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EAN : 9782070206964
408 pages
Gallimard (13/12/1960)
4.1/5   5 notes
Résumé :
Daniel Solospin, dernier rejeton d'une famille bourgeoise de Trieste, grandit dans l'atmosphère fiévreuse qui baigne la ville au début du siècle. Il y contracte le goût secret de la mort, l'incapacité de vivre, tandis que son père essaie d'oublier la montée des périls qui menacent l'Europe en se réfugiant dans le plaisir. Daniel, puritain et solitaire, se trouve mêlé à la préparation d'un complot contre l'archiduc François -Ferdinand de Habsbourg. Un médecin humanis... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Depuis un mois, je suis plongé en pensées à Trieste, j'ai fait deux présentations sur son histoire à mon cours d'italien, j'ai lu ou relu des livres d'Italo Svevo , Claudio Magris, Boris Pahor et enfin Enzo Battiza avec ce roman le fantōme de Trieste que m'avait conseillé Valérie Lambert.

Ce roman a une base historique, Il se déroule à Trieste, entre le début du XX ème siècle et la veille de la première guerre, alors que la ville fait encore partie de l'empire austro-hongrois et que le mouvement irrédentiste aspire à l'en détacher.

Il nous relate la vie de Daniel Solospin, issu d'une riche famille de la ville mais sur son déclin. Orphelin de mère, élevé par une nourrice dalmate, personnage tourmenté, indécis, et ce dès la petite enfance, malade, sujet à des crises nerveuses. il fréquente un groupe d'irrédentistes italiens ayant le projet d'attenter à la vie de l'Archiduc d'Autriche.

Les contradictions de la ville de Trieste, toute son ambiguïté, ville de frontières aux influences italiennes, autrichiennes et slaves se retrouvent chez le protagoniste et ceux qui l'entourent. Daniel est un personnage complexe, tiraillé même devant le projet d'attentat.
Les autres personnages sont intéressants : le père dont le caractère est à l'opposé de celui de son fils, il est bon vivant, sympathique, aimant les femmes, le Docteur Janovitch slave modéré, la nourrice, personnage important qui éduque Daniele dans sa langue, l'entraîne aux célébrations orthodoxes, lui donne une part slave, il y sera très attaché et souffrira lors de sa mort. de très nombreux autres personnages interviennent comme dans un roman russe : Renato Cossovel, Ugo Solospin, Rico Pfeffer, tous jouent un rôle important et donnent à ce livre une grande densité.

J'ai été frappé de découvrir dans ce roman sa filiation évidente avec La conscience de Zeno d'Italo Svevo, publié trente ans plus tôt : on y retrouve la psychiatrie, une analyse très poussée de la conscience du protagoniste et de nombreux thèmes communs: la maladie, l'inadaptation, l'indécision, la vieillesse.

L'histoire nous est transmise tant par le narrateur que par des fragments de l'autobiographie de Daniel.
le roman a suscité des controverses lors de sa sortie car il osait ternir l'action des irrédentistes italiens, le personnage de Stefano Narden est d'ailleurs l'incarnation de Guglielmo Oberdan, organisateur d'une tentative d'assassinat de l'empereur, considéré comme un martyr par de nombreux Italiens.

le roman exige du lecteur de l'attention et de la concentration de par sa densité, sa plongée dans les pensées contradictoires du protagoniste, et le nombre d'intervenants. Ces efforts trouvent leur récompense dans la satisfaction d'avoir découvert un livre de valeur.
J'ai souligné sa filiation avec La conscience de Zeno de Svevo, il ne m'a pourtant pas autant enthousiasmé que celui-ci, sans doute parce que Svevo a l'art de distiller beaucoup d'ironie ce qui contribue à alléger son récit.





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Nous sommes au début du siècle dernier, à Trieste, encore dans l'empire autro-hongrois qui tire sur sa fin. Trieste, ville de mélanges, de cultures diverses, de strates superposées, d'identités mêlées est au centre du récit, autant que le personnage principal, Daniel. Ce dernier est l'ultime rejeton d'une riche famille bourgeoise, mais l'appétit débridé de vivre du père de Daniel est progressivement en train de mener l'entreprise familiale à la faillite. L'enfant, puis le jeune homme, est fragile, extrêmement sensible, peu porté à l'action. Il rencontre à un moment un groupe d'irrédentistes projetant un attentat contre l'archiduc François-Ferdinand, et cela malgré un réel manque de convictions politiques de la part de notre héros.

C'est un étrange livre, entre réalité et fantasmes, peuplé de personnages irréels et fantasque, et qui baigne en permanence dans une ambiance onirique. La mémoire de Daniel est habitée par des morts et des fantômes, ceux de sa mère et de sa nourrice tout spécialement. Tout dans son univers familier semble maladif et malsain, y compris son père, qui sous l'apparence d'un bon vivant poursuit une fuite en avant suicidaire. C'est terriblement fin de siècle, un monde et des personnages arrivés au bout d'un cycle lancent leur dernière danse.

C'est sans conteste un bon livre, je n'ai néanmoins pas été totalement convaincue, ces ambiances crépusculaires, ces personnages perdus, je les ai déjà trouvé ailleurs, et parfois d'une manière plus convaincante.
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Ce roman se situe en 1914, il se situe à Trieste, ville, port_ franc de la monarchie austro_hongroise, ville aux confins du monde slave avec notamment les Slovènes, les autrichiens et les italiens dont certains font preuve d'irredentisme mais pas seulement puisque c est un jeune slovène italianisant qui tentera de tuer l'archiduc autrichien.
Enzo Bettiza décrit admirablement cet enchevêtrement de langues, de nationalités, de frustrations, de demande de reconnaissance qui aboutiront à la fin de l empire austro hongrois et la guerre de 14.
C est un des meilleurs livres que j ai lus ces derniers temps, les héros sont tellement attachants entre ce père qui court à près la vie de façon féroce et son fils Daniel qui ressent très jeune une attirance pour la mort etun refus de vivre.
Ce n'est pas la peine de développer l'intrigue tant elle est fascinante dès la première page.
A LIRE ABSOLUMENT
Quel dommage que seul ce livre est été traduit, j'aimerais tant lire Exils mais non traduit à ce jour de l italien
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L'ancienne monarchie austro-hongroise comportait un nombre incalculable de peuples, langues, religion qui globalement vivaient en bonne entente malgré la poussée des nationalismes.

Cette diversité culturelle a donné lieu à production artistique hors que Claudio Magris a si bien raconté dans son chef d'oeuvre Danube. Trieste, aujourd'hui en Italie, était le port de haute mer de la double monarchie. on y côtoyait des italiens, mais aussi des autrichiens, des slovènes, des chrétiens catholiques orthodoxes, des juifs, on y parlait de multiples langues.

Enzo Bettista a écrit ce superbe roman de la montée du nationalisme, de l'irrédentisme dans une ambiance de déclin et décadence, de la ville et de ses commerces. On sent venir l'effroyable première mondiale. Ce roman puissant dit ces choses avec une force littéraire exceptionnelle, dans un rythme dense, lent, grave. il est exigeant pour son lecteur qui ne peut se permettre une lecture rapide, en survol ou distraite. Écrit à la fin des années 50 du XXe s, on le croirait sorti d'une bibliothèque des années 80 du XIXe. Une oeuvre rare.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Comme si le cerveau de Pfeffer avait soudain perdu le contrôle des diverses parties de son corps, les pauvres membres abandonnés à eux-mêmes frémirent un long moment, puis brusquement se contorsionnèrent follement comme si la douleur mystérieuse qui les traversait faisait l'effet d'une décharge électrique : le malheureux, convulsé autour de sa canne à la façon d'une anguille enroulée autour du harpon, grimaçant pour s'excuser , tentait fébrilement, inutilement de stopper le mal qui passait, en poussées féroces des tibias aux reins, des reins aux coudes, des coudes aux genoux, des genoux aux chevilles. Telles des aiguilles magnétiques, assemblées dans les points les plus sensibles du corps, les jointures attiraient cette douleur étrange, insaisissable, qui se déchaînait par surprise, se déplaçait avec une vitesse impressionnante. Et ce jeu de cachette entre l'homme et la douleur était tellement en dehors des règles normales de la souffrance qu'elle inspirait à Daniel tous les sentiments possibles, hormis la pitié. Quand la douleur dégénère en manifestations convulsives et incontrôlées , elle irrite souvent le spectateur et excite en lui, par réaction contraire, l'impression cruelle du comique et du grotesque. Le fait que, malgré ses spasmes qui devaient être atroces, Pfeffer était vêtu élégamment avec ces souliers reluisants, cet impeccable complet marron, cette chemise de soie, cette cravate vert foncé qui, même dans les convulsions , demeurait en place sans un faux pli, tout cela conférait au tragique spectacle un cadre glacé comme celui qui entoure un mort rasé, fardé, décoratif dans son cercueil sous son vêtement des grandes occasions. Janovich lui-même, qui était médecin, paraissait calme et patient. Mais la scène eut un épilogue plus rebutant encore.
Brusquement, après une dernière et très longue convulsion, le Maître Pfeffer fit un bond inouï, sa canne lui échappa des mains et il vint retomber à genoux sur le gravier au pied de la paroi rocheuse qui adossait le jardin à la colline. Il demeura ainsi quelques secondes comme assommé. Puis, avec un sursaut nerveux dont on ne l'eût pas cru capable, il se releva et, vacillant sur ses jambes, ses deux mains s'affairèrent convulsivement autour de la braguette de son pantalon qu'il déboutonna sans pudeur devant sous ; il fit un pas vers le mur et finalement, le corps arqué, les épaules frémissantes, le cou tendu en avant comme une cigogne, il se mit à uriner, poussant tandis qu'il urinait un long sifflement de soulagement .
Zarutti avait détourné les yeux, Cossovel gêné s'efforçait de sourire Cyrille et Méthode se regardaient médusés.
Le docteur Janovich s'approcha doucement de Daniel et le vouvoyant comme dans les moments solennels, il lui chuchota :
- Veuillez excuser mon hôte, je vous prie , c'est aussi mon client ....Il souffre d'une maladie, d'une très grave maladie....

Pages 133/134 - syphilis
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La mort était revenue rôder autour de lui ; et il avait réagi par une sorte de stupeur aveugle, une étrange réticence à s'abandonner aux larmes et aux scènes qui eussent été plus que naturelles chez un enfant de son âge. D'autre part, cette mort et plus encore peut-être cette résistance passive à la douleur l'avaient définitivement éloigné des autres passagers du Spreafico et surtout de son père. Ainsi, d'une façon encore obscure et confuse avait-il commencé à s'apercevoir qu'il se comportait vis-à-vis de la souffrance comme un altéré en face d'un verre de feu. Il souffrait de l'impossibilité d'étancher sa soif dans les flammes plus que de la soif elle-même. Le monde brûlant de la douleur l'attirait comme un volcan en ébullition, ruisselant de toutes ces brûlures infernales auxquelles son instinct de conservation cherchait à résister passivement par la torpeur et l'indifférence.

page 74 - suicide de sa nourrice
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Autant l’Histoire, l’Histoire avec une majuscule, paraît tous comptes faits, presque raisonnable, presque immuable et irréprochable, autant la chronique quotidienne qui prépare et engendre cette Histoire dans le désordre, nous semble irrationnelle, interchangeable, imparfaite.
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Car la mémoire est partiale et elle est partiale parce que trop sensible. Telle un compteur Geiger, elle va à la recherche des centres radio-actifs d'un fossile sans vie, les isole comme des syllabes lumineuses dans un obscur contexte, puis les exalte, les rassemble, les déduit, grâce à cette logique posthume qui possède - ainsi que je le disais - la rare habileté de transformer le hasard en destin.
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—- Une comédie... une erreur ? Un sosie de l’Archiduc ? Eh bien, que m’importe à moi ? Je ne dois pas savoir, je ne dois même pas me demander si l’Archiduc qui arrivera en voiture sera le vrai ou un faux Archiduc. Je ne dois penser qu’à mon geste... Ah! ah ! ah ! Dis-moi, Cossovel, t’es-tu jamais rendu compte que ce n’est pas le cadavre de l’Archiduc qui compte, mais le mien ? Car je vais jeter mon cadavre à la face de l’Autriche et de l’Italie ! Je veux que l’Autriche prenne peur et que l’Italie rougisse de mon inutile courage... Voyez à quelle misère en est désormais réduit notre irrédentisme...
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