C'est par ses travaux sur la relation de l'homme à son milieu , qui transforme le monde tout en se désignant comme extérieur à la nature, que le géographe
Augustin Berque s'est fait connaître, formulant une des propositions contemporaines les plus originales de la géographie. Il s'agit donc d'un ouvrage qui permet au lecteur non averti de découvrir une oeuvre axée sur « l'écoumène », c'est à dire la "terre habitée" (en grec oikoumené).
A. Berque est un des penseurs de la mésologie, science des relations des organismes vivants avec leur milieu. Cheminant dans l'espace et le temps, il nous montre qu'à force de s'abstraire de la réalité de différentes manières, en un système complexe mais déchiffrable, à force de déployer une propension à produire et à aménager, loin d'un positionnement contemplatif, nos sociétés ont fait de la terre un monde inhabitable et même mortifère pour le vivant.
La manière d'habiter le monde est révélatrice de la nature d'une emprise, et décisive pour les paysages et pour les habitants. le vécu mondialisé de l'espace, les modalités modernes de prise en compte et de captation de l'espace et des ressources se concrétisent par une dévoration urbaine de la nature. Il nous faut donc réfléchir sur notre tendance à investir les espaces naturels pour habiter loin des villes, tout en dilatant les formes urbaines que l'on voulait fuir dans des lieux auparavant préservés. C'est ainsi que la campagne est engloutie dans un urbain sans limite, et qu'une ville globale dominante présente partout le même faciès. Entre Orient et Occident, dans les pas de l'auteur, nous comprenons que l'urbanisation de la nature est un fait mondial et que le rêve d'un habitat idéal, porté et décuplé par les déplacements individuels motorisés, nous a conduit à une artificialisation annihilant les extraordinaires différences des milieux naturels et des écoumènes. Je remercie Masse Critique de m'avoir offert cet ouvrage que je considère comme un élément important de ma bibliothèque de géographie et d'écologie.