Voilà un joli texte sensible de la part de la grande autrice mauricienne
Nathacha Appanah.
Après une belle introduction pleine de poésie pour évoquer le vol des étourneaux, métaphore des mouvements et des migrations que tant de peuples connaissent aujourd'hui, l'autrice évoque la mémoire de ses arrières-arrières-grands-parents, dont elle a retrouvé la trace par hasard.
« Il y a trois fiches aux archives de l'immigration indienne à l'institut
Mahatma Gandhi, à l'Île Maurice. Ce sont celles de mes trisaïeuls et de leur fils, mon arrière-arrière-grand-père. Elles attestent de leur arrivée à Port-Louis, capitale de l'île qui est alors une colonie britannique, le 1er août 1872. »
Cent ans avant sa naissance, l'autrice redécouvre donc que ces « engagés indiens» ou ces »coolies »- c'est comme cela qu'on les nomme, et elle s'étonne que cette appellation ne soit pas plus connue – ont quitté leur village natal de Rangapalle, pour le port de Madras, et ensuite, selon une longue traversée, ont débarqués sur l'île Maurice.
Commence alors le récit des descendants de ceux-ci, jusqu'à la vie de ses propres grands-parents, qu'elle a bien connue. Une vie faite non pas d'esclavage (bien que se voyant doté d'un numéro en arrivant) mais bien de servitude auprès du maître pour qui la famille travaille dans les champs de canne à sucre.
Avec un très bel hommage à ce grand-père qui était à la frontière des traditions : d'un côté le respect à ses ancêtres indiens, avec leurs coutumes et leur art de vivre (notamment culinaire) et de l'autre l'intégration dans les traditions mauriciennes pour mieux s'assimiler à ses voisins.
Ce Grand-Père courageux s'opposa une fois à son contremaître, à juste titre, mais cela lui valut à lui et à son épouse enceinte un bannissement hors de la communauté à laquelle il appartenait dont il ne se remettra jamais. L'autrice verra toujours dans le comportement de ce grand-père qu'elle aimait beaucoup les traces de cet affront et les meurtrissures qui en résultèrent pour sa femme et ses descendants.
Beaucoup plus tard Nathacha sera incitée à oublier les coutumes ancestrales, à cultiver la langue locale, et ne saura plus grand-chose de ces traditions dans lesquelles ont baigné ses ancêtres : un cas fréquent de souhait d'intégration pour ses enfants, au détriment de la perpétuation de la transmission.
L'EXIL. Un thème central, dont on n'est pas prêt d'avoir fini de parler.
Un beau récit sensible et plein de tendresse donc pour les ancêtres de
Nathacha Appanah, qui a trouvé sans doute sa vraie patrie : la littérature.