oui, les animaux sont là, mais parfois leur rôle n'est même plus prétexte mais citation furtive au détour d'une des phrases du petit texte mis sous leur nom. Parcours, cheminement en petits éclairs, sur une vie d'homme, la vie d'un quartier naissant et déclinant, d'une entreprise (le bâtiment de la Direction) se développant, dévitalisée peu à peu pour autres activités et lieux plus lucratifs.
Et, à travers des notations aussi gaies que l'est notre temps, le petit goût du bonheur qui demeure sous-jacent, qui attendrit les portraits, les situations, les rapports malgré la lucidité mordante du regard, et qui passe souvent par les animaux comme les pigeons nichés dans le bâtiment qui projettent leurs images sur l'écran de l'ordinateur devenu inutile.
Et toujours la précision poétique du regard.
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C’est pareil pour les palettes, ajoute l’homme, il a fallu qu’on en emprunte à l’atelier d’à côté. À charge de revanche quand ils seront dans la merde. Les assemblés hochent la tête, la secrétaire réprouve l’utilisation de gros mots, mais un des types de la logistique acquiesce : c’est vrai, c’est pas avec les deux palettes d’imprimés qu’on reçoit par an qu’on aurait pu allumer le feu. Alors on regarde les flammes, les banderoles, les tracts qu’on distribue, mauvais rêve dont on se croyait à jamais à l’écart, à l’abri sous l’appellation bienfaisante de Direction, pièces d’un puzzle qu’on ne voyait qu’à la télé, des ouvriers et des pneus qui brûlent, des slogans musclés, on se croyait à l’abri de toute cette violence, pleurniche la secrétaire
On remarque maintenant d'autres congénères, bec jaune et robe noire habituelle, sautillant de la même allure, jabot gonflé, joyeux. Se sentant observé, le merle blanc s'est enfoncé dans les feuillages, à l'arrière des buissons. Il est maintenant dans l'ombre, toujours mobile et dansant, on devine l'éclat blanc d'une rémige, la courbe du dos derrière l'entrelacs des branches.
Paysage au ras du sol. Le sable tout d'abord, petits grains irréguliers, démesurément grossis devant le regard, éclats de silex aux bords irréguliers comme des rochers miniatures, galets ovoïdes d'à peine un millimètre. Des couleurs aussi, crème, bistre, ébène, corail, l'ensemble mêlé, entassé, superposé, cailloux infimes et gris, limon translucide, graviers minuscules.
C'est l'hiver où tout va de travers. La maison reste noueuse comme un vieux cep, mais devient nerveuse aussi comme une ramure nouvelle. Le jardin autrefois rectiligne, non pas austère, mais vivant, garde encore le soleil au coeur des arbres pendant les années qui suivent un été de canicule. Le bois, devenu dur comme de la pierre, se fend en longs déchirements lugubres.
On a un bureau rien qu'à soi maintenant ; c'est une promotion, on est fier... On doit faire un nouveau travail cependant. Un chef va venir expliquer. Ce seront des mots encore, sans doute nouveaux, entreprenants, énergiques, audacieux ; on aime, on attend. Mais rien ne vient
Thierry Beinstingel vous présente son ouvrage "Dernier travail" aux éditions Fayard. Rentrée littéraire automne 2022.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2639258/thierry-beinstingel-dernier-travail
Note de musique : © mollat
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