![]() | Albucius 28 août 2013
Quant à la matière chaotique, elle n’aurait pas dû reparaître au XIXe siècle. Il n’a jamais existé, il n’existera jamais l’ombre d’un chaos nulle part. L’organisation de l’univers est de toute éternité. Elle n’a jamais varié d’un cheveu, ni fait relâche d’une seconde. Il n’y a point de chaos, même sur ces champs de bataille où des milliards d’étoiles se heurtent et s’embrasent durant une série de siècles, pour refaire des vivants avec les morts. La loi de l’attraction préside à ces refontes foudroyantes, avec autant de rigueur qu’aux plus paisibles évolutions de la lune. Ces cataclysmes sont rares dans tous les cantons de l’univers, car les naissances ne sauraient excéder les décès dans l’état civil de l’infini, et ses habitants jouissent d’une très belle longévité. L’étendue, libre sur leur route, est plus que suffisante pour leur existence, et l’heure de la mort arrive longtemps avant la fin de la traversée.. L’infini n’est pauvre ni de temps ni d’espace. Il en distribue à ses peuples une juste et large proportion. Nous ignorons le temps accordé, mais on peut se former quelque idée de l’espace par la distance des étoiles, nos voisines. L’intervalle minimum qui nous en sépare est de dix mille milliards de lieues, un abîme. N’est-ce point là une voie magnifique, et assez spacieuse pour y cheminer en toute sécurité ? Notre soleil a ses flancs assurés. Sa sphère d’activité doit toucher sans doute celle des attractions les plus proches. Il n’y a point de champs neutres pour la gravitation. Ici, les données nous manquent. Nous connaissons notre entourage. Il serait intéressant de déterminer ceux de ces foyers lumineux dont les sphères d’attraction sont limitrophes de la nôtre, et de les ranger autour d’elle, comme on enferme un boulet entre d’autres boulets. Notre domaine dans l’univers se trouverait ainsi cadastré. La chose est impossible, sinon elle serait déjà faite. Malheureusement on ne va pas mesurer de parallaxes à bord de Jupiter ou de Saturne. Notre soleil marche, c’est incontestable d’après son mouvement de rotation. Il circule de conserve avec des milliers, et peut-être des millions d’étoiles qui nous enveloppent et sont de notre armée. Il voyage depuis les siècles, et nous ignorons son itinéraire passé, présent et futur. La période historique de l’humanité date déjà de six mille ans. On observait en Égypte dès ces temps reculés. Sauf un déplacement des constellations zodiacales, dû à la précession des équinoxes, aucun changement n’a été constaté dans l’aspect du ciel. En six mille ans, notre système aurait pu faire du chemin dans une direction quelconque. Six mille ans, c’est pour un marcheur médiocre comme notre globe, le cinquième de la route jusqu’à Sirius. Pas un indice, rien. Le rapprochement vers la constellation d’Hercule reste une hypothèse. Nous sommes figés sur place, les étoiles aussi. Et cependant, nous sommes en route avec elles vers le même but. Elles sont nos contemporaines, nos compagnes de voyage, et de là vient peut-être leur apparente immobilité : nous avançons ensemble. Le chemin sera long, le temps aussi, jusqu’à l’heure des vieillesses, puis des morts, et enfin des résurrections. Mais ce temps et ce chemin devant l’infini, c’est un tout petit point, et pas un millième de seconde. Entre l’étoile et l’éphémère l’éternité ne distingue pas. Que sont ces milliards de soleils se succédant à travers les siècles et l’espace ? Une pluie d’étincelles. Cette pluie féconde l’univers. C’est pourquoi le renouvellement des mondes par le choc et la volatilisation des étoiles trépassées, s’accomplit à toute minute dans les champs de l’infini. Innombrables et rares à la fois sont ces conflagrations gigantesques, selon que l’on considère l’univers ou une seule de ses régions. Quel autre moyeu pourrait y suppléer pour le maintien de la vie générale ? Les nébuleuses-comètes sont des fantômes, les nébulosités stellaires, colligées on ne sait comment, sont des chimères. Il n’y a rien dans l’étendue que les astres, petits et gros, enfants, adultes ou morts, et toute leur existence est à jour. Enfants, ce sont les nébuleuses volatilisées ; adultes, ce sont les étoiles et leurs planètes ; mortes, ce sont leurs cadavres ténébreux. La chaleur, la lumière, le mouvement, sont des forces de la matière, et non la matière elle-même L’attraction qui précipite dans une course incessante tant de milliards de globes, n’y pourrait ajouter un atome, mais elle est la grande force fécondatrice, la force inépuisable que nulle prodigalité n’entame, puisqu’elle est la propriété commune et permanente des corps C’est elle qui met en branle toute la mécanique céleste, et lance les mondes dans leurs pérégrinations sans fin. Elle est assez riche pour fournir à la revivification des astres le mouvement que le choc transforme en chaleur. Ces rencontres de cadavres sidéraux qui se heurtent jusqu’à résurrection, sembleraient volontiers un trouble de l’ordre. – Un trouble ! Mais qu’adviendrait-il si les vieux soleils morts, avec leurs chapelets de planètes défuntes, continuaient indéfiniment leur procession funèbre, allongée chaque nuit par de nouvelles funérailles ? Toutes ces sources de lumière et de vie qui brillent au firmament s’éteindraient l’une après l’autre, comme les lampions d’une illumination. La nuit éternelle se ferait sur l’univers. + Lire la suite |