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EAN : 9782823611830
176 pages
Editions de l'Olivier (04/01/2018)
2.9/5   20 notes
Résumé :
Au cours de la restructuration de la grande entreprise qui l'emploie, Janvier est oublié dans son bureau, au fond d'une impasse. Plutôt que de rester chez lui et être payé à ne rien faire, il décide de continuer à se rendre au travail pour y mener, enfin, une vie sans entrave. S'occuper de la plante verte, amorcer une correspondance avec un fournisseur, bénéficier de l'équipement pour s'essayer à la poésie... Mais combien de temps Janvier pourra-t-il profiter des ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Le vrai faux travail
Le monde du travail prend, sous la plume de Julien Bouissoux, une dimension aussi cocasse que dangereuse.

Commençons par lever toute ambiguïté : le titre de ce roman est celui du patronyme du narrateur et non celui d'un mois de l'année. Est-ce un hommage à Simenon? Toujours est-il que la psychologie de ce monsieur Janvier va recourir toute notre attention. Janvier vit seul, employé d'une grande entreprise. Seulement voilà déjà six mois que dans son bureau au fond d'une impasse il «n'avait reçu aucun nouveau dossier. Première étape avant qu'ils ne suppriment son poste, il en était persuadé. Pourtant, les semaines avaient passé, et ce qui n'était à l'origine qu'une hypothèse improbable s'était peu à peu imposé comme une évidence: ils l'avaient tout simplement oublié. Avec les restructurations, les déménagements successifs et les changements d'organigramme, Janvier avait fini par glisser sous le radar, petit point scintillant dont la lueur s'était estompée jusqu'à ce que plus personne n'y prête la moindre attention».
Mais comme il touche régulièrement son salaire, il continue régulièrement à venir au travail. Et comme il lui faut bien trouver de quoi s'occuper, une fois effectuée l'observation de son environnement du sol au plafond et après l'entretien méticuleux de sa plante verte, il feuillette une revue et notamment un article consacré à la Chine, usine du monde.
Il y découvre une photo de la chaine d'assemblage de sa photocopieuse et décide d'écrire à l'ouvrier qui l'a fabriquée : « Cher Wu Wen, D'avance pardonnez-moi si je ne suis pas le premier à vous écrire. Mais j'ai l'impression de ne pas avoir le choix. Quelque chose m'y pousse et ne me laissera pas en paix. Ce matin, chez le coiffeur, j'ai découvert que l'imprimante que j'utilise a été fabriquée par vous, ou du moins qu'elle est passée entre vos mains. Cher Wu Wen, j'ignore quel poste vous occupez dans la grande usine du monde mais – c'est indéniable – quelque chose fonctionne ici grâce à vous. » Un début de correspondance qui va lui ouvrir de nouveaux horizons. En prenant la plume, il se fait aussi poète à ses heures, en imaginant le travail du Chinois, il se voit déjà lui rendre visite. Mais il ne pousse pas seulement la porte d'une agence de voyage, mais aussi celle d'une agence immobilière, car il a envie d'un appartement plus petit, comme celui qui donne sur les voies ferrées et qui correspond davantage à ses modestes envies.
Car il s'imagine bien qu'un jour son aventure de salarié clandestin prendra fin. Quand arrive Jean-Chrysostome, un ex-collègue, il croit bien que c'est pour lui signifier la fin de la récréation. Mais il n'en est rien. Ce dernier lui offre simplement de partager son bureau le temps de retrouver du travail. Une belle occasion pour Janvier de montrer combien il est devenu un as de la simulation.
On l'aura compris, derrière la fable sociale, c'est la notion même de travail qui est ici interrogée. On pourra aussi y voir une illustration de la deshumanisation grandissante de nos sociétés où l'humain est relégué au rang de numéro, où la digitalisation, le rendement, la robotisation finissent par rendre possible de tels «oublis». Tel Don Quichotte, Janvier serait le grand pourfendeur de ce système, à la fois aussi inconscient et aussi idéaliste que le héros de Cervantès.
Bien entendu le pot aux roses va finir par être découvert, mais je vous laisse vous délecter des conséquences de la chose.
Julien Bouissoux a réussi, avec délicatesse et tendresse, à mettre le doigt sur les dérives d'un système et à démontrer par l'absurde que l'humain reste… humain, c'est-à-dire imprévisible et capable de se transformer et de s'adapter. Dérangeant au départ, Janvier s'avère au final plutôt réjouissant et toujours très divertissant.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Que fait-on lorsque, à l'occasion d'une énième restructuration de l'entreprise multinationale dans laquelle on occupe une fonction « de soutien » dans un petit local perdu au fond d'une impasse, il se trouve qu'on a été... oublié ? Voilà ce qui arrive à Janvier, seul dans un bureau isolé en compagnie d'une plante qu'il soigne, d'un téléphone muet, d'une photocopieuse en veille. Pourtant il vient chaque matin, culpabilisant de recevoir chaque mois un salaire pour prix du néant, compensé par son assiduité sans but.

La situation est absurde mais le roman ne l'est pas. Janvier est un petit homme triste, paroxysme de relativité. Il est mesure, rationalité, contentement, les choses lui conviennent, le temps est plutôt doux ce matin. Toute son existence est à l'avenant. Mais de malheur aucun ! Il mène une vie d'une neutralité satisfaisante que sa place d'atome (désormais invisible) dans la puissante machinerie sociale confortait et sécurisait.

La situation nouvelle de Janvier lui est vertige : être l'oublié lui offre une immense liberté, terrifiante, qu'il va saisir avec précaution et parcimonie, domptant page à page les limites de son propre bocal.

La sobriété de l'écriture permet au récit de se dérouler avec retenue, une certaine langueur, en évitant toute condescendance et invitant imperceptiblement à apprécier Janvier, moins avec envie de le plaindre que de le pousser un peu plus au Monde. Son regard devient attachant.

Reste, en refermant ce court récit, la puissance d'un contraste qui fait celle du roman : la sincère simplicité d'un homme qui n'éprouve en tout instant qu'une humanité virginale, face à la déshumanisation caricaturale de l'entreprise qui l'a... bêtement oublié.
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C'est un livre assez spécial où le rire est amer.
Janvier est un quarantenaire qui se voit oublié par sa société devenue multi-nationale . Son salaire lui est versé toutes les fins de mois, mais il est seul dans son local au fond d'une impasse et plus aucun mail ou document ne lui parviennent. Il se résout à cette nouvelle vie de bureau et s'invente une routine personnelle.
Il ressort de ce livre une immense solitude et une atmosphère Kafkaïenne de la vie de Janvier.
J'étais prise par la lecture mais aussi assez plombée. Car l'écriture de ce livre est faite de légèreté mais le fond est aussi sombre que le fond d'un puit.
Drôle de livre…
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Voyage en absurdie. Un employé ne reçoit plus de dossiers à traiter, mais continue à être rémunéré, il va donc tous les jours au bureau, une annexe oubliée dans une impasse.
Payé à ne rien faire – le rêve pour certains. Il va s'occuper de sa plante, (tenter d') écrire des poèmes, lire de A à Z tous les méos qu'il reçoit, entreprendre une correspondance avec un ouvrier chinois, etc.
Tout à coup un ancien collègue passe quelques jours à son bureau le temps de chercher un nouvel emploi – notre anti-héros fait alors semblant de travailler.
Finalement un jeune stagiaire découvre un espace locatif non utilisé…

En deux mots, pas passionnant pour un sou, pas de réelle réflexion sur le sens du travail. En espérant qu'il n'y aura pas de février.
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Janvier, notre antihéros, travaille pour une multinationale. Il se retrouve d'abord relégué dans un bureau au fond d'une impasse, puis ne reçoit plus de travail, plus de contacts, plu d'attention, mais comme il continue à être payé, et bien il continue à venir aux heures habituelles sans faire de vagues, à arroser la plante verte, à rêvasser en contemplant une heure, écrit deux-trois poèmes…Ce Bartleby involontaire des temps modernes continue à appartenir au monde du travail par le seul biais de son bulletin de salaire et de sa présence inutile.

Cela laissait envisager une critique acerbe du monde du travail, mais il y a là une certaine platitude, une insignifiance, sans doute plus ou moins volontaire, et il manque cette pique géniale, ce rebondissement inattendu, cette pointe d'humour, cette fin mordante que j'ai attendus tout du long. N'est jamais arrivé le roman à message que j'avais espéré. Ce livre a la même sagesse pépère que Janvier qui continue indéfiniment à se pointer à l'heure.
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critiques presse (1)
LeMonde
16 février 2018
Claro trouve juste les revendications au droit de ne rien faire au travail de Julien Bouissoux.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Édouard hocha la tête. Il observa l'homme qui, à quelques décennies d'écart, aurait pu être son double mais qui, sans doute, même si chaque existence résiste à la lisibilité, ne l'était pas.
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C’était un lundi et Janvier remarqua que ses cheveux avaient poussé. Il attrapa une mèche et tira dessus pour voir jusqu’où elle allait. Il pensa: "Il faut que j’aille
chez le coiffeur. Peut-être samedi", et puis il se reprit, presque étonné de cette pensée qui venait de surgir: et s’il y allait maintenant? Lundi était le jour de fermeture
de son coiffeur, mais il en connaissait un autre, juste en face de l’arrêt de bus et à côté de cette vitrine dans laquelle il avait lu la veille "Voyagez hors-saison: 50% sur toutes nos destinations". Était-ce le salon de coiffure ou l’agence de voyages? Le monde était rempli de nouvelles possibilités. Le cœur de Janvier se mit à battre.
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« Cher Wu Wen,
D’avance pardonnez-moi si je ne suis pas le premier à vous écrire. Mais j’ai l’impression de ne pas avoir le choix. Quelque chose m’y pousse et ne me laissera pas en paix. Ce matin, chez le coiffeur, j’ai découvert que l’imprimante que j’utilise a été fabriquée par vous, ou du moins qu’elle est passée entre vos mains. Cher Wu Wen, j’ignore quel poste vous occupez dans la grande usine du monde mais – c’est indéniable – quelque chose fonctionne ici grâce à vous. » Janvier se relut, attendit. Le paragraphe suivant ne venait pas. Il en conclut que cela suffisait pour le moment.
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Six mois que Janvier n’avait reçu aucun nouveau dossier. Première étape avant qu’ils ne suppriment son poste, il en était persuadé. Pourtant, les semaines avaient passé, et ce qui n’était à l’origine qu’une hypothèse improbable s’était peu à peu imposé comme une évidence: ils l’avaient tout simplement oublié. Avec les restructurations, les déménagements successifs et les changements d’organigramme, Janvier avait fini par glisser sous le radar, petit point scintillant dont la lueur s’était estompée jusqu’à ce que plus personne n’y prête la moindre attention; les quelques employés qui avaient eu affaire à lui avaient été mutés ou remplacés par des plus jeunes. Personne ne se rappelait l’existence de ce bureau situé dans une impasse loin du siège acheté lors d’un creux de l’immobilier d’affaires et où l’on avait délégué une des innombrables activités de soutien de la firme, activité de soutien dont on venait de perdre la trace à l’occasion du dernier redécoupage.
Janvier le savait. Un jour quelqu’un pousserait la porte de cette ancienne boucherie et emporterait la lampe halogène, les classeurs métalliques, les deux fauteuils, la plante verte. Quelqu’un muni d’un papier où tout serait décrit: les numéros de série, le modèle d’ordinateur. Une lettre de licenciement suivrait, ou précéderait avec un peu de chance.
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Les désirs sont comme des trains. On peut les prendre ou les regarder passer. Les prendre c'est se retrouver embarqué vers un ailleurs pas forcément souhaitable, les regarder passer, c'est se permettre de rêver un peu en préservant un équilibre que tout, déjà menace.

..., il aimait bien avoir quelqu'un de sympathique avec qui discuter... mais il éprouvait une nostalgie grandissante pour tout ce que sa présence l'empêchait de faire et en premier lieu : rien.

Mon arbre généalogique est un tronc.
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