Un recueil de nouvelles tout en originalité.
Original parce qu'il contient trois groupes de nouvelles : trois groupes pour trois thèmes évoqués.
Original parce qu'un fil relie toutes les histoires, les unes aux autres : le lieu, une maison modeste dans un faubourg de Dublin. Un décor, toujours le même, le même mobilier, le même environnement, la même disposition des lieux et le même jardin avec le même rosier jaune et le cytise qui ferait pâlir d'envie le soleil...
Une maison comme un personnage à part entière qui se contente d'abriter, de regarder les êtres qui s'y débattent, et qui essayent tout simplement d'y vivre en toute quiétude.
Maeve Brennan a certainement passé son enfance en Irlande dans une maison qui ressemblait énormément à celle décrite au fil des récits.
La première partie du recueil raconte, d'une certaine façon, cette enfance : des souvenirs ponctuels vus à travers les yeux d'une petite fille fantasque et intrépide d'une dizaine d'années. Tout, au premier regard, y est insouciance mais si on se rapproche, si on écoute davantage, la misère, la solitude des êtres, le poids d'une religion sur les actes d'une vie sont finalement la trame des récits. La vie s'écoule douce parce que la famille est soudée, une mère aimante, un père présent - même s'il doit se cacher à une certaine époque à cause des ses convictions politiques - une fratrie envahissante mais tellement nécessaire pour vivre.
Les deux autres parties du receuil vont évoquer deux couples. le récit est plus imaginaire, moins autobiographique à ce qu'il semble.
Deux couples que les convenances obligent à une certaine lâcheté dans l'attitude. La religion, arme de bienséance et d'obligations et les convenances d'une vie sociale, remparts sur lesquels on s'appuie pour ne pas dévier, enferment les êtres dans une existence qu'ils voudraient tant bousculer, peut-être pour revenir, aussitôt, à un présent pas si différent, mais également pour avoir la sensation d'avoir été maîtres d'un destin qui leur échappe, au moins une fois.
Ils sont seuls, perdus dans leurs pensées et pour cela ils sont centrés sur eux-mêmes, égoïstes, rendant l'autre responsable de leur état de mélancolie et de désarroi, de leur inaptitude à vivre en toute sérénité, s'ils apprenaient seulement à apprécier le peu qu'ils possèdent.
Ils ne s'aiment pas, et si une flamme de sentiment les a un jour caressés, ils ont oublié, pleins de rancoeur à cause de la présence de l'autre, à cause de ses habitudes, de ses manies...pour le regretter quand l'autre les quittera, mais la vie aura passé et ils l'auront gaspillée même s'ils ne s'en rendront jamais compte, ni responsables.
C'est un recueil très sombre pour les deux parties imaginaires. En lisant, notre coeur se serre devant cette incompréhension qui habite une maison où il faudrait si peu pour vivre dans la joie. On espère qu'ils vont comprendre que se parler serait tellement plus simple que de se taire et ressasser. Mais non, ils ne le feront pas parce que leur fierté les en empêche, ils préfèrent se dire qu'ils sont dans le bon chemin - même s'ils ont encore la lucidité de se questionner à ce sujet, quotidiennement - plutôt que de communiquer, quitte à faire trembler cette petite maison, certes, mais pour reconstruire un destin commun lumineux comme le cytise du jardin.
Mesquinerie et faiblesse, cruauté et mépris, jalousie et prétention, autant de sentiments qui s'accrochent à ces récits, rendant la lecture éprouvante mais ensorcelante comme elle peut l'être sous la plume de cette écrivaine talentueuse.
Juste un mot pour la préface de
William Maxwell qui nous parle si bien, en préambule de la personnalité, de
Maeve Brennan.