D'Antoine
Blondin, qui était si doué, si drôle, si lucide et si désespéré, que retenir ?
Son goût de l'alcool ? Il avait battu le record du Bar Bac, un bar qui comme son nom l'indique était situé rue du Bac, ouvert jour et nuit, et où il était resté cinquante heures durant - nota : il n'y avait pas bu un centilitre de Limonade...
Son amour de
Roger Nimier, ce frère qui lui avait été donné par miracle et qu'un accident de voiture lui avait enlevé, très tôt, par barbarie ?
Sa difficulté à écrire des romans (il en rédigea cinq, au charme léger, tremblé et délicat), au point que la légende raconte que son éditeur était obligé de l'enfermer dans une résidence pour qu'il les achevât ?
Ou ses innombrables chroniques, données à de nombreux journaux, mais surtout à l'Équipe de Jacques Goddet, pour lequel il suivit, sur une moto l'après-midi, au zinc le soir, et durant 28 années, de 1954 à 1982, le Tour de France ?
Peut-être.
Sans doute.
Blondin y est à son meilleur, qui est d'être là où on ne l'attend pas, sur la selle des maillots jaunes et des porte-bidon, sur les lacets des cols et le long des plaines, dans la foule qui accompagne les coureurs et les frémissements d'une France gaulliste puis pompidolienne, à peine giscardienne, peut-être éternelle, qui se presse sur les talus, sur les parvis des églises, sur les places en retrait dont il se souvient qui les a foulés, hier et avant-hier, héros réels ou de fiction.
Toutes ces chroniques (524 !) sont rassemblées dans Tours de France où, comme il est dit en préambule,
Blondin "décrit des étapes que personne n'a vues". C'est tout à fait ça, qui est le propre de l'écrivain, qui voit ce que nous ne voyons pas et qui écrit un magnifique roman d'effort, de souffrance, de solidarité et de feu, rédigé à chaud, chaque ligne d'arrivée franchie, dans une langue poétique, drôle, érudite, brillante comme un pommeau d'épée du Siècle d'Or.
Merveilleux, unique - et donc cent mille fois mieux que les Tours de France à la télé et (hélas) dans l'Équipe aujourd'hui...