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sur 752 notes
L'Algérie, pour nous français, reste encore une plaie vive malgré le demi-siècle qui s'est écoulé depuis la fin de la guerre. Même si une nouvelle génération d'artistes s'est emparé parfois du sujet, ceux-ci restent peu nombreux à se frotter à ce thème si sensible mais sans doute également peu vendeur dans un univers culturel de plus en plus marchand. Ce petit préambule me semble nécessaire, surtout pour ceux qui, voyant le sujet de "Nos richesses" de Kaouther Adimi, auraient un sentiment de rejet. Ce qui se joue dans ce roman va bien au-delà du récit autour d'une nos périodes peu glorieuse de notre histoire.
En choisissant de raconter l'existence de Edmond Charlot, qui en 1936 créa dans un tout petit local à Alger, une librairie, l'auteure fait entrer subtilement la petite histoire au coeur de la grande. L'existence de ce modeste endroit dédié aux livres et à l'édition, où se retrouveront au fil du temps de grands intellectuels méditerranéens ( Albert Camus, Jules Roy, Henri Bosco, ...), certes contée sous la forme peu vendeuse d'un journal, possède une certaine force symbolique. Edmond Charlot n'est pas un commerçant mais juste un grand amateur de littérature. Son ouverture d'esprit en fera un grand découvreur de talents mais aussi un humaniste à l'utopie rassurante.C'était quand même un sacré challenge que de créer à cette époque un endroit consacré à la promotion de jeunes écrivains quelque soit leur race ou leur religion ! Mais hélas trois guerres auront raison de sa passion, deux bien réelles et bien connues et une autre, plus larvée, plus germanopratine, se déroulant dans les sombres antichambres de l'édition.
Le roman va plus loin qu'un récit biographique. En mêlant aux annotations d'Edmond Charlot, le récit actuel d'un jeune homme venant débarrasser en 2017 ce local toujours dédié aux livres malgré les assauts du temps et le récit externe d'un algérien non identifié ( l'auteurs peut être...), c'est un véritable condensé très délicat de l'histoire de l'Algérie ainsi qu'un magnifique plaidoyer mémoriel pour la culture comme ciment de l'humanité qui nous est offert. Kaouther Adimi reste cependant très lucide sur l'avenir de ce pays et sur la place du livre dans le monde. le final de son roman, magnifique de symbolisme et sombrement prophétique, est de ceux qui bouleverse. Quand, à la toute fin, le lecteur se trouve interpellé pour envisager une sorte de devoir de mémoire, je réponds sans aucune hésitation, OUI ! Un OUI franc, comme preuve que ce roman réveille autant d'émotion que de respect. L'Algérie ne faisait jusqu'alors pas partie des destinations prévues, mais si un jour je me décide à découvrir Alger la blanche, il sera hors de question que mes pas ne portent pas jusque devant ce petit local de la rue Hamani, sans doute transformé en échoppe à beignets, qui, grâce à ce très beau roman ne tombera pas dans l'oubli.
La fin sur le blog
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C'est encore d'une petite merveille dont je vais vous parler, un joli coup de coeur.

Kaouther Adimi dans ce troisième roman nous fait découvrir la vie et l'histoire d'Edmond Charlot qui en 1935, âgé à peine de vingt ans va réaliser un rêve. En effet, il trouve un petit local à Alger, rue Hamani 2 bis, à l'époque rue Charras et ouvre une librairie qui en hommage à Giono se nommera "Les vraies richesses".

De ce lieu, il veut faire un lieu de rencontres, un lieu où l'on parle des livres, un lieu dédié à l'amour de la littérature et des mots. Il ne s'arrête pas là car il devient contre vents et marées éditeur, découvreur de talent et prêteur de livres pour défendre ces mots qu'il aime tant.

C'est lui qui publiera le premier texte de son futur ami "Albert Camus".

C'est un récit passionnant qui retrace huit décennies, reprenant l'Histoire de l'Algérie, des indigents, du colonisateur qui au départ du livre fête un siècle de domination. C'est aussi L Histoire; la guerre, la difficulté d'éditer durant la guerre à cause de la pénurie de papier, la censure, l'histoire d'un éditeur en temps de guerre en France libre durant l'occupation..

Ce récit nous fait découvrir un homme mais aussi un pays, un peuple, la réalité de la guerre, de la censure, la lutte pour trouver du papier et continuer de publier à tout prix, acte de résistance, vital.

J'ai découvert Edmond Charlot, ce dénicheur de talent : Camus, Roblès, Senac pour ne citer qu'eux, souvent débauchés par la suite par de grandes maisons d'édition.

La lutte, la difficulté de trouver de l'argent pour survivre, toujours continuer, animé par la foi de la littérature.

Un roman magnifique où l'amour des livres, des auteurs, de la littérature était vraiment l'essence même de vivre pour Edmond Charlot.

Le roman nous projette aussi aujourd'hui où Ryad, arrive de Paris. Il a environ le même âge que Charlot au début de l'aventure, il arrive de France pour un "stage" pistonné par un ami de son père. Objectif : lui qui ne lit pas et ne connaît rien aux livres, vider les lieux de ce qui aujourd'hui était transformé en bibliothèque, vider les étagères, tout jeter, repeindre le local pour en faire un lieu où l'on vendra des beignets...

En arrivant sur place, il rencontrera Abdallah, le gardien des lieux qui ne sait pas lire mais veut à tout prix protéger ce patrimoine.

La construction du roman est intéressante. Ryad nous fait part de son point de vue, on fait des allers-retours dans le temps, le tout s'entremêle au journal de bord d'Edmond Charlot qui nous permet de suivre les événements chronologiquement.

J'ai dévoré cette petite merveille. La plume est fluide, c'est passionnant. Je ne connaissais pas Edmond Charlot, un éditeur passionnant, il m'a vraiment captivée.


C'est un énorme coup de coeur.
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La voix du narrateur guide ainsi nos pas de lecteur, à travers le dédale des rues, vers une destination inconnue. Que vous le vouliez ou pas, dès le début, vous faites partie du voyage !
Grâce à sa construction originale, le roman de Kaouther Adimi nous propose donc de suivre les pas d'Edmond Charlot, qui en 1935, à l'âge de 21 ans, décide de créer rue Hamani (ex- rue Charras) à Alger, une petite librairie faisant également office de maison d'édition et de prêt. Il a des rêves plein la tête pour cette ville qui est la sienne et qu'il aime...
La librairie s'appellera "Les vraies richesses" en hommage à Giono qui en devient une sorte de parrain.
Pour lancer son catalogue, Edmond Charlot publie un auteur inconnu de tous, Albert Camus. Puis il fera connaître au public Emmanuel Roblès, Kateb Yacine, Henri Bosco, Gide et d'autres auteurs, puis bien plus tard, il publiera aussi "le silence de la mer" de Vercors dans une période difficile où la censure gronde. Car, durant la Seconde Guerre mondiale, la librairie donne la parole à ceux qui résistent, et devient en cachette, le lieu de débats et de réflexion.

L'auteur nous permet d'entrer ainsi dans la grande Histoire en nous racontant la petite...une petite histoire qui recoupe celle des libraires de l'époque, de leur difficulté à vivre, des problèmes liées à la guerre où personne ne trouvait plus de papier pour publier, à la censure, aux années noires et à la difficulté d'émerger d'un milieu compliqué où les grands éditeurs étaient les maîtres.
En parallèle, le lecteur retrouve en 2017, Ryad, un jeune homme chargé de vider la librairie et de la repeindre, dans le cadre d'un stage "ouvrier" obligatoire pour valider son diplôme. Il se moque de la littérature et encore plus de savoir que le local de la librairie vient d'être racheté pour devenir une boutique de beignets.
Mais Ryad sera obligé de se plonger dans l'histoire du lieu avant de pouvoir réaliser sa tâche, car tout le quartier se ligue contre lui et il ne pourra trouver aucun pot de peinture à acheter.
Il lui faudra d'abord faire connaissance avec le vieux Abdallah qui a continué à ouvrir la librairie, devenue une annexe de la bibliothèque nationale, jusqu'à ces jours derniers.
Tout les oppose, mais la réalité sera tout autre...

L'histoire de Ryad alterne avec la voix du narrateur, le récit des habitants du quartier, les souvenirs d'Abdallah et des extraits du journal d'Edmond Charlot dans lesquels il décrit ses débuts d'éditeur, ses rencontres, les auteurs qui l'entourent, les soucis quotidiens, les trahisons, les plasticages, et les exceptionnels moments de succès, mais aussi le douloureux moment où il lui a fallu abandonner sa librairie pour retourner à Paris.
Le lecteur est happé dès les premiers instants de lecture par cette histoire insolite et richement documentée, par ce désir intense d'Edmond Charlot de construire un pont entre ces deux peuples et ces deux cultures qu'il aime pareillement. Il voudrait tant que, grâce à la littérature, sa librairie devienne ce lieu d'échange et de rencontres...comme la librairie parisienne d'Adrienne Monnier.
Pour nous tous, Edmond Charlot est un illustre inconnu. J'avais entendu son nom lors de mes études de bibliothécaire car nous avions toute une partie du programme qui portait sur l'histoire de l'édition mais je n'en gardais pas un souvenir précis.
Or j'ai découvert que la littérature française d'aujourd'hui lui devait beaucoup.
Il a inventé certains des concepts de l'édition d'aujourd'hui, comme par exemple les rabats à l'intérieur de la seconde et troisième de couverture sur lesquels nous lisons souvent une biographie de l'auteur ou d'autres renseignements parfois même le résumé lorsque celui-ci n'est pas sur la quatrième de couverture.
De plus, Edmond Charlot a permis de relier édition, librairie et bibliothèque de prêt.
L'auteur en profite aussi au passage, pour nous conter l'histoire de l'édition et de ce patrimoine culturel incommensurable que représentent les livres. Un patrimoine qui peut être un véritable trait d'union entre les différentes générations et les peuples.
Elle nous montre aussi à travers le personnage de Ryad, une jeunesse désabusée qui a perdu le contact avec ses racines, qui préfère consommer sans réfléchir aux conséquences, ni chercher à savoir ce qu'a été la vie de leurs ancêtres, quels ont été leurs projets ou le pourquoi des valeurs qu'ils ont voulu leur transmettre...

Un beau roman qui mérite son prix Renaudot des Lycéens et qui montre bien que la littérature peut nous sauver.

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Un beau livre très touchant qui plaira à tous les amateurs de librairies grandes ou petites donc à beaucoup de Babeliotes.Un bel hommage à ce courageux éditeur .A l'époque de l'émergence de la lecture numérique, quel plaisir de retrouver l'ambiance sereine et feutrée de ces endroits magiques chers à tous les amoureux de la littérature
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Alger 2017. Un jeune homme est chargé de vider une librairie qui va devenir une boutique de beignets. Retour arrière en 1930 où Edmond Charlot, 21 ans, raconte dans son journal la création de cette librairie, prêt, maison d'édition qui publie les premiers livres d'Albert Camus, mais aussi de Jules Roy, Max-Pol Fouchet, Albert Cossery, Emmanuel Roblès. Ce roman permet de découvrir un homme qui fut important dans la littérature française. Nous sommes tristes, comme le vieil homme qui observe son dernier lieu de travail, de la fermeture de ce lieu dédié aux livres.
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Alger, dans les années 30, il est jeune, plein d'allant, il aime les livres, la littérature ; il aime transmettre. Il fait d'un petit boui-boui une caverne d'Ali baba où l'on vient acheter, lire ou tout simplement emprunter. Il, c'est Edmond Charlot ; le nom du lieu : Les vraies richesses…
Charlot n'est pas qu'un libraire ; c'est aussi un éditeur. C'est l'époque où il découvre Camus, Jules Roy, Max-Pol Fouchet, Albert Cossery, Emmanuel Roblès, et les édite. Il fallait être un peu fou, mais surtout passionné. Charlot est effectivement animé par l'amour des mots, l'amour des livres, l'amour de ceux qui les lisent et les écrivent. Charlot déploie des trésors d'inventivité quand le papier vient à manquer. Charlot se bat, lutte.

Charlot n'est pas là pour faire fortune ; la seule richesse qu'il convoite c'est la littérature.

Kaouther Adimi nous fait revivre, dans un roman protéiforme, ce qu'a été Charlot, mais aussi l'après-Charlot. Kaouther Adimi imagine un obscure stagiaire venu à Alger pour vider "Les vraies richesses", laquelle doit devenir un débit de beignets….hérésie. Cet endroit a une âme…

Cette âme, Kaouther Adimi s'emploi d'une bien belle façon à la faire vivre. Elle réveille les vieux fantômes qui n'ont jamais déserté l'endroit et qui ne semblent pas vouloir prendre du large.

Bien sûr, on ne peut passer sous silence l'Algérie, son histoire tourmentée, ses blessures, ses zones d'ombre…

Au-delà de Charlot, Kaouther Adimi avec sa sensibilité rend hommage à tous nos libraires (indépendants, il va s'en dire) qui se battent chaque jour pour que vive la création littéraire, pour que chaque auteur, reconnu ou débutant trouve sa place, et puisse être lu.

J'ai découvert Kaouther Adimi dès son premier roman un peu par hasard. Son écriture et sa façon bien à elle de s'emparer de ses sujets m'ont d'emblée séduite. Si son précédent ouvrage "Des pierres dans ma poche" m'avait moins intensément marqué, "Nos richesse " aura intimement titillé la bibliophile et la défenderesse des vraies librairies que je suis.

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2017. Ryad débarque en Algérie pour un stage ouvrier atypique : vider une vieille bibliothèque pour que le nouveau propriétaire puisse en faire une boutique de beignets. Cette bibliothèque, c'est l'ancienne libraire Les Vraies Richesses, première pierre de l'édifice littéraire qu'à constitué Edmond Charlot, dénicheur de talents et éditeur de la Résistance. Ryad est expéditif, il n'a qu'une hâte : rentrer à Paris retrouver Claire. Et pourtant, il se laisse prendre au charme espiègle et tranquille d'Alger et à l'amour des livres du vieil Abdallah, faisant de cette expérience bien plus qu'elle n'était supposée être.
Le récit de vie d'un amoureux des livres, entre-croisée de pans entiers de l'Histoire du monde et de confidences philosophiques d'un vieux sage : un mélange parfait pour un livre ! Avec un tel cocktail, je ne pouvais pas ne pas aimer Nos richesses. J'ignorais tout d'Edmond Charlot avant de parcourir ces pages, et je suis heureuse d'avoir pu faire la découverte de cet homme admirable, éditeur passionné et engagé, partageant ma vision de ce que doit être la littérature. Bravo à Kaouther Adimi pour avoir réussi à nous rendre ce personnage si vivant, si intime et si familier !
En parallèle de la vie d'Edmond Charlot, ce sont des moments clés de l'histoire de l'Algérie que nous (re)découvrons : l'affront de la colonisation française, la mobilisation des « indigènes » algériens aux côtés de la France pendant la Seconde Guerre mondiale, les massacres de Sétif. Kaouther Adimi défend son pays face à cette barbarie, face à cette injustice orchestrée par la France, tout en valorisant les hommes qui ont essayé de la faire cesser. Mais plus qu'une défense, ce roman devient une déclaration d'amour à l'Algérie, ce pays où « nous ne faisons pas de différence entre ceux que nous connaissons et ceux que nous venons de rencontrer », ce pays chaleureux, ensoleillé et joyeux, où chacun peut se sentir chez soi. En refermant ce livre, nous n'avons plus qu'une envie : suivre les indications données par l'auteur et aller écumer les rues d'Alger à la recherche de la librairie Les Vraies Richesses.
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L'histoire se déroule des années 30 à aujourd'hui. le lecteur plonge dans trois récits en parallèle. Celui de la vie d'Edmond Charlot, qui a créé le 3 novembre 1936 au 2 bis de la rue Charras (devenue Hamani) à Alger, la librairie « Les Vraies richesses ». Nom choisi en hommage au roman de Giono qui vient de paraître. Puis son journal, qui raconte les étapes importantes de sa vie, enfin celui de Ryad, jeune ingénieur venu en stage pour vider la librairie de son fonds, pour préparer les lieux mythiques à devenir la boutique d'un marchand de beignets, bien plus lucrative que le livre, opposition entre les nourritures terrestres et les autres, celles de l'esprit, peut-être ?
Charlot est né pour être éditeur. Il a tout juste vingt ans, lorsqu'il édite "Révolte dans les Asturies", et un tout jeune homme débutant, Albert Camus. Il faut dire qu'il a rencontré la Adrienne Monnier, dans sa libraire parisienne, il a été convaincu. Son père travaillé pour Hachette, les livres étaient présents dans son univers. A cette époque, Edmond Charlot ne sait pas encore que sa vie entière sera tournée vers la littérature, qu'il deviendra libraire, mais aussi découvreur de talents, éditeur, inventeur génial aussi, car c'est lui qui créé la quatrième de couverture, les rabats, et pense à mettre un résumé et une présentation de l'auteur.
On découvre à la fois la passion d'Edmond Charlot pour le livre, et l' univers du monde du livre, libraire indépendant, éditeur, diffuseur, dénicheur de talent. Mais également la période de la colonisation, puis les affres de la seconde guerre mondiale et de la guerre d'Algérie en trame de fond parfois si dramatique de cette vie qui défile devant nous.
L'écriture est assurée et lumineuse, mêlant le réel à la liberté de l'écrivain qui réinvente les vides, recrée les dialogues, fait revivre ses personnages, Kaouther Adimi nous entraine dans les pas d'Edmond Charlot, nous fait lire son journal imaginaire, et marcher à ses côtés pendant toutes cette période foisonnante de créativité, d'amitié, et parfois aussi de tristesse. le sentiment qui perdure après cette lecture est indiscutablement celui d'une magnifique rencontre.

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Kaouther Adimi raconte l'histoire d'Edmond Charlot qui avait créé à Alger une librairie mythique.
Un jeune homme retourne à Alger et doit repeindre un local autrefois occupé par la librairie Les vraies richesses, fondée par Edmond Charlot, passionné des livres et premier éditeur d'Albert Camus.
Un livre passionnant découvert dans ma librairie, passé un peu inaperçu lors de cette rentrée littéraire 2017.
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« Charlot a laissé dans ce lieu quelque chose de beau, quelque chose de plus grand que tout ce qui se passe à l'extérieur. »

Cette magie, cette passion pour la littérature imprègnent chaque ligne du roman de Kaouther Adimi. Les amoureux des livres ne peuvent que vibrer devant l'énergie que déploie Edmond Charlot, libraire et premier éditeur d'Albert Camus, devant le respect de tout un quartier d'Alger pour cette minuscule librairie de prêt « Les vraies richesses » .

En 1936, Edmond Charlot ouvre sa librairie, « une librairie qui vendrait du neuf et de l'ancien, ferait du prêt d'ouvrages et qui ne serait pas juste un commerce mais un lieu de rencontres et de lecture. » Reprise par sa belle-soeur lorsque Edmond part à Paris pour monter une succursale des Éditions Charlot, le lieu fut repris par l'État algérien dans les années 90 pour en faire une annexe de la Bibliothèque nationale.
Abdallah, « un être plein de fierté qui a grandi en Kabylie » s'occupe avec amour de cette annexe. Lorsqu'en 2017, le local est vendu à un industriel pour installer une échoppe de beignets, Abdallah s'installe dans la rue, figure vivante de la contestation de tout un quartier.
Le jeune Ryad, étudiant ingénieur en stage usine, arrive à Alger afin de vider la librairie, nettoyer et repeindre ce lieu devenu sacré pour les riverains.

Kaouther Adimi intercale les récits actuels du séjour de Ryad avec les extraits du carnet d'Edmond Charlot et les récits de l'histoire d'Alger, créant une fiction riche d'évènements historiques, du combat d'un homme pour la survie d'une petite maison d'édition contrariant la mission d'un jeune homme peu intéressé par la littérature mais sensible aux lieux et aux liens humains.

Ce roman est une vraie richesse qui parlera à tous ceux qui sont sensibles à la fermeture de librairies, de lieux de partage autour de la littérature, à tous ceux qui reconnaissent le travail des petits éditeurs toujours à la recherche de publications de qualité, luttant avec des moyens inégaux contre les grosses structures, surtout en période de guerre comme Edmond Charlot lorsque les pénuries de papier et d'encre pénalisaient la production, prenant des risques afin que des textes majeurs soient publiés.
« Je ne fais pas le poids. Les éditeurs parisiens ont de l'argent, du papier, des réseaux. Et nous? Des écrivains – les meilleurs – de la volonté, mais ça ne suffira pas »
Camus, Vercors, Giono, Saint-Exupéry, Gide, Emmanuel Roblès, Henri Bosco, Philippe Soupault furent publiés par les Éditions Charlot. Autant de belles rencontres au cours de cette lecture.

Mais ce livre est aussi un regard éclairé sur l'histoire de l'Algérie, avec notamment le massacre de Setif en mai 1945 alors que les algériens célébraient la libération d'une guerre à laquelle ils ont largement participé. Prise de conscience et évènement déclencheur du besoin de l'Indépendance. Avec la nuit du 31 octobre au premier novembre 1954 qui marqua le début de la guerre d'Algérie. Et ce jour du 17 octobre 1961 où des centaines d'algériens qui manifestaient à Paris contre le couvre-feu décrété exclusivement pour les Nord-Africains, furent arrêtés, blessés, certains tués et jetés dans la Seine.

Kaouther Adimi nous embarque dans la passion d'Edmond Charlot et nous donne envie de se rendre dans ces ruelles en pente qui conduisent au 2bis rue Hamani pour vivre de plus près la magie des lieux.

« Dès votre arrivée à Alger, il vous faudra prendre les rues en pente, les monter puis les descendre. Vous tomberez sur Didouche-Mourad, traversée par de nombreuses ruelles comme par une centaine d'histoires, à quelques pas d'un pont que se partagent suicidés et amoureux…
Oubliez que les chemins sont imbibés de rouge, que ce rouge n'a pas été lavé et que chaque jour, nos pas s'y enfoncent un peu plus…Face à l'Histoire, la grande, celle qui a bouleversé ce monde mais aussi la petite, celle d'un homme, Edmond Charlot, qui, en 1936, âgé de vingt et un ans, ouvrit la librairie de prêt Les vraies richesses. »
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