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EAN : 9782843379253
250 pages
Anne Carrière (12/10/2018)
4.02/5   30 notes
Résumé :
Un soir, au Palais, Élise Arfi, jeune avocate commise d’office, voit arriver sept Somaliens hagards et menottés. Ils sont accusés de piraterie, du meurtre d’un navigateur français et de la prise d’orage de sa femme. Le sort attribue à l’avocate la défense de Fahran, le pirate n° 7.
La gravité des faits est indiscutable. Mais tout, dans cet acte de justice, prend une tournure dérangeante.
Bien que mineur, Fahran est jugé comme un adulte. Il ne comprend ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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L'auteure, Elise Arfi est commise d'office pour assurer la défense de Farhan, jeune pirate somalien accusé d'avoir participé à l'attaque d'un bateau de plaisance dans lequel un français a été assassiné.
Bien qu'il n'y ait pas d'état civil en Somalie, Farhan est sûr de n'avoir que 16 ans, deux expertises concluent cependant à sa majorité.

« Si la chambre de l'instruction a décidé que Farhan était majeur, c'est donc qu'il l'est. Fi de ses déclarations. Fi de la science. »

C'est donc en adulte que le jeune homme sera incarcéré et jugé.
Une fois les faits exposés, l'auteure s'attarde sur la relation qui se noue entre un détenu et son défenseur.
Dans le cas de ce garçon démuni, peinant à aligner deux mots de français elle décide de s'investir à fond.
Elise Arfi a bien souvent l'impression de se battre contre des moulins à vent, démunie face à la complexité des magistrats, de l'administration pénitentiaire et autres médecins experts, elle en vient parfois à douter de sa vocation.

Voir la descente aux enfers de son jeune client lui est une véritable souffrance.
Même si ce jeune homme a participé à un acte criminel, je me suis surprise à éprouver une forme de compassion pour la vulnérabilité du jeune condamné face au rouleau compresseur de la machine judiciaire.
Elise Arfi nous propose un texte tout en pudeur pour parler de son métier et de ces difficultés.

Une lecture intéressante par les questions qu'elle pose, mais douloureuse et souvent oppressante pour le lecteur.

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Voilà un récit que j'ai trouvé très intéressant et extrêmement dérangeant… Avocate par vocation, Élise Arfi est commise d'office pour défendre un de ces pirates somaliens dont on parlait si souvent dans la décennie précédente. Fréquemment, à cette époque, des Somaliens arraisonnaient un bateau de plaisance, capturaient les passagers, parfois en tuaient certains, et demandaient une rançon pour d'autres. Bref, l'horreur.

Élise Arfi explique au début de son récit qu'être avocate commise d'office se révèle pour elle un choix et un honneur. On ne peut en douter quand on voit son extraordinaire implication pendant les quatre années de procédure et même après. le cas dramatique qu'elle nous raconte ici concerne un tout jeune homme, Fahran, qui a été capturé par la marine espagnole en même temps que six autres pirates somaliens. Leur culpabilité ne fait aucun doute : ils ont tué un homme et pris sa femme en otage.

Et là, on entre dans un monde inconnu, déroutant et révoltant. Comment la France a-t-elle pu décider unilatéralement que ces Somaliens devaient être jugés en France ? Comment les experts qui ont examiné Fahran ont-ils pu affirmer qu'il était majeur alors qu'il n'avait que 16 ans ? Comment un ado qui ne parle pas un mot de français, qui a rarement mangé à sa faim, qui s'étonne qu'on lui serve trois repas par jour, qui s'extasie devant l'accès à l'électricité dans sa cellule, pourrait-il comprendre ce qu'on attend de lui ? Qu'il s'agisse du système judiciaire ou du système carcéral, on a du mal à croire à tant de bêtise, tant d'incompréhension, tant de fermeture d'esprit, tant d'inhumanité, tant d'absurdité. Et que dire du comportement de certains médecins ?

Je sors de ce récit frustrée et en colère, mais que dire après avoir lu ça ? Bravo. Bravo et merci à Élise Arfi d'avoir gardé courage malgré les difficultés, les coups bas, le délitement progressif de la situation, les mensonges, les embûches multiples, l'incohérence, l'inhumanité et la brutalité du système ainsi que l'accablement, la maladie et la dépression de son client… Bien sûr que des réformes sont nécessaires, mais ce bref récit laisse peu d'espoir…

Merci au Grand Prix des lectrices de Elle et aux éditions Anne Carrière pour ce livre.
Challenge multi-défis 2019, #74
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La justice a tranché », « décision de justice », « secret de l'instruction », « vice de procédure », la plupart du temps lorsque j'entends parler de justice, je me la représente comme un grande machine implacable, froide, sans visage. Dans Pirate n°7, la justice est au contraire incarnée, vivante, humaine car au delà de l'affaire qui est racontée, se dessine le portrait d'une avocate commis d'office. Cette dernière n'oublie pas son affaire en enlevant sa robe noire. Au contraire, pendant 4 ans, elle va porter à bout de bras la vie d'un jeune homme, ce pirate n°7.

Peut-être a-t-elle outrepassé son rôle, franchi une frontière (je me demande si dans la formation d'avocat, des règles de « juste distance » entre client et avocat sont enseignées comme pour un psy et son patient) mais comment défendre avec force et conviction quelqu'un sans s'impliquer réellement à moins d'être dans un jeu d'acteur quasi schizophrène ?

Cette justice elle porte aussi le visage de Fahram. On aimerait le classer dans les méchants, les mauvais (il a attaqué, avec 6 autres somaliens, un navigateur français et sa femme en pleine mer), celui qu'on désigne par un numéro, un xsd (parce qu'il ne parle pas français ?).
Le priver ainsi de nom et de prénom n'est pas la première violence qu'on lui fait subir ?evenant sur son parcours, Elise Arfi écrit :

Mes parents étaient médecins, et avocat, c'était tout de même nettement moins bien.

Plus j'avançais dans ma lecture, plus j'ai vu un lien évident entre ces deux métiers : la vie humaine est, dans les deux cas, en jeu.

Pirate n°7, à travers un cas particulier, pose des questions essentielles sur la prison, acceptée par la société comme unique solution de réparation.Elise Arfi rappelle la surpopulation carcérale, l'état de délabrement, de manque d'hygiène de certaines prisons, le suicide de détenus (et le sentiment d'impuissance qui en découle). de temps en temps, la presse se fait l'écho de rapport alarmiste sur l'état de prisons françaises mais avez-vous déjà vu une mesure quelconque les concernant dans un programme électoral ?

Pirate n°7 est un cri, un immense cri face à l'injustice et un livre qui donne envie de crier de rage à son tour. Injustice sociale car Fahram est né dans le « mauvais » pays (la Somalie est un pays très pauvre), cela précipitera son destin. Injustice de traitement, Fahram devrait être jugé comme un mineur mais la justice s'entête à penser qu'il est majeur (s'appuyant sur des expertises qui s'écrouleront par la suite).

Non seulement on refuse à cet adolescent un prénom et un nom, mais sans lui demander son avis, au cours de sa détention provisoire, il subit une ablation de poumon. A partir de ce moment là, ses crises d'angoisse redoublent, ses délires cauchemardesques aussi. Fahram s'enfonce, il fait plusieurs tentatives de suicide, mais l'organisation pénitentiaire reste muette, ne répondant pas aux multiples lettres de son avocate. le sentiment d'injustice, il naît aussi de l'indifférence moutonnière et bureaucratique de fonctionnaires.

Je me souviens que lorsque j'étais bibliothécaire, devant l'affolement de certains collègues dans certaines situations, j'avais coutume de dire, qu'il n'y avait pas, dans notre boulot, d'urgence vitale. Ici, si !Elise Arfi n'est pas avocate par hasard, le moins qu'on puisse dire est qu'elle a le sens de la formule. J'avais envie de noter une phrase sur deux et cela m'arrive très rarement (jamais ?) en dehors d'une fiction. Impossible de ranger Pirate n°7 dans ma bibliothèque et de passer à autre chose. J'ai pris une grosse claque en lisant cet essai découvert grâce au Grand Prix des Lectrices Elle.

Que devient Fahram aujourd'hui ? Peut-il vivre sans séquelles après cela ? La fameuse résilience permet-t-elle de s'affranchir du passé et d'apprendre à vivre sans entraves ni privations ?
Lien : http://www.chocoladdict.fr/2..
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Alerte coup de griffes !
Je sais que mon avis sera minoritaire mais tant pis, ce livre m'a plongé dans une telle colère que j'ai besoin de l'écrire malgré tout.
Le récit du procès de Fahran, pirate somalien arrêté avec 6 autres compatriotes, pour le meurtre d'un navigateur français et la prise d'otage de son épouse, est pour moi le prétexte pour l'auteure à une charge contre la justice française. Avec une ironie froide, Elise Arfi pointe du doigts les magistrats et les policiers, sans aucune nuance. Et elle va même plus loin, pointant du doigt l'ensemble des fonctionnaires, trop zélés, bureaucratiques, sans aucune compassion. C'est avec ce genre de généralités que l'on en vient à décrédibiliser le service public et ses agents, en niant la réalité : le manque de moyen, les contraintes hiérarchiques, les heures qui s'enchaînent. Parce que, non, les fonctionnaires n'ont pas plus de vacances que les autres comme peut le penser son entourage.
La situation dans laquelle Fahran se trouve est révoltante, et bien évidemment la question des prisons en France est un immense problème. Tout comme celui des violences policière où de la prise en charge des non francophones. Mais en quoi un livre à charge comme celui-ci peut-il apporter un début de solution ? D'autant plus que le sous texte est violent : la justice française est raciste. Ce sont des blancs nantis face à des noirs pauvres. Les escortes qui touche un salaire bien plus faible qu'un avocat seront ravis de se voir traités de nantis, surtout en prenant en compte les heures supplémentaires non payées et non récupérées. Parce que c'est ça aussi la réalité de la fonction publique en France.
Je suis peut-être stupide mais je crois encore en la justice de mon pays, qui contrairement à beaucoup d'autres où les avocats mènent l'enquête, met le juge d'instruction au coeur du processus qui instruit à charge et à décharge.
Il y a un passage que je trouve aberrant. Ses collègues doivent la dissuader d'évoquer le fait que les victimes auraient agi de manière inconsidérée en naviguant au large de la Somalie. Elle le dit elle-même, on peut faire le rapprochement avec ce qu'on dit à une victime de viol : vous n'auriez pas dû vous promener avec une jupe aussi courte. Oui, c'est bien là le problème. On en oublierai presque dans cette version du procès qu'un homme a été tué puis jeté à la mer et que sa femme a été prise en otage...
Pour ce qui est de Fahran, j'ai l'impression que dans ce livre, il est dépossédé de son histoire, je n'entends pas sa voix. Il est caché derrière les effets de manche de son avocate qui veut faire de son parcours un symbole. Mais est-il consentant ? Est-il d'accord avec l'image qu'on donne de lui dans ce livre ?
En bref, le doigt d'honneur lancé par l'avocate à la chambre de l'instruction au début du livre, je l'ai pris pour moi. Je suis sûrement trop corporate, en plus d'être zélée, bureaucratique et sans compassion...
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Grand Prix Elle 2019 Relecture de mars.

« En 2011, la sécheresse s'abat sur la Corne de l'Afrique, provoquant une famine qui tuera, selon les estimations, 260 000 personnes, pour la moitié des enfants en bas âge. La piraterie maritime est à son faîte au large des côtes somaliennes. Les affaires médiatisées du Ponant et du Carré d'As, dans lesquelles des Français ont été séquestrés sur leur voilier voguant dans les eaux territoriales somaliennes, ont déjà été jugées devant la cour d'assises de Paris. l'e golfe d'Aden est infesté de ces néo-pirates, qui prennent la mer avec leurs embarcations de fortune, lourdement armés, allant à l'abordage de tout type de navire, pour voler, piller et, si possible, capturer des otages susceptibles de rapporter une forte rançon. Les cerveaux et bénéficiaires de ces expéditions, qu'aucune enquête ne se donnera jamais les moyens d'identifier, sont bel et bien au sol, en sécurité. » 8 septembre 2011 : 9 pirates somaliens attaquent le catamaran d'un couple, le mari est abattu, la femme sauve. Lors de l'assaut de la marine espagnole, 2 des pirates sont tués, les 7 autres seront transférés en France pour une GAV de 96 heures. Elise Arfi « hérite » du N°7. Avocat commis d'office. X SD = X se disant Fahran Abchir Mohamoud, pas de papiers donc pas de preuve. On simplifie par XSD. Oui il est coupable. Jugé dans un pays dont il ne connaissait même pas l'existence. Imaginez un martien qui débarque sur notre planète et pour lequel nous ne lui fournirions aucun de nos codes. Au départ il y a le problème de la langue, un interprète lui est assigné mais c'est un pour combien de détenu ? Puis il y a aussi la nourriture, les postures, les attentes d'un minimum de comportement en société. Tout cela N°7 l'ignore, il ne sait pas qu'il doit se lever pour aller chercher son plateau repas, donc il ne mange pas. Comment peut-on imaginer tout ce qui n'est pas évident pour lui ? Il se dit mineur, les experts le déclarent majeur. Là ce n'est pas le lecteur, mais le citoyen que nous sommes qui glisse inexorablement dans un monde kafkaïen, et d'une inhumanité sordide. L'interprète soulève le problème de ces prisonniers : ils sont pauvres matériellement mais plus encore intellectuellement. Ce n'est pas les dénigrer, juste constater. Alors ? Cela doit-il conduire à ce diagnostic ; « Selon le psychiatre, Fahran est atteint de schizophrénie, en raison d'une décompensation causée, selon toute vraisemblance, par le choc carcéral. » le but est qu'il ne soit pas jugé seul, mais avec tous les autres, le travail s'engage : « Il va falloir stopper l'affect, bloquer tout mécanisme de chantage. La procédure est ce qu'elle est : je suis ton avocat. Je te l'explique. Restons-en là. » Pour l'avocat c'est 4 ans ½ d'un labyrinthe administratif-judiciaire. C'est long. Pour Fahran ces mêmes années sont exponentielles dans une non-vie. L'image des détenus nourris, logés, blanchis vole en mille morceaux : tout est payant et l'addition est encore plus lourde que les euros demandés. La seule question qui se pose à l'exposé des faits est : Comment peut-on laisser notre système faire d'un coupable une victime ? C'est là le noeud du problème car les jurés ne jugent plus la même personne. Quelle est la valeur du verdict ? Ce récit est celui d'un huis-clos kafkaïen tellement loin de ce que l'on peut imaginer, que le lecteur passe par toute la gamme de sentiments pour finir bouleversé par ce duo improbable, lui a la vie « sauve », elle ne sera plus la même c'est incontestable.

©Chantal Lafon-Litteratum Amor 24 février 2019.
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critiques presse (1)
Actualitte
20 novembre 2018
Un titre laconique pour un récit d’une intensité déroutante, qui met en exergue la rigidité du système judiciaire et pénitentiaire français face aux vies qu’il écrase dans son fonctionnement quotidien.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Mais rien ne ressemble à ce dossier, et personne ne ressemble à Farhan, venu tout droit de sa crasse, de sa misère, de l'autre bout du monde, d'un pays interdit, dangereux, où personne n'ose mettre un pied, pour atterrir ici, au cœur de Paris, dans ce palais de justice historique, entouré de Blancs bien éduqués, bien nés, qui, à l'aune de notre Code pénal, vont devoir lui faire comprendre à quel point il est un individu pourri, amoral, foutu et dont tout le monde se fout — tout ceci dans le cadre du respect des droits de la défense, bien entendu. (p. 29)
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C'est grâce à Foucault que j'ai compris l'avènement de la « prison-châtiment », qui substitue à la peine physique une peine morale, censée guider vers l'amendement et, à terme, vers la réinsertion. Ce que la prison ne fait pas du tout. Enfermer deux, trois, parfois quatre personnes vingt heures sur vingt-quatre, dans des cellules d'une dizaine de mètres carrés, sans hygiène ni intimité, ne permet pas l'introspection, le retour sur soi, la repentance, dont on voudrait nous faire croire qu'ils donnent un sens à la peine. (p. 58)
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Je plaide le plus calmement possible. Il ne faut pas perdre de vue que, à emportement égal, un avocat sera perçu comme un ténor, tandis qu'une avocate passera pour une hystérique. (p. 118)
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Auprès de Fahram, je suis autre chose qu’un avocat. Certes, je le suis dans ses rapports avec l’administration pénitentiaire et les magistrats, c’est ainsi que je me présente, que je fais l’interface, mais entre nous, je deviens peu à peu, un substitut affectif et bientôt le témoin de son enfer.
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xsd est la déshumanisation maximale de celui qui n’a pas de nom officiel dans une procédure pénale et dont le patronyme ne peut être appréhendé par l’autorité.
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