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EAN : 9782021483086
272 pages
Seuil (03/02/2023)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Au soir d’une vie consacrée à l’exploration de l’âme humaine, Freud affirme que ceux qu’il désigne comme « animaux supérieurs », qui ont notamment connu une période de dépendance dans l’enfance, ont le même appareil psychique que l’homme. Cette affirmation est rendue possible grâce à une conception du psychisme plus profonde que celles qui lient inconscient et langage. Elle fait appel à l’histoire de l’évolution et pense une commune condition des êtres vivants, nés ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Vous devriez passer à Mortagne au Perche. Y rester deux ou trois jours. On y trouve une concentration stupéfiante d'antiquaires, de brocantes (attention, ils ne sont ouverts qu'en fin de semaine) et de bars à vin (aux heures d'accueil bien plus généreuses, ouf !). de petites enseignes délicieusement tendance pour Parisiens mis au vert. Des ruelles escarpées, de bonnes tables et la librairie le Goût des mots. Je n'ai jamais vu un espace « sciences humaines » aussi intelligemment garni. La place étant réduite, les sections le sont aussi mais parmi les quelques dizaines d'ouvrages, de « psychologie » à « sciences sociales », de « philosophie » à « politique », il n'y a que de l'excellent. Tout Mona Chollet, du Charles Stépanoff, du Philippe Descola, de quoi se constituer une bonne bibliographie antilibérale, une solide réflexion sur le vivant. de ces librairies où vous passez des heures à retrouver vos vieux amis les auteurs, vous réjouissez de les voir à côté d'autres potes et furetez jusqu'à faire la connaissance d'un de ceux que ce sympathique voisinage vous aura poussé dans les bras : L'inconscient des animaux donc.

Ou la question de savoir si on doit vraiment en rester à considérer les animaux comme des machines ainsi que nous y invitent tant Descartes que bon nombre de scientifiques cogniticiens épris de tests en laboratoire et autres dispositifs faisant la part belle au behaviorisme. Ou si, embrassant une conception phénoménologique de tous les êtres, on peut relire certains écrits de Freud, de ses continuateurs et poser l'existence d'une psyché animale. D'un inconscient bien plus largement partagé que celui que, dans sa suprématie égotique, se réserve l'homme présomptueux. A la manière de formuler de ma question, vous devinez où réside la thèse de Florence Burgat.

Ceux d'entre vous qui se rappellent la saine colère qui m'a animée durant ma lecture des Mémoires d'un chat me disculperont de toute accointance avec l'anthropomorphisme. Il ne s'agit pas de prêter à son chiwawa des problèmes de phobie scolaire ou de voir chez son poisson rouge une fixation délétère au stade anal. Mais de porter son attention sur les similitudes existant entre les autres animaux et l'espèce particulière qu'est le genre humain. Capacité à éprouver de la souffrance via des expériences vécues. Existence d'un ensemble de données pas immédiatement présentes à l'esprit mais mobilisables (instincts, reconnaissance de figures ou de situations) pour adapter son comportement. Et donc inconscientes pour partie. Capacité à se voir traversés de pulsions dont on cherche à atténuer l'excitation par leur apaisement. Rêves. Peurs.

Un long chapitre, assez éprouvant par endroits pour les âmes sensibles à la souffrance animale (les filles vous êtes prévenues) est consacré à la manière dont les sciences contournent ces réalités pour objectiver toujours les animaux, malgré quelques recherches démontrant de manière tout à fait efficace la place que prennent les sensations, les émotions dans leur vie psychique, les similitudes qui existent entre la leur et la nôtre.

Le chapitre « L'inconscient dans l'instinct et la pulsion » synthétise les travaux de Freud sur ce qui sera traduit par « pulsion », les met en parallèle avec ceux de Lorenz qui aura étudié l' « instinct » animal et montre combien proches sont ces deux notions. Des passages passionnants sont consacrés à la ritualisation, tant chez l'homme que chez l'animal.

Enfin, dans un dernier chapitre est abordée la « psychogenèse », autrement dit, cette idée qu'il existe un inconscient sans sujet défini, collectif au sens de Jung, et commun à tous les êtres vivants. Un ensemble archaïque fait de peurs et de séparation bien antérieur, bien plus grand, que notre seule existence d'individu. Un antérieur psychique au corporel. Qui serait en outre mobilisé comme ferment de tout traumatisme ultérieur. Intéressant.

Je me suis d'ailleurs demandé, suivant les réflexions de Georges Viragello dans son Histoire de la fatigue du Moyen-Age à nos jours, si notre sensibilité contemporaine, évoluant vers une exacerbation pour ce qui touche l'individu, son psychisme, sa difficile adaptation à un environnement jugé pénible et épuisant, si notre sensibilité contemporaine donc, n'était pas davantage perméable à cette commune résurgence traumatique archaïque. Si la fracture de plus en plus évidente entre l'homme et le reste de l'existant, n'ouvrait pas une brèche à l'urgence de cette réémergence. Comme une mise en crise collective. Une inadaptation systémique de notre rapport au monde qui s'exprimerait par une capacité épidermique à revivre du traumatique à n'importe quelle occasion qui aurait pu, dû, paraitre anodine dans un environnement moins artificialisé.

Mais pour en revenir à l'Inconscient des animaux, la démonstration générale repose sur une manière didactique de reprendre les principales réflexions freudiennes sur ces questions, de les éclairer à la phénoménologie de Merleau-Ponty. Sans doute que les psychanalystes trouveront l'approche grand public. Les définitions de la pulsion de mort, de l'émergence du symbolisme m'ont paru d'une simplicité univoque sinon suspecte au moins opportunément confortable pour soutenir la thèse. Il n'empêche que ces éclairages permettent une démonstration efficace qui relie nos maux, nos troubles à une nature animale bien moins cérébrale et hors sol que ce que d'autres réflexions nous poussent à faire. Lacan, pour ne rester qu'avec les psychanalystes, n'est pas le meilleur ami de Florence Burgat. Et tous les chercheurs qui atomisent les comportements pour mieux les étudier sont vertement renvoyés dans leurs cordes. D'autre part, cette progression méthodique ouvre le champ à une représentation du monde vivant bien plus homogène, invite à relativiser considérablement la différence de nature que nous aurions avec les animaux et à revoir, de facto, notre manière de les traiter.

En somme, L'inconscient des animaux est une de ces lectures sollicitées par la rencontre avec un lieu, improbables si je m'en étais tenue à mes centres d'intérêts étroits et tout à fait stimulante. Même sans passer par le Perche, je vous la recommande !
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critiques presse (2)
LeMonde
11 avril 2023
Ce socle étant aussi le nôtre, le titre de l’essai ne nous exclut en rien ; c’est au contraire nous-mêmes qui avons tendance à rejeter les animaux dans de lointaines catégories artificielles.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
13 février 2023
Dans une enquête sur la condition animale, “L’inconscient des animaux”, la philosophe Florence Burgat soutient que les animaux souffrent, à la mesure des humains, de maladies psychiques. Une intuition de Freud, creusée ici avec brio.
Lire la critique sur le site : LesInrocks

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