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Rose-Marie Makino-Fayolle (Traducteur)
EAN : 9782742746514
192 pages
Actes Sud (04/02/2004)
4.2/5   351 notes
Résumé :
Isaku n'a que neuf ans lorsque son père part se louer dans un bourg lointain. Devenu chef de famille, le jeune garçon participe alors à l'étrange coutume qui permet à ce petit village isolé entre mer et montagne de survivre à la famine : les nuits de tempête, les habitants allument de grands feux sur la plage, attendant que des navires en difficulté, trompés par la lumière fallacieuse, viennent s'éventrer sur les récifs, offrant à la communauté leurs précieuses carg... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (89) Voir plus Ajouter une critique
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La tempête qui depuis de nombreux jours sévit sur l'ensemble du littoral breton, l'envie de débuter l'année en compagnie d'un de mes auteurs préférés : la lecture de « Naufrages » d'Akira Yoshimura est bien de circonstances !

Isaku est un jeune garçon de neuf ans, l'aîné d'une fratrie de quatre enfants. Il habite un village isolé à flanc de montagne avec la mer en contrebas. Élevé à la dure par une maman qui le rudoie, Isaku souffre depuis six mois de l'absence de son papa parti travailler dans un port éloigné pour une période de trois ans. L'argent versé au début de son contrat a maintenu jusqu'à présent la famille à flot mais les réserves alimentaires, achetées dans un village situé à trois jours de marche, seront bientôt épuisées.
Au rythme des saisons, Isaku trime comme un adulte pour améliorer le quotidien de ses proches. Seul dans sa barque, le brave petit bonhomme suit à distance les hommes du village : pêcher le maquereau à la main ou le poulpe au crochet nécessite un savoir-faire, l'apprentissage est laborieux.

Depuis longtemps déjà la survie de ces habitants du bout du monde dépend d'un stratagème monstrueux orchestré chaque automne sous l'autorité du chef du village. A l'époque du rougeoiement des feuilles, celui-ci confie à Isaku une astreinte périodique vraiment particulière : alimenter le feu, la nuit entière, sous deux grands chaudrons remplis d'eau de mer et disposés sous abri au niveau de la grève.
S'il permet aux femmes de récupérer au petit matin le sel, ce travail nocturne est avant tout destiné à induire en erreur les équipages pris dans la tempête, à entraîner les bateaux sur les récifs qui bordent le littoral.
Fier d'avoir maintenant la confiance des adultes, Isaku alimente consciencieusement le foyer de l'espérance…

La souffrance est sans conteste le dénominateur commun aux romans de cet écrivain disparu en 2006 et « Naufrages », d'inspiration légendaire, n'échappe pas à la règle.

Tel un peintre impressionniste, Yoshimura insuffle avec bonheur des petites touches colorées à ces paysages entre terre et mer. Une phrase, un court paragraphe, suffisent à stimuler l'imagination du lecteur et cette profusion de contrastes, de lumière, contrebalance la noirceur et la cruauté de l'histoire.

Laissez-vous tenter par ce roman à la beauté cruelle !
Durant l'année qui commence et même au-delà, ses paysages sublimes et son atmosphère ancestrale vous reviendront de temps à autre en mémoire.

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"Comme il pleut ce soir,
N'est-ce pas mon hôte ?
Là-bas à la côte,
Le ciel est bien noir,
La mer est bien haute !
On dirait l'hiver ;
Parfois on s'y trompe...
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe.

Oh ! marins perdus
Au loin dans cette ombre
Sur la nef qui sombre
Que de bras tendus
Vers la terre sombre !"
...

Ces quelques vers de la "Tempête en mer" de Victor Hugo que vous apprécierez je l'espère autant que je les apprécie et qui, je trouve, font écho de façon troublante au récit de Akira Yoshimura car de tempêtes il en est question tout au long de cette histoire.

L'écriture sobre, épurée, presque rêche de l'auteur, caractérisée par un certain minimalisme qui accentue la noirceur et la mélancolie qui émanent de ce récit dont la lente progression se fait invariablement au rythme des saisons, m'a immédiatement touchée. Un récit qui n'est volontairement pas daté et qui pourrait être intemporel mais que certains détails laissent à supposer qu'il se déroule dans les années 1870 au commencement de l'ère Meiji.

Une histoire puissante, poignante, qui nous embarque dès les premières pages vers les rivages lointains d'un petit village côtier au Japon, isolé de tout, perdu entre la mer et la montagne, dont les habitants vivent essentiellement de la pêche. Une vie de dur labeur, éreintante, rythmée par le passage des saisons, des tempêtes et des marées.

Le personnage principal est Isaku, un petit bonhomme âgé de 10 ans, aîné d'une fratrie de trois enfants, dont nous partageons le quotidien durant deux années consécutives. Chaque jour qui passe il récupère les débris des épaves charriés par la mer et malgré son jeune âge il travaille dur comme un homme pour aider sa mère, une femme revêche et peu aimante, qui se retrouve seule après que son père soit parti "se vendre" pour une durée de 3 ans auprès d'une compagnie maritime dans le port d'un village éloigné car c'est malheureusement monnaie courante pour les hommes et les femmes de ce village que de se vendre pour contrer la misère dans laquelle ils vivent.

Autour d'Isaku gravitent les habitants de ce village, des hommes et des femmes très pieux et superstitieux qui ne doivent leur salut qu'aux navires de commerce qui font ponctuellement naufrage (tous les 5 à 6 ans) et viennent s'échouer sur les rochers le long du rivage, attirés par les feux des chaudrons de sel que les habitants font cuire sur la plage les nuits de tempête. Des hommes et des femmes qui dans leur désespoir, n'ont pas d'autre choix que de piéger et piller les malheureux équipages qui osent s'aventurer dans leurs eaux, se rendant ainsi coupables de crimes dont ils tentent quelque part de s'absoudre dans les nombreuses cérémonies, rituels, prières qui régissent leur quotidien.

Ce qui m'a interpellée dans ce récit c'est la résignation qui caractérise l'ensemble des personnages qui acceptent le sort qui est le leur mais ce que j'en retiens surtout c'est cette petite lueur d'espoir qui subsiste jusqu'à la dernière page grâce à l'amour que porte Isaku à ce père absent, un amour indéfectible comme le ressac des vagues qui apporte chaque jour son lot de trésors et fait battre le coeur pur de ce jeune garçon qui fait preuve d'une grande sagesse et de beaucoup d'humilité pour son jeune âge.

Un beau roman que je vous invite à découvrir si comme moi vous aimez l'océan et les histoires un peu tristes...
Merci encore Tretrizoustan...
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Isaku a neuf ans et vit dans un petit village coincé entre la mer et des montagnes escarpées.
La vie y est rude et dictée par les saisons, la pêche, la vente de sel et de maigres récoltes.
Pour survivre, des villageois sont contraints de se vendre pour quelques années à l'autre bout de l'île. C'est la cas du père d'Isaku, parti pour trois ans le laissant avec sa mère prendre soin de ses soeurs et de son frère.

Nous suivons ainsi la vie Isaku de ses 9 jusqu'à ses 12 ans.
Le récit est ponctué par le cycle des saisons et cela lui confère un rythme et une musicalité.
Chaque année est marquée des mêmes événements :
le roman débute avec l'automne et le rougeoiement des feuilles annonçant la pêche aux poulpes ; lorsque les montagnes perdent leur couleur, la mer commence à s'agiter, une étrange cérémonie peut commencer avec l'intervention d'une femme enceinte, sorte de prière pour qu'il y ait un naufrage ;
à partir de là, deux chaudrons pour la cuisson du sel seront chauffés toute la nuit sur la plage ; suivront les premières neiges, le Nouvel-An, la floraison des pruniers dans le village éloigné du leur, la fonte des neiges, la vente du sel ;
à la mi-mars, un rituel pour obtenir une bonne pêche ; il y aura encore la pêche aux sardines, puis aux encornets, ensuite aux maquereaux, la récolte de la ramie, la vente des maquereaux sales contre des céréales, la fête des morts....

Tous ces événements se répètent, d'année en année, et nous voyons qu'ils ne suffisent pas à survivre, le village est à la merci d'une mauvaise pêche.
Survivre implique aux chefs de famille et aux filles à se vendre pour quelques années.

Depuis des générations, et c'est dicté par les traditions ancestrales, on espère, attend et facilite les naufrages.
Ceux-ci permettent au village de ne pas disparaître.
La cote est escarpée, les récifs sont nombreux, pour tromper un navire en difficulté, l'on cuit toutes les nuits le sel dans deux chaudrons sur la plage sous de grands feux qui ne peuvent s'éteindre, afin d'attirer les bateaux vers les récifs et s'emparer ainsi de leur précieuse cargaison (riz, saké, sucré blanc, chandelles, tabac,...) et de vivre quelques années plus à l'aise.
Ces naufrages sont rares, cachés et bien entendu illicites.

Je suppose que l'action se déroulé au moyen-âge, Akira Yoshimura nous décrit toutes les superstitions et traditions, les croyances quant à la mort, à l'âme des défunts, à la réincarnation, aux présages qu'apporte un arc-en-ciel, il nous détaille la cérémonie des funérailles, comment les couples se forment, les interdits (ni rire, ni parler pendant cinq jours après le Nouvel-An), comment sont considérés les suicides, etc

Le livre s'attache à Isoku qui endosse des responsabilités d'adulte, sui va grandir vite, qui va découvrir une à une les traditions, on verra ses relations avec sa mère, sévère, qui lui impose une discipline de fer et lui inspire de la crainte, mais qui montre parfois de la tendresse pour lui. Isoku est jeune encore mais son coeur bat pour Tami, une jeune fille qu'il espère un jour pouvoir épouser.

Ce qui est assez remarquable c'est la faculté qu'a l'auteur a ne pas nous faire juger ces actes qui s'apparentent à du piratage, tant il nous fait plonger dans cette vie difficile, cette survie. Quand on a tout, il est facile d'avoir un comportement moral !
Ici, les valeurs sont celles du travail, du travail pénible, du sens du devoir, du respect des ancêtres.

C'est un récit sur la lutte, l'importance de la communauté, il est beau et déchirant.
Il a moins de deux cent pages pourtant, mais est extrêmement dense et en même temps sobre, l'auteur se contente d'énumérer les faits, nul besoin de développements pour nous faire comprendre la vie du village.

La fin est tragique et émouvante.

C'est un grand livre et je voudrais remercier Sachka qui me l'a conseillé.




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Il y a des romans qui vous emportent loin, très loin, aux antipodes géographiques et temporels laissant s'effeuiller les phases de la vie quand la misère mijote dans le chaudron du temps.
Celui-ci est de cette trempe et réserve son lot d'étonnants rebondissements.
J'ai ressenti de la joie et souvent du malheur à m'évader avec Isaku le petit pécheur dans les saisons de son existence.
Printemps-été-automne-hiver ont laissé place à sardines-encornets-maquereaux-poulpes, inévitables quand la famine tracasse et que manger rythme les carcasses.
Dès huit ans, remplacer son père dans son travail parti se vendre ailleurs pour faire vivre sa famille est devenu son quotidien cadencé par sa mère sévère.
Rien, ni personne, n'est à envier dans cet univers agressif et pourtant, il se dégage une sensation de sérénité extrême où l'on accepte sa condition sans ciller et quelques soient les souffrances, les plaintes sont tues, les contraintes sont acceptées et serviront vraisemblablement d'enseignements aux générations futures.
Ce conte philosophique, où soufflent la tempérance et l'humilité, enseigne à ne pas se réjouir trop vite d'une aubaine et à savoir gérer ses acquis.
Isaku, à la demande du chef du village, passe quelques nuits à faire griller du sel dans des marmites, le feu vif ainsi produit attire les bateaux qui s'échouent, les villageois peuvent donc les dépecer pour profiter de la cargaison.
L'ignorance et la naïveté étant les alliés du « bien mal acquis ne profite jamais »,
la petite communauté perdue au fond de la baie devra supporter les conséquences de ses actes. L'auteur dispose de ce talent de traduire les petits bonheurs comme les grandes horreurs avec de telles nuances que, quelque soit le dénouement, il nous noue les entrailles.

En débutant ce roman, je n'ai pas imaginé, dans une certaine mesure pouvoir discerner une sorte de similitude avec la situation actuelle de confinement dû au Covid 19 et à son issue.
Et pourtant…C'est sûrement pour cette raison qu'au terme de cette lecture, je me découvre bien moralisateur, néanmoins, comme disait Confucius :
« L'expérience est une lanterne qui n'éclaire que celui qui la porte. »
Faites la vôtre !
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Les journées n'étant pas extensibles en heures, il me faut malheureusement parfois renoncer à certaines tentations croisées sur babel ou du moins les mettre en attente.
« Naufrages », c'est une tentation due à Sachka qui a su trouver les mots pour me faire refaire un pas vers la littérature Asiatique, littérature avec laquelle je n'ai aucune affinité.
Merci Joëlle pour la découverte de ce bouquin que je n'aurais jamais eu l'excellente idée d'ouvrir sans ton billet.
J'y suis allé à petits pas, j'en suis sorti à regret.

« Naufrages », c'est la vie d'un village de pêcheurs Japonais, coincé entre mer et montagne, à travers le regard d'Isaku, petit bonhomme de neuf ans qui va devenir soutient de famille après que son père soit parti « se vendre » pour une période de trois ans pour nourrir sa famille (concept toujours à la mode puisque tous les jours nous nous vendons pour un salaire, mais ce n'est pas le sujet, pardon)...
Avec la pêche pour seul moyen de subsistance et de revenu, le village tente de provoquer des naufrages pour améliorer l'ordinaire.
L'océan et la montagne en font voir de toutes les couleurs aux villageois. Des pourpres du ciel qui enflamment l'océan, lui donnant les teintes dorées et rouges des feuilles couvrant la montagne, ces ambres qui annoncent la fin de la saison de la pêche, des gris prémices des tempêtes à venir. On va aux naufrages comme on va aux moissons. Et puis ces nuages bleus qui peu à peu éclaircissent les jours plombés et donnent à l'océan des tons argentés. Les bancs de maquereaux et de sardines sont de retour. Au rouge des feuilles qui s'étaient parées d'un blanc cotonneux avant de se mettre à nu, succède le vert de l'espoir, de l'en vie.
Trois ans vont être rythmés par les nuances de la palette de dame nature, trois ans pendant lesquels j'ai partagé le quotidien de la famille d'Isaku sans forcément toujours comprendre ni accepter ce fatalisme, cette soumission à la tradition et à l'ordre établi. J'ai partagé leurs émotions, leurs craintes, leurs quelques instants de sérénité, presque de bonheur. J'ai respiré avec eux, j'ai senti le poisson fumé, l'odeur de la graisse qui brûle et puis celle de la peur, celle de l'océan, de la forêt, tous ces parfums qui révulsent ou qui ravissent. L'odeur du sel m'a brûlé une peau burinée par le soleil, sillonnée par le vent, séchée par la terre.
Et puis des vagues et des vagues et encore des vagues, d'océan, d'émotions.
C'est écrit (ou traduit) avec ce qu'il faut de poésie pour attraper l'amateur que je suis et ne pas faire fuir l'allergique. Il y a bien cette retenue (légendaire ?) Asiatique mais pas plus qu'il n'en faut, les masques tombent et le coeur s'ouvre malgré les regards extérieurs.
En fait, il y a ce qu'il (me) faut de pudeur et ce qu'il (me) faut de « lâcher prise » pour apprécier vraiment un bouquin qui me raconte une histoire.


J'allais oublier… il y a une fin qui ramène à une actualité brûlante qui là aussi me laisse perplexe quant à cette docilité dont nous faisons preuve quand « l'autorité » et la peur se joignent, comme toujours depuis la nuit des temps, pour nous faire aller là où on veut qu'on aille, mais là aussi c'est une autre histoire…
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critiques presse (1)
Actualitte
09 février 2021
C’est un roman présent en permanence dans notre rayon de littérature japonaise et nous le conseillons toujours autant. À la fois roman d’apprentissage, texte subtil nourri d’une tradition orale, sa version de poche éditée dans la collection Babel est en pile depuis quelques mois à côté de La Peste de Camus.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
De retour à la maison, sa mère lui servit un bol de saké. Il le porta à ses lèvres et fut surpris par l'arôme qui se développa aussitôt à l'intérieur de sa bouche.
Après en avoir bu une gorgée, sa mère dit avec émotion :
- C'est de la bonne qualité. Je n'en ai jamais bu d'aussi bon. Ce n'est pas la même chose quand il est fait avec du riz.
Le liquide était épais, et une vague de chaleur se répandit dans son corps. Il se sentit tout ragaillardi.
- C'est au printemps de l'année prochaine que papa va revenir... J'espère qu'il sera en bonne santé, dit-il à sa mère.
Elle se tourna vers lui :
- Ne sois pas idiot, bien sûr qu'il reviendra en bonne santé. Ton père est solide, il ne risque pas de tomber malade, lui répondit-elle d'une voix forte.
Isaku prit une gorgée de saké. Il voulait être un pêcheur accompli pour le retour de son père. Il voulait être fort, être capable de soulever facilement un sac de riz.
L'ivresse le gagnait et tout se mit à tanguer devant ses yeux. Il termina son saké d'un seul coup et, titubant, alla s'affaler sur sa natte. Il plongea aussitôt dans un profond sommeil.
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Sur le rivage, il voyait des femmes, des vieillards et des enfants, le dos courbé. Quand le calme revenait après plusieurs jours de tempête, on trouvait beaucoup d'algues et de coquillages à ramasser. Il arrivait parfois que viennent aussi s'échouer des morceaux d'épaves, des fruits ou des fragments d'objets usuels, portés par les flots. Sa mère se dépêcha d'aller les rejoindre.
Un petit bateau flottait sur la mer. Contrairement à la nuit précédente, il n'y avait pas de vent, et
l'étendue d'eau était paisible sous le pâle soleil. Il entreprit de mettre le bateau de son père à l'eau. Il le tira sur le sable puis, les pieds dans l'eau froide, le poussa vers le large. Quand il prenait la rame, il pensait toujours à son père. La poignée en était lisse, et à la pensée que c'étaient les paumes de son père qui l'avaient façonnée ainsi, il avait conscience de sa présence à ses côtés.
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[...] ... La visite des bateaux, en évitant aux villageois de mourir de faim, était l'événement le plus heureux qui pouvait arriver, au même titre qu'une campagne de pêche exceptionnelle ou une bonne récolte de champignons ou autres végétaux dans la montagne, mais ailleurs, pour les gens des autres villages, c'était un crime passible des châtiments les plus extrêmes. Sans ces naufrages, le village aurait disparu depuis longtemps, laissant la place à une côte inhospitalière semée de rochers. Les naufrages avaient permis à leurs ancêtres de survivre sur cette terre, et les villageois se devaient de perpétuer la tradition.

Ils croyaient que l'âme des défunts partait loin dans la mer, et qu'après un certain temps, comme elle n'avait aucun autre endroit pour aller, elle revenait s'installer dans le ventre d'une femme enceinte. Isaku était bien décidé à quitter le village le moins possible quand il serait marié, et à perpétuer la tradition afin que les âmes ne soient pas désorientées.

Il pensait de temps en temps à sa propre mort. Son corps serait incinéré, ses cendres enterrées. Son âme quitterait le village pour s'en aller vers le large. Puis, après un long voyage, il arriverait enfin à l'endroit de la mer où se rassemblaient les âmes des villageois. Elles constituaient un village au fond de la mer, où tout était clair et transparent. Les plantes aquatiques y formaient une forêt ondulante, et les rochers étaient couverts de coquillages nacrés.

Des bancs de petits poissons phosphorescents aux reflets mordorés nageaient qui, lorsque le poisson de tête faisait volte-face, faisaient demi-tour d'un seul coup. Cela ressemblait au spectacle des flocons de neige tombant dru.

Le fond de la mer était toujours calme, et la température de l'eau constante. Les âmes étaient habillées de vêtements transparents comme des méduses, et leurs cheveux étaient lumineux. Leur visage brillait d'un éternel sourire et elles ne parlaient pas. Elles étaient aussi livrées au profond sommeil de la mort. Parmi elles se trouvaient sa grand-mère dont il n'avait qu'un vague souvenir, et sa petite soeur Teru qui était morte un an plus tôt, un peu avant le Nouvel An. Les autres qui se tenaient derrière étaient sans aucun doute celles des ancêtres. ... [...]
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La mort d'un homme, sur le moment, attristait la famille et le reste du village, mais on croyait au retour des âmes et on se résignait vite. La vie était un don des dieux et des bouddhas, et quand venait la mort, l'âme humaine partait aux confins de la mer, pour ensuite revenir dans le ventre d'une femme afin de revivre dans le corps d'un bébé. La mort n'était pour l'âme qu'une période de profond repos précédant son retour, et les villageois croyaient que se lamenter trop longtemps troublait la paix de l'âme du mort. Dans le cimetière, on dressait les pierres tombales et les stûpas face à la mer pour favoriser le retour des âmes au village.
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Isaku avait entendu parler des terribles châtiments qu'ils encouraient. Ils risquaient d'être ligotés et promenés, puis crucifiés la tête en bas et éviscérés à coups de lance. On disait aussi qu'on était crucifié après avoir eu les membres sciés. Si on apprenait qu'ils avaient pillé la cargaison d'un navire et battu à mort des matelots, on leur ferait certainement subir le même sort.
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