Question à 1 000 dollars : Qui est Paul Benjamin, pseudonyme sous lequel est paru son unique roman dans la mythique collection à la couverture en forme de faire-part de deuil inversé ?
Indice : La trilogie new-yorkaise l'a rendu mondialement célèbre ; il est mort le 30 avril 2024 à Brooklyn.
Comme c'est le cas pour de nombreux écrivains, la carrière de
Paul Auster n'a pas connu un démarrage sur les chapeaux de roue. En 1979, alors qu'il traverse une période difficile après son divorce d'avec sa première épouse, que son père décède brutalement et qu'il est désargenté, il écrit
Fausse balle, publié pour la première fois en 1982 aux Etats-Unis puis en 1992, traduit par Gallimard dans la Série noire.
Autre question, personnelle celle-ci, qui restera sans réponse :
Paul Auster a-t-il pensé dans un moment de découragement littéraire, comme de nombreux candidats à l'écriture, qu'il est plus facile d'écrire un roman policier... plutôt que de la « vraie » littérature ? Rien ne m'autorise à l'affirmer, j'en reste donc au stade d'une hypothèse qui me chagrine toujours un peu.
A contre-courant, j'ai choisi
Fausse balle pour y aller de mon petit hommage au grand homme, la mort d'un écrivain coïncidant souvent avec le besoin de lire ou relire ses oeuvres. C'est l'histoire de
George Chapman, une étoile montante du base-ball, vite redescendu sur terre après un accident qui l'a amputé d'une jambe. Mais comme Chapman sait rebondir, même sur une seule jambe, il a réussi à bâtir une seconde carrière en publiant le récit de son expérience. Quand certains problèmes qu'il ne peut raconter à la police s'annoncent, il fait appel à Max Klein, détective privé, pour les résoudre. Une grande partie de l'intrigue se déroule à Irvingville où les exécutions au sein de la pègre ne sont pas considérées comme des meurtres. Elles font partie du folklore local comme le feu d'artifice du 4 juillet ou le bal de la police ; on ne les résout pas, on les ignore. C'est à peu près tout. Max est l'archétype du privé, vivant seul dans un appartement-placard, officiant dans un bureau-mouchoir de poche tapissé de reproductions de la Tour de Babel de Bruegel... Bien sûr, il a divorcé de sa femme qui ne supportait plus ses absences et la dangerosité de son travail ; bien sûr, il est cynique ; bien sûr il possède un charme ravageur ; bien sûr il a de l'humour ; bien sûr...
Bien sûr et c'est le problème. Si j'ose dire (pourquoi n'oserai-je pas ?), Paul Benjamin/
Paul Auster a parfaitement intégré tous les codes du roman policier. Il les restitue comme une leçon bien apprise.
Fausse balle est donc un roman scolairement parfait, tous les ingrédients sont bien dosés, l'écriture est recherchée. Il se lit aisément, mais pour qui pratique un peu le monde du noir, il est sans surprise. Les évènements s'enchaînent selon un plan pré-établi, pré-normé jusqu'à un épilogue attendu. Pas la moindre petite surprise ni aspérité, tout est calibré, lisse. A part cet aspect académique,
Fausse balle contient de nombreux thèmes constitutifs de la future oeuvre de
Paul Auster : New-York, le base-ball, la judéité, l'immigration, le hasard et les coïncidences, sans oublier son style aux métaphores parfois étincelantes et son humour pince-sans-rire, qui transcendent les arbitraires classifications littéraires en genres et sous-genres. RIP !