Exploration de la Sibérie (1996, avec Antoine Garcia, prix François Millepierres de l'Académie française), le Centaure de l'Arctique (2001) et Souvenez-vous du gelé, un grognard prisonnier des Russes (2017).
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