Je ne vois que rarement deux fois le même film, je ne lis que rarement deux fois le même essai, le même roman... alors que dire d'avoir lu
Enjoy, de
Solange Bied-Charreton, consécutivement deux fois ? A ne lire que des auteurs du passé ou quasiment, tout comme ce pauvre Charles Valérien dans le roman, passerais-je à côté d'une bonne littérature ?
Anne-Laure, second centre du récit, estime qu'un ouvrage se doit d'être "contre l'époque" pour être bon et pourtant, si je lis peu de littérature contemporaine c'est parce que peu d'auteurs savent parler de l'époque, justement ! Alors la lecture s'enlise, on baille, on se dit qu'un bon livre, finalement, c'est celui qu'on garde à son chevet et qui remplace avantageusement le somnifère ou l'anxiolytique. Enfin bref on se fait chier, à l'exception notable de quelques auteurs dont vous découvrirez les noms si vous lisez mes autres fiches de lecture, allez au boulot !
Avant de rédiger cette critique, j'ai donc lu deux fois
Enjoy. La première fois sous le coup de l'agréable surprise, la seconde avec un plaisir littéraire non dissimulé. Puis je suis parti en quête des critiques de
Enjoy et des romans de
Solange Bied-Charreton, de-ci de-là et, cela va sans dire, sur le Web et les réseaux sociaux. C'est comme ça que je suis tombé sur une critique de l'inénarrable
Juan Asensio qui s'intitule le Stalker d'
Asensio ou Gérard qui s'essaie à la critique... ou quelque chose dans ce genre. J'avoue mon dépit à la lecture de ladite critique que, du reste, je crois ne pas avoir terminé. Elle flottait sur son blog lorsque je la perdis de vue... c'était juste avant de tirer la chasse d'eau. "Bordel mais comment on peut aussi peu parler d'un roman en rédigeant une soit-disant critique dessus, me suis-je demandé ?" La bafouille d'
Asensio parlait bien plus de ses propres turpitudes que du roman en question, c'est tout du moins ce que je percevais ! Et puis quel débit, quelle masse de travail, régurgité de façon régulière et métronomique... était-ce pour fidéliser son parterre de criticaillons maudits ? J'eu le net sentiment de tomber dans un milieu pseudo-interlope comme qui dirait pour faire instruit, mais surtout dans un monde de semi-habiles où l'on s'entre-touche dans l'espoir de se faire bandouiller. A une époque où tant de personnes rêvent d'écrire tandis qu'il y a de moins en moins de vrais lecteurs, j'ai trouvé que cette besogne tombait complètement à côté de la plaque et la critique du roman de Solange avec... enfin bref je m'égare.
Enjoy, c'est de la vraie littérature. Je me renseigne sur Wikipedia au sujet de Solange comme ce mesquin de Charles Valérien au sujet de Rémy Gauthrin et j'apprends que l'auteure a écrit là son premier roman, à l'âge de 30 ans. Les bras m'en tombent : comment peut-on avoir une telle maturité à un si jeune âge pour écrire quelque chose de si subtil ? Il n'y a guère que
Michel Houellebecq qui m'a fait une impression supérieure mais il avait quarante balais ou presque lorsqu'il a rédigé son premier grand roman, le gonze ! Bien sûr, je ne vous cacherai pas qu'en matière de maturité tardive, je suis mon propre référentiel... on dit aussi que les femmes y parviennent plus tôt que les hommes, on le dit, oui... et pour continuer sur des considérations genrées, notons que
Solange Bied-Charreton se met dans la peau d'un personnage masculin avec un succès certain, sauf peut-être sur sa sexualité, moins pulsionnelle que ne peut l'être celle d'un homme en réalité. Là je peux vous en parler, je suis dans ma zone de confort : rien ne ressemble plus à un homme qu'un autre homme, c'est pourquoi l'intérêt qu'ils se portent reste en général assez limité sauf cas d'homophilie avérée, tandis que la femme reste ce territoire inconnu et fascinant à explorer... mais je m'égare encore.
Solange Bied-Charreton parvient donc, tour à tour, à nous étonner, à nous surprendre, à nous caresser l'âme de ses mots comme seule une femme auteure est capable de le faire. Elle parvient aussi à nous mettre mal à l'aise selon des effets scénaristiques réussis qu'on ne voit pas venir, bref à impressionner l'imaginaire et la mémoire. C'est tout à fait remarquable car peu d'auteurs en sont capables et j'en reviens à la pauvreté de l'actualité littéraire. Allez, j'arrête-là et pour conclure : formidable découverte que ce roman de
Solange Bied-Charreton que je conseille sereinement à tout amateur de belle littérature et, pour ne rien gâcher, de littérature qui parle pleinement de son époque.