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3,81

sur 752 notes
Un très beau livre salué par un très beau prix largement mérité et je fais confiance aux jeunes pour leur goût et leur sensibilité.
Nous sommes en Algérie où Edmond Charlot décide de porter la culture "au coin de la rue". Sa librairie accueillera de nombreux et célèbres auteurs, vivra des moments magiques, avec Saint Exupéry, par exemple,mais aussi Camus,Giono,Gide,Roy et bien d'autres.
"Les richesses", c'est un lieu improbable où même les gens qui ne lisent jamais passent avec respect.
Edmond Charlot, c'est un homme de coeur, de passion, un passeur dont le journal personnel nous révèle une mission: valoriser ceux pour qui la culture n'est pas négociable, ignorer les ennemis, les jaloux, se ruiner et faire le maximum malgré les pénuries de papier, par exemple, et les coups bas de concurrents avides de gains.
Et puis, encore des révélations sur "les événements d'Algérie ". La culture plus forte que l'ingratitude des hommes? Pas si sûr.
Un petit livre à même de susciter bien des interrogations.
Au fait, si vous passez à Alger, n'oubliez pas de vous rendre au " 2bis, de la rue Hamami, vous y trouverez de "vraies richesses".
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Qui avait entendu parler d'Edmond Charlot (1915-2004), un éditeur visionnaire et un peu fou, qui, il y a plus d'un demi-siècle, connut d'éphémères heures de gloire entre Alger et Paris ?

Il aura fallu qu'une jeune romancière imagine que cet homme ait tenu un carnet intime et qu'elle ait le culot de l'écrire pour lui, pour que sa notoriété franchisse les frontières d'un cénacle de quelques connaisseurs.

Ce carnet imaginaire est le coeur de Nos richesses, une fiction imaginée à partir d'une histoire vraie par Kaouther Adimi, une jeune femme algérienne, qui a choisi de vivre à Paris, où elle est responsable de ressources humaines dans une société de produits de luxe. Nos richesses, son troisième roman, longtemps en lice pour les grands prix littéraires de l'automne, a obtenu le Renaudot des Lycéens. le jugement des lycéens est souvent excellent. Ils sont les lecteurs de demain.

Le carnet retrace le parcours d'un homme qui, en 1935, à l'âge de vingt ans, ouvrit à Alger une minuscule librairie, qu'en hommage à Jean Giono, il nomma « Les Vraies Richesses », avec l'ambition d'en faire aussi une bibliothèque, une galerie d'art, un lieu de lecture et de rencontres. Et comme cela ne lui suffisait pas, Edmond Charlot y entreprit une activité d'éditeur, la voulant orientée vers les écrivains méditerranéens, sans distinction de langue ou de religion. Il publia les premières oeuvres d'Albert Camus, ainsi que nombre d'écrivains dont les noms se sont depuis lentement effacés dans les brumes de l'oubli.

Après la guerre, pendant laquelle il avait clandestinement fait imprimer et diffuser le silence de la mer dans l'Algérie vichyste, il déploya son activité d'éditeur à Paris, arrachant des prix littéraires à la barbe des grandes maisons d'édition, mais sans réussite financière. Revenu à Alger, son aventure avec la librairie « Les Vraies Richesses » a pris fin peu de temps avant l'indépendance.

Ce lieu irréel, devenu depuis une bibliothèque, où figure toujours en vitrine l'inscription « Un homme qui lit en vaut deux », avait piqué l'intérêt de Kaouther Adami, qui résume ainsi son long travail de recherche : « Un an à écumer les fonds d'archives. A rencontrer les copains de Charlot. A dévorer bouquins, interviews et documentaires ». D'après sa veuve, un jour qu'on lui demandait ce qu'était devenue sa librairie quarante ans plus tard, Raymond Charlot avait répondu que peut-être on y vendait des beignets...

Il n'en fallait pas plus à Kaouther Adami pour imaginer une seconde fiction en contrepoint de l'ouverture de la librairie, l'aventure d'un jeune Algérien étudiant en France, chargé quatre-vingt ans plus tard de venir liquider ce qu'il en reste, pour pouvoir y installer un commerce de beignets. Une tâche pour laquelle le voisinage, nostalgique du passé, fera tout pour lui mettre des bâtons dans les roues.

Entre les deux fictions, un passé pesant se rappelle au lecteur. La jeune écrivaine, héritière de ceux qu'on appelait les indigènes, leur donne la parole pour évoquer des événements historiques : le centenaire de la colonisation, l'engagement dans la seconde guerre mondiale, les représailles des émeutes de Sétif, les attentats de la Toussaint, la répression de la manifestation de 1961 à Paris.

Morose est le présent. Si l'histoire était filmée, ce serait en noir et blanc ; et sans paroles, ou presque. On parle peu à Alger, semble-t-il. On fait attention. C'est l'hiver, il pleut, il fait froid, le ciel est sombre, la ville est grise, bien loin de l'image d'Alger la Blanche, d'Alger la Radieuse.

Je note toutefois une fascination pour le bleu. L'auteure reconnaît d'ailleurs que « le problème avec la couleur bleue, c'est qu'elle vous accroche. On s'y noie. On s'y perd. » Peut-être une façon d'évacuer le cliché d'une mer et d'un ciel bleus, trop souvent indissociables d'un mythe, d'un fantasme exotique d'une Alger inondée de soleil. Là ne seraient pas les seules richesses du pays.

Un livre qui parle de livres, une écriture maîtrisée, une lecture inattendue et plaisante : un moment d'enrichissement.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Que dire de ce livre très remarqué lors de la rentrée littéraire 2017, après déjà une trentaine de critiques sur ce site ? Des critiques souvent élogieuses, et à juste titre.
C'est le premier roman de Kaouther Adimi que j'ai découvert, je n'ai pas encore lu les précédents romans. Dès les premières lignes, dès les premières pages, j'ai été conquise. Conquise par cette évocation d'un pays que pourtant je connais peu et mal, dont je connais mal l'histoire, l'Algérie. Conquise par l'évocation touchante d'Edmond Charlot, amoureux des livres, que nous allons suivre sur des années par ses carnets, son journal fictif, toujours instructif. L'homme, passionné et passionnant, libraire, éditeur, ami avec tout un cercle d'éditeurs et d'auteurs, va se battre sa vie durant pour sa passion, les livres. Passeur de livres, il mentionne à plusieurs reprises, pendant la Seconde guerre mondiale, le manque cruel de papier ! Lui qui est éditeur cherche mille stratagèmes pour continuer à publier, et quand c'est impossible, en libraire et passeur, il cherche à acquérir des livres pour les revendre. Toujours réunir des auteurs, repérer de bons auteurs dont il publiera les textes dès que possible ... Quête d'un idéaliste, car l'homme est un passionné et un idéaliste. Passionnant !
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Ce que j'ai aimé ces pages ! Ce que j'ai aimé cette invitation à découvrir Alger et cette vieille librairie. Ce que j'ai aimé cette écriture si douce et si puissante aussi qui vous prend, vous enserre comme une liane depuis les pieds jusqu'à la tête. Vous voilà engluée dans cette histoire mais cet emprisonnement n'est que bonheur malgré cette sale guerre dont encore aujourd'hui on parle à demi mots, que l'on qualifie encore d'événements.

Merveilleuse auteure qui sait si bien créer une intimité certaine avec son lecteur, qui vous conte une histoire d'aujourd'hui, celle de Ryad venu débarrasser une vieille librairie de ses encombrants livres et en même temps qui soulève doucement le drap jeté sur la guerre d'Algérie pour vous en montrer les ignominies mais avec délicatesse. C'est tellement surprenant cette façon de mêler le doux et le brutal.

Mais c'est aussi l'histoire, dans les années trente, d'Edmond Charlot. Un personnage ce Charlot, libraire, imprimeur et éditeur, passionnant et passionné, prêt à tout pour faire connaître les premiers écrits des auteurs qu'il a dénichés (Albert Camus, Jules Roy...). On sent qu'il les aime, qu'il les protège, qu'il les place au devant de la scène. Et cet amour est valable pour ses clients-lecteurs auxquels ils prêtent les livres quand ceux-ci n'ont pas les moyens de les acheter. Avec quelle abnégation il remplit sa mission, son sacerdoce.

Cette lecture m'a enchantée. J'y ai découvert une belle mais difficile vie, vécue sous des temps troublés. Mais surtout j'ai fait la connaissance d'une écrivaine pleine de sensibilité et de talent.

Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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"...nous ne nous rendons compte de nos richesses qu'une fois que nous les perdons..."

Voir se fermer une bibliothèque pour transformation en boutique à beignets!
J'aurais aussi fait partie de la fronde populaire qui enfle...

C'est la triste actualité d'une librairie oubliée, dans une petite rue algéroise, celle créée par celui qui fut une figure de la littérature en étant l'éditeur de nombre de nos auteurs comme Albert Camus, Henri Bosco, Max-Pol Fouchet et bien d'autres... Une bien petite librairie appelée Les Vraies Richesses, siège social des Éditions Charlot : on en trouve des photos sur Internet, elle est vraiment minuscule!
L'histoire du lieu et des hommes qui l'ont faite se racontent en alternance avec le journal d'Edmond Charlot et avec une voix off algérienne qui narre le contexte et les événements.

De nos jours, l'heure est à la liquidation du fonds de commerce: juste un petit boulot pour Ryad, venu vider et repeindre le local, l'occasion aussi d'un contact tragi-comique avec la ville et les habitants pour le jeune parisien que les livres rebutent. Mais les fantômes donnent une âme à l'endroit, éclaire le métier d'éditeur et la face tragique de l'Algérie, française et contemporaine.

Un roman qui tient plus du document historique que de la fiction, et, bien que le journal de Charlot soit parfois sec en narration, l'ensemble, par ses trois constructions alternées évite le piège de l'ennui d'une documentation figée. Les personnages, fictifs ou réels ont une densité romanesque, et on célèbre ici le travail, l'amitié, les livres et la littérature.

Encore un joli coup de coeur !

Rentrée Littéraire 2017
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***
La librairie "Les vraies richesses" n'est plu. Ryad, 20 ans, ingénieur en formation, se voit offrir un stage d'ouvrier nécessaire à son cursus et doit vider cette ancienne maison du livre, des auteurs et des amitiés de son fondateur : Edmond Charlot. Ryad n'a que faire de tous ces livres, ces photos et des histoires qui se cachent derrière ces étagères.
Pourtant qu'elle a été riche la vie de ce libraire d'Alger... Éditeur, imprimeur, il fut avant tout un amoureux de la littérature, des mots et un ami fidèle aux plus grands écrivains. A travers ses cahiers, il nous livre jour après jour, ses joies, ses doutes, ses angoisses et l'accès si difficile à la liberté...

Ce court roman de Kaouter Adimi se lit d'une traite. Bercés par les mots d'Edmond Charlot, les pensées de Ryad et les souvenirs des algériens du quartier, nous voyageons avec eux au milieu des livres mais aussi au gré des violences et des haines.

Un roman touchant...
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Pas de critique structurée, juste quelques réflexions…
- Après la lecture de ce livre qui reste un roman, ne pas être tenté de vouloir réécrire l'Histoire, ne pas faire d'uchronie stérile, avoir l'honnêteté de reconnaître que le chancre horrible qui ravagea l'Algérie au siècle dernier, est né de contrevérités, de discours fallacieux, de mensonges récurrents, d'une politique inadaptée, inique, creusant une plaie putride, qui se transforma en cancer, condamnant à mort , sans rémission possible, ses victimes, pour la plupart innocentes sans les distinguer : Indigènes, Arabes, Européens, musulmans, juifs, catholiques, athées, civils et jeunes recrus…
- Les impacts de balles qu'on peut apercevoir en déambulant dans Alger, (page 10) sont des vestiges d'avant juillet 1962, peut- être certains résultant de la fusillade rue d'Isly, du 26 mars, de cette même année, et ceux aussi plus tardifs de la décennie noire, balles qui fauchèrent « syndicalistes, artistes, militaires, enseignants, anonymes enfants », car malheureusement cela fait « des siècles que le soleil se lève au-dessus des terrasses d'Alger et des siècles que nous assassinons sur ces mêmes terrasses ».
- Il faut voir dans « Nos Richesses » comme un trait d'union entre les générations, celle du vieux Abdallah, el hadj , et celle de l'étudiant Ryad, une passerelle qui se doit tolérante, fraternelle, reliant les deux rivages de la Méditerranée , un pont, pour accéder à l'autre rive, celle qui offre , par l'entremise des livres la vraie richesse : la culture, mais une structure solide pour supporter le poids car « un homme qui lit en vaut deux »!
- En fait, les deux hommes attablés chez Saïd ont bien raison, le gouvernement ajoute quelque chose à la nourriture avec des substances interdites qui ramollissent effectivement le cerveau, drogue non pas du violeur mais celle de l'inculture, de l'abêtissement, ôtant toute envie d'ouvrir le moindre livre, sans livre, on ne réfléchit pas, l'ignorance rend docile !
- Nostalgie, émotion, bonheur aussi de retrouver cette kyrielle de personnages qui me sont chers : Camus, bien sûr, (que Kaouther décrit, comme il se doit, la cigarette aux lèvres, une Bastos ?) , Grenier, Roblès l'oranais, Bosco, Senac, Jules Roy, Mohamed Dib, Mouloud Ferraoun, Kateb Yacine et tant d'autres, et bien sur Edmond Charlot, celui qui créa dans un espace minuscule ce « cabinet de lecture, lieu d'exposition, siège d'une librairie, mais surtout cette officine de propagande de la culture méditerranéenne ».
- Encore quelques mots :La rue Charras (du nom d'un militaire envoyé en Algérie à titre de répression compte tenu de ses opinions républicaines et mort en exil à cause de son hostilité envers l'Empire ) est devenue Hamami en l'hommage à ce boxeur champion d'Afrique des super welters de boxe anglaise en 1976, un militaire , fait place à un sportif…
- Et puis enfin, si cet espace se transformait réellement en une échoppe vendant des beignets (zlabia, griwech…) elle ne pourrait que ressembler, étrangement à celle que décrit Camus dans le Premier Homme : une petite boutique de beignets arabes avec « sur un des côtés, un foyer, dont le pourtour est garni de faïences bleues (assorties à la couleur du local théoriquement repeint par Ryad) et blanches sur lequel chante une énorme bassine d'huile bouillante… »
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Edmond Charlot fonde en 1936 à Alger une librairie, Les Vraies richesses, nom qu'il a emprunté à un roman de Jean Giono. On y rencontre Albert Camus, Emmanuel Robbès, Gabriel Audisio, Max-Pol Fouchet… Charlot est également éditeur. Il publie à Alger son premier livre, « Révolte dans les Asturies » de Camus, puis par la suite à Paris de nombreux écrivains français et étrangers, Gide, Kessel, Vercors, Frison-Roche, Henry James, Virginia Woolf. Mais marqué par ses origines algéroises, il va bientôt se faire dévorer par les grands éditeurs parisiens et faire faillite.

Après l'indépendance, sa librairie devient une annexe de la bibliothèque nationale d'Alger, tenue avec soin par le fidèle Abdallah qui a conservé intacte l'ancienne librairie et habite dans l'ancien bureau de Charlot. Il a été oublié là à servir quelques rares lecteurs jusqu'au jour où en 2017 le local est vendu… à un marchand de beignets ! Difficile à digérer mais l'époque est à l'utilitaire et devenue méfiante à l'égard de tout risque de critique du régime autoritaire et corrompu. Et que pèse un lieu culturel au passé douteux ?
Il s'agit donc de vider les lieux et de repeindre les murs. Un jeune Algérien, Ryad, étudiant en école d'ingénieur à Paris, doit faire un stage ouvrier. C'est tout trouvé. Mais il va lui falloir composer avec la pluie, le vieil Abdallah, les sbires en alerte… et les souvenirs. Lui qui ne s'est jamais intéressé à la littérature, se trouve confronté à l'histoire d'un homme, qui comme lui avait vingt ans lorsqu'il a ouvert cette librairie, mais dans un autre siècle…Et de faire le bilan des relations difficiles entre la France et l'Algérie et de tous ceux qui en ont été les victimes.

Un très beau texte, qui met en lumière le destin d'un homme pris dans les tourments d'une époque – seconde guerre mondiale puis guerre d'Algérie – dont les blessures ne sont pas encore totalement refermées. le jeune, lui-même amoureux d'une jeune Française, se retrouve face à un passé mal digéré et instrumentalisé par les uns et les autres mais entrevoit une autre réalité, plus humaine à travers la figure de ce libraire-éditeur qui considérait la culture comme un lieu de dialogue et d'ouverture face aux idéologies mortifères. A méditer.
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Jean Giono a dit que les vraies richesses sont la terre, le soleil, les ruisseaux, mais aussi la littérature car, ajoute-t-il, qu'est-ce qu'il y a de plus important que la littérature ? Ce livre est passionnant à plusieurs égards. D'abord parce qu'il rappelle, de façon émouvante, le rôle essentiel joué par un bibliothécaire/libraire au sein d'une communauté. On dit souvent qu'un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. Kaouther Adimi nous rappelle qu'une bibliothèque qui disparaît, c'est la mémoire entière d'un peuple qui s'évanouit. Ensuite, parce que ce livre nous replonge dans le destin tragique de l'Algérie française (mais aussi de l'Algérie tout court) dont les enfants terribles, de Roblès à Camus, en passant par Gide, Dib, Yacine ou Roy, ont fait les beaux jours de notre littérature, sans toujours recevoir la reconnaissance qu'ils méritaient. On redécouvre à ce propos une France ingrate, cruelle, oublieuse de sa famille méditerranéenne. Enfin, et c'est peut-être le thème qui m'a le plus touché, on suit le parcours chaotique de l'éditeur Edmond Charlot, propriétaire des « vraies richesses ». Chaque jour, il doit surmonter les obstacles (censure, intimidation, pénurie de papier !) pour que ses livres paraissent. Plus qu'une profession, un sacerdoce. En cela, ce livre est un hommage à ceux qui vouent leur vie à la littérature, les éditeurs, les libraires et bien-sûr, les écrivains. Raison de plus pour en devenir le lecteur.
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Adimi, Zeniter, une nouvelle génération parle de l'Algérie. La précédente était celle des enfants ou petits enfants de colons qui retournaient sur place pour comprendre un passé qui leur échappait (mon préféré, dans le genre est « Les ombres de Boufarik » de Olivier Chartier). Cette génération-ci est composée de jeunes femmes aux racines algériennes qui n'ont pas connu la guerre, ni même la décennie noire, où elles en étaient juste à apprendre à marcher. D'où un regard nouveau, libéré de toute propagande, passionnant car sans préjugé ni haine. Toutes deux reviennent en historiennes sur la période coloniale, tout en se cantonnant l'une et l'autre dans l'écriture romanesque. Zéniter aborde la question douloureuse des harkis, Adimi revient, elle, sur une aventure passionnante, grosso modo à l'époque de la seconde guerre mondiale : la librairie et maison d'édition d'Edmond Charlot, à Alger, connu comme le premier éditeur de Camus. (Mais pas seulement : éditeur de la France libre, il fut aussi, entre autres, le premier éditeur du "Silence de la mer" de Vercors).
L'écriture est belle, la fiction est maîtrisée, avec au moins trois points de vue : celui de Charlot, à qui Adimi prête un journal, celui, prétendument contemporain de Ryad, venu vider la librairie pour qu'elle soit transformée en boutique de beignets (!) et d'Abdallah, le vieux gardien du temple, qui assiste désespéré à la destruction de tout ce qui fut sa vie, et puis un « nous » anonyme, non-personne du narrateur, qui parcourt les rues d'Alger.
Revit ainsi cet homme passionné qui à partir de rien, une boutique minuscule de 4 sur 7 m, l'emprunt de quatre sous à tous ses amis et une volonté de fer a créé cette littérature franco-algérienne libre des années 1937 à 1962. Un hymne aux livres et à la littérature. Kaouther Adimi, chemin faisant, fait revivre l'histoire de ces années de braise, avec, parfois, des élans douloureux, comme ses pages sur le 17 octobre 1961, mais le plus souvent sans hargne, sans esprit de revanche.
Sereine. La vie est devant elle, l'Algérie en devenir aussi.
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